Air France diminue de son effectif au niveau national

Le siège d’Air France-KLM, à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, près de Paris, en août 2018.
Le siège d’Air France-KLM, à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, près de Paris, en août 2018. JOEL SAGET / AFP

La direction d’Air France envisage un plan de départs volontaires touchant 465 personnes. Les escales du Sud et de l’Est de la France domineraient payer le plus lourd tribut.

C’est sans doute la fin de la lune de miel entre Ben Smith, directeur général d’Air France-KLM, et les syndicats d’Air France. Le nouveau patron, nommé pendant l’été 2018, doit en effet annoncer, lundi 13 mai, un plan de départs volontaires (PDV) à l’occasion d’un comité social et économique central extraordinaire (CSECE). Au total, 465 postes sont visés. Des coupes qui doivent principalement concerner les effectifs des personnels des bases et des escales d’Air France à Paris, comme en province.

Pour cette première tendance de départs de l’ère Smith ce sont les escales du Sud et de l’Est de la France qui nécessiteraient payer le plus lourd tribut. Le tranchoir ne s’abat pas au hasard. Selon un syndicaliste, elles seraient lourdement déficitaires. Fermement faire concurrence depuis une dizaine d’années par les compagnies à bas coûts comme easyJet, mais aussi par les TGV de la SNCF, le court-courrier aurait creusé un déficit de 170 millions d’euros en 2018. Une perte qui tombe d’autant plus mal qu’Air France n’a plus les moyens « d’acheter la paix sociale comme elle l’a fait à un moment », ajoute le syndicaliste.

La compagnie franco-néerlandaise a connu un très mauvais premier trimestre 2019. Son déficit d’exploitation s’est élevée à 303 millions d’euros contre 185 millions sur la même période il y a un an. Le choix de la direction de réduire les effectifs agace les syndicats, qui dénoncent les options uniquement défensives d’Air France. « Nous souhaitons une politique offensive sur le court-courrier », dont les difficultés ne se régleront « pas seulement avec un plan de départs volontaires », se désole Gaël Amaury, secrétaire général adjoint de la CFDT Air France. Dans cette activité, la direction paie aussi le prix des retards de l’union entre les trois compagnies filiales d’Air France, Airlinair, Brit Air et Regional, identifiées sous la bannière d’Air France Hop !.

« Attrition des personnes »

Promise dans une politique de diminution des coûts, Air France devrait terminer son PDV par une réduction des répétitions sur certaines lignes et l’arrêt de quelques destinations sur son réseau domestique. Une démarche « d’attrition des personnes » et de l’activité qui provoque des demandes, indique la CFDT.

Le syndicat s’ahurit que « dans la stratégie qui sera présentée lundi par la direction, il n’y ait pas un mot sur Transavia France », la succursale à bas coûts d’Air France. Pour une fois sur la même longueur d’onde, la CFDT et Philippe Evain, ancien président du Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL), considèrent que « Transavia France aurait les moyens de faire concurrence aux low cost en province ».

 

Changement dans le monde du mannequinat

Des mannequins défilent lors de la dernière Paris Fashion Week, le 4 mars.
Des mannequins défilent lors de la dernière Paris Fashion Week, le 4 mars. REGIS DUVIGNAU / REUTERS

« Les sujets ne nécessitent pas être abandonnés seuls avec un photographe, maquilleur, ou tout autre adhérent durant un shooting. » « Tous les participants d’un shooting photo ou d’un tournage vidéo nécessitent se concevoir de façon professionnelle et ne pas se livrer à des actes de harcèlement. » Voilà le genre d’ordres que l’on trouve dans le guide Condé Nast pour lutter contre le harcèlement dans la mode. Il a été diffusé en janvier 2018, au moment où des photographes très influents dénoncés de harcèlement – parmi eux, Terry Richardson, Mario Testino, Bruce Weber – ont été mis au ban par des groupes de presse et des maisons de mode.

En septembre 2017, les groupes de luxe Kering et LVMH avaient ouvert la voie avec la constitution d’une charte pour progresser les conditions de travail et le bien-être des mannequins. La concomitance de ces faits n’est pas le fait du hasard : Instagram, qui s’est imposé vers 2015 comme le nouvel outil de communication de la mode, a bouleversé les rapports de force, donnant aux mannequins l’occasion de s’exprimer visiblement et, le cas échéant, de révoquer certains agissements.

Et les agences dans tout ça ? On les a peu expérimentées, alors qu’elles sont malgré cela au cœur du fonctionnement. Comment perçoivent-elles la situation ? Comment leur participation avec les mannequins a-t-elle évolué ? Réponse avec trois d’entre elles.

