« M. Macron souhaite une élasticité à l’allemande »

 Le président demande un renforcement des sanctions et des baisses d’allocations-chômage aux partenaires sociaux. Des exigences inacceptables, estime le négociateur de la CGT

 Un décret annnoncé le 30 décembre 2018 en application de la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a attiré l’attention sur le renforcement des sanctions contre les chômeurs. Il ne s’agit pas seulement de suspendre, et même d’annuler, les allocations pour de prétendus manquements : une redéfinition de « l’offre raisonnable d’emploi » permet d’obliger une personne inscrite à Pôle emploi à accepter à peu près n’importe quel emploi sans référence au salaire antérieurement perçu, voire sans référence à sa qualification.

Au-delà de ces sanctions qui font le mélange entre l’immense majorité des chômeurs et les 0,4 % de fraudes, la nouvelle loi permet au gouvernement de faire rouvrir la négociation de la convention assurance chômage entre patronat et syndicats, un an avant l’échéance. Ainsi, le gouvernement peut aussitôt décider de faire modifier une convention Unédic en cours, ce qu’il s’est empressé de faire par sa lettre de cadrage du 25 septembre 2018 aux organisations siégeant à l’Unédic. Il entend ainsi imposer 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans, soit 1,3 milliard par an sur 37 milliards d’indemnités versées. Cela signifierait une perte moyenne considérable de 3,5 % sur les allocations, pour des personnes dont le revenu moyen est de 1 200 euros par mois.

Mais cette lettre de cadrage vise surtout les travailleurs précaires, celles et ceux dits « en activité réduite », c’est-à-dire 800 000 personnes parmi les 2,2 millions inscrites dans les catégories B et C des chiffres mensuels du chômage. Elle exige de revoir à la baisse le calcul des allocations lorsqu’il y a « cumul » – en fait, alternance – de périodes de travail, généralement en CDD courts, et de chômage indemnisé, de revoir la durée de ce cumul, ou encore sa éventualité même ; par exemple lorsqu’une assistante maternelle, qui peut garder jusqu’à trois enfants, n’en garde plus qu’un ou deux (généralement parce que la famille inscrit son enfant à l’école maternelle).

Destruction des droits

Déjà touchés par des baisses de droits dues aux conventions 2014 et 2017, nombre de personnes pourraient ainsi perdre 10 % à 30 % de leur allocation, soit 100 à 200 euros par mois, voire ne plus bénéficier d’allocations du tout. Ce sont des intérimaires, des extras de l’hôtellerie, des assistantes maternelles, souvent des jeunes ou des personnes poussées vers la sortie avant l’âge de la retraite : une armée de réserve aux contrats de plus en plus courts ou à temps partiel, un volant de précarité à laquelle sont « accros » bon nombre d’employeurs, petits et gros.

Saisie à la source : pas une grande inquiétude pour les retraités

L’Association nationale des retraités (ANR) s’apprête à répondre à leurs questions, après la première contribution, lors des assemblées prévues à la fin de janvier. Le président de l’ANR, Félix Vézier, fait état de leurs questionnements.

« La revalorisation des pensions de 0,3 % avec une inflation annoncée à 1,6 % les inquiète plus que le prélèvement à la source. »
« La revalorisation des pensions de 0,3 % avec une inflation annoncée à 1,6 % les inquiète plus que le prélèvement à la source. » NATHAN ALLIARD / Photononstop

En tant que président de l’Association nationale des retraités, comment envisagez-vous l’entrée en vigueur du prélèvement à la source ?

Nous avons actuellement peu de remontées sur le sujet, mais les remarques sont de trois types. Premièrement, certains retraités regrettent de ne pas avoir pu bénéficier d’une simulation, comme ce fut le cas pour certains salariés. Puis à la fin de 2018 s’est posée la question des pensions de décembre payées au début de janvier et soumises au prélèvement. Certains considèrent que les impôts prennent un peu trop d’avance. Nous leur expliquons que les impôts ne taxent que ce qui est perçu et qu’il n’y aura donc que douze prélèvements à l’année. Enfin, le troisième point intéresse les modalités pratiques et le traitement des employés à domicile.

Il devrait y avoir plus d’interrogations à la fin de janvier, au moment où la première mensualité aura subi le prélèvement à la source – nos adhérents sont essentiellement des fonctionnaires. La fin du mois correspond, par ailleurs, au début des assemblées de l’Association nationale des retraités (ANR) dans les départements, nous préparons donc les délégués en les munissant d’un petit bagage pour répondre aux questions posées sur ce sujet.

