L’enseignement de l’italien en France

Il y a cinq cents ans décédait Léonard de Vinci. Mais la célébration que la France prépare avec l’Italie survient alors que le transformation Blanquer assène un dur coup à l’enseignement de l’italien, déplore un collectif d’universitaires dans une tribune au « Monde ».

Tribune. On nous annonce que le 2 mai le président de la République française recevra à Amboise M. Sergio Mattarella, président de la République italienne, pour commémorer le cinquième centenaire de la mort de Léonard de Vinci (1452-1519). On peut certes voir là un geste d’apaisement entre France et Italie, après ces derniers mois tumultueux. Si ce n’est que, en même temps que s’annoncent ces festivités, le ministre de l’éducation nationale aménage de son côté l’asphyxie de l’enseignement de l’italien en France.

En deux ans, M. Blanquer a partagé par deux le nombre de postes à l’agrégation externe d’italien avec, en 2019, un nombre insignifiant, sinon humiliant, de cinq postes, tandis que le capes passe amplement sous la barre des vingt postes (contre vingt-huit en 2018 et trente-cinq ou plus les années précédentes), alors même que non uniquement la demande dans l’enseignement secondaire ne décroît pas mais que des cohortes d’étudiants commencent l’italien à l’université (plus de mille à Aix-Marseille, Montpellier, Paris-I, Toulouse, etc.) faute de n’avoir pu l’adopter au collège ou au lycée !

La réforme Blanquer, qui détruit le coefficient de la LV3 (désormais LVC) pour nos très nombreux élèves, assène un coup mortel à l’enseignement de l’italien en France alors que l’Italie reste le deuxième partenaire commercial de la France, offrant de vraies visions sur le marché de l’emploi.

Claude Hagège, Thomas Dutronc, Julie Gayet

Geste d’atténuation ou mascarade politique ? Plusieurs personnalités du monde de l’art et de la culture, comédiens, écrivains, journalistes et intellectuels, comme Jeanne Balibar, Andrea Camilleri, Luciano Canfora, Emma Dante, Gérard Darmon, Thomas Dutronc, Julie Gayet, Stéphane Guillon, Claude Hagège, Michel Pastoureau, Ernest Pignon-Ernest, etc. ont signé notre appel en ligne pour que l’amitié franco-italienne soit une réalité politique, pour que le nombre de postes aux concours retrouve sa dignité nationale, et pour que l’enseignement de l’italien soit appuyé comme enseignement de spécialité avec des moyens spécifiques.

Dira-t-on, le 2 mai, qu’il existe des départements français entiers où aucun établissement public du secondaire n’offre pas l’enseignement de l’italien ? Célébrera-t-on Léonard de Vinci au mépris de la langue de Dante, de Machiavel, de Galilée, de Verdi ou d’Umberto Eco ? Se recueillera-t-on sur la tombe du « génie » en songeant que l’on tente d’effacer subrepticement dans les couloirs d’un ministère une partie de notre richesse et de notre histoire communes ? Chantera-t-on l’amitié fraternelle de nos deux nations quoique que M. Blanquer concocte son sinistre fratricide ?

pollution au bureau !

« Dans les espaces de travail, les composés organiques volatils (COV) et autres molécules nocives se diffusent en toute liberté. Or, les Français passent 85 % de leur temps en moyenne dans des environnements clos. »
« Dans les espaces de travail, les composés organiques volatils (COV) et autres molécules nocives se diffusent en toute liberté. Or, les Français passent 85 % de leur temps en moyenne dans des environnements clos. » Katarina Sundelin/PhotoAlto / Photononstop

Produits ménagers, moquettes, imprimantes… Les lieux d’ouvrage dissimulent un bon nombre d’équipages qui distribuent des particules aux effets nuisibles sur la santé.

Il y a une obligation à nettoyer nos entourages de travail ! C’est l’information déclenché par la docteure en génétique et biologie moléculaire, cofondatrice d’Habitat Santé Environnement (HSEN) Bordeaux, Isabelle Farbos.

Collaborée le 17 avril lors d’une conférence structurée par l’Association des directeurs de l’entourage de travail (Arseg) sur le salon Workspace Expo, cette chercheuse s’est inclinée sur les substances nocives côtoyées chaque jour par les salariés sur leurs lieux de travail. Et ses conclusions sont sans appel : produits ménagers, moquettes, imprimantes… « Faute de réglementation, des molécules dangereuses sont utilisées dans plein de produits », menace Isabelle Farbos.

