Pour les routiers « les conditions de travail sont devenues très dures »
GUILLAUME HERBAUT POUR « LE MONDE »
ReportageDepuis le 17 mars, les mesures de confinement imposées par le gouvernement ont vidé les routes de France. Il ne reste plus que les chauffeurs professionnels. Le photographe Guillaume Herbaut a pris la route à bord d’un camion de 44 tonnes, de Paris à Bourges, en empruntant les routes nationales, qui coûtent moins cher.
Quand on quitte la région parisienne en empruntant l’autoroute A6, les voitures disparaissent. Les aires d’autoroute sont silencieuses, les stations-service presque à l’arrêt, et les boutiques n’ont souvent qu’un guichet pour seul accès. Des marquages au sol encadrent les machines à café pour délimiter la distanciation sociale, mais il n’y a personne alentour.
Depuis le 17 mars, les mesures de confinement imposées par le gouvernement ont vidé les routes de France. Il ne reste plus que les chauffeurs professionnels.
Pierre Audet, 47 ans, a passé la nuit dans son camion, garé à la sortie de la ville de Souesmes (Loir-et-Cher), le long de la route départementale D724. Ce matin, il fait sa toilette en utilisant l’eau de son jerrican. « Les conditions de travail sont devenues très dures. Avec la fermeture des restaurants routiers, nous avons moins accès aux sanitaires, et prendre une douche devient compliqué », raconte M. Audet en buvant un café dans la cabine de son 44 tonnes, un camion avec remorque, qui peut transporter 38 palettes.
« La première semaine de confinement, c’était le chaos. On n’avait pas prévu la fermeture des restos. Les parkings étaient bloqués. Et les sanitaires, fermés. On avait vraiment l’impression d’être des pestiférés. » Depuis, la situation s’est un peu améliorée. En Ile-de-France, par exemple, quatre aires de repos ont été ouvertes par la région, le 20 avril, pour pallier le manque de douches et de toilettes.


Pourtant essentiels pour assurer les approvisionnements et éviter toute pénurie alimentaire, les chauffeurs routiers se plaignent également du manque de matériel de protection et de leurs conditions de travail. Certains ont fait valoir leur droit de retrait. Jeudi 7 mai, l’UFR-CFDT, premier syndicat du transport routier, appelle à la grève afin de réclamer des aides pour les salariés « de la deuxième ligne ».
« Les gens ont une mauvaise image de nous. Pourtant sans nous les marchandises ne circuleraient pas. En continuant à rouler, malgré la crainte d’attraper le Covid-19, on participe à l’effort national. Si on ne roulait pas, cela serait la guerre civile. On fait parti des invisibles, essentiels au fonctionnement de la société. Après vingt-quatre ans de carrière, je suis seulement payé 11,20 euros de l’heure. »

Depuis le début du confinement, Pierre Audet prévoit une semaine de nourriture avant chaque départ le lundi. Sur la route, les restaurants fermés défilent, sans que l’on sache s’ils étaient abandonnés avant le confinement, comme les nombreuses boutiques des centres-villes.
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