Quelles sont les principales inquiétudes des retraités ?

Nous prévoyons des questions sur l’exactitude du montant prélevé, nous allons donc leur expliquer comment vérifier leur taux d’imposition. On les invitera à relever sur leur dernier avis d’imposition le taux de prélèvement indiqué. En le mettant, ils devraient à quelque chose près tomber sur le bon montant. En ce qui concerne les retraités qui sont mensualisés, logiquement le prélèvement sur leur pension devrait être légèrement inférieur à ce qu’ils payaient avant dans la mesure où les prélèvements seront sur douze mois au lieu de dix.

Nous allons de même expliquer le traitement des cas particuliers, par exemple les réductions d’impôts liées à l’emploi à domicile ou autres prestations de ce type : il y a eu une avance versée le 15 janvier par les impôts qui sera régularisée (si nécessaire) avant la fin de l’année en fonction des montants réels.

Pensez-vous que le prélèvement à la source va simplifier la vie des retraités ?

L’information n’a pas été impeccable, loin de là. Mais après quelques mois, les retraités apprécieront d’avoir un budget mensuel relativement stable et de ne pas être obligés de prévoir… En effet, un nombre significatif de retraités paient encore leur tiers provisionnel. Ceux-là devraient trouver dans le prélèvement à la source un réel avantage pour gérer leur budget. Même si avec l’augmentation de la CSG [contribution sociale généralisée], ils sont très préoccupés par les annonces du gouvernement liées à la désindexation de leur pension sur l’inflation. La réévaluation des pensions de 0,3 % avec une inflation annoncée à 1,6 % les inquiète plus que le prélèvement à la source.

 

 

Parcoursup 2019 : comment le supérieur va choisir les lycéens du bac

Les élèves ont peur que le choix des spécialités en première ne limite les orientations possibles.

Les lycéens vont-ils se charger de prendre « la » décision de leur vie en matière d’orientation dès 15 ans ? C’est à cet âge que la majorité d’entre eux se positionne aujourd’hui entre les cursus littéraire, scientifique ou économique, pour ce qui est du lycée général. Mais avec le nouveau bac revisité à l’horizon 2021, l’exercice pourrait se compliquer : les élèves de seconde craignent déjà que leur choix pour la première ne conditionne plus fortement la poursuite de leurs études. A compter de février, ils ont à se prononcer sur les douze enseignements de spécialité qui s’offrent à eux, pour en garder trois en première, deux en terminale.

Les adversaires de la réforme engagée, à débuter par le SNES-FSU, syndicat majoritaire parmi les enseignants du secondaire, s’alarment déjà d’un « tube », ou d’un « silo », enfermant la jeunesse dans des voies toutes tracées encore plus tôt. Derrière cette inquiétude, c’est la sélection opérée par les formations de l’enseignement supérieur qui pose question. Comment les universités vont-elles juger les combinaisons de matières désormais choisies par chacun – en plus du tronc commun – à l’heure de l’admission sur la plate-forme Parcoursup ? Lesquelles de ces combinaisons vont-elles privilégier ? Certains choix seront-ils rédhibitoires ?

« On nage en pleine hypocrisie »

Le gouvernement a beau marteler que les choix de spécialités ne seront pas « prescripteurs » et n’interdiront, en rien, l’entrée dans une formation, il a du mal à déterminer. « C’est la grande ambiguïté de cette réforme : vouloir faire coexister une plus grande liberté de choix [d’orientation] et une mise en cohérence des enseignements[lycée-université] », analyse l’ancien recteur Alain Boissinot. Malgré les confiances données par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, et son homologue à l’éducation, Jean-Michel Blanquer, l’évidence demeure : une réforme faite pour mieux articuler le secondaire et le supérieur et favoriser la réussite en licence ne peut ignorer l’imbrication des deux niveaux.

