Pour Jacqueline Cortes, avocate à la cour, « le harcèlement moral coûte très cher aux salariés qui en sont victimes, à la Sécurité sociale et, en cas de condamnation, aux entreprises, tant en termes financiers qu’en termes d’image. »
Question de droit social. Séparément de l’actualité du procès des suicides à France Télécom, le harcèlement moral au travail est un thème prud’homal quotidien. Durant le seul premier trimestre 2019, celui-ci a été repassé dans 84 décisions de cours d’appel et de Cassation.
Le code du travail n’explique cette notion que par ses effets dans l’article L 1 152-1 : « Aucun salarié ne doit subir les complots répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail irritable de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
La méthode du juge
Franchir la jurisprudence aide à saisir comment le juge du travail identifie ce harcèlement et quelles indemnités il peut octroyer au salarié. Il examine les éléments présentés par le salarié, apprécie si les faits sont matériellement établis et si, pris dans leur ensemble, ces faits admettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Si c’est le cas, le juge apprécie alors si l’employeur prouve que les complots incriminés ne sont pas caractéristiques d’un harcèlement moral et que ses fins étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En cas de harcèlement entre salariés, le juge vérifie aussi si toutes les mesures ont été prises pour assurer la sécurité et défendre la santé physique et mentale des salariés, en respectant les principes généraux de prévention de l’article L4121-2 : « 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel…, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes… »
Sur douze conclusions du 29 mars 2019, la cour d’appel de Douai a condamné les employeurs à quatre fois. Ainsi en a-t-il été au profit d’une directrice de magasin ayant supporté des violences morales par la pugnacité incessante de sa directrice régionale. La cour relève l’existence d’un harcèlement issu « des méthodes de gestion mises en place au sein de la société », telles que la surcharge de travail imposée, l’obligation de travailler en dehors des horaires et l’inaction de l’employeur qui n’a pas mis en œuvre des mesures de protection et n’a rien fait pour remédier au problème lorsqu’il a été alerté sur l’état de fatigue physique et morale de l’intéressée (17/015638 Mme C/SA Du pareil au même).
Harcèlement moral encore admis dans le cas d’une télévendeuse acquittant d’un syndrome dépressif sévère, s’étant « vue rabaissée… par des critiques destinées manifestement… par des demandes d’accomplir… le ménage,… écartée des fonctions de responsable de plateau… déplacée et… écartée du reste de l’équipe, menacée à trois reprises… pour non-réalisation du chiffre d’affaires minimal et… cruellement dispensée d’exécuter le reste de son préavis » (17/005798 Mme O./SARL Pep’Diffusion).
Quelle indemnisation ?
Dans tous les cas, les employés ont obtenu des dommages et intérêts au charge du harcèlement moral, et/ou pour désobéissance de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat et de prévention.
Mais la sanction est plus lourde car, dans tous les cas, la séparation du contrat a été attribuée à l’employeur : suppression du congédiement, invalidation judiciaire du contrat, prise d’acte produisant les effets d’un congédiement sans cause réelle et sérieuse.
Les suites financières raisonnées par ces ruptures sur fond de harcèlement admis sont des punitions à payer les compensations de avertissement, de licenciement, et celle pour congédiement sans cause réelle et sérieuse.
Le harcèlement moral coûte donc très cher aux travailleurs qui en sont victimes, à la Sécurité sociale et, en cas de punition, aux entreprises, tant en termes financiers qu’en termes d’image.
Le président de la République a terminé, jeudi 16 mai, une « séquence » liée au digitale : comme en 2018 a été structurée une semaine d’événements bariolés sur le secteur technologique, ouverte vendredi 10 avec l’admission de Mark Zuckerberg par le président de la République, poursuivie mercredi 15 avec le sommet Tech for Good à l’Elysée, et close jeudi avec la prise de parole du chef de l’Etat au salon VivaTech. Mais, par rapport à l’année antérieure, l’exécutif a cherché à exposer qu’il accordait un peu plus de place aux entreprises françaises et européennes, et gardait un peu plus ses distances avec les géants américains comme Facebook ou Google.