Et la chercheuse d’égrener une grande liste: du formaldéhyde, utilisé dans les produits d’entretien et classé cancérigène avéré par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), aux phtalates dans les sols en PVC – perturbateurs endocriniens notoires – en passant par les particules fines émises par les ordinateurs et les photocopieurs et qui participent à irriter les voies respiratoires…

Le diable se cache jusque dans le petit café du matin, pris dans des gobelets en plastique, ou dans la fontaine à eau, purifiée à l’acide sulfurique. Certaines de ces substances sont d’ailleurs publiquement reconnues comme pouvant être à l’origine de maladies professionnelles.

Action sur les gènes

C’est l’entassement et « l’effet cocktail » – le contact avec plusieurs de ces substances – qui rend imprudente l’exposition à ces polluants. « Le salarié va respirer ces molécules pendant dix ans », souligne la chercheuse. Leurs effets délétères sur la santé étaient assez peu connus jusqu’à une période récente, ce qui développe la relative inaction des pouvoirs publics – surtout l’action de ces principes sur les gènes.

« Durant longtemps, on a seulement étudié ces substances sous l’angle de la toxicologie et pas de la génétique », déclare la chercheuse. Cela fait moins d’une dizaine d’années que les chercheurs ont débuté à s’intéresser à l’action des molécules présentes dans l’environnement sur nos gènes. « En vérité, il n’y a que très peu de fatalité ADN, affirme Isabelle Farbos. Si un patient commence à avoir du diabète, par exemple, c’est que son gène insuline est passé en mode “off” du fait de son environnement ». Même chose pour les tumeurs cancéreuses.

 

Une diminution du chômage en France dans les 3 premiers mois de 2019

 Après une diminution de 1,1 % au dernier trimestre 2018, le nombre de solliciteurs d’emploi a une autre fois reculé au premier trimestre en France. On évalue 0,7 % de chômeurs de catégorie A en moins. Mais toutes les catégories ne sont pas intéressées par cette réduction.

Léger mieux sur le front de l’emploi. Le chômage a diminué de 0,7 % pour la catégorie A, en France métropolitaine au premier trimestre, d’après les chiffres de Pôle emploi annoncé ce vendredi midi. C’est 24 200 chercheurs d’emploi en moins. On compte aussitôt 3 391 900 personnes sans emploi dans cette catégorie. Par contre, si on y ajoute les B et C (de personnes exerçant une activité réduite courte), la courbe du chômage demeure stable et affiche un léger recul sur un an : – 0,4 %.

Du mieux chez les seniors

Dans le détail, ce sont les moins de 25 ans qui ont aperçu le plus de pénuries à décrocher un travail au cours du premier trimestre. Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A est stable pour cette catégorie d’âge, alors qu’il recule pour ceux âgés de 25 à 49 ans (-1 %). Il y a du mieux chez les seniors avec une diminution de 0,4 % au premier trimestre contre -0,1 % sur un an.

Du côté des catégories B et C, la courbe du chômage remonte. Ainsi, au premier trimestre 2019, le nombre moyen de solliciteur d’emploi en catégorie B (activité réduite courte) augmente de 0,6 % (–0,2 % sur un an) et celui des solliciteurs d’emploi en catégorie C (activité réduite longue) de 1,2 % (+2,2 % sur un an). Au total, le nombre de demandeurs d’emploi en catégories B et C augmente de 1 %.

« Retirer l’ENA ne fera pas passer la nécessité d’aménager les cadres de la fonction publique »

Ancien étudiant de l’ENA, David Guilbaud montre, qu’il faut protéger la conception républicaine du « fonctionnaire citoyen », dont le statut lui admet d’octroyer, sans doute de répression, son avis cultivé à son échelle afin que celle-ci puisse immobiliser en connaissance de cause.

Après plus d’une semaine de rumeurs, le président de la République a fait part aux citoyens des termes qu’il a pris après le grand débat national. « On ne va pas supprimer telle ou telle chose pour faire des symboles », a-t-il déclaré. Avant de joindre, quelques dizaines de minutes plus tard, qu’il comprenait bien, malgré tout, effacer l’Ecole nationale d’administration dans le cadre d’un grand changement de la haute fonction publique.