« Le choix des spécialités sera évidemment utilisé dans le classement des dossiers. Et certaines matières rapporteront forcément plus que d’autres. »

Les responsables de l’enseignement supérieur ne disent pas autre chose, quand on les consulte sur la manière dont ils envisagent de sélectionner ces futurs étudiants venant frapper à leurs portes. « Le gouvernement ne veut pas qu’on annonce clairement qu’il faudra avoir suivi telle ou telle spécialité au lycée pour rejoindre une licence,rapporte un vice-président d’université francilienne. Mais on nage en pleine hypocrisie. Le choix des spécialités sera évidemment utilisé dans le classement des dossiers. Et certaines matières rapporteront forcément plus que d’autres. » Cet universitaire reconnaît simplement que le fonctionnement antérieur n’était pas très différent : il était recommandé de ne pas afficher les filières de bac dans les « prérequis », alors que celles-ci étaient prises en compte.

Les débats du réforme des retraites entre dans le dur

Les débats reprennent avec les syndicats sur un thème déclencheur, l’encadrement de l’âge légal de départ.

Jean-Paul Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites, avec la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le 13 décembre, à Paris.
Jean-Paul Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites, avec la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le 13 décembre, à Paris. Gilles BASSIGNAC/DIVERGENCE

Jean-Paul Delevoye favorise se dire « attentif » plutôt que « serein ». Alors que la concertation sur la réforme des retraites doit reprendre, lundi 21 janvier, dans un climat social tendu, le haut-commissaire chargé du dossier affiche une prudence de Sioux. Les discussions qu’il a engagées depuis la fin 2017 avec les partenaires sociaux entrent dans une nouvelle phase, avec des thématiques particulièrement sensibles à l’ordre du jour.

Les acteurs doivent, en effet, s’incliner sur les « conditions d’ouverture des droits » – formule un peu abstraite qui recouvre l’âge à partir duquel un assuré peut réclamer le versement (ou la liquidation) de sa pension. « On en était à l’apéritif, on arrive au plat de résistance », plaisante Frédéric Sève (CFDT). « C’est le gros morceau, renchérit Philippe Pihet (FO). » Le sujet est potentiellement explosif, comme l’ont montré, en 2010, les mobilisations monstres, mais infructueuses, contre le report de 60 à 62 ans de l’âge minimum pour partir à la retraite.

La question devait, premièrement, être abordée à la mi-décembre 2018, mais en pleine crise des « gilets jaunes », le haut-commissaire a choisi de prendre son temps. Ce moment de répit, assure M. Delevoye, n’aura pas d’incidence sur le calendrier de la réforme : l’ancien ministre de la fonction publique dans le gouvernement Raffarin pense pouvoir présenter ses conseils après les élections européennes de mai mais avant l’été, afin que le projet de loi puisse être adopté d’ici à la fin de l’année. « Si ce n’est pas le cas, ça veut dire qu’il est rangé au placard », pronostique Serge Lavagna (CFE-CGC).

M.Delevoye l’a martelé à plusieurs reprises : l’âge minimum pour terminer sa pension restera fixé à 62 ans, comme Emmanuel Macron l’avait promis durant la campagne présidentielle. « Il n’y a pas de débat là-dessus, confirme Laurent Pietraszewski, député LRM du Nord, qui est pressenti pour être le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale. Nous, parlementaires de la majorité, sommes tous alignés sur cet engagement. » « Je ne vois pas comment ça pourrait être remis en cause, surtout au vu de l’état de la société, à l’heure actuelle », déclare Alain Griset, le président de l’Union des entreprises de proximité (artisanat, commerce, professions libérales).

Ginni Rometty, la femme qui refait grandir IBM

Entrée chez IBM à 24 ans, Ginni Rometty y a escaladé tous les échelons. Pour la PDG, qui a transformé le géant infoatique, 2019 se présente bien. L’entreprise pourrait publier mardi la première hausse de son chiffre d’affaires en septrm ans.

La présidente et directrice générale d’IBM, Ginni Rometty, le 11 juin 2018 à Hanovre.
La présidente et directrice générale d’IBM, Ginni Rometty, le 11 juin 2018 à Hanovre. Malte Ossowski/Sven Simon / Picture-Alliance/AFP

C’est un long chemin de croix qui devrait se terminer pour IBM. Mardi 22 janvier, le groupe informatique américain devrait, selon les prévisions des analystes financiers, publier la première augmentation annuelle de son chiffre d’affaires en sept ans. Une croissance certes modeste – potentiellement inférieure à 1 % – mais un véritable accomplissement tout de même pour Ginni Rometty, la patronne de Big Blue, le surnom du géant américain de l’informatique. Si ce n’est un soulagement : depuis sa prise de fonction, le 1er janvier 2012, elle n’avait encore jamais connu cela.

