Un coup de fraîcheur chez BNP Paribas

Marguerite Bérard, le 12 février au siège de BNP Paribas, a pris la tête des réseaux France de la banque de détail.
Marguerite Bérard, le 12 février au siège de BNP Paribas, a pris la tête des réseaux France de la banque de détail. 

Marguerite Bérard, la nouvelle directrice de l’enseigne en France a un parcours droit de major de l’ENA. Elle édite le 6 mars un livre sur son grand-père, russe juif de Rovno, qui traversa le XXe siècle et toutes ses vicissitudes.

Elle arrive en jean au bureau. Certes accrochée sur des stilettos, mais dans l’équipe dirigeante de BNP Paribas « on n’avait jamais vu ça », glisse, bouche bée, une responsable au sein du groupe. La parvenue de Marguerite Bérard à la tête de la banque de détail en France et de ses 27 000 salariés de l’auguste établissement, le 1er janvier, bouscule le ballet des costumes gris d’une maison un tantinet austère.

Une transformation culturelle calculée, à l’heure de la digitalisation. La jeune dirigeante de 41 ans aime d’ailleurs qualifier BNP Paribas d’« entreprise de tech et de services ». En cet après-midi gris de février, elle passe comme un poisson dans l’eau dans les étages aux longs couloirs du campus du boulevard Macdonald, à la lisière nord de Paris. C’est là que sont aussitôt installées la plupart des équipes chargées du pilotage des agences bancaires et de la banque mobile Hello Bank!, dans une ambiance GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), entre baby-foot et poufs de couleurs. Un sourire pour chacun, un serrement de main, une bise, « ça va ? », « tu vas ? », la récente directrice s’est mis toutes les équipes dans la poche.

Son défi est de taille : faire pénétrer la « banque à papa » dans le XXIe siècle, négocier avec un système informatique archaïque et mieux servir les clients pour pouvoir concourir demain avec les géants d’Internet, lorsqu’ils se lanceront pour de bon dans les services financiers. Si elle y parvient, d’aucuns lui promettent une ascension rapide chez BNP Paribas, et pourquoi pas le titre de dauphine de Jean-Laurent Bonnafé, le patron de la première banque européenne qui lui aussi est passé par la banque de détail.

Major de la promotion Senghor

La juvénile quadragénaire a habitué son entourage à rapporter la première place. Philippe Heim, directeur général délégué de Société générale, l’a connue jeune étudiante lorsqu’il enseignait à Sciences Po. « Elle sortait du lot, brillantissime », déclare-il. Après un master à Princeton, sur la côte est des Etats-Unis – « deux années de rêve », où elle enseigne en parallèle de ses études et pige pour le Pittsburgh Post-Gazette – elle intègre l’ENA.

Elle éprouve déjà la maison. « L’ENA, c’est une industrie familiale », s’amuse un ancien camarade, Olivier Babeau, créateur de l’Institut Sapiens. Ses deux parents y ont étudié, ainsi que son ex-mari, Thomas Andrieu. De cette désormais mythique promotion Senghor (2002-2004), celle d’Emmanuel Macron, elle sortit major, et choisit donc pour le premier des grands corps de l’Etat, l’Inspection générale des finances, où elle continua de côtoyer Emmanuel Macron. Mais c’est l’un des sujets sur lesquels elle ne s’étendra pas. « J’ai beaucoup d’estime pour son parcours, il a une vision », affirme-t-elle. « Entre eux, à l’époque, c’était un choc d’ambition », admet savoir un observateur.

Retenue à la source : le montant enlevé par la Sécurité sociale des indépendants est faux

La Sécurité sociale des indépendants (ex-RSI) indique appliquer le « prélèvement sur le montant net de la retraite après déduction de tous les prélèvements sociaux, et pas seulement de la CSG déductible ».
La Sécurité sociale des indépendants (ex-RSI) indique appliquer le « prélèvement sur le montant net de la retraite après déduction de tous les prélèvements sociaux, et pas seulement de la CSG déductible ». John Fedele/Blend Images / Photononstop
Ce n’est pas une faute de calcul, mais un choix dégagé de la Sécurité sociale des indépendants, car le système du régime social des indépendants (RSI) ne lui admet pas de faire différemment…

Pour les retraités, la saisie à la source prend la forme d’une retenue à la source prélevée directement par les différentes caisses de retraite sur les pensions qu’elles leur versent. Cette retenue doit en fondement être calculée sur le montant net taxable et non sur le net versé. On l’obtient en déduisant la Contribution sociale généralisée (CSG) déductible, pour les retraités qui y sont assujettis, du montant brut de la pension.