« On s’est toujours occupé des mannequins, c’est normal. Quand une fille étrangère arrive à Paris, on lui loue une habitation, on lui trouve un rendez-vous chez le médecin, on lui fait un book de photos… », déclare Nathalie Cros-Coitton. Pour la présidente de la Fédération française des agences de mannequins et de l’agence Women, la compétition entre les agences est telle que « si on ne traitait pas bien nos mannequins, ils iraient immédiatement voir la concurrence. Donc, au-delà de l’éthique, il y a des raisons économiques à agir ainsi ».

Un espace à l’abri des regards

Pour certains réponsables d’agence, l’agitation de ces dernières années n’a pas changé leur manière d’œuvrer ; ils estiment que leurs agences ont toujours été irréprochables. Chez Elite, le président, Vick Mihaci, pense aussi que « les chartes n’ont rien changé à [leur] manière de faire ». Il rappelle qu’en droit du travail, la France reste un Etat précurseur, le premier au monde à avoir exigé des certificats médicaux, généralement contrôlés par l’inspection du travail ; c’est aussi un des seuls pays où les mannequins ont un statut de salarié et non d’indépendant. Selon lui, les obstacles dont les mannequins ont pu se plaindre sur Instagram viennent plutôt des marques et de la course à la nouveauté à laquelle elles se livrent.

 

« Elles ne laissent plus aux mannequins le temps de se développer, elles peuvent les lâcher après une saison », déplore-t-il. Il évoque aussi la pression exercée sur les designers : « La créativité, on ne peut pas en avoir tous les jours, et quand il faut faire huit collections par an, il y a saturation. C’est du travail de dernière minute, et l’organisation devient très compliquée. » Et ce sont les modèles qui en font les frais. Toutes les agences ont leur lot d’anecdotes sur telle fille, appelée la veille d’un défilé pour faire un essayage à minuit, puis rappelée à 2 heures du matin, et de nouveau à 4 heures… pour finalement ne pas être choisie pour le show.

« Ces dernières années, les mannequins étaient devenus un cintre, il n’y avait plus de respect de la personne. Les chartes ont permis aux marques de rectifier le tir », conclu Lena Bodet, de l’agence Elite. « Avant, pour les défilés, les mannequins se changeaient là où ils pouvaient, peu importait qu’il fasse trop chaud ou trop froid, que ce soit plein de monde. Ça n’avait pas d’importance : c’était du bétail, ajoute Cyril Brulé, le chef de l’agence Viva. Avec la charte, toutes les maisons ou presque se sont mises sur les rails. » Aux défilés, les mannequins ont sitôt un espace à l’abri des regards pour se changer, un buffet cohérent où se restaurer, et même parfois un psychologue à disposition. Quant aux inévitables essayages, ils durent aussitôt moins longtemps : « A quelques exceptions près, maintenant, à 23 heures ou minuit, c’est fini, tout le monde est au lit ! », déclare Patrick Simon, d’Elite.

« Longtemps, dans les grands groupes, la direction a été complètement déconnectée de la réalité. L’équipe gouvernante allait complimenter le designer dans les coulisses après le défilé, mais ne se disait pas : “Tiens, il y a des mannequins à moitié nus, mais aussi des journalistes, des photographes” », déclare Cyril Brulé. Il a indirectement participé à la naissance de la charte LVMH Kering en alertant Antoine Arnault et François-Henri Pinault des dérives qu’il observait. Lors des séances de travail qui s’ensuivent, « les groupes ont découvert un laisser-aller qui durait depuis des années ». Cyril Brulé prend le modèle d’un mannequin homme qui a raconté devant un auditoire inquiété qu’il s’était retrouvé dans les coulisses d’un défilé en string avec un type qui prenait des photos des fesses de tous les modèles.