Fondée en 1911 à Endicott, dans l’Etat de New York, International Business Machines est un Géant du secteur technologique américain. A partir de 1967 et jusque dans les années 1980, l’entreprise est même la première capitalisation boursière mondiale. Son histoire a été tracée d’innovations majeures : cartes perforées, disques durs, code-barres, ordinateurs personnels… Et aussi de changements. « IBM a toujours su se réinventer », aime d’ailleurs rappeler Mme Rometty.

Mais la transformation qui s’impose depuis quelques années est absolument plus brutale que toutes les précédentes. « Nous sommes dans une ère de changements rapides et ce n’est pas près de s’arrêter », reconnaissait la dirigeante au cours d’une conférence organisée en octobre 2018. Comme d’autres grands noms du secteur, IBM a dû s’adapter à une nouvelle réalité. Il dû passer « du monde des clients et serveurs informatiques à celui du cloud computing [informatique dématérialisée], du mobile, de l’intelligence artificielle », décalre Frank Gens, analyste au sein du cabinet IDC.

Mme Rometty est née à Chicago en 1957. Diplômée en informatique et en ingénierie électrique, elle commence sa carrière chez General Motors en 1979. Deux ans plus tard, elle rejoint IBM, comme ingénieure système. Elle y franchira tous les échelons. « J’ai dû apprendre à sortir de ma zone de confort », indiquait-elle lors d’un entretien accordé à Bloomberg en 2017. La responsable participe notamment à l’offensive dans les services aux entreprises, des activités plus rentables qui deviendront quelques années plus tard la première source de profits d’IBM.

« Inspirer d’autres femmes »

En 2002, Mme Rometty milite ainsi pour l’acquisition de la division de consulting du britannique PricewaterhouseCoopers. Une opération difficile entre deux sociétés aux cultures radicalement opposées. « Elle a permis à ce rachat de fonctionner », dira plus tard Sam Palmisano, son prédécesseur à la tête d’IBM. A partir de 2009, Mme Rometty supervise les équipes commerciales et le marketing. Elle développe l’activité sur de nouveaux marchés, comme la Chine, le Brésil ou l’Inde. Elle lance aussi le groupe sur de nouveaux segments, comme le cloud, l’intelligence artificielle et l’analyse de données.

« Diminution des marchés financiers, ruines d’entreprises… L’économie chinoise est en crise »

Une diminution des marchés financiers, faillites d’entreprises, emprunts non remboursés… Pour Xiang Songzuo, économiste à l’université du Peuple, à Pékin, la Chine éprouve un « ralentissement très fort ».

Affichage des cotations dans une maison de courtage à Pékin, le 3 janvier.
Affichage des cotations dans une maison de courtage à Pékin, le 3 janvier. ANDY WONG / AP

Ancien chef économiste de la banque agricole de Chine, Xiang Songzuo, né en 1965, est professeur à l’université du peuple à Pékin. La conférence dans laquelle, en décembre 2018, à Pékin, il parlait de la croissance chinoise de 1,67 % seulement a été vue sur Internet plus d’un million de fois.

En décembre 2018, vous avez remis en question les chiffres officiels sur la croissance chinoise. Selon vous, quel est son niveau ?

J’ai juste repris l’évaluation d’un institut. Les gens sont sceptiques face aux statistiques officielles. L’estimation que j’ai citée n’avait pour but que de démontrer la forte baisse de la croissance en 2018. Président, premier ministre, tout le monde reconnaît maintenant que nous faisons face à un ralentissement très fort.

L’économie chinoise est-elle en crise ?

On peut en effet le mentionner: l’économie chinoise est en crise. Il y a de nombreux indicateurs. La baisse des marchés financiers, les faillites d’entreprises, les emprunts non remboursés, le fort ralentissement des investissements. La consommation est en légère baisse. Les ventes d’automobiles, les achats dans les shopping malls [centres commerciaux] et la téléphonie mobile diminuent.

Peut-on comparer cette situation à la crise de 1929 ?

Si vous regardez les performances des marchés boursiers, c’est comparable. Dans les dix ans qui ont suivi 1929, Wall Street a baissé des deux tiers. Ces dix dernières années, les actions chinoises ont aussi baissé de 70 % en moyenne, voire plus. La baisse a même atteint 30 % en 2018. C’est une catastrophe, en fait, pour de nombreux investisseurs.