La pondération des contenus haineux a été au centre des interactions avec les géants américains
Signe d’une légère transformation d’ambiance, les interactions avec les grandes entreprises du digitale américaines ont surtout eu lieu autour d’un thème qui leur vaut de plusieurs polémiques : les contenus haineux ou terroristes et leur modération. Vendredi a été remis le rapport de la mission effectuée par des régulateurs français chez Facebook, et mercredi a été déclenché l’« appel de Christchurch », créé en réponse au récent attentat en Nouvelle-Zélande et signé par plusieurs pays mais aussi par Facebook, Google, Twitter ou Amazon…
La normalisation des réseaux sociaux est un des thèmes que M. Macron a mis en avant pour les élections européennes. Et au dîner structuré mercredi soir à l’Elysée avec les différents acteurs de la semaine, un entrepreneur français a noté, dans la bouche des tempéraments politiques présentes, un « durcissement du discours sur les grands acteurs de la tech ».
Au sommet Tech for Good, dans lequel des sociétés actives dans le digitale sont nommées à prendre des promesses de responsabilité sociale, l’Elysée a choisi d’accorder plus de place aux firmes françaises, après que certaines ont affirmé des remarques. « Après l’édition 2018, nous avions appuyé que la recherche du Tech for Good ne pouvait se résumer à un face-à-face entre les autorités et les géants de la tech. Il existe tout un écosystème français de start-up qui crée des centaines d’emplois, qui résout des défis environnementaux et qui produit des champions internationaux », explique Nicolas Brien, directeur général de France Digitale, grande association de jeunes pousses. « On a 4 licornes en France, et les Etats-Unis 169 : il faut viser haut », a exhorté, à son arrivée à Tech for Good, Frédéric Mazzella, le créateur de Blablacar, l’une des ces entreprises valorisées plus d’un milliard de dollars (895 millions d’euros).
« Une troisième voie » française
En 2018, des grandes firmes françaises comme Orange, BNP Paribas ou Sanofi avaient imploré de ne pas être assez mis en avant lors de Tech for Good, alors qu’on déroulait le tapis rouge aux sociétés américaines, convoquées à diriger les ateliers thématiques. A l’image d’Uber, controversée pour la gestion de ses chauffeurs, mais choisie pour animer le débat sur l’avenir du travail.
En 2019, chaque groupe de travail a été coprésidé par une entreprise française, aux côtés de son homologue international : IBM et BNP Paribas pour l’éducation, L’Oréal et Booking.com pour la différence, Uber et Orange pour le travail, Samsung et La Poste pour l’inclusion, Hewlett-Packard Enterprise et Engie pour l’environnement. Par ailleurs, l’Elysée note avoir, cette année, inclus 50 % de sociétés françaises parmi les adhérents, ce qui n’était pas le cas en 2018. Le nombre d’invités a, au passage, crû de 48 à 84.
L’environnement tech français est bien parti pour accéder un nouveau seuil de 5 milliards d’euros de levées fonds
Jeudi 16 mai, à VivaTech, le salon international des opérations de la digitale effectuée à Paris, Emmanuel Macron a aussi joué la carte locale, en se mettant en scène face à des start-up françaises (Frichti et OpenClassrooms) et européennes (TransferWise, UiPath, Vinted). Dans un jeu de questions-réponses avec les cinq entrepreneurs, et devant un auditoire de 5 000 personnes, le chef de l’Etat a vanté le dynamisme de l’écosystème tech tricolore, bien parti pour accéder un nouveau seuil de 5 milliards d’euros de levées de fonds en 2019 contre 3,5 milliards un an plus tôt.
Le président de la République a aussi réservé quelques piques aux modèles de la Chine, « stato-centré », et des Etats-Unis, « piloté par des grands acteurs privés ». Il a défendu pour « une troisième voie » européenne : « L’Europe peut devenir un leader mondial », a-t-il lancé, encourageant un public favorable à « ne pas avoir un discours défensif mais conquérant ».
