Bac 2019 : « L’examen de philo renferme l’élève dans un emplacement hypercritique »

La rédaction de philosophie est l’examen symbolique du baccalauréat. Cet exercice éprouve pourtant d’une grande facticité et ne permet pas aux élèves d’attraper les enjeux philosophiques, déclare le professeur Stéphane Bornhausen.

Lundi 17 juin, l’examen de philo ouvre le bal du bac. Stéphane Bornhausen, professeur de philosophie au lycée Balzac, à Mitry-Mory (Seine-et-Marne), et créateur d’un article sur l’enseignement de la philosophie au lycée dans la Revue du Mauss, déclare que les lycéens ne peuvent pas être bien préparés pour cet exercice. Il déplore que l’enseignement de la philosophie en terminale soit quasi exclusivement tourné vers la rédaction, exercice qui « enferme dans une position hypercritique, autant artificielle que nuisible à un enseignement disciplinaire ».

Dans la « Revue du Mauss », vous mentionnez qu’on « ne donne pas les moyens [aux lycéens] d’affronter l’épreuve de philosophie du baccalauréat ». Pourquoi ?

L’enseignement de la philosophie au lycée s’est bâti autour de l’épreuve de la rédaction, un exercice qui