Par exemple, pour un retraité soumis à la CSG au taux normal de 8,3 % et qui reçoit une pension brute de 760 euros, le net à payer s’élève à 690,84 euros alors que la saisie doit être calculée sur le net imposable qui est de 715,16 euros.

C’est certainement ce que font l’Assurance retraite ou encore l’Agirc et l’Arrco.

Mais pas la Sécurité sociale des indépendants (ex-RSI) qui appose le « prélèvement sur le montant net de la retraite après déduction de tous les prélèvements sociaux, et pas seulement de la CSG déductible », comme l’a défini après plusieurs relances, sans aucune autre forme d’explication, la caisse de retraite d’Ile-de-France Ouest en réplique à un retraité qui l’interrogeait sur cette anomalie.

Consultée par nos soins, la Sécurité sociale des indépendants nous a répondu qu’il ne s’agissait pas, comme le appréhendait ce retraité, d’une erreur de calcul, mais d’un choix délibéré pour permettre au régime d’être au rendez-vous en janvier 2019. Car le système informatique du régime ne leur admet pas de faire autrement pour l’instant…

Ecart minime

Sur les 2,2 millions de retraités que compte le régime, seuls 920 000 d’entre eux sont taxables et nécessiteraient donc être impactés par cette décision. Pour 65 % d’entre eux, soit 600 000 personnes, cela revient à enlever un montant sous-estimé inférieur à un euro par mois. Ce n’est que pour 1 % des retraités que l’écart devrait être supérieur à dix euros par mois. Quoi qu’il en soit, le « pas-assez-prélevé » sera régularisé à l’été 2020 lors du calcul de l’impôt à payer sur les revenus de 2019.

La Sécurité sociale des indépendants nous a, d’autre part, assuré que des travaux étaient en cours pour que les moyens de calcul du contribution à la source soient normalement appliquées à partir de l’année prochaine et pour qu’une meilleure information soit délivrée, entre-temps, aux retraités qui le demandent.

 

Un campus pour deux clans

Bachelor versus programme grande école. Sur le campus de Lille de cette « business school », les étudiants conduisent des vies parallèles, selon la filière qu’ils ont choisie. Dans un climat de relative indifférence.

Pour s’immerger du « cas » du jour, une étude de la stratégie de marque d’Adidas, des étudiants de ce cours de marketing de deuxième année de bachelor ont chaussé des baskets dont les couleurs chatoyantes dépendent avec les murs ­immaculés de la salle de cours. « Dans quelle autre tendance s’inscrit la marque ? », ­demande la professeure, Sabine Ruaud. « Oui, le vintage moderne, la logotisation, c’est ça ! »

Il est presque midi sur le campus lillois de l’Edhec et, malgré l’heure du déjeuner qui arrive, l’interactivité du cours tient la trentaine d’étudiants en haleine. Des étudiants dynamiques, qui n’ont pas peur de prendre la parole.

Nous n’assistons pas à un cours de l’Edhec au sens classique du terme – dans ce cursus grande école en trois ans, qui délivre un ­diplôme de master et recrute parmi les meilleurs étudiants des classes préparatoires de France. Nous sommes dans un cours du ­Bachelor in Business ­Administration (BBA), un cursus postbac en quatre ans, bien moins ­sélectif à l’entrée et moins connu du grand ­public. « Quand je dis que je suis à l’Edhec, les gens pensent d’abord au master », révèle Sara, en deuxième année de ce bachelor.