La chute des photographes dénoncés de harcèlement a aussi changé le climat sur les shootings, qui sont devenus plus tendus. Les photographes, les maquilleurs ou les coiffeurs saisissent plus de précautions, veillent à ne pas rester seuls avec un mannequin. « Si un photographe veut demander à une fille d’ouvrir un peu plus sa blouse pour la photo, il favorise que ça soit une femme qui le fasse à sa place », ajoute Nathalie Cros-Coitton, qui nuance : « Ça n’empêche, des prédateurs, il y en aura continuellement. Et la plupart du temps, ils ne se réalisent pas sur le lieu de travail, mais après. »

Toutes les agences consultées assurent ne pas avoir été confrontées à des cas de harcèlement ou d’agression. Bien sûr, toutes étaient au courant de la réputation de certains photographes, mais elles avancent l’argument de n’avoir jamais rencontré de mannequins prêts à déposer une plainte. « Des filles me disaient : “Je veux le job, même si ce photographe est relou, je peux le gérer” », ajoute Cyril Brulé, qui admet avoir déjà démissionné d’une agence qui ne réagissait pas lorsque des modèles révoquaient des pratiques coupables. « Les agences et les marques ont pris conscience qu’il est de notre responsabilité de ne pas travailler avec des gens pourris ou qui cautionnent ce système. »

Chaperon nécessaire

Le mannequinat est un des rares milieux où il existe une vraie mixité sociale, où l’on croise à la fois de riches héritier(ère)s et des réfugié(e)s fuyant la misère de leur pays. Mais tous n’ont pas les mêmes armes pour se défendre. « Un mannequin issu d’un milieu aisé, appuyé par sa famille, qui n’a pas une forte nécessitée à gagner de l’argent, est plus à même de gérer la pression ou le harcèlement. Une gamine qui vient d’un milieu défavorisé va plutôt penser “Je ne vais rien dire, sinon on va me renvoyer chez moi” », déclare Cyril Brulé.

 

Pour précéder la trop grande fragilité des mannequins, les chartes LVMH et Kering ont d’ailleurs modifié l’âge légal pour œuvrer : les moins de 16 ans ne sont plus acceptés, et le travail de ceux entre 16 ans et 18 ans compliqué par la présence obligatoire d’un chaperon. Avant, on pouvait apercevoir des adolescents sur les podiums. « Mais à cet âge-là, on ne tient pas la pression ! Comment une fille de 15 ans qui débarque à Paris sans maîtriser la langue ni connaître personne saurait-elle se comporter sur un shooting avec 100 personnes autour d’elle ? Surtout que, aujourd’hui, un mannequin doit non seulement être beau, mais aussi être sympathique, en forme, avoir une bonne personnalité et un super Instagram », s’excite Cyril Brulé.

La question de l’âge est aussi très attachée à celle du poids. « Pourquoi on recrute des adolescents ? Parce qu’ils ont des corps qui admettent absolument aux vêtements conçus par les designers », regrette Patrick Simon. Le danger étant que lorsque le corps de l’adolescent se change en corps d’adulte, le mannequin se voit abandonné par la marque qui l’employait et commence alors à s’affamer pour continuer de plaire. « Les chartes ont eu beaucoup d’effets positifs, mais rien n’a changé sur la question du poids, regrette Cyril Brulé. Les mannequins qui ne travaillent pas se rendent bien compte que c’est souvent une question de poids. Une fois qu’ils ont perdu 10 kilos, ça marche mieux pour eux. Habituellement, on entend encore les marques nous dire : “Elle a trop de poitrine ou de fesses.” »

L’enthousiasme pour la maigreur est tenace, mais les espoirs sont permis : à une époque, les mannequins noirs ou asiatiques disposaient du mal à œuvrer, faute de requête. Actuellement, ils sont de plus en plus abondants. Et lors de la dernière fashion week de février 2019, 38,8 % des mannequins n’étaient pas blancs : c’est deux fois plus qu’en 2014.

 

Réforme Agirc-Arrco 

Pour apprendre la manœuvre de départ à la retraite la plus ajustée, il est nécessaire de faire un calcul, mais aussi de prendre en compte son mode de vie

Depuis le début de l’année, la réforme des règles de retraite complémentaire a établi un système incitant tous les salariés à contribuer quatre trimestres de plus, sous peine de voir leur pension minimisée de 10 % pendant trois ans, jusqu’à 67 ans au maximum. Ce malus est d’autant plus punissant que le montant de la retraite supplémentaire est plus élevé.

En effet, pour les cadres supérieurs dont la retraite complémentaire est une quote-part importante de leurs droits, l’impact peut se révéler significatif. Pour connaître la manœuvre de départ à la retraite la plus ajustée, il convient d’effectuer un calcul, mais aussi de prendre en compte son mode de vie : projets, situation familiale, charges, revenus, etc.

La première stratégie possible admette à décaler d’un an son départ à la retraite pour éviter le malus. Ce dernier peut aussi être équilibré en cumulant emploi et retraite sur les trois premières années. Le salaire devient alors un accessoire de revenus, aucun nouveau droit à la retraite ne sera acquis.