L’Elysée « très satisfait »
En avant-propos à cette assistance, une table ronde a réuni les dirigeants des entreprises ayant présidé les ateliers de Tech for Good, modérée par Maurice Lévy, le président du conseil de surveillance de Publicis, co-organisateur du sommet et de VivaTech (avec Les Echos). De son côté, l’Elysée s’affirme « très satisfait » du bilan des engagements pris en 2018 : IBM a créé 1 000 des 1 800 emplois promis d’ici 2020, Google a arbitré 3 millions d’euros à des associations dédiées à l’emploi en France…
Cette année, de nouvelles promesses ont été pris à Tech for Good : 44 entreprises ont ainsi fait le vœu d’installer 30 % de femmes à des postes de management ou de direction d’ici à 2022. Quatorze autres – Uber, Orange, RATP, Deliveroo, Google… – ont mis en place un repère commun identifiant et valorisant les compétences non techniques (accueil, travail en équipe, etc.) des salariés afin de faciliter leur mobilité professionnelle. Un chauffeur Uber pourrait ainsi espérer trouver un emploi dans le métro parisien, développe-t-on.
Au-delà des raideurs entre acteurs tricolores et géants américains, certains ont noté la mise en avant, cette année, de plusieurs dirigeants de sociétés chinoises, dont Jack Ma, le médiatique patron d’Alibaba, présent à Tech for Good et gratifié d’un tête-à-tête avec M. Macron. « Les plates-formes chinoises ne doivent pas être vues seulement comme des barbares qui nous envahissent, ils portent des occasions. Nous ne sommes pas naïfs mais pas manichéens », a éclairci le secrétaire d’Etat au digitale, Cédric O, ex-conseiller du président de la République.
Durant la 3e édition des Journées de la sécurité routière au travail qui se déroulent du 13 au 17 mai, des sociétés se mobilisent pour sensibiliser leurs salariés aux dangers du volant. Les employeurs se montrent encore peu conscients des risques qui soupèsent sur leurs salariés et sur eux-mêmes en cas d’accident de la route.
Avec près de 500 morts en 2018, les accidents routiers sont la première cause d’accident mortel au travail. C’est ce constat dramatique qui a mené la Sécurité routière à arranger les « Journées de la sécurité routière au travail », dont la troisième édition se tient cette année du 13 au 17 mai. A cette occasion, les entreprises sont encouragées à mener des actions de sensibilisation au risque routier auprès de leurs salariés.
« Nos collaborateurs techniciens sont en constance sur la route pour se rendre chez nos clients ; il nous semblait indispensable de mettre en place une sensibilisation aux dangers de la conduite », explique Christophe Gratadeix, directeur de Sioule Sancy Incendie. Spécialisée dans la sécurité incendie, cette petite entreprise sise dans le Puy-de-Dôme a normalement répondu à l’appel.
Guidée par des interlocuteurs de la sécurité routière, l’entreprise a structuré une journée d’échanges et d’ateliers éducatifs autour des dangers de la route pour l’ensemble de ses travailleurs. Le sujet dépasse amplement le cadre des accidents du travail : au total, 40 % des accidents de la route corporels impliquent un usager effectuant un déplacement professionnel. La vitesse exagérée reste la principale cause d’accidents mortels, suivie par l’alcool et le non-respect des règles de priorité.
L’imputation des entreprises reste marginale
« L’une des premières causes d’accident en voiture, selon moi, c’est le téléphone portable », estime de son côté Guillaume Milert, directeur du centre d’appels Ceacom, implanté au Havre. Plusieurs collaborateurs de cette entreprise ont été victimes ou ont vu un membre de leur famille affecté par un accident de la route, ce qui a encouragé Ceacom à se mobiliser à l’occasion des Journées de la sécurité routière.
Pour sensibiliser ses travailleurs aux dangers du volant, l’entreprise a utilisé les grands moyens. Ceacom a fait venir cette année une voiture tonneau simulateur de retournement, pour rappeler l’importance du port de la ceinture. Elle a aussi mis à disposition des salariés des lunettes de simulation d’alcoolémie. « Beaucoup me disent qu’ils ne se rendaient pas compte du danger », constate Guillaume Milert.
L’accusation des entreprises en matière de sécurité routière semble encore marginale. Selon un sondage accompli par l’IFOP pour MMA à l’occasion des Journées de la sécurité routière, uniquement 16 % des patrons de TPE-PME ont mis en place des actions de protection auprès de leurs salariés. La plupart semblent peu conscients du risque routier et de leur propre implication face à celui-ci.
Actuellement, 100 000 postes ne trouvent pas preneurs du fait de faibles salaires , de lourdes contraintes horaires et de perspectives de carrière médiocres.