Mais est-ce un problème pour l’homme de la rue ?

Bien sûr. Un grand problème. La richesse de nombreuses personnes est détruite. Il n’y a plus d’incitations à consommer ou à investir davantage.

La guerre commerciale avec les Etats-Unis est-elle la cause de cette crise ?

C’est une des raisons, mais pas la principale. La guerre commerciale a surtout un effet  psychologique sur les investisseurs. Mais la principale raison du ralentissement économique, c’est que les entrepreneurs manquent de confiance à cause de la politique suivie.

En novembre [2018], le président Xi Jinping a même dû expliquer aux entrepreneurs privés qu’il n’allait pas changer de politique et promettre de protéger la propriété privée.

Comment la Chine peut-elle mettre fin à la guerre commerciale ?

Je croix qu’il y aura un compromis le 1er mars [limite fixée par Donald Trump pour trouver un accord]. Les Etats-Unis en ont besoin aussi. Il faut éliminer une source d’incertitude qui hante tout le monde. Mais la question-clé, c’est que Washington s’inquiète du réel pouvoir de la Chine, notamment dans les technologies.

Le défi d’impôt à la source pour les entreprises

Ministère des finances, Paris, France/ Ministry of Finance, Paris, France, (architectes: Paul Chemetov et Borja Huidrobo). Droits d'auteur gérés par l'ADAGP Demander l'autorisation à l'ADAGP Mention obligatoire du nom de(s) l'architecte(s) cité(s) en légende

Roger Rozencwajg/Photononstop

A la Brasserie Mollard, un établissement parisien situé près de la gare Saint-Lazare, il a fallu « aller à la pêche aux infos », paramétrer les logiciels de paie, voir les syndicats professionnels, rassurer, surtout, les salariés… Au final, la bascule s’est faite sans pertes ni fracas. Les quelque cinquante personnes qui travaillent dans le restaurant ont reçu leur fiche de salaire amputée de l’impôt sur le revenu le 5 janvier. « Pas une n’est venue me voir pour des réclamations », se déclare le patron, Stéphane Malchow.

Une assistance pour Bercy, qui, dès le 5 janvier, se félicitait d’un bilan positif : « Le lancement s’est fait sans heurt technique (…). Depuis le 2 janvier, 290 500 usagers ont été reçus aux guichets des services des impôts et les appels sur le numéro gratuit ont diminué », indiquait un communiqué de la direction des finances publiques (DGFiP).

Un bilan nuancé pour les intérimaires

De fait, les DRH à la manœuvre dans les grandes entreprises sont plutôt tranquilles, même s’ils s’attendent à quelques tensions à l’automne. « Les grandes entreprises se sont bien préparées, mais elles appréhendent un peu l’actualisation des taux qui sera appliquée en septembre à partir des prochaines déclarations d’impôt d’avril [sur les revenus 2018] », remarque Frédéric Guzy, directeur général d’Entreprise & Personnel, une chaîne d’une centaine de grandes et très grandes entreprises.

« Dans les petites structures, les dirigeants n’ont ni le temps ni la culture d’échanger sur ces thématiques-là »

Les PME, elles, n’ont pas toutes prévu comme la Brasserie Mollard, qui a mis en place dès l’automne 2018 des simulations pour donner une idée aux salariés des montants qui figureraient sur leurs feuilles de rétribution. « Dans les petites entreprises, où il n’y a pas de service de ressources humaines, ça va être compliqué, témoigne Anthony Contat, DRH à temps partagé entre une PME de 35 collaborateurs et une structure associative de 350 salariés. Elles ont trop attendu, il n’y a pas eu de phase de préfiguration et la paie est externalisée chez l’expert-comptable. J’ai eu les premières questions cette semaine : les salariés se demandent à quoi va ressembler leur bulletin de salaire le 31 janvier. Ce sont les experts-comptables de ces entreprises qui vont se retrouver en première ligne. Dans les petites structures, les dirigeants n’ont ni le temps ni la culture d’échanger sur ces thématiques-là. »

 

Impôt à la source : « L’administration fiscale reste au cœur de la relation avec le contribuable »

Sonia Arlaud, responsable du pôle veille juridique chez le spécialiste de la paie ADP, expose les transformations sur le bulletin de salaire.