Autre option, la liquidation atténuée de ses droits à la retraite autorise une activité partielle permettant la validation des trimestres additionnels essentiels à l’absence de malus.

D’autres éventualités présentent, mais toutes doivent faire l’objet d’une simulation.

L’ancienne base aérienne de Brétigny se réoriente pour recevoir des légumes et des stars

La piste principale de la base 217, longue de 3 kilomètres, en octobre 2017.
La piste principale de la base 217, longue de 3 kilomètres, en octobre 2017. Nicolas KRIEF/Pour Le Monde

L’intention du changement de l’ancien aéroport militaire de l’Essonne en une ferme bio de 75 hectares et de grands studios de réalisation de films se concrétise.

Au bout de la piste d’atterrissage de l’ancienne base aérienne de Brétigny (Essonne), la construction des blocs agricoles est édifiée au début de l’été, notification à la création d’une vaste ferme bio de 75 hectares unissant maraîchage, élevage et céréales. Un peu plus au Nord, à côté de la tour de contrôle retranchée, la carlingue d’un Airbus A300 espère l’équipe de tournage d’un « biopic » de Céline Dion, sur ce site appelé à devenir l’un des primordiaux lieux du cinéma en Ile-de-France : il a déjà obtenu, ces derniers mois, le tournage du film sur Vidocq avec Vincent Cassel, L’Empereur de Paris (2018), et du J’Accuse, de Roman Polanski.

Des légumes et des stars : c’est l’un des cocktails qui accordent corps à la réinsertion économique de l’ex-base aérienne 217, un des projets d’agencement les plus originaux de la région. La communauté d’agglomération Cœur d’Essonne a racheté à l’Etat en 2015, pour 1 euro symbolique, les 300 hectares de prairies traversées par une piste de 3 kilomètres et peuplées de bâtiments hétéroclites. Elle est en passe de survenir son pari de préserver l’identité de ce site mythique de l’histoire des essais aériens, tout en y faisant éclore une « ville économique » diversifiée, porteuse de quelque 10 000 emplois pour ce territoire relégué aux marges du Grand Paris.

C’est un peu l’anti-EuropaCity, ce mégacomplexe de commerces et de loisirs dont la construction sur 80 hectares de terres agricoles du Val-d’Oise fait face devant une vive opposition. Ici, pas de parc d’attractions ni de galerie marchande dans les champs, mais la détermination de créer un écosystème économique local, qui n’oublie ni la transition écologique ni la solidarité. « Le mot d’ordre, c’est de pouvoir “vivre et travailler au pays”, éviter les deux heures de transport par jour que subissent de nombreux habitants de l’agglomération », conclu Olivier Léonhardt, sénateur (divers gauche) de l’Essonne, à l’origine de cette transformation. Après les années d’études et de préfiguration, plusieurs ingrédients majeurs de la recette se mettent en place.

2 500 euros nets par mois

L’agriculture, d’abord. « Nous faisons le pari de développer de la nature et de l’agriculture sur une terre d’urbanisation, malgré la pression foncière », prétends Arnaud Trécour, le directeur de la société publique locale (SPL) chargée de piloter l’agencement de la base. Baptisée « Ferme de l’envol », la future exploitation, portée par l’association Fermes d’avenir, est lancée par quatre premiers profitants, qui seront bientôt rejoints par d’autres.

 

Allier grossesse et job

« Parmi les trente-sept salariées interrogées dans le cadre de l’enquête de l’Anact, seulement 10 % ont continué à travailler jusqu’à leur congé maternité, même si elles subissent une perte de revenus au bout de trois mois d’arrêt maladie. »
« Parmi les trente-sept salariées questionnées dans le cadre de l’enquête de l’Anact, uniquement 10 % ont continué à travailler jusqu’à leur congé maternité, même si elles subissent une perte de revenus au bout de trois mois d’arrêt maladie. » JAMIE GRILL /Tetra Images / Photononstop

Plusieurs femmes enceintes trouvent des gênes à poursuivre leur activité. 45 % des femmes de moins de 40 ans consultées craignent de « travailler tout en étant enceinte », pourtant des entreprises arrivent à organiser un contexte adéquat. L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail publie un guide des « bonnes pratiques » à l’intention des manageurs et des employés.

Après deux fausses couches de jeunes femmes œuvrant dans la grande distribution, le ministère du travail a missionné l’Agence nationale pour le perfectionnement des conditions de travail (Anact) en 2017, afin de conduire une enquête sur la situation des femmes enceintes dans ce secteur. Ses conclusions n’étonneront pas grand monde : l’agence pointe une « prise en compte insuffisante de lʼétat de ces salariées dans les entreprises » et ce, « au-delà du seul secteur de la grande distribution ».