Deux formations, deux publics, deux philo­sophies. Le bachelor captive, à l’instar de Sara, des étudiants éblouis par les cours professionnalisants et la possibilité d’accomplir très rapidement stages et séjours à l’étranger, quand le ­programme grande école (PGE) recrute des « très bons élèves » sélectionnés à travers un concours académique sanctionnant deux années de ­bachotage en prépa.

Une fourmilière

« Les étudiants de bachelor sont moins formatés que les élèves de la grande école. Ils n’arrivent pas avec la même culture, les mêmes attentes… On part plus facilement du concret pour expliquer la théorie », communique Sabine Ruaud. Comme les 172 professeurs et chercheurs continus de l’Edhec, elle enseigne aussi bien en « bachelor » qu’en « programme grande école ». A des élèves qui dispensent au quotidien les 43 000 mètres carrés de locaux pédagogiques de l’imposant campus lillois : ­salles de cours, cafétéria, salle de spectacle, ­incubateur, équipements sportifs… « Et pourtant, à part en sport ou dans certaines associations, on a très peu de contacts », garantissent en chœur Sara, ­Perrine, Joseph et Théo, tous élèves en deuxième année du bachelor.

 

Ces secteurs qui peinent à séduire des étudiants

Au centre de formation Promeo, à Compiègne (Oise).
Au centre de formation Promeo, à Compiègne (Oise). Eric Nunès/

Un matin de janvier, sur le parking de Promeo, à Compiègne (Oise). Ils sont une douzaine de jeunes gens à frapper des pieds pour faire circuler le sang. Il n’y a pas de pancarte, pas de slogan, et pas davantage de CRS. Face à eux, deux enseignants, un camion et quelques chariots élévateurs.

Savoir guider ce type d’engin et obtenir un certificat d’aptitude à la conduite et à la sécurité (CACES) est une des disciplines enseignées par ce centre de formation en alternance de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM). Ici, on répond aux besoins de l’industrie en matière de savoir-faire : usinage des pièces, chaudronnerie, maintenance de la chaîne de production… Sans oublier tous les métiers transversaux : comptabilité, vente, transports.

Déficit de compétences

Peu de crise chez les futurs titulaires d’un brevet de technicien supérieur (BTS) ou d’une licence pro du secteur. « Nous sommes à 93 % d’insertion en entreprise à l’issue de la formation », déclare Carole Marigault, directrice générale du centre compiégnois. Les diplômés de l’industrie n’ont même pas à « traverser la rue » pour décrocher un emploi, pour récupérer la formule lancée par Emmanuel Macron à un chômeur. « La métallurgie a 110 000 recrutements à faire par an, et ce chaque année jusqu’en 2025 », estime Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM.

En janvier, le chômage en France a connu une sensible décrue. Le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi sans chômage a baissé de 1,1 % au cours du dernier trimestre 2018. Il atteint tout de même le total de 3 676 000 individus. De plus en plus de projets d’embauche sont jugés « difficiles » par les entreprises, constate Pôle emploi. En 2018, 44,4 % des recrutements se font dans des secteurs dits « en tension », du fait particulièrement d’un déficit de compétences. Alors que les emplois sont là, les candidats qualifiés manquent.

Plusieurs secteurs ont été digérés par l’établissement public. Les métiers de la santé réclament des diplômés à bac + 2 ou bac + 3 dans les domaines de l’appareillage ou de la préparation médicale. Et dans les nouvelles technologies, les entreprises peinent à recruter des programmateurs, des techniciens de maintenance…

Réputation de précarité

Même chose pour l’hôtellerie et la restauration. « Il y a dans nos métiers plus de 100 000 emplois à pourvoir », constate Jean-Luc Michaud, président de l’Institut français du tourisme, un observatoire du secteur. Mais c’est bien dans la métallurgie que la tension est la plus forte : 67 % des recrutements y sont « difficiles », selon les employeurs cités par Pôle emploi.