Il entend aussi voir les « grands corps » annulés, sans que l’on comprenne bien la cause d’une suppression de ces corps d’inspection et de contrôle, ni ce par quoi ils pourraient être transformés et avec quelles garanties d’indépendance pour l’exercice de leurs missions. De même, la justification d’une cession de l’ENA reste impossible à discerner : sauf à démanteler l’Etat, cela ne fera pas passer le besoin de former les cadres de la fonction publique.

Protéger la conception républicaine

Qu’importe, les hauts agents sont invités à s’amuser : le gouvernement a d’ores et déjà escompté une réforme profonde des règles de la fonction publique « pour le bien des fonctionnaires » – a déclaré le chef de l’Etat – et la haute fonction publique ne sera pas tenue à l’écart de cette « modernisation indispensable ». Mais de quoi parle-t-on, au juste ? Trois sujets ont été fort légitimement réputés par le président : le recrutement des hauts fonctionnaires, leur formation et l’amplification de leur carrière.

Sur ce dernier sujet, il faut affirmer une autre fois  que le statut de la fonction publique, qui donne aux fonctionnaires la sécurité de leur emploi, est vertueux. Comme l’a rappelé l’ancien ministre de la fonction publique Anicet Le Pors, il permet de concrétiser une triple exigence de capacité, d’estime au service public et d’intégrité. Etendre le recours au contrat dans la fonction publique menace ces exigences. Contre le risque d’un retour en arrière vers davantage d’autoritarisme hiérarchique, il faut, au contraire, protéger la conception républicaine du « fonctionnaire citoyen », dont le statut lui admet de donner, sans crainte de sanction, son avis cultivé à sa hiérarchie afin que celle-ci puisse décider en connaissance de cause.

Microsoft Research présente son tout nouveau langage de programation « Bosque »

Selon les informations initiales, Bosque serait en quelque sorte un assortiment entre Meta Language, Node.js, et TypeScript. Mark Marron, un chercheur en informatique œuvrant pour Microsoft, décrit Bosque comme un langage innovateur, offrant une version évoluée des modèles modernes très organisés. Il déclare : « Ce modèle se fonde sur les succès de la programmation structurée et les types de données abstraites en simplifiant les modèles de programmation existants en une forme organisée qui écarte les principales sources d’erreurs, simplifie la compréhension du code et la modification, et convertit les tâches de argument automatisé sur le code en propositions futiles. »

Voici un modèle de ce à quoi peut ressembler la syntaxe Bosque. On se rend compte qu’elle apparente certainement au JavaScript. Cet exemple présente l’égalent d’une boucle for en JS. Les doubles slashs font office de commentaire.

Le dépôt GitHub consacré à Bosque met à disposition une multitude d’autres exemples. Nonobstant, Bosque n’est pas encore en dernière version. Ses créateurs recommandent de ne pas l’user de suite dans le cadre de projets centraux. Cela dit, Microsoft invite certainement les développeurs à l’étudier par curiosité ou pour des projets ayant moins d’envergure.

La robotisation devrait faire disparaître 14 % des emplois d’ici 20 ans, selon l’OCDE

La France est un peu plus exposée que la moyenne, avec 16,4 % d’emplois menacés et 32,8 % transformés par l’automatisation.

Par Marie Charrel Publié aujourd’hui à 10h00, mis à jour à 10h21

Temps de Lecture 4 min.

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Des caisses automatiques dans un hypermarché à Rennes, en 2008.
Des caisses automatiques dans un hypermarché à Rennes, en 2008. MARCEL MOCHET / AFP

A quoi ressembleront nos emplois dans quelques décennies ? Convaincus que le progrès technologique apportera le meilleur, les techno-optimistes décrivent un monde où les robots occuperont les tâches les plus ingrates tandis que les humains se consacreront à leurs loisirs. Les techno-pessimistes, eux, penchent pour un scénario où l’intelligence artificielle détruira massivement les emplois, engendrant pauvreté, conflits de classes et instabilité politique. Si le pire n’est jamais sûr, la robotisation nourrit déjà une grande anxiété au sein des classes moyennes des pays industrialisés.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les salariés français mal préparés à l’intelligence artificielle

Dans L’Avenir du travail, le nouveau rapport qu’elle publie jeudi 25 avril, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’efforce de faire le tri entre les inquiétudes légitimes et les peurs excessives sur le sujet. Elle dresse un tableau aussi nuancé que complexe. Stefano Scarpetta, économiste au sein de l’institution, rassure :