Port de charges, attitude debout continuée, horaires fractionnés… autant de contraintes qui rendent le quotidien professionnel de la salariée pénible, tout en faisant planer des risques sur la grossesse. Selon un sondage réalisé en 2015 par Odoxa pour la Fondation PremUp, 45 % des femmes de moins de 40 ans interrogées craignent de « travailler tout en étant enceinte ». Du fait de la cadence de travail, l’appui du manageur et des collègues se révèle parfois limité. Des femmes enceintes auditionnées par l’Anact ont, par exemple, certifié devoir « se cacher en réserve » pour se reposer, par peur d’être mal vues.

Si la loi envisage des aménagements de postes nécessaires pour les femmes enceintes (interdiction du port de charges lourdes, mise à disposition d’un siège approprié, changement de poste si celui-ci n’est pas compatible avec la grossesse…), ces dispositions ne sont pas toujours simples à faire respecter : l’Anact donne l’exemple d’une responsable d’espace de vente qui s’est retrouvée à manier un solvant plusieurs fois par jour sans gant ou masque.

Option est difficile à mettre en œuvre

La convention collective dont elle dépendait lui admettait théoriquement de profiter de quinze minutes de pause additionnels par heure, mais elle a rencontré des difficultés à les prendre. Cette salariée a fini par s’arrêter à cinq mois de grossesse. Afin de se protéger, elles et leur bébé, beaucoup de futures mamans se voient ainsi contraintes de quitter de bonne heure leur travail. Parmi les trente-sept salariées interrogées dans le cadre de l’enquête de l’Anact, seules 10 % ont continué à travailler jusqu’à leur congé maternité, même si elles supportent une perte de rémunérations au bout de trois mois d’arrêt maladie.

La RATP commandée de rétablir un salarié suspecté d’être dangereux

En s’appuyant sur la législation antiterroriste, la RATP a licencié un chauffeur de bus au motif qu’il aurait fait courir un risque à ses collègues et aux usagers.
En s’appuyant sur la législation antiterroriste, la RATP a licencié un chauffeur de bus au motif qu’il aurait fait courir un risque à ses collègues et aux usagers. JOEL SAGET / AFP

La société de transport avait renvoyé un chauffeur de bus en s’appuyant sur la loi antiterroriste. La cour d’appel de Paris a donné gain de cause à l’agent.

Si tout se fait comme attendu, il va de nouveau mener des bus en région parisienne. « Je passe ma visite médicale de reprise le 13 mai. Généralement, la rétablissement devrait se faire dans la foulée », confie Marc, qui témoigne sous un prénom d’emprunt. Son activité sera identique à celle qu’il avait dû quitter, fin janvier 2018, dans des opportunités peu ordinaires. S’appuyant sur la législation antiterroriste, son employeur – la RATP – l’avait licencié au motif qu’il aurait fait courir un risque à ses collègues et aux usagers.

Une mise à l’écart que ce père de famille de 36 ans avait réfutée devant les tribunaux. La cour d’appel de Paris vient de lui donner gain de cause : dans un arrêt rendu le 11 avril et repassé par Mediapart, elle voit que la rupture du contrat de travail « est entaché[e] de nullité » et ordonne donc le retour du trentenaire à son point de départ.

Selon la justice, la RATP a « privé le salarié de son droit au recours effectif à un juge » et porté « atteinte à une liberté fondamentale »

Recruté en 2008 comme chauffeur de bus à la RATP, Marc avait exprimé le souhait, neuf ans après, d’incorporer le service de sécurité de l’entreprise. La direction avait alors demandé au ministère de l’intérieur une enquête sur lui, comme l’y autorisent plusieurs textes adoptés après les attentats de 2015 en Ile-de-France.

Les sociétés de transport ont, en effet, l’éventualité de contrôler le pedigree de personnes qui désirent travailler chez elles ou de salariés déjà en poste qui veulent changer d’affectation. Le but est de s’assurer que le comportement des intéressés « n’est pas incompatible avec [les] fonctions (…) envisagées ». Tempérées à certains métiers sensibles, ces vérifications sont accomplies en consultant – entre autres – des fichiers policiers, qui ratissent large : y figure le nom d’individus soupçonnés de raffermissement religieuse ou ayant fréquenté des groupes politiques situés aux deux extrémités de l’axe gauche-droite.