Essentielle cause de la carence de candidatures pour ces formations et leurs métiers : « le déficit d’attractivité », pointe l’établissement public. Dans l’hôtellerie-restauration, les emplois souffrent ainsi d’une popularité de précarité, en raison de la saisonnalité, des horaires décalés et de la faible qualification. « C’est une vision totalement erronée des métiers d’accueil, tempête Jean-Luc Michaud. Par exemple, un réceptionniste doit être un expert dans la relation client, maîtriser plusieurs langues et connaître absolument l’usage des outils numériques. Il doit au moins être titulaire d’une licence pro.

Le tourisme, « c’est 7 % du PIB, deux fois plus que l’automobile, et pour des emplois non délocalisables », a répété Lionel Walker, délégué général de la Conférence des formations d’excellence au tourisme. C’est aussi  437 formations post bac disséminées sur l’ensemble du territoire. « Mais le secteur manque de visibilité, concède Lionel Walker. Au moment des choix d’orientation des lycéens, le tourisme subit une vision très éloignée de la réalité qu’ont les responsables d’orientation et les familles. »

Désaffection de l’alternance

L’image dévaluée de l’apprentissage en France est également un des facteurs de la désaffection des formations en alternance. Alors que des milliers de lycéens ont passé l’été 2018 aux portes des universités ou des classes préparatoires en espérant qu’une place se libère, « certains de nos BTS ne sont pas pleins », ajoute Carole Marigault. Pourtant, le taux d’employabilité dépasse les 90 % six mois après l’obtention du diplôme, et le coût de la formation est nul pour l’étudiant. Au printemps 2018, quinze places étaient libres au sein du BTS conception des processus de réalisation de produit, mais seulement 8 candidatures ont été posées et 5 retenues. Paradoxe : alors que le secteur peine à recruter des étudiants, le ministère de l’éducation nationale souligne pour sa part que « les bacheliers des filières professionnelles et technologiques sont trop souvent évincés des formations auxquelles ils sont nombreux à aspirer : les sections de technicien supérieur et les instituts universitaires de technologie ».

« Les filières des métiers de l’industrie sont peu éprouvées par les élèves de terminale, reconnaît également Marie-Hélène Garcia, responsable du pôle alternance et formation initiale chez Campus Veolia Seine et Nord. Malgré cela, un BTS métiers de l’eau ouvre à de belles carrières, d’importantes responsabilités et la possibilité de s’ouvrir à l’international. » L’industrie serait victime d’une image obsolète, « celle d’un travail à la chaîne, répétitif et polluant, loin de la réalité de la vie d’une usine moderne », poursuit Carole Marigault. Dans les faits les métiers de l’usinage ont profondément évolué, mais ils restent en tension. Les machines sont aujourd’hui de très haute technologie, conduites grâce à des tableaux de bord compliqués qui demandent une formation poussée.

Impression d’échec

Plus de dix ans après la crise, les fortes pertes d’emploi dans l’industrie n’ont pas été anticipées. « Alors que les carnets de commandes se remplissent, il y a urgence à restaurer l’attractivité et l’image des filières professionnelles dans le regard des lycéens », déclare Hubert Mongon. Carole Maringault abonde : « Nos difficultés de recrutement sont notamment liées à la régression du nombre de bacs pro dans nos filières. Ils ne constituent plus le vivier nécessaire pour remplir nos BTS. » Modifier le regard des enseignants du secondaire, des conseillers d’orientation et des familles est un grand enjeu pour toutes ces filières.

Pour doser le travail qu’il reste à accomplir, la parole des intéressés est révélatrice. Questionnés sur leur parcours, plusieurs bacheliers pro, aujourd’hui élèves d’un BTS en maintenance industrielle, admettent avoir souffert du mépris « des bacs généraux » quand ils ont rejoint la voie professionnelle. Quand Damien Kluck, ancien élève de première S, a été réorienté en filière pro, il dit qu’il s’est « perdu ». Un sentiment d’échec avant même d’initier l’apprentissage. « Les autres lycéens nous jugeaient. Mais nous, on apprend un métier, défend Baptiste Padieu. Les bacs pro sont l’objet de plein de préjugés, comme s’ils étaient inférieurs. Alors que nous apprenons simplement des choses différentes. »

 

Chômage : une baisse à certifier

Si l’on peut s’amuser du fait que le taux de chômage soit passé sous la barre des 9 % au quatrième trimestre 2018, ces chiffres nous appellent cependant à la prudence et à la modestie.