Un centre du Trésor public à Paris, en 2010.
Un centre du Trésor public à Paris, en 2010. ETIENNE LAURENT/AFP

Les salariés vont obtenir, fin janvier, leur tout premier bulletin de paie incluant le prélèvement à la source. Quelles sont les modifications qui vont y figurer ?

La case « net à payer » indiquera aussitôt la rétribution perçue après déduction de l’impôt sur le revenu. Ce montant correspondra à la somme versée sur le compte bancaire du salarié. Cependant, une autre ligne indiquera le « net à payer avant impôt sur le revenu ». Elle devra obligatoirement être inscrite en caractères 1,5 fois plus gros que ceux affichant le net après ponction fiscale. Une autre ligne, « impôt sur le revenu prélevé », devra renseigner l’assiette, le taux de prélèvement et le montant de la retenue.

Comment est calculé ce taux de prélèvement ?

Il a été résolu pendant l’été 2018 sur la déclaration des revenus de 2017. Le taux personnalisé du foyer est appliqué par défaut, mais il est possible d’opter pour un taux individualisé pour les conjoints et partenaires de Pacs, ou encore pour un taux non personnalisé, dit neutre, si le salarié ne souhaite pas que le taux personnalisé soit donnés par l’administration fiscale à son employeur.

Que se passe-t-il si le taux neutre est inférieur au taux personnalisé ?

Alors, le salarié devra verser immédiatement au fisc un complément de retenue à la source avant la fin du mois suivant pour compenser le manque à gagner.

Le salarié peut-il agir sur son taux de prélèvement ?

Oui. Le taux à la hausse ou l’option prise (taux personnalisé, taux individualisé, taux neutre) peuvent être adaptés à tout moment sur le site Impots.gouv.fr, dans l’espace « Gérer mon prélèvement à la source ». Le prestataire peut demander à l’administration de recalculer le montant du taux à la baisse si sa situation évolue.

A partir du taux transmis par l’administration fiscale, l’employeur a-t-il connaissance des revenus annexes, tels que les revenus locatifs ou financiers, par exemple ?

Non, car même si un taux personnalisé est appliqué, l’employeur ne peut pas savoir comment celui-ci a été calculé, les paramètres sont trop complexes.

Un récapitulatif mensuel et annuel des sommes versées au titre de l’impôt sur le revenu est-il prévu sur la fiche de paie ?

De nombreuses entreprises le prévoient, mais il n’y a aucune obligation en la matière.

En cas d’erreur sur son bulletin de salaire, vers qui doit se tourner le salarié ?

L’administration fiscale reste au cœur de la relation avec le prestataire. L’entreprise ne fait qu’à mettre le taux reçu par l’administration ou, à défaut, un taux défini par un barème. Donc, si le problème concerne le taux de saisie, le salarié devra joindre l’administration fiscale ; mais s’il s’agit d’une erreur sur l’assiette, ce sera à l’employeur de la corriger.

« J’avais désiré de prendre mes décisions, d’oser me tromper »

Céline Lannoye, 31 ans, est à la tête des crémants de bordeaux Celene depuis trois ans. Cette amoureuse des affaires s’est lancée dans l’entrepreneuriat en parallèle de ses études de commerce.

Elle l’assure, elle a peut-être été un peu timide. « J’étais quelqu’un qui n’osait pas. » Aujourd’hui, Céline Lannoye a changé. A seulement 31 ans, elle a déjà multiplié les vies professionnelles. Avec une ligne directrice : les métiers du vin. Elle est aussitôt patronne de la maison Celene, productrice de crémant de Bordeaux.

Cette marathonienne des affaires débute à l’été 2007. Etudiante à la Kedge Business School de Bordeaux, elle quitte l’Europe pour la Floride et un stage de troisième année en entreprise. Son avion n’a pas encore atterri que l’apprentissage du dépassement commence : « Mon vol a du retard, je rate la correspondance, je perds mes bagages, je suis perdue dans un aéroport de la taille d’une ville et, bien sûr, mon téléphone portable est incompatible avec le réseau local », déclare-t-elle. Au guichet, l’employée lui répond « avec un accent du sud des Etats-Unis à couper à la tronçonneuse », et lui tend un billet « en criant RUN ! [“Courez !”] ». La jeune Française traverse l’aérogare en courant. « Et je m’envole pour Destin. Cela ne s’invente pas ! »