A l’issue de ses investigations, le ministère de l’intérieur avait émis à l’égard de Marc un « avis d’incompatibilité » non motivé. La RATP s’en était prévalue pour congédier son chauffeur de bus. Ce faisant, elle a ignoré les règles, aux yeux de la cour d’appel : Marc aurait dû se voir remettre un avis d’incompatibilité motivé, avec la possibilité de réfuter celui-ci devant le tribunal administratif. Tel n’a pas été le cas. La RATP a « privé le salarié de son droit au recours effectif à un juge » et porté « atteinte à une liberté fondamentale ».

La RATP présente qu’elle examine les « conséquences » de cette décision sur ses « procédures internes » tout en assumant le fait d’avoir remercié Marc, au nom de sa « mission de service public » et des « enjeux de sécurité publique ». Plusieurs autres oppositions du même type opposent la société de transport à d’ex-salariés – dont le patronyme suggère qu’ils sont issus de l’immigration (ce qui n’est pas le cas de Marc). Ces différends ont pareillement été portés devant la justice.

« La bienveillance est le miroir de la cession par les pouvoirs publics de leur propension à dominer sur la société »

L’intérieur de Notre-Dame de Paris au lendemain de l’incendie du 15 avril 2019.
L’intérieur de Notre-Dame de Paris au lendemain de l’incendie du 15 avril 2019. AMAURY BLIN / AFP

L’indépendance caritatif admet à chacun de soutenir la cause de son choix, mais sa vocation n’est pas de se remplacer à l’Etat pour condamner les fractures sociales, déclare le professeur Jérôme Kohler .

Le débat née autour des dons faits pour la rétablissement de Notre-Dame pose une question de fond : comment arrive-t-on à appeler près de 1 milliard d’euros en quarante-huit heures pour un édifice alors que les grandes organisations caritatives – Caritas, Médecins du monde, Apprentis d’Auteuil, etc. – consternent à collecter des sommes bien inférieures pour des causes « vitales » dans un pays où 8 millions de personnes sont en dessous du seuil de pauvreté ? La question ne se pose pas au détriment de Notre-Dame, mais en faveur des causes difficiles. Pourquoi pas le patrimoine « et » la pauvreté ? Existe-t-il une hiérarchie des causes philanthropiques ?

Si la philanthropie rappelle normalement l’aide à son semblable dans la pauvreté, la maladie ou l’exil, le code général des impôts définit en effectif un très large spectre de causes d’intérêt général, de l’art à l’éducation, du sport à la santé, du patrimoine à l’hébergement d’urgence. On semble apercevoir actuellement la totale liberté du philanthrope comme de l’entreprise mécène à choisir les causes qu’ils souhaitent soutenir. On peut sourciller, mais une grande fortune ou une entreprise peut produire des résidences pour animaux domestiques comme financer la recherche en santé mentale. Et supporter un projet plus « glamour » ou plus émotionnellement fort – comme Notre-Dame – qu’un autre. A l’extrême, les Etats-Unis sont un pays où toutes les causes se valent, des plus farfelues aux plus essentielles, de la recherche sur les extraterrestres ou la scientologie à l’accueil des SDF ou la recherche sur les maladies dégénératives.

Storytelling

Le fondement philosophique de cette liberté philanthropique est celle de la Fable des abeilles, de Bernard de Mandeville (1670-1733) : plus il y a de donateurs, plus il y a de causes soutenues pour une grande diversité de montants, et mieux l’intérêt général sera servi avec l’espérance d’une distribution adéquate des causes financées. Pourtant, l’idée d’une philanthropie parvenant combler les fractures de notre société en allant aux besoins les plus criants est en partie fausse. Elle n’a pas un rôle de régulateur social.

Aux Etats-Unis, Rob Reich, professeur de sciences politiques à Stanford, déclare, dans son livre Just Giving. Why Philanthropy is Failing Democracy and How it Can Do Better (Princeton University Press, 2018, non traduit), qu’une grande partie de la bienveillance des grandes fortunes va aux plus grandes universités – Harvard vient de compléter une levée de fonds de 9,6 milliards de dollars –, aux plus grands hôpitaux – le Cedars Sinaï a récolté 615 millions de dollars –, aux grandes institutions culturelles…

Rétablissement de Notre-Dame : « La charité des grandes firmes n’est pas une absurdité économique »

La nef de Notre-Dame de Paris au lendemain de l’incendie du 15 avril 2019.
La nef de Notre-Dame de Paris au lendemain de l’incendie du 15 avril 2019. POOL / REUTERS
Les chercheuses en management Héloïse Berkowitz et Isabelle Martinez développent que les dons effectués par les entreprises ont au même temps une fonction éthique et une fonction économique.