Le chômage en France est tombé, au quatrième trimestre 2018, à 8,8 % de la population active, une chute consistante de 0,3 point, selon les statistiques de l’Insee publiées jeudi 14 février. On ne sait quel sentiment doit l’emmener : la satisfaction de repasser sous la barre symbolique des 9 % ou bien le stress face au constat qu’il aura fallu une décennie pour retrouver le niveau d’avant la crise financière. La courbe du chômage a effectivement fini par s’inverser, mais la performance n’a rien d’un exploit : rappelons que le taux de chômage moyen de la zone euro, lui, est tombé sous les 8 %.

Même si les chiffres sont encourageants, et il convient de le souligner. D’abord, le taux de chômage des 15-24 ans, qui baisse clairement, à 18,8 %, soit six points de moins par rapport au pic de 2016. Autre bonne nouvelle : le taux d’emploi des 15-64 ans n’a pas été aussi élevé depuis 1980, avec 66,1 % de la population. Enfin, la précarité recule : le nombre de contrats à durée imprécise progresse, tandis que les personnes à temps complet n’ont jamais été aussi nombreuses depuis 2003.

Ces chiffres viennent réaffirmer la tendance molle qui est à l’œuvre ces derniers mois : une décrue lente et irrégulière, qui appelle prudence et modestie. Prudence, parce que les données sont fluctuantes. Fin 2017, on avait déjà cru à une diminution significative et prometteuse, qui avait été pratiquement effacée le trimestre suivant. Certes, les chiffres de la fin de 2018 constituent une heureuse surprise, alors qu’on nous promettait le pire entre le net ralentissement de la croissance et la crise des « gilets jaunes ». Mais il ne faut pas se réjouir trop vite.

D’abord, ce n’est qu’au dernier « acte » que l’on pourra estimer le coût réel des blocages et des abaissements auxquels on assiste samedi après samedi. Ensuite, il serait naïf de miser sur la conjoncture pour espérer la poursuite de la baisse du chômage. Un rapide coup d’œil sur la situation de nos principaux partenaires commerciaux nous remet les pieds sur terre. L’Italie est de nouveau entrée en récession, l’Allemagne y a échappé de peu, quant au Royaume-Uni, le ralentissement est déjà là, alors qu’on ne sait toujours pas comment le Brexit va évoluer.

Pénurie à recruter

Au-delà de quelques indicateurs encourageants, on prend surtout connaissance de la complexité de la situation. Comment, dans un pays où il y a près de 9 % de chômeurs, les entreprises peuvent-elles avoir autant de pénuries à recruter ? Par ailleurs, la fluctuation de la courbe de l’emploi aura toujours du mal à rendre compte des dégâts sociaux générés par des années de chômage de masse. Il ne faut pas imaginer qu’on va rétablir 1,4 million de personnes sans emploi depuis plus de deux ans simplement grâce à une plus grande flexibilité du travail et des carnets de commandes qui se remplissent. Le gouvernement l’a bien compris, en consacrant 15 milliards d’euros pour rehausser le niveau des compétences des personnes les plus éloignées de l’emploi. De là à affirmer que « personne n’est inemployable », c’est faire preuve de beaucoup d’optimisme.

Optimiste, Emmanuel Macron l’a été durant ledébut de son quinquennat il s’est fixé l’objectif de revenir à 7 % de chômage à la fin de son mandat. Le président de la République est encore dans les temps. Mais qui aurait dit que la France mettrait dix ans pour récupérer son niveau d’avant-crise ?

Les syndicats exigent la création d’un bonus-malus

Les collaborateurs sociaux ont de nouveau constaté, jeudi, qu’ils étaient en dispute sur la façon de juguler le recours excessif aux contrats courts.