Le tourisme demeure un secteur d’or, quoi que le mouvement des « gilets jaunes » qui a ralenti ce secteur-clé de l’économie française au premier trimestre, en entraînant une baisse de 2,5 % du nombre de nuitées. Au cours du Conseil interministériel du tourisme (CIT), qui a assemblé gouvernement et professionnels autour du premier ministre, le 17 mai, Edouard Philippe a pu se féliciter des bons résultats 2018.
Le nombre de touristes a atteint 89,4 millions (+ 3 %), encore loin de l’objectif de 100 millions pour 2020. Mieux, ils ont dépensé 56,2 milliards d’euros, soit 3,4 milliards de plus qu’en 2017, selon les chiffres définitifs. La France demeure la première destination mondiale, après il y a l’Espagne et des Etats-Unis.
Il demeure cependant beaucoup à faire pour améliorer et pérenniser les emplois dans un secteur où 100 000 postes (sur 280 000 offres) ne trouvent pas preneur en raison de rémunérations faibles, de lourdes contraintes horaires et de perspectives de carrière médiocres. Pour son plan emploi-formation dans le tourisme, le gouvernement s’est appuyé sur les instructions de Frédérique Lardet, députée LRM de Haute-Savoie, chargée par M. Philippe d’une mission sur « les moyens d’optimiser le potentiel d’emplois » et « d’adapter la formation des salariés aux exigences des entreprises et des clientèles ».
La profession s’est engagée, avec l’Etat, à progressé les formations via les campus des métiers et les centres d’excellence. Fin 2019, ils lanceront une « plate-forme numérique des métiers et d’orientation » recensant les postes et favorisant les parcours professionnels, d’abord dans l’hôtellerie-restauration. Comme dans l’industrie (automobile, aéronautique…), le gouvernement mettra en place, d’ici à fin juillet, un « comité de filière » coprésidé par le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le secrétaire d’Etat au tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, et un responsable professionnel.
Le but est de joindre les acteurs pour développer les parcours dans toutes les branches du tourisme (hôtels, restaurants, parcs de loisirs…) et améliorer la mobilité. Avec, à la clé, la création possible de 15 000 emplois supplémentaires par an. Afin de sécuriser le parcours des salariés et les fidéliser, l’Etat va aussi favoriser les groupements d’employeurs, qui leur permettent d’avoir un contrat unique tout en œuvrant pour plusieurs entreprises.
Mais il y a beaucoup à faire pour charmer plus de touristes et les inciter à dépenser davantage, comme ils le font surtout en Espagne
La rigueur budgétaire n’épargnera pas les crédits du tourisme, qui paieront leur écot à l’objectif de baisse de 10 % de masse salariale de l’Etat à l’étranger sur le quinquennat. Caroline Leboucher, la nouvelle directrice générale d’Atout France, devra diminuer cette masse de 20 % (à 16 millions) d’ici à fin 2020. Pour plus d’efficacité, l’organisme public chargé de promouvoir la destination France garde son réseau propre, mais il devra surtout trouver des synergies avec Business France, dont Mme Leboucher a été numéro 2, pour « mieux coordonner leurs actions ».
Il reste aussi beaucoup à faire pour charmer plus de touristes et les inciter à dépenser davantage, comme ils le font surtout en Espagne, où les recettes dépassent 80 milliards d’euros. Et pas uniquement en valorisant le patrimoine à travers la création d’hôtels destinés à le revaloriser, sur le modèle des « paradors » espagnols (dix sites pour une première expérimentation).
La France veut porter ces recettes à 60 milliards fin 2020. M. Lemoyne a annoncé un « plan détaxe » pour les 19 millions de touristes extra-européens : le délai durant lequel ils peuvent bénéficier de la détaxe va rapidement passer de un à trois jours, ce qui devrait favoriser les voyages tournés vers le shopping ; début 2020, le plafond de remboursement en liquide passera de 1 000 euros à 3 000 euros, ce qui favorisera la réinjection d’au moins une partie de ces sommes en France; et le seuil à partir duquel les touristes pourront détaxer leurs achats tombera de 175 euros à 100 euros fin 2021. Autant de mesures étalées dans le temps en raison de leur coût budgétaire.
Le nombre de chercheurs d’emploi a un peut diminué selon l’Insee pour s’établir désormais à 8,7 % de la population active.
