Philippe Askenazy : « La réforme du cumul emploi-retraite repose sur du sable »

La suspension du report de l’âge normal de liquidation des retraites concentre l’attention et cache une vraie contre-réforme glissée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 : un brutal coup de frein au cumul emploi-retraite, qui permet de poursuivre ou de reprendre une activité professionnelle en touchant à la fois sa pension et son revenu d’activité.
Le nombre de personnes actuellement en cumul emploi-retraite est difficile à évaluer. Les systèmes des régimes de retraite peinent à suivre en direct le phénomène lorsqu’un retraité prend une activité dans un autre régime (exemple : une ancienne ouvrière qui vend des créations artisanales en tant qu’autoentrepreneuse). L’enquête emploi en recensait plus de 600 000 en 2023. Mais des travaux récents de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) suggèrent qu’il existe une forte sous-déclaration de leur activité par les retraités. On serait plutôt autour de 1 million.
Le cumul emploi-retraite a été amendé à chaque réforme des retraites. La réforme de 2023 lui a ainsi donné un coup de pouce important en permettant une « recharge » de droits à pension liés à l’activité professionnelle pendant la retraite. Deux ans après, le gouvernement propose un virage à 180 degrés. Si les dispositions qu’il propose sont actées, les nouveaux retraités se situant entre l’âge légal et 67 ans subiraient un écrêtement de moitié au-delà de 7 000 euros annuels, c’est-à-dire qu’ils verraient leur retraite amputée de 1 euro pour 2 euros de revenu d’activité. Il subsisterait de rares exceptions ; par exemple, un ancien magistrat à la Cour des comptes pourrait cumuler le revenu d’activités juridictionnelles vacataires sans limite. Les futurs bénéficiaires d’un départ anticipé pour carrière longue se verront appliquer un écrêtement de 100 % dès le premier euro. Pourquoi une telle interdiction de fait ?
Trois lignes argumentaires
Le gouvernement a repris à la lettre les propositions du rapport 2025 sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale de la Cour des comptes, propositions censées faire des économies. Pour aboutir à leurs préconisations, les magistrats avancent trois lignes argumentaires.
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