Pour les jeunes diplômés, difficile d’échapper aux stéréotypes générationnels
Chez les employeurs, les normes associées à la « génération Y » et à la jeunesse sont plus puissantes en France qu’ailleurs en Europe, selon une étude.
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Lorsqu’elle a débarqué sur le marché du travail, début août, avec son double master en ressources humaines et gestion sous le bras, Zoë Dravert était pleine de confiance, pleine d’enthousiasme. Mais sans doute un peu « trop » . « Quand j’ai dit au recruteur que j’avais plein d’idées pour l’entreprise, il m’a soupçonnée d’avoir un problème avec l’autorité, relate la jeune femme de 26 ans avec amertume. Je lui ai répondu qu’on pouvait être à la fois ambitieuse et respectueuse de la hiérarchie. Il m’a dit que je donnais l’impression de n’en faire qu’à ma tête, et que c’était symptomatique des gens de mon âge. » La suite de l’entrevue a été du même tonneau :
« Il m’a demandé si j’étais prête à vraiment m’engager pour l’entreprise, à ne pas compter mes heures. Je suis sûre qu’il n’aurait pas posé la question à quelqu’un de plus âgé. »
Les jeunes diplômés sont-ils prisonniers de stéréotypes qu’on accole à leur génération ? Comment échapper à ces images et ces associations, lorsqu’on ne s’y reconnaît pas ? Tel est l’objet d’une étude publiée en juillet 2019 par Jean Pralong, professeur de gestion des ressources humaines à l’EM Normandie. Le chercheur a suivi les carrières de titulaires de masters en gestion, et interrogé des managers et des cadres des ressources humaines sur leur perception des jeunes diplômés dans l’Hexagone et dans cinq pays européens (Royaume-Uni, Portugal, Suisse, Pays-Bas et Allemagne).
« Individualistes », « trop créatifs »…
Trois stéréotypes sur les « jeunes diplômés » sont ressortis : les jeunes débutant leur carrière aujourd’hui seraient très attachés à l’équilibre vie privée/vie professionnelle, auraient de fortes attentes sur le cadre de travail et seraient difficiles à fidéliser. Ils seraient très individualistes, auraient du mal à supporter l’autorité, ce qui complique leur intégration dans des équipes. Ils seraient très, voire trop créatifs. « Toutes ces croyances sont relativement partagées dans les six pays étudiés. Mais c’est en France qu’elles sont les plus fortes, d’après nos résultats », explique Jean Pralong.
Un des constats de départ de son étude : à compétences égales, selon Eurostat, les jeunes diplômés sont moins attractifs en France que dans les autres pays européens. Les bac + 5 tricolores sont 9,2 % à être au chômage un an après leur diplôme, contre seulement 3,7 % pour leurs homologues du reste de l’Union européenne.
Le chercheur y voit un effet direct des « images négatives » associées aux jeunes en France. « Les caractéristiques supposées des jeunes sont des handicaps à leur insertion. Elles font hésiter les entreprises avant de recruter un jeune diplômé et avant de créer des postes qui leur sont destinés. Elles expliqueraient le choix des CDD comme stratégie de pré-embauche, c’est-à-dire comme moyen de vérifier concrètement qu’un jeune candidat va se comporter de façon adéquate. »