Egalité salariale hommes-femmes : les entreprises seront notées
Une fois n’est pas coutume, le gouvernement est parvenu à un consensus avec le patronat et les syndicats sur une thématique très conflictuelle : la réduction des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Jeudi 22 novembre, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et la secrétaire d’Etat chargée de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, ont dévoilé une batterie de mesures qui visent à gommer les inégalités salariales liées au sexe. L’objectif est de faire – enfin – respecter la loi en imposant une « logique de résultats » aux entreprises.
Théoriquement, les employeurs sont tenus, en vertu de dispositions prises en 1972, d’« assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ». Mais les secondes restent moins bien payées que les premiers, à hauteur d’environ 9 % en moyenne, même en tenant compte des différences de tranche d’âge, de type de contrat, de temps de travail, de secteur d’activité et de taille d’entreprise. « Une honte à la République », a souligné Mme Pénicaud, jeudi, lors d’une conférence de presse. « Une violence économique qui est faite aux femmes », a renchéri Mme Schiappa.
Début mars, l’exécutif avait présenté une feuille de route qui esquissait les actions envisagées pour parvenir à une réelle égalité professionnelle. Elles viennent donc d’être précisées, jeudi, après une réflexion de plusieurs mois pilotée par Sylvie Leyre, directrice des ressources humaines (DRH) de Schneider Electric en France.
« Une question d’efficacité »
Principale innovation : la mise en place d’un « index », qui mesurera l’égalité hommes-femmes à l’aide de cinq paramètres. Cet outil aboutira, concrètement, à donner une note aux employeurs, en fonction de leurs efforts pour combler les disparités salariales injustifiées, promouvoir les femmes autant que les hommes, veiller à ce que celles-ci figurent parmi les dix plus hautes rémunérations de la société, etc. Cet index devra ensuite être publié sur le site Internet des entreprises, qui disposeront de trois ans pour procéder à un « rattrapage » dans les rémunérations versées. Celles qui n’auront pas corrigé le tir s’exposeront à des sanctions susceptibles d’aller jusqu’à 1 % de leur masse salariale.
La mise en œuvre s’effectuera du 1er mars 2019 au 1er mars 2023, en prenant en considération la taille des sociétés. Celles qui emploient plus de 1 000 personnes seront tenues de communiquer leur index dès le 1er mars 2019 ; les entreprises de 251 à 1 000 salariés, elles, disposeront de six mois supplémentaires, tandis que les autres (de 50 à 250 personnes) auront jusqu’au 1er mars 2020 pour se mettre en conformité avec la loi – celles de moins 50 salariés n’étant pas concernées. Les premières pénalités financières pourront s’appliquer dès 2022. Point très important : les indicateurs ont été bâtis de telle manière qu’ils puissent être calculés de façon automatique par les logiciels de paye, a assuré Mme Pénicaud, jeudi.
Un « pragmatisme » salué par Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. La sanction potentielle est, certes, « significative », confie-t-il, mais le « patron des patrons » dit « entendre l’argument selon lequel ça fait quarante ans qu’on cherche à lutter contre cette inégalité, en vain ». C’est aussi « une question d’efficacité », ajoute-t-il : « Garder ce différentiel, c’est aussi se priver de la moitié des talents. »
A l’issue d’une rencontre avec Mmes Pénicaud et Schiappa, Laurent Berger, numéro un de la CFDT, a déclaré, jeudi, face aux journalistes, que le dispositif constitue « une avancée qu’il faudra faire fructifier ». De son côté, Sophie Binet (CGT) s’est félicitée que l’idée d’instaurer une « obligation de résultats (…) soit enfin reprise ». Cela étant, a-t-elle enchaîné, « la vigilance s’impose », notamment sur les moyens humains dévolus à l’inspection du travail pour vérifier que les entreprises soient bien dans les clous.