La rapide bonté financière du secteur privé débarqué au secours de Notre-Dame ouvre un débat sur la nature du contrat social persistant entre les entreprises et la société, et sur le pouvoir de certaines logiques (morales ou économiques) dans l’action des firmes.

L’idée d’implication sociale est présentée au milieu du XXe siècle, parallèlement au développement de la « grande entreprise ». Cette notion fait référence à la fois à des objectifs extra-financiers, et aux engagements morales de l’entreprise vis-à-vis de la société, notamment celle d’assurer son bien-être. C’est dans cette perspective qu’il convient de situer les actuelles discussions sur « le rôle social de l’entreprise » invoqué par la loi Pacte et la polémique sur les dons pour la rétablissement de la cathédrale.

L’ardeur des donateurs est-il le signe d’une authentique prise en compte de cette responsabilité sociale, ou un effet d’aubaine ? Cet incident n’est-il pas in fine aussi, voire surtout, une pertinence économique ?

Intentions philanthropiques et altruistes

Dès le début, le fort et rapide appel des donateurs peut se développer par des motivations charitables et altruistes. Selon le moine bouddhiste Matthieu Ricard, l’altruisme suppose d’accorder de la valeur à l’autre et d’être intéressé par sa situation, sans pour autant que cela exige un sacrifice (Plaidoyer pour l’altruisme, Nil, 2013). L’exemple de Notre-Dame recouvre ces deux dimensions : l’élan de solidarité de la part des entreprises certifie de leur volonté de préserver un bien commun, sans risquer de mettre en péril leur viabilité financière. En comparaison avec des catastrophes environnementales ou humanitaires, c’est bien parce que Notre-Dame a une valeur forte aux yeux des donateurs que son feu a suscité un tel émoi et un tel altruisme.

Les entreprises peuvent s’attendre à des effets positifs pour leur image, surtout dans la vision des JO de Paris

Pour faire taire toute amphibologie sur la possible diminution des sommes versées, certains ont d’emblée destiné qu’ils renonçaient à celle-ci. D’autres entreprises ont avisé privilégier, non pas le don financier, mais le don du temps de leurs salariés dit « mécénat de compétences ». Pour autant, l’exonération ne signifierait pas une absence pure et simple de dépense. Les régimes de diminution sont nombreux et complexes, mais dans ce cadre précis, les dons, même défiscalisés, augmenteraient en réalité les paies de l’entreprise. Il y a donc bien une forme de générosité.

Reconstruction de Notre-Dame : « L’altruisme des grandes entreprises n’est pas une aberration économique »

Dans une tribune au « Monde », les chercheuses en management Héloïse Berkowitz et Isabelle Martinez expliquent que les dons faits par les entreprises ont à la fois une fonction éthique et une fonction économique.

Publié aujourd’hui à 11h23, mis à jour à 11h49 Temps de Lecture 3 min.

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Pendant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lundi 15 avril 2019.
Pendant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lundi 15 avril 2019. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITICS POUR « LE MONDE »

Tribune. La prompte générosité financière du secteur privé venu au secours de Notre-Dame ouvre un débat sur la nature du contrat social existant entre les entreprises et la société, et sur la prédominance de certaines logiques (morales ou économiques) dans l’action des firmes.

La notion de responsabilité sociale est apparue au milieu du XXe siècle, parallèlement au développement de la « grande entreprise ». Cette notion fait référence à la fois à des objectifs extra-financiers, et aux obligations morales de l’entreprise vis-à-vis de la société, notamment celle d’assurer son bien-être. C’est dans cette perspective qu’il convient de situer les actuelles discussions sur « le rôle social de l’entreprise » évoqué par la loi Pacte et la controverse sur les dons pour la reconstruction de la cathédrale.

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L’empressement des donateurs est-il le signe d’une véritable prise en compte de cette responsabilité sociale, ou un effet d’aubaine ? Cet incident n’est-il pas in fine aussi, voire surtout, une opportunité économique ?

Motivations philanthropiques et altruistes

A première vue, la forte et rapide mobilisation des donateurs peut s’expliquer par des motivations philanthropiques et altruistes. Selon le moine bouddhiste Matthieu Ricard, l’altruisme suppose d’accorder de la valeur à l’autre et d’être concerné par sa situation, sans pour autant que cela exige un sacrifice (Plaidoyer pour l’altruisme, Nil, 2013). L’exemple de Notre-Dame recouvre ces deux dimensions : l’élan de solidarité de la part des entreprises témoigne de leur volonté de préserver un bien commun, sans risquer de mettre en péril leur viabilité financière. En comparaison avec des catastrophes environnementales ou humanitaires, c’est bien parce que Notre-Dame possède une valeur forte aux yeux des donateurs que son incendie a suscité un tel émoi et un tel altruisme.

