Quand, en entreprise, les outils « de productivité » comme Slack et Teams donnent l’illusion de l’efficacité
« Vous avez 7 564 messages non lus dans 24 canaux. » Nous sommes lundi matin, et comme bon nombre d’employés de bureau, vous recevez ce courriel automatique de l’espace de travail virtuel Slack installé par votre entreprise pour fluidifier les échanges.
Comme la semaine démarre doucement, vous jetez un œil à Trello et Notion, deux applications permettant d’organiser sa to-do list (« liste de choses à faire ») que votre entreprise encourage vivement à utiliser. Vous ouvrez alors le logiciel maison pour réserver une salle de réunion, puis utilisez l’outil de visioconférence Teams pour l’organiser à distance avec vos collègues en télétravail.
Comme vous-même vous télétravaillez deux jours sur cinq, vous avez aussi accès à une application permettant de renseigner si le lendemain vous souhaitez rester chez vous ou venir au bureau, et si vous avez besoin d’un espace collaboratif ou d’une salle au calme. Signe que les salariés sont de plus en plus sollicités, des entreprises leur proposent même d’utiliser des applications de feed-back (retour d’expérience) sur le bien-être au travail, comme Moodwork ou Zest.
Cet exemple n’est pas (totalement) inventé. Depuis la pandémie de Covid-19 et l’émergence du travail hybride dans les entreprises françaises, les salariés se sont approprié de nombreux outils dits « de productivité », dont la majorité étaient encore méconnus du grand public. L’espace de travail numérique Google a été adopté par 10 millions d’entreprises dans le monde, et Slack revendique aujourd’hui 200 000 clients, dont 32 sociétés du CAC 40.
Certains outils, par le biais du texte ou de la vidéo, promettent aux manageurs de gérer leurs équipes à distance ou au bureau. La mutuelle Alan, ancienne start-up qui compte désormais plus de 500 salariés, a fait de l’écrit, et notamment par le biais de Slack et Notion, le cœur de ses échanges. « L’écrit permet que toutes les données soient traçables, que tout le monde ait accès à l’information », explique son DRH, Paul Sauveplane.
Stress et éloignement du cœur de métier
« Au départ, ces outils sont dits “collaboratifs”, mais il peut y avoir des dérives, relève Caroline Diard, professeure associée en management des RH à la Toulouse Business School. L’employeur peut contrôler ses salariés, en sachant qui est connecté. Côté salarié, il y a une augmentation des sollicitations. Et comme les outils sont instantanés, le salarié se contraint à répondre rapidement. »
Peu de travaux ont été menés en France sur le sujet, mais, selon une analyse par le logiciel RescueTime des données de 50 000 travailleurs du savoir américains (rédacteurs, développeurs, chefs de projet) en 2018, un travailleur vérifiait ses outils de communication toutes les six minutes.
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