Tout compte fait, l’économie française ne s’en sort pas si mal – à ce niveau. Une augmentation en 2018 un peu plus élevée que prévu, un taux de chômage en diminution quasi ininterrompue depuis presque quatre ans… Les derniers indicateurs de l’Insee, diffusés jeudi 16 mai, montrent des progressions relativement positives, ce qui était loin d’être acquis dans un contexte où la croissance fléchit, en France comme dans le reste du monde.
« C’est bon signe et ça veut dire qu’il faut continuer », a ajouté, Edouard Philippe, en commentant la diminution du nombre de demandeurs d’emploi au premier trimestre, synonyme de « bonne nouvelle ».
Le premier ministre a réellement, plusieurs raisons être content. Sur le marché du travail, la situation continue de s’améliorer. De début janvier à fin mars, le taux de chômage a régressé de 0,1 point sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte), d’après des données provisoires publiées par l’Insee. Ce ratio se situe désormais à 8,7 % de la population active. « C’est le meilleur résultat qu’on ait depuis dix ans », s’est déclaré M. Philippe. Ce qui est rigoureusement exact, à ceci près que la décrue s’est poursuivie à un rythme plus lent que lors des trois derniers mois de 2018 (– 0,3 point durant cette période).
Les trois premiers mois de 2019, on recensait en métropole 2,4 millions de personnes au chômage, selon la définition du Bureau international du travail. Soit 19 000 de moins. Ce reflux, très modeste, résulte en grande partie des embauches qui se maintiennent à un niveau élevé : dans le secteur privé, les effectifs ont augmenter de 0,3 %, au premier trimestre, avec quelque 66 400 « créations nettes d’emplois ».
Au cours des douze derniers mois, les travailleurs des entreprises s’est étoffée de près de 174 000 personnes. Une performance, certes, deux fois inférieure à celle en 2017 (+ 355 000), mais le volume des embauches restent suffisamment important pour absorber le flux des nouveaux entrants sur le marché du travail, « la population active ayant tendance à croître moins vite depuis quelques années », explique Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Malgré le ralentissement de l’augmentation (+ 1,7 % en 2018, contre + 2,3 % en 2017), le nombre de personnes sans activité et à la recherche d’un poste recule donc encore. Le fait mérite d’autant plus d’être relevé que le gouvernement a beaucoup réduit la voilure sur les emplois aidés, alors même que ce dispositif avait été très utilisé sous les précédentes législatures pour faire baisser les statistiques sur les chercheurs d’emploi : en 2018, 128 000 contrats de ce type ont été signés, selon la Cour des comptes (contre 457 000 en 2016).
Sélection officielle – En compétition
Le cinéaste anglais arrive de nouveau à mettre en scène le conflit entre le jargon évanescent des nouvelles formes de l’économie et ses conséquences sur les corps et les esprits.
L’une des centenaires dames chez qui Abby –l’héroïne de Sorry We Missed You–, travaille, était cantinière durant la grande grève des mineurs de 1984, dont l’ouverture scella la victoire du gouvernement conservateur britannique sur les syndicats. A son aide à domicile, payée selon le système du zero hour contract (« pas de durée minimum du travail », le salarié est porté de se tenir vacant à toute heure de la journée), la retraitée isolée par les siens, expose la solidarité et la lutte comme un guerrier sioux parqué dans sa réserve aurait pu informer les migrations des bisons aux enfants incrédules de sa tribu.
Voilà des décennies que Ken Loach retenue l’onde de choc du big bang libéral. Il a chroniqué la corrosion, puis la résolution de la solidarité ouvrière, la fuite de la vie sociale, le remplacement des illusions consuméristes aux utopies collectives. Sorry We Missed You prend acte de la dernière étape du processus, le changement du salariat par la gig economy qui fait des travailleurs – ici les chauffeurs d’un centre de livraison de colis – des sous-traitants du commanditaire qui leur impose des obligations de productivité draconiennes, les laissant affichés à tous les aléas de leur métier, de le bassin à l’accident.
Si l’on a passé dans la Grande-Bretagne de Ken Loach et Paul Laverty, son scénariste patenté, on sait bien que de l’instant où Rick (Kris Hitchen) se laisse saisir au clappement de Maloney (Ross Brewster) le patron de la plate-forme de livraisons, qui lui fait croire qu’il apaise d’acheter une camionnette pour rattacher avec la prospérité, le pauvre homme et sa famille sont promis au malheur. C’était vrai de Daniel Blake, le héros solitaire du précédent film de Loach, Palme d’or en 2016, qui tentait de garder son humanité face à un Etat-providence devenu monstre orwellien.