« Nous ne croyons pas au scénario catastrophe. Pour autant, les politiques choisies par les gouvernements seront déterminantes pour limiter le nombre de travailleurs exclus dans le futur. »

Et pour cause : de grandes mutations structurelles transforment en profondeur le tissu économique et, par ricochet, l’emploi. A l’œuvre depuis quelques décennies, elles s’amplifieront dans les années à venir. A commencer par le vieillissement de la population, particulièrement marqué au Japon, en Italie, en Grèce, en Espagne ou encore en Corée du Sud et en Chine. En 1980, on comptait 20 personnes de plus de 65 ans pour 100 personnes en âge de travailler (20-64 ans) dans l’OCDE. En 2015, on en recensait 28, et leur part devrait passer à 53 en 2050.

Infographie Le Monde

De nouveaux jobs

Cela posera bien sûr un défi pour le financement de la dépendance, mais pas seulement : « les sociétés vieillissantes consomment plus de services de santé et moins de biens industriels, tels que les voitures, ce qui influence la structure de l’économie », explique le rapport. Et elles sont plus enclines à adopter les robots pour remplacer la main-d’œuvre manquante.

S’ajoute à cela la mondialisation qui, depuis quarante ans, s’est traduite par l’intégration croissante des marchés et chaînes de production. Selon l’OCDE, l’essor des échanges commerciaux a créé plus d’emplois qu’il n’en a détruits. Mais les délocalisations et la désindustrialisation de certaines régions ont également fait des perdants, alimentant une angoisse croissante parmi les citoyens.

Autre vision de la feuille d’impôt

« Moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières (…), c’est moins de main-d’œuvre qualifiée, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. »
« Moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières (…), c’est moins de main-d’œuvre qualifiée, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. » Charlie Abad / Photononstop

Gérard Fonouni

Professeur agrégé d’économie et gestion

L’économiste Gérard Fonouni met en garde, contre la vision libérale et égoïste qui admet à vouloir diminuer les recettes de l’Etat pour lancer la machine économique.

Le pouvoir d’achat est transformé depuis le mouvement des « gilets jaunes » le privilège des Français devant l’emploi et l’insécurité. Les réclamations sollicitant son augmentation ont été plutôt fiscales que salariales. Le pouvoir d’achat serait devenu aussitôt l’affaire de l’Etat et non plus l’affaire des chefs d’entreprise.

Ce déplacement de but écartant les syndicats faute de réclamation salariale, a fait de l’impôt la principale caractéristique du pouvoir d’achat, alors que celui-ci dépend d’abord du niveau du salaire et du niveau des prix. Cette vision partisane et individualiste a fini définitivement par exiger, lors du grand débat national, l’idée que la feuille d’impôt est l’ennemi numéro un du pouvoir d’achat.

En effet, de peur que les réclamations salariales installent à mal les petites et moyennes entreprises et qu’elles installent à mal l’emploi, celles-ci se sont menées sur le terrain fiscal, qui, quant à lui, est beaucoup moins difficile économiquement. Cette malversation renforce ainsi les thèses économiques classiques dites « libérales » selon lesquelles le salaire, et plus particulièrement le salaire minimum, seraient nocifs pour l’emploi, et selon lesquelles l’impôt dissuaderait l’esprit d’entreprendre, diminuant ainsi la croissance.

Solidarité ou individualisme

C’est pourquoi la feuille d’impôt s’est graduellement remplacée à la feuille de paie pour innocenter plus de pouvoir d’achat. Dans ces conditions, seule une baisse d’impôt peut octroyer du pouvoir d’achat à l’ensemble des ménages.

Actuellement, la question du pouvoir d’achat est donc transformée un choix économique entre salaire et impôt et, aussi, un choix de société entre association et individualisme. Or, choisir la baisse de la feuille d’impôt plutôt que l’augmentation de la feuille de paie pour octroyer du pouvoir d’achat aux ménages est un choix très critique économiquement et socialement.

Faute de revenus fiscales importantes, l’Etat se voit contraint de amoindrir les dépenses publiques afin d’éviter d’aggraver son déficit budgétaire et d’alourdir la dette publique. L’impôt sert à financer les dépenses publiques, elles-mêmes très utiles à l’augmentation économique et au bien-être de tous.

