Emploi : les jeunes diplômés français s’en sortent-ils mieux ou moins bien que d’autres pays ?
J’ai décidé durant le mois de décembre de faire le point sur notre enseignement supérieur en comparant la France aux autres pays du monde. Pour que l’exercice soit plus fiable, je vous propose un quiz en 15 questions sur trois semaines (une par jour du lundi au vendredi à compter du lundi 3 décembre). Chaque question abordera un des enjeux importants de notre enseignement supérieur et la réponse sera illustrée par un graphique et des explications. À la fin des 15 questions, un bilan sera fait sur les forces et faiblesses de notre enseignement supérieur.
Hier, la question portait sur l’avantage du salaire que procure une licence universitaire (par rapport au BAC) sur le marché du travail. Aujourd’hui nous allons attaquer la question de l’employabilité des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur en comparant la France et la Corée.
Question : Est-ce que le taux d’emploi des jeunes de 25 à 34 ans ayant un diplôme de l’enseignement supérieur est plus élevé en France ou en Corée?
Réponse : Premier bilan, et cela n’est pas étonnant, le taux d’emploi augmente avec l’élévation du niveau de formation. Ainsi, par exemple, dans la plupart des pays de l’OCDE et des pays partenaires, de meilleurs débouchés sur le marché du travail s’offrent aux titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. C’est particulièrement vrai en France où 86% des 25-34 ans diplômés du supérieur sont en emploi, contre seulement 50% parmi ceux qui n’ont aucune qualification. C’est l’un des écarts les plus importants des pays de l’OCDE (voir graphique).
Le diplôme est bien en France la meilleure protection contre le chômage ou l’inactivité, et ceux qui « décrochent » à l’école se retrouvent en très grande précarité ensuite. D’ailleurs, la lutte contre le décrochage scolaire est une priorité de tous les gouvernements depuis 2008. Résultat : le nombre de décrocheurs est passé en 10 ans de 150 000 à 100 000 en France, une réussite, même si des efforts sont encore nécessaires. C’est un signal fort qui montre également que lorsque les réformes se succèdent avec cohérence, tous les progrès sont possibles.
Taux d’emploi des adultes âgés de 25 à 34 ans, selon le niveau de formation et la filière d’enseignement (2016)
Source : OCDE. Regards sur l’Éducation 2017.
Toujours sur ce graphique, il est intéressant d’observer que l’insertion professionnelle quand on sort du système éducatif avec un BAC pro ou avec un BAC général (ou technologique) est relativement similaire en France. C’est assez atypique au sein de l’OCDE. En effet, dans un nombre important de pays, les filières professionnelles du secondaire offrent de bien meilleurs débouchés sur le marché du travail que les filières générales. Il n’y a qu’à voir en Allemagne pour s’en convaincre: les taux d’emploi sont pareils et élevés, qu’on ait un Bac pro ou un diplôme du supérieur. Une réflexion s’impose donc pour valoriser ces filières en France. Il faudrait également rehausser le niveau d’exigence dans les programmes, réfléchir à la formation des formateurs et développer l’alternance. Tout un programme.
Après cette digression sur notre école, revenons au supérieur et à notre question. Le taux d’emploi des diplômés en Corée est bien inférieur à celui de la France, aussi bien quand on compare les diplômés du supérieur que lorsque la comparaison porte sur ceux qui ont quitté le système éducatif avec un Baccalauréat (ou équivalent) en poche. C’est surprenant tant on ne cesse de vanter l’excellence académique (bien réelle !) des élèves en Corée. En fait, la raison à ces faibles taux d’emploi est double. Premièrement, l’expansion ultra rapide de l’enseignement supérieur en Corée a abouti à des décalages importants entre les besoins des entreprises et la durée et l’exigence des formations. Aujourd’hui, 70% des jeunes ont un diplôme du supérieur, ils étaient à peine plus de 20% il y a 30 ans. Par conséquent, de nombreux jeunes diplômés ne trouvent pas d’emploi à la hauteur de leurs compétences. Ils préfèrent rester à l’université car les contrats qu’on leur propose en dehors sont souvent de courtes durées et sans réelles perspectives de carrière. Autre effet pervers de cette situation d’inflation scolaire, certains étudiants préfèrent échouer à leurs examens pour se donner plus de temps pour avoir de meilleures notes et une plus grande chance d’accéder aux postes de leurs rêves.
Alors, cela n’est pas l’unique explication à ces faibles taux d’emploi. La Corée est parmi pays de l’OCDE où l’écart entre hommes et femmes sur le marché de l’emploi est le plus élevé. Seulement 69% des femmes diplômées du supérieur sont en emploi quand, dans le même temps, 81 % des hommes travaillent. À titre comparatif, l’écart est bien plus faible en France avec 84% des femmes en emploi contre 90% des hommes. Les femmes coréennes se mettent souvent en inactivité après leurs études supérieures pour fonder une famille. C’était même par le passé encouragé par le gouvernement, la Corée ayant le taux de fertilité le plus faible de tous les pays de l’OCDE (avec moins de 1.3 enfants par femme).Le gouvernement prend très au sérieux la situation et essaie depuis 15 ans d’inverser cette tendance. Pour cela, il a investi massivement dans son système de petite enfance. L’objectif est d’en rehausser la qualité et de rendre possible l’accès universel aux services pour les plus petits afin de permettre aux femmes de mieux concilier emploi et parentalité.