Dévastation de la vie quotidienne
Et Sorry We Missed You commence de la même manière que son devancier, par une description minutieuse du système dans lequel le héros s’est chargé (car comme le dit en substance le terrifiant Maloney, qui a trouvé en Ross Brewster, acteur apprenti, un interprète idéal, ici on monte à bord, on n’est pas engagé). Loach sait comme personne mettre en scène la contradiction entre le langage désincarné des nouvelles formes de l’économie et ses effets sur les corps et les esprits.
Abbie, invoquée plus haut, est l’épouse de Rick. Du moment où son mari se laisse happer, dans l’espoir de pouvoir acheter un pavillon après avoir rétribué la camionnette, par une vie quotidienne où le repos n’existe pas, leur descendance (un adolescent, une petite fille) est à son tour tourmentée.
Le semestriel s’incline, dans son numéro d’avril, sur les habits portés en fonction de la norme exigée par le milieu professionnel, mais aussi de l’image que l’on veut remettre.
La revue des revues. Dans son numéro d’avril, la revue semestrielle Travail, genre et sociétés étudie les « habits de travail », du costume-cravate du cadre à l’uniforme de policier en allant par la tenue du groom hôtelier. « Examiner les habits des travailleuses et des laborieux en activité et la façon dont ils sont portés permet d’enquêter sur les normes qui traversent les groupes professionnels », étalent dès leur introduction les chercheuses Juliette Rennes et Lise Bernard ainsi que la professeure de sociologie et directrice adjointe de la revue Clotilde Lemarchant. L’habit de travail est, à leurs yeux, le point de jonction entre ce qui remplacement du public – les normes, les règles et les valeurs d’un milieu professionnel – et ce qui relève de l’intime – l’engagement, le retrait, l’adhésion ou la résistance de ceux qui œuvrent.
Travail, genre et sociétés ne se rassure pas d’étudier la tenue en tant qu’elle est perçue, mais, et c’est peut-être ici que se loge son originalité, en tant qu’elle est portée : elle entend donner « une place centrale à l’expérience de s’habiller pour le labeur et d’être jugé sur sa tenue ». Loin de n’étudier que l’uniforme ou le bleu de travail, cette revue, née en 1999 et issue de l’association de recherche MAGE (Marché du travail et genre en Europe), créé par le CRNS, étudie la part de représentation inhérente au vêtement dans le milieu professionnel, véritable « support par lequel les organisations professionnelles transmettent une image d’elles-mêmes ».
L’uniforme des policières
La professeure d’histoire sociale contemporaine Louise Jackson retrace ainsi l’apparition des femmes policières en Grande-Bretagne, par conséquence de la première guerre mondiale. Leur uniforme, au début pratiquement identique à celui de leurs collègues masculins, s’est féminisé à mesure que leur rôle apparaissait légitime. Les policières étant graduellement perçues comme expertes pour aborder les enfants et les femmes, notamment les prostituées, leur uniforme a évolué afin qu’elles puissent être mieux identifiées. Elles sont ainsi devenues les seules femmes à être en droit de « stationner » dans la rue sans que leur bonne moralité soit mise en doute.
Dans un article consacré à l’instrumentalisation du vêtement dans le monde politique, la professeure de sciences politiques Frédérique Matonti considère quant à elle le costume et le tailleur comme les emblèmes spécifiques d’un métier qui ne s’avoue que rarement comme tel – on parle plutôt de vocation. C’est singulièrement dans cet univers qui attache de moins en moins d’importance au protocole – il suffit de penser à l’évolution des portraits officiels des présidents et à l’abandon progressif des médailles et autres décorations, jusqu’à la remise en question de la cravate à l’Assemblée – que « la pression au conformisme et la surveillance ont augmenté ». La manière des élus, hommes et femmes, doit aussitôt répondre à une double exigence : montrer et se différencier.
Dans la vie, on ne fait pas continuellement ce qu’on veut pour x raisons, il faut s’ajuster surtout aux besoins du marché du travail et saisir les bonnes circonstances
Le chiffre annoncé par le PDG en 2006 était-il une simple « prévision » ou une « cible » qui a collaboré au climat nuisible qui gouvernait dans l’entreprise ?