Or, moins d’impôts, c’est moins de services publics, donc moins de policiers, moins de professeurs, moins d’infirmières, moins de médecins, moins de chercheurs, c’est moins de main-d’œuvre compétente, moins de connaissances, c’est moins d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance, selon les théoriciens de la croissance endogène. Sa réduction approuvant celle des dépenses publiques, ralentit à la fois le niveau de la demande et celui de l’offre, punissant ainsi la croissance et l’emploi.

Sarah, « travailleuse du clic » 

Classeur avec les bons de réductions pour les acahats.

FELIX LEDRU

Des dizaines de milliers de microtravailleurs se connectent fréquemment à des plates-formes offrant des tâches rétribuées à la pièce pour arrondir leurs fins de mois. Une activité particulièrement effectuée par des femmes au foyer, qui demeure méconnue.

Où va le travail ? On pourrait la saisir pour une femme d’affaires. Assise sur son canapé, des lunettes papillon attachées sur le nez et l’œil immobilisé sur l’écran de son ordinateur portable, Sarah Guyon parcourt, impassible, la liste des « missions » payées du jour.

Deux centimes d’euro pour cliquer sur un article du Figaro, 18 centimes pour installer un logiciel admettant de lire des fichiers PDF, 36 pour inscrire ses coordonnées dans une requête de devis pour le réparateur automobile Speedy… « Ça ne paraît pas énorme comme ça, mais, en me connectant tous les jours, j’arrive à encaisser 200 à 300 euros par mois », ajoute cette mère de 26 ans.

Il y a cinq ans, après la naissance de son deuxième enfant et les premières « galères financières », elle est venue grossir les rangs de l’armée visible des « travailleurs du clic », ces personnes réalisant en ligne des tâches, fréquemment très rapides, rémunérées à la pièce. Ils seraient aujourd’hui plus de 250 000 en France à se connecter occasionnellement sur des plates-formes de microtravail – un nombre qui dépasse celui des personnes œuvrant pour Uber ou Deliveroo –, et 15 000 à y être « très actifs » selon une étude éditée en février par des chercheurs de Télécom ParisTech, du CNRS et de MSH Paris Saclay.

Pour l’heure, le travail du clic n’est ni entouré ni reconnu comme tel. Et Sarah Guyon, qui vit à Montmeyran, dans la Drôme, est continuellement regardée par l’Insee comme « inactive ».

Course contre la montre

Sa journée, cadencée par les allers-retours matin, midi et soir jusqu’à l’école, où quatre de ses six enfants sont scolarisés, ressemble malgré cela à une course contre la montre. L’après-midi, une fois le ménage fait et ses deux derniers nourris et endormis, Sarah se met au salon et se connecte une autre fois sur ses deux plates-formes de microtravail préférées – Moolineo et Loonea. Elle commence alors les tâches : donner son adresse pour obtenir et tester la dernière lessive Ariel 3 en 1, solliciter pour participer au panel de téléspectateurs de l’institut d’études marketing Harris Interactive, cliquer sur des articles de Grazia et Challenge, s’inscrire à la newsletter de la parfumerie Marionnaud, remplir de nouvelles demandes de devis…

La sélection discriminatoire de l’ENA

Professionnel en science des organisations, Alain Klarsfeld note, que ce sont une consistante assistance familiale et financière et les biais de sélection inconsciente qui reproduisent une augmentation de la fonction publique électif.

Entre les annonces espérées jeudi 25 avril, il en est une qui fait jaillir beaucoup d’encre. L’Ecole nationale d’administration (ENA) serait annulée. On peut comprendre aisément les motifs d’une telle cession. Avec les années, l’ENA en est venue à participer tout ce qu’une grande partie des Français haïssent, à savoir l’élitisme, non pas en tant que tel, mais en tant qu’il ne repose pas sur une base légale. Que l’ENA soit ou pas effacée, une pensée s’impose à elle (ou à l’école qui prendra la relève), comme à toute la grande fonction publique.

Un des concepts sous-tendant le caractère immérité des évolutions de sélection de l’ENA est celui de la ségrégation sociale. Pour cela ils appellent de différencier les notions de discrimination directe et indirecte. Qualifier les processus de sélection (à l’entrée et au classement de sortie) de l’ENA de discriminatoires socialement pour en tirer la conclusion qu’il faut annuler l’ENA, c’est aller trop vite en besogne et c’est passer à côté des enjeux les plus importants.