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Les firmes peuvent s’attendre à des effets positifs pour leur image, surtout dans la perspective des JO de Paris

Pour faire taire toute ambiguïté sur la possible défiscalisation des sommes versées, certains ont d’emblée promis qu’ils renonçaient à celle-ci. D’autres entreprises ont annoncé privilégier, non pas le don financier, mais le don du temps de leurs salariés dit « mécénat de compétences ». Pour autant, la défiscalisation ne signifierait pas une absence pure et simple de dépense. Les régimes de défiscalisation sont nombreux et complexes, mais dans ce cadre précis, les dons, même défiscalisés, augmenteraient en réalité les dépenses de l’entreprise. Il y a donc bien une forme de générosité.

Les Allemands de l’ouest

Une usine de charbon, derrière les habitations de Gelsenkirchen, en septembre 2018. La ville est la lanterne rouge de l’Allemagne en matière de pauvreté.
Une usine de charbon, derrière les habitations de Gelsenkirchen, en septembre 2018. La ville est la lanterne rouge de l’Allemagne en matière de pauvreté. Thilo Schmuelgen / REUTERS

Alors que la rémunération moyenne ait augmenté en Allemagne en dix ans, les écarts se sont creusés sur le territoire.

Ce sont deux études régulières, qui lèvent un panorama édifiant des différences entre territoires en Allemagne. Si le revenu net moyen a entièrement augmenté ces dix dernières années outre-Rhin, toutes les régions n’en ont pas bénéficié de la même façon. Dans certains cantons de Bavière, on est quelquefois plus riche qu’au Luxembourg, tandis que d’autres régions se classent au niveau de la moyenne italienne. Et, contrairement à la carte généralement présentée, ce n’est pas dans l’ex-RDA que vivent les Allemands les plus pauvres, mais à l’ouest, surtout dans l’ancien cœur de l’industrie lourde du pays, la Ruhr.

Les deux études, présentées au mois d’avril – l’une de la fondation Bertelsmann sur la pauvreté en Allemagne, l’autre de la fondation Hans-Böckler, proche des syndicats – sur les différences de revenus dans le pays finissent à la même conclusion : c’est la ville de Gelsenkirchen, port fluvial du bassin de la Ruhr, qui est la lanterne rouge du pays en matière de dénuement, bien qu’elle se situe en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dont le PIB est le plus élevé d’Allemagne – 691 milliards d’euros. A Gelsenkirchen, la rétribution net moyen (après impôts, prélèvements obligatoires et transferts sociaux) est de 16 203 euros par personne et par an, soit moins de la moitié de ce que touche un Bavarois vivant près du lac de Starnberg, au sud de Munich, qui peut compter sur presque 35 000 euros net par an.

Clôture des mines et déclin de l’acier

Cependant, les régions de l’est de l’Allemagne, dans leur totalité, demeure moins riches que le reste de la République fédérale, même trente ans après la chute du mur de Berlin, restituent les chercheurs de la fondation Hans-Böckler, qui ont analysé les données de 401 circonscriptions allemandes. Uniquement 6 des 77 circonscriptions et villes de l’est affichent un revenu net par tête supérieur à 20 000 euros par an, contre 284 des 324 circonscriptions de l’ouest. Malgré tout, la propension est à l’assemblage, accentuent les deux études.

A l’ouest, par contre, les grandes villes de la Ruhr forment des îlots qui ont accumulé les facteurs de déclassement ces dernières années, avec la fermeture des mines et le déclin de l’acier. « La hausse de la pauvreté dans la Ruhr s’explique surtout par la transformation structurel, qui n’est pas encore surmonté », explique Henrik Riedel, auteur de l’étude Bertelsmann sur la pauvreté en Allemagne. La dernière houillère de la région, à Bottrop, a clôturé en décembre 2018. « Les mines et les industries lourdes offraient des emplois aux personnes à faible qualification. Après le déclin de ces secteurs, il a été pénible de reclasser les gens, beaucoup sont au chômage aujourd’hui », explique au Monde Markus Töns, député social-démocrate au Bundestag pour la circonscription de Gelsenkirchen, où le taux de chômage domine à 12,5 % (contre 4,9 % en moyenne nationale).