Immersion américaine

Rien ne prédestinait Céline Lannoye à faire carrière au milieu des vignobles. Originaire d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), d’une famille aisée, la collégienne usait son temps libre entre danse classique, violoncelle, piano, équitation… A 16 ans, changement de programme : « Ma mère a toujours rêvé de gérer un domaine viticole. En 2001, elle a l’occasion d’acquérir Château Lanbersac [AOC puisseguin-saint-émilion, en Gironde]. Elle s’installe là-bas avec ses trois ados sous le bras. Nous passons de la grande ville à la province profonde… »

Bachelière, la jeune femme préfère intégrer l’European Business Program de Kedge. « Le côté international me plaisait », dit-elle. Un cursus, en partenariat avec la Hull University Business School, à Kingston-upon-Hull, dans le nord-est de l’Angleterre et dont la troisième année se passe sur le terrain, en stage, à l’étranger.

« Monter un business de distribution aux Etats-Unis, créer sa boîte en sortant du stage de troisième année et poursuivre ses études, c’est incroyable. C’est l’ADN de l’entrepreneuriat. Il y a des gens qui l’ont. » Jacques-Olivier Pesme, ancien directeur de l’European Business Program de Kedge

« Un ami d’ami, un concours de circonstances me permettent de décrocher un poste de vendeuse chez un distributeur américain », en Floride, dans station balnéaire de Destin. « J’ai adoré cette année. C’était une immersion totale, chaque détail de la vie était un cap à franchir : passer son permis, assurer sa voiture, travailler au quotidien… Les choses simples étaient hyper intenses ».

Une nouvelle education sentimentale à l’université

Le temps des études supérieures est un moment favorable à la découverte et l’expérimentation amoureuse, entre prise d’indépendance familiale et découverte d’un nouveau monde social. Reportage à l’université deBordeaux.

« J’ai rencontré une fille il y a un mois, à l’association ciné. On a commencé à se voir un peu. Et puis, je lui ai demandé si je pouvais l’embrasser, parce que je n’étais pas sûr qu’elle voudrait bien. » Pour le moment, Valentin (tous les prénoms ont été modifiés), 19 ans, étudiant à l’Institut d’études politiques (IEP) de Bordeaux, ne veut pas juger trop vite cette relation débutante. Il préfère rester dans cette zone grise où l’on se voit en taisant ses sentiments. « Je suis amoureux, mais je ne le dis pas, j’ai l’impression qu’il y a des choses à ne pas faire, à ne pas dire », confie-t-il avec pudeur. Pour cet étudiant venu de l’est de la France, qui a sciemment choisi l’IEP de Bordeaux car il est « le plus éloigné de chez [s]es parents », la décohabitation juste après le bac a insufflé un vent de liberté.

Pour éviter d’alimenter sa jalousie et son imagination, lui doit « raconter ses aventures » et elle, en retour, ne doit rien dire « pour ne pas blesser son ego ».

Comme lui, une poignée de jeunes étudiants de l’université de Bordeaux ont accepté de parler leurs expériences amoureuses. C’est dans l’espace confiné d’une salle de l’espace santé du campus que ces étudiants en sciences politiques, en droit, en sciences, en communication ou en lettres font le récit de leur jeunesse amoureuse. Plusieurs évoquent la période compliquée, parce qu’indéfinie, des débuts d’une liaison, la difficulté de tenir dans une relation à distance, ou l’envie d’expérimenter sans être défini ni étiqueté. Pour tous, l’idée d’un « partenaire qui serait le centre de la vie amoureuse » fait encore rêver. Mais les aventures sont valorisées, car il faut aussi « savoir profiter de sa jeunesse ».

Sacha, étudiante de 21 ans en sciences politiques, évoque du « malentendu » causé par cette zone grise, lorsqu’elle est tombée amoureuse pour la première fois. « Je venais d’arriver en Israël pour une année d’échange. Je l’ai rencontré à un cours de danse, puis nous nous sommes revus plusieurs fois. Lorsque nous avons commencé à sortir ensemble, nous n’avons pas évoqué la question de l’exclusivité parce que, pour moi, elle allait de soi. » Pour son amoureux, en revanche, la fidélité n’avait pas été mentionnée dans le « deal ». Après les vacances où les deux amants sont séparés, Sacha, prise d’un doute, fouille dans le portable de son amant et découvre qu’il l’a trompée. Pour la jeune fille c’est un « drame » – mais pour son amoureux, il s’agit clairement d’un « malentendu ».