Pour affronter l’inflation scolaire galopante, le gouvernement a également investi pour développer les filières professionnelles du secondaire et pour inciter les jeunes à travailler une fois leur diplôme obtenu. Pour cela, des quotas ont été fixés aux entreprises pour recruter davantage de bacheliers, et des primes ont été offertes à ceux entrant directement sur le marché de l’emploi, sans passer par la case université.
On se rend compte qu’il y a encore beaucoup à faire en Corée sur la transition entre emploi et étude. En France, il faut agir en priorité sur les moins qualifiés mais aussi réfléchir à l’attractivité de certaines licences qui manquent de débouchés. Demain, pour le dernier jour de la semaine, nous aborderons la question des frais d’inscription, sujet sensible et largement débattu en ce moment.
L’objectif fondamental de la Cour était d’évaluer les effets de la réforme de 2014, et de jauger de l’efficacité et de la sincérité du contrat de performance 2017-2026, effectué entre l’Etat et SNCF Réseau il y a deux ans. Mais, bousculés par le calendrier, les magistrats financiers ont fait preuve de souplesse en intégrant à leur travail les effets supposés de la réforme de 2018, ce « pacte ferroviaire » voulu par Emmanuel Macron et Edouard Philippe.
Leur constat est préoccupant. Malgré plus de dix ans de prise de conscience, malgré la réorganisation de 2014 qui a abouti, entre autres, à la création de SNCF Réseau, malgré les 46 milliards d’euros d’investissements inscrits dans le contrat de performance, le réseau ferré de France n’est pas tiré d’affaire. Certes, la spirale du vieillissement a été stoppée par les efforts de remise en état entrepris lors du quinquennat Hollande (30,5 ans d’âge moyen de la voie en 2016 contre 32,4 ans en 2013) mais, pour reprendre une formule du rapport, « le modèle financier est en échec ».
Gros besoins d’investissements
Au premier lieu des accusés : l’Etat-investisseur qui ne l’est pas suffisamment, selon la Cour. L’exemple le plus frappant concerne toujours ce fameux contrat de performance 2017-2026, présenté lors de sa publication comme l’outil clé de réparation d’un système ferroviaire malade. Ce dernier prévoyait, rappellent les magistrats, « de porter les investissements annuels de renouvellement à 3 milliards d’euros en 2020 pour ensuite se stabiliser. La Cour constate toutefois que, retraité en euros constants, ce choix revient de fait à réduire les efforts d’investissement dès 2020 et à atteindre à partir de 2022 un niveau inférieur à 2017. »
Mais il y a pis. Les mesures financières majeures introduites lors des débats sur la réforme ferroviaire semblent insuffisantes. L’annonce d’une augmentation des investissements de 200 millions d’euros supplémentaires par an à compter de 2022 ? « Cet effort supplémentaire ne répondra pas à tous les besoins de rénovation et de modernisation du réseau », dit le rapport. La reprise de dette de 35 milliards d’euros par l’Etat entre 2020 et 2022 ? « Cette mesure n’est pas suffisante, répondent les magistrats. Les besoins d’investissements sont tels dans les années à venir que SNCF Réseau ne peut les couvrir par son seul autofinancement, même avec d’importants efforts de performance. La couverture (…) de ces investissements par l’Etat est une nécessité au risque de voir la dette du gestionnaire d’infrastructure se reconstituer. »
Conclusion : reprenant à son compte le chiffre avancé par SNCF Réseau de la nécessité de disposer de 3,5 milliards d’euros d’investissement chaque année (soit 500 millions de plus que la programmation), la Cour des comptes invite l’Etat à investir au-delà des efforts annoncés.
Problèmes de modernisation
Mais le gouvernement n’est pas le seul à être interpellé. SNCF Réseau est aussi critiqué pour ses difficultés à se moderniser : projets en retard et en surcoût (en particulier, le programme de commande centralisée des aiguillages décidé en 2006 et dessiné seulement en 2013), gains de rendement peu consistants lorsqu’on les mesure en nombre de personnes employées par métier. Les magistrats accordent tout de même quelques satisfécits à la direction actuelle, en particulier sur sa capacité à recourir à du matériel technique puissant et efficace comme les trains usines pour renouveler la voie ou les mégagrues ferroviaires pour poser des aiguillages monumentaux.
Alors que faire ? Dans ses recommandations, l’institution insiste sur l’importance du futur contrat de performance qui liera l’Etat à SNCF Réseau : sur sa précision, sa sincérité, sa crédibilité. Il sera la façon de transformer l’essai de la réforme. La Cour exhorte aussi les protagonistes (SNCF Réseau, Etat, personnel) à profiter du moment – la mise en place concrète de la nouvelle réforme – pour discuter des accords sociaux qui n’entravent pas l’entreprise. Et elle suggère de regarder en face le devenir des petites lignes ferroviaires peu utilisées. Un sujet politiquement compliqué, qui devrait faire l’objet d’un autre rapport de la Cour des comptes en 2019.