Ils ne peuvent pas trouver un arrangement mais se donnent encore une ultime chance pour y parvenir. Jeudi 14 février, à l’occasion d’une neuvième séance de négociations sur l’assurance-chômage, les partenaires sociaux ont, de nouveau, constaté qu’ils étaient en désaccord sur la façon de juguler le recours excessif aux contrats courts. L’exercice, engagé en novembre 2018, touche à sa fin. Les confédérations de salariés ont, en effet, sollicité de leurs interlocuteurs patronaux qu’ils proposent un système de type bonus-malus, dans lequel les cotisations sont majorées pour les entreprises dont la main-d’œuvre tourne fréquemment. Une telle option devra être mise sur la table avant la prochaine – et dernière – réunion programmée le 20 février, faute de quoi les représentants des centrales syndicales n’y collaboreront pas. Rejetée par les organisations d’employeurs jusqu’à présent, cette revendication risque fort de ne pas être satisfaite.

Le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) ne sont pas venus les mains vides, jeudi. Pour la première fois depuis le début des tractations, ils ont exposé un projet d’accord qui, dans leur esprit, répond à la feuille de route donnée par Matignon aux partenaires sociaux, en septembre 2018. Dans ce « document de cadrage » émergent deux points saillants : il faut lutter contre la « permittence », c’est-à-dire la réembauche répétitive de salariés par une même société, et économiser de 3 à 3,9 milliards d’euros en trois ans dans le régime d’assurance-chômage.

Contre-propositions

C’est la première de ces thématiques – combattre la précarité, donc – qui a monopolisé les débats, jeudi. Hostile au bonus-malus, le patronat a affiché des contre-propositions dont beaucoup avaient déjà été évoquées lors d’une précédente séance de négociation, en janvier. Une nouvelle piste a cependant été ouverte jeudi. Elle concerne les CDD d’usage (CDDU), une forme d’emploi ultra-flexible. Pour contrôler ce dispositif, dont de nombreuses entreprises abusent en violant les textes, les organisations d’employeurs ont suggéré quelques changements : ils consisteraient, en particulier, à accorder une prime aux personnes ayant signé au moins quatre CDDU avec une société durant les six mois « qui précèdent la date » du recrutement.

« C’est faible, inconsistant », a déclaré Marylise Léon (CFDT) à l’issue de la rencontre. « Du grand n’importe quoi, pour ne pas dire du foutage de gueule », a renchéri Eric Courpotin (CFTC). Les syndicats sont, une fois de plus, montés au créneau pour défendre une idée qui leur est chère : le bonus-malus. Chaque organisation a son propre schéma, mais celui de Force ouvrière (FO) a été considéré avec un peu plus d’attention. Il envisage de moduler les cotisations en fonction du taux « de contrats à durée limitée » dans l’entreprise. Dans un tel système, seules 17 % des sociétés subiraient une hausse de leurs prélèvements, d’après FO, qui se prévaut d’une étude d’impact de l’Unedic.

Heures supplémentaires, qui décide?

« La mesure où le non-paiement d’heures supplémentaires jugées nécessaires peut entraîner, au titre de l’article L. 8221-5 du code du travail, la sanction pour travail dissimulé. »
« La mesure où le non-paiement d’heures supplémentaires jugées nécessaires peut entraîner, au titre de l’article L. 8221-5 du code du travail, la sanction pour travail dissimulé. » Ingram / Photononstop / Ingram / Photononstop

Une évaluation mise en place par Sarkozy, abrogée par Hollande, remise en place par Macron, la défiscalisation des heures supplémentaires ne cesse de poser des problèmes dans son adoption au sein des entreprises entre employeurs et salariés.

Mesure-phare de Nicolas Sarkozy, abolie par François Hollande, la exonération des heures supplémentaires a été remise au goût du jour par le président Macron, qui a déclaré le 10 décembre 2018, que les heures additionnels seraient « versées sans impôts ni charges dès 2019 ». Encore faudrait-il qu’elles soient payées. Deux termes récentes de la Cour de cassation ont validé le paiement d’heures supplémentaires contestées par des employeurs qui indiquaient ne pas les avoir commandées.