Au début, il faut dire un mot de la présidente du tribunal, Cécile Louis-Loyant. De son obstination à concevoir et de son humilité à dire ce qu’elle ne conçoit pas. Le tout donne une conduite des débats à la fois ouverte et incommode, qui s’est encore vérifiée, jeudi 16 mai, au septième jour d’audience de France Télécom.
La question du jour approchait la clé de voûte de ce dossier : le chiffre de « 22 000 départs naturels » sur 120 000 salariés avisé par Didier Lombard à la presse et aux milieux financiers le 14 février 2006. Etait-il une simple « prévision », réalisée sur les évaluations des années précédentes comme le supportent les prévenus ? Ou constituait-il une « cible » à atteindre coûte que coûte, qui a résolu la mise en place d’une stratégie d’entreprise « visant à attaquer les salariés et agents et à créer un climat professionnel anxiogène », comme le soutiennent les juges d’instruction qui ont déterminé le renvoi de M. Lombard et de six autres ex-responsables de l’entreprise pour harcèlement moral ou connivence de ce délit devant le tribunal correctionnel ?
« D’où sort ce chiffre de 22 000 départs naturels, Monsieur Lombard ?, sollicite la présidente.
– A l’automne 2005, il fallait que j’aie un ordre de grandeur. J’ai demandé un chiffre prévisionnel à la direction financière et c’est comme ça que ce chiffre est arrivé.
– A la direction financière ?, s’étonne Cécile Louis-Loyant. Pourquoi ne l’avez-vous pas demandé à la direction des ressources humaines ?
(“Ah !”, murmure le public de parties civiles et de délégués syndicaux.)
– La direction financière faisait la synthèse… »
(“Oh !”, s’étonne le public.)
Didier Lombard retire son explication.
« Ce chiffre ne m’a pas heurté. Tout cela vient du surrecrutement qui a eu lieu dans les années 1970 et 1980. Ces personnels parvenaient à la fin de leur carrière. Il faut aider le cours de l’histoire. En 1974, il y avait six millions de lignes téléphoniques en France. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, il a été décidé d’en ouvrir vingt millions en deux ans. Il a donc fallu recruter en urgence de personnes additionnelles. On a créé des concours sur titre de manière dérogatoire. Puis, en 1981, il a fallu amener la fibre dans les grandes villes. Les municipalités ont créé des sociétés locales d’exploitation du câble, mais le service ne suivait pas. Du coup, tout le personnel de ces sociétés a été récupéré par France Télécom. Si vous regardiez la pyramide des âges de l’entreprise, vous voyiez qu’elle était boursouflée. J’ai donc réfléchi que cette génération était encore là.
Faut-il développer l’assimilation du handicap dans le monde du travail ou rendre le monde de l’entreprise abordable à tous, autrement dit inclusif ? Dans le bref essai Handicap et travail, Anne Revillard, professeure associée en sociologie à Sciences Po, décrit les dynamismes de la désocialisation des personnes en situation de handicap sur le marché du travail, expose l’expérience du handicap au travail et lamente la carence d’appréciation des politiques de l’emploi. Son propos ? Développer la normalisation du handicap au travail.
La loi du 10 juillet 1987, a établi l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap. Dans un premier temps, les grandes entreprises ont privilégié payer la sanction financière prévue pour ceux qui ne respectaient pas le quota de 6 % d’emploi « handicapé » dans leur effectif. « Le taux d’emploi est strictement corrélé à la taille de l’établissement », note l’auteur.
Le secteur défendu qui vend aux entreprises sa production accomplie par des personnes en situation de handicap peignait une bonne part de l’« emploi handicapé ». « 44 % des établissements avaient [en 2013] recours à l’emploi indirect », définit Anne Revillard. Puis avec la loi du 11 février 2005, les entreprises ont assimilé des initiatives « handicap » dans le cadre d’accords agréés.
Approche catégorielle impuissant voire toxique
La part de personnes en condition d’handicap assimilées à l’effectif a légèrement augmenté. Mais le bilan global reste très faible avec un taux de chômage de 19 % et un taux d’emploi à 35 %. Les politiques de l’emploi veulent aussitôt mettre l’accent sur l’inclusion en incitant les entreprises à embaucher les handicapés pour travailler en milieu ordinaire.