Le processus de sélection de l’ENA ne produit pas de discrimination directe. Par discrimination directe, il faut savoir la prise en compte directe de critères interdits tels que l’origine, le sexe, les mœurs, la condition économique, etc. (la loi liste 25 critères). Il est fort peu acceptable, même si jamais entièrement à exclure, que les examinateurs des copies anonymes et les jurys d’oraux prennent en compte l’un ou l’autre de ces critères dans leur évaluation.

Enfants de hauts fonctionnaires

Le processus de sélection de l’ENA produit par contre une discrimination indirecte. Cette ségrégation détournée repose à la fois sur l’initiative de la composition peu diverse de la population des « gagnants » (admis au concours externe, et surtout, ceux sortis dans la « botte », ou élevé de la distribution de sortie mélangeant toutes les voies d’accès) et sur la conformité des épreuves de sélection (ou plutôt leur absence de légitimité).

En effet, à la sortie du concours extérieur et à l’organisation de sortie, la proportion dominante d’enfants de cadres supérieurs et notamment de hauts fonctionnaires (ou anciens hauts fonctionnaires passés au privé) est nettement stupéfiante, et n’a fait que s’accroître au cours des dernières décennies. Cette proportion est provocante, mais pas encore, en tant que telle, particulière de discrimination indirecte, laquelle suppose en outre une épreuve attentif des processus de sélection.

« La cession d’entrée direct aux grands corps est un point de passage exigé »

Enarque et historien, Marc-Olivier Baruch propose, un changement en cinq clés de l’Ecole nationale d’administration pour initier la haute fonction publique à l’entreprise qu’elle est censée administrer.

Il se trouve que j’ai approximativement tout fait à l’Ecole nationale d’administration (ENA) : j’y suis (simplement) entré fin 1978 et en suis (mal) sorti trente mois plus tard, après une scolarité sans intérêt. J’y ai noté l’histoire administrative au début des années 2000 (discipline non notée et donc peu prise au sérieux par les élèves les mieux adaptés), au début deux jours par an, puis deux heures. J’ai arrêté cet enseignement avant qu’on ne me sollicite d’y dédier deux minutes… J’ai également été vice-président des concours d’entrée de 2010, ai siégé au comité de rédaction de la revue d’administration publique de l’ENA et collaboré à son comité d’histoire, qui produit de fort riches (mais peu lus) Cahiers [Cahiers pour une histoire de l’ENA] exprimant l’institution, promotion par promotion.

L’histoire, exactement, en dit beaucoup sur l’institution. Elle articule certes les audaces mais aussi les fissures initiales d’un projet qui n’était que relativement modernisateur. Le général de Gaulle de 1945 savait trop avoir besoin de l’appareil d’Etat pour en secouer les élites – dont il connaissait pourtant, mieux que personne, la conduite, peu engageant et peu engagé, durant les années de guerre et d’occupation.

Dès 1945, alors que se bâtit l’ENA, le ministère des finances ne se rassemble au projet de corps commun des administrateurs civils qu’à la condition que ceux servant dans ses rangs continueront à bénéficier d’un régime compensatoire favorisé, faute de quoi, face à l’aridité de la matière qui s’y trouve traitée, il risquerait de se voir déserté.

Un essai de découpe de poulet rôti

Dans ce domaine où les techniciens hors pair de la gestion administrative connaissent si bien énucléer la volonté réformatrice du politique – Nicolas Sarkozy, homme volontaire s’il en est, ne parvint pas à effacer le classement de sortie –, la loi doit poser des principes forts. Nous proposons cinq clés pour ouvrir la haute fonction publique à la société qu’elle a appel à diriger.

La première comporte à effacer les crises structurelles entre les métiers auxquels destine l’ENA. Nul n’irait consciemment manier des liasses de pièces comptables ou s’adonner au contentieux fiscal s’il ne savait que, très vite, son appartenance à la Cour des comptes ou au Conseil d’Etat serait pour lui, après un tout petit nombre d’années, un énergique accélérateur de carrière.

La cession de l’accès direct aux grands corps, comme l’harmonisation des régimes compensatoires entre ministères, est donc un point de passage obligatoire d’une telle réforme. Changements qui ne sont guère coûteuses budgétairement, mais dont les auteurs seront vus comme traîtres à leurs corps, ce qui les inquiéta longtemps.