Dans une affaire qui opposent monsieur Rémi Y., consultant informatique salarié à son ex-employeur, la société Softteam Cadextan (anciennement Sungard Consulting), la cour d’appel de Paris avait confirmé la décision du conseil de prud’hommes saisi par le salarié, en le déboutant de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires sur un peu plus de quatre ans, de repos compensateur et de dommages et intérêts pour travail dissimulé (NB : le total des demandes avoisinait les 100 000 euros).

Monsieur Rémi Y. exposait que les horaires journaliers des clients de son employeur chez lesquels il intervenait représentaient une amplitude de dix heures (de 8 h 30 à 18 h 30) dont une heure de pause déjeuner, et qu’il accomplissait, de ce fait, deux heures supplémentaires par jour. Il avait déclaré, comme preuves, les ordres de mission, des preuves des horaires applicables chez les clients, un compte rendu de mission, des rapports d’activité́ mensuels, des comptes rendus d’activité mensuels, des décomptes d’heures supplémentaires, des courriers électroniques et des courriers qu’il avait adressés à l’employeur.

La sanction pour « travail dissimulé »

La société Softam Cadextan a riposté que le salarié avait exprimé sa première demande de rétribution d’heures supplémentaires deux mois avant son départ. Elle a estimé que ses éléments de preuve étaient sans valeur probante, car il s’agissait de comptes rendus et rapports non contresignés par le client ou des e-mails qu’il s’était envoyés à lui-même. Enfin, l’employeur avait exposé au salarié dans plusieurs écrits qu’il devait respecter la durée de travail de trente-cinq heures par semaine, les heures supplémentaires devant faire l’objet d’un accord antérieur avec le supérieur hiérarchique.

A la suite du conseil de prud’hommes, la cour d’appel de Paris a intégralement validé la thèse de l’employeur et débouté monsieur Rémi Y. : la mise en place des heures supplémentaires relevant du pouvoir de direction de l’employeur, le salarié n’avait pas à le placer devant le fait accompli.

Plus de 250 000 micro-travailleurs du clic en France

Des chercheurs viennent de publier une étude évaluant pour la première fois la masse de ces laborieux précaires et invisibilités du numérique en France.

Le nombre de micro-travailleurs en France n’est pas secondaire : de 15 000 personnes pour les plus réglementaires à plus de 250 000 pour les moins actifs. Un groupe de chercheurs de Télécom ParisTech, du CNRS et de MSH Paris Saclay vient de diffuser une étude tentant de quantifier le nombre de ces travailleurs du clic, invisibilités et fragilisés, qui effectuent de petites tâches numériques rétribuées à la pièce.

« Souvent répétitives et peu qualifiées,  consistent, par exemple, à assimiler ou nommer des objets sur des images, enregistrer des factures, traduire des morceaux de texte, changer des contenus (comme des vidéos), trier ou classer des photographies, répondre à des sondages en ligne », détaillent les chercheurs.

Clément le Ludec, Paola Tubaro et Antonio Casilli, les créateurs de cette enquête exécutée dans le cadre du projet DiPLab (cofinancé par la MSH Paris-Saclay, le syndicat Force ouvrière et le service du premier ministre France Stratégie) ont recensé courant 2018 :

Un groupe de 14 903 micro-travailleurs « très actifs », car présents sur des plates-formes de micro-travail au moins une fois par semaine ;

Un autre de 52 337 utilisateurs réguliers, plus sélectifs et présents au moins une fois par mois ;

Enfin, un troisième groupe de 266 126 travailleurs qu’ils évaluent occasionnels.

« Logiques de précarité et d’exclusion »

« Ces évaluations sont à traduire comme des ordres de grandeur. Dans la mesure où ils dépassent le nombre des contributeurs des plates-formes plus médiatisées telles Uber ou Deliveroo, ces chiffres élevés demandent l’attention autant des pouvoirs publics que des partenaires sociaux », précisent les auteurs. La reproduction de plates-formes qui sous-traitent ces micro-tâches et la popularité des solutions d’intelligence artificielle qui usent largement aux travailleurs du clic pour fonctionner – ce que rappelait par ailleurs Antonio Casilli dans son récent ouvrage En attendant les robots – ont poussé les chercheurs à essayer d’estimer le phénomène en France.