A travers un état des lieux des politiques d’insertion professionnelle, la sociologue décrit en quoi l’approche catégorielle peut être est inefficace voire toxique, pour l’insertion comme pour le maintien en emploi. « L’appui nécessaire à la prévention de la désinsertion professionnelle doit intervenir de façon précoce », mentionne la sociologue.
Or, le laborieux handicapé n’y a droit qu’une fois qu’il est évidemment reconnu comme tel, via la procédure de reconnaissance qui prend plusieurs mois. Envisager le handicap « comme une variation du conduite humain » ouvrerait de nouvelles pistes à l’action officielle, ajoute-t-elle, surtout sur la question de « la progression professionnelle », de temps à autre abordée pour les personnes en situation de handicap.
Six mois de crise des « gilets jaunes » et de concentration sur le pouvoir d’achat des Français ont presque fait circuler au second plan l’un des primordiaux maux de notre pays : le chômage de masse. Quelle que soit la légitimité des réclamations sur le pouvoir d’achat de certains, l’emploi demeure la mère des batailles pour tous.
Plus d’emplois, c’est moins de manques sociaux, plus de recettes publiques, donc de nouvelles marges de manœuvre pour diminuer la fiscalité, bref une augmentation collective, qui mécaniquement se traduira par l’amélioration individuelle de la situation de chacun. Aussi, chaque repli du chômage, si discret soit-il, doit être salué sans barguigner.
Bien que la crise sociale, le retard de la croissance, l’ascension des incertitudes sur le plan international, le taux de chômage continue, insensiblement mais certainement, de rompre. Sur les trois premiers mois de l’année, le nombre de quémandeurs d’emploi est retombé à 8,7 % de la masse active. A force de petits pas, la célèbre inversion de la courbe du chômage tant attendue par François Hollande commence à prendre forme. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le taux a reculé de 0,8 point, ce qui permet à la France de retrouver le niveau de chômage qu’elle avait avant que la crise de 2008 ne produise ses effets délétères.
Il y a beaucoup façons d’examiner la trajectoire. Si l’on compare la situation de la France avec celle de ses voisins européens, il n’y a pas de quoi embellir. Seuls trois d’entre eux – la Grèce, l’Espagne et l’Italie – font pire, la plupart étant revenus à une situation de plein-emploi, même si celle-ci a pour corollaire un accroissement de la précarité et des emplois légèrement rétribués. Résultat : le taux de chômage en France reste de deux points supérieur à la moyenne européenne.
Mais, à force de décourager que l’herbe soit plus verte chez les voisins, on finit par circuler à côté de l’essentiel : l’économie française, encore que ses impotences structurelles, fait preuve d’une résilience prometteuse.
Des visions bien conduites
D’abord, cela tient de la tautologie, mais, pour faire régresser le chômage, il faut reproduire des emplois. Et, dans cette propriété, les chiffres sont bons. Sur les neuf derniers mois, l’économie française a engendré 151 000 emplois, dont 64 000 depuis le début de l’année. Le retard de l’augmentation de la population active permet d’obtenir une croissance plus riche en emplois. Il faut s’en complimenter.
Ensuite, les visions restent bien menées. Les entreprises françaises envisagent 2,7 millions de d’embauches cette année. Mieux, cette dynamique porteuse n’est pas nécessairement synonyme de précarité. Les intentions d’enrôlement en contrat à durée indéterminée sont en hausse de 24 %, et celles à durée entreprenante de 8 %.
Finalement, les industriels, alors que le taux d’emploi des capacités de production est élevé et que les difficultés d’embauche sont à leur plus haut niveau depuis 2001, font témoignage d’optimisme en substance d’investissement, comme l’enseigne la dernière enquête de l’Insee. Dans le même temps, l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers ne cesse de progresser.
Les handicaps de la France ne se gommeront pas en quelques mois. Certaines modifications engagées comme celle de l’apprentissage et de la réforme professionnelle, qui répliquent à ces épuisements structurelles, ne constitueront leurs effets qu’après plusieurs années. Mais les progrès accomplis ces derniers mois montrent qu’il n’y a aucune inexorabilité à ce que la France tourne enfin le dos à sa faveur pour le chômage.