Pour y arriver, ils ont combiné trois méthodes : la prise en compte des chiffres affirmés par les plates-formes qui recrutent en France, placer des offres de tâche sur les plates-formes pour voir qui y répondait et, enfin, mesurer l’audience de ces plates-formes.

« Cette nouvelle forme de mise au travail des populations pousse à l’extrême les logiques de précarité et d’exclusion déjà constatées dans le cadre du vaste débat public et des contentieux légaux autour du statut des travailleurs “ubérisés”. Il nous paraît donc urgent de nous pencher sur ce phénomène émergent », déclarent-ils dans leur article.

Saint-Louis Sucre clôture deux sucreries, 130 fonctions menacés

L’industriel envisage la clôture de deux de ses quatre sucreries en France en 2020, ainsi qu’une vaste réaménagement pour faire face à la chute des cours mondiaux.

Saint-Louis Sucre a avisé, jeudi 14 février, la clôture de deux de ses quatre sucreries en France à partir de 2020, ainsi qu’une vaste réorganisation pour faire face à une baisse des cours du sucre, ce qui se traduirait par 130 suppressions d’emplois.

Les sites de Cagny (Calvados), Eppeville (Somme) et Marseille sont visés. L’usine de Cagny, qui emploie 85 salariés, cessera sa production de sucre au profit du stockage de sucre, mélasse et de la production d’alimentation animale à partir de mélasse, ce qui se traduirait par 77 suppressions d’emplois.

A Eppeville, 122 des 132 travailleurs seront réaffectés dans les deux usines de Roye (Somme), située à une vingtaine de kilomètres. Les dix autres effectueraient du stockage de sucre, sirop et mélasse et la déshydratation de pulpe. A Marseille, usine de conditionnement, les 58 employés seront ramenés à cinq pour un recentrage de l’activité sur la production de sucre liquide.

Écroulement des prix sans précédent

Ces fins ont été annoncées, jeudi, lors d’un comité central d’entreprise à Paris. « Ce projet répond à la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne du marché du sucre : libéralisation du marché européen depuis octobre 2017 avec la suppression des quotas, surproduction à l’échelle mondiale et chute des prix sans précédent sur les marchés mondiaux et européens », a expliqué le groupe, filiale de l’Allemand Südzucker, dans un communiqué.

« Ce projet s’inscrit dans un contexte de pertes de la branche sucre du groupe Südzucker, l’amenant à devoir adapter ses capacités de production à la demande du marché européen », déclare-t-il. Südzucker a enregistré un déficit de 83 millions d’euros sur sa branche sucre au troisième trimestre de l’exercice 2018-2019.

« L’Europe avait un marché régulé, mais la suppression des quotas de sucre en 2017 a encouragé les industriels à augmenter leur production de 30 %, ce qui a inondé le marché et fait baisser les prix », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Loïc Touzé, délégué syndical central FO, déclarant que Saint-Louis Sucre accuse aujourd’hui un déficit de 70 millions d’euros.

Il révoque toutefois le « deux poids deux mesures » entre les usines allemandes de la maison mère et les usines françaises. « Südzucker vient d’annoncer qu’il arrêtait de produire 700 000 tonnes de sucre par an, mais c’est la France qui accumule l’essentiel des efforts avec 450 000 tonnes. L’actionnaire privilégie ses usines en Allemagne », regrette le syndicaliste, pour qui « d’autres solutions auraient été possibles sans fermeture d’usine ».

« Décision brutale »

Succursale depuis 2001 de Südzucker, premier sucrier européen, Saint-Louis Sucre emploie 770 employés en France et travaille avec 4 733 planteurs de betterave sucrière.

Dans un communiqué, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a jugé cet issue « brutale » et appelé la préfète de la Somme à « réunir le plus rapidement possible toutes les parties prenantes » pour déterminer « si toutes les options ont été étudiées sérieusement » concernant le site d’Eppeville.

« S’il apparaît que des investissements pour maintenir la production à Eppeville sont nécessaires, les collectivités locales et, en premier lieu, la région Hauts-de-France seront prêtes à participer à cet effort financier », a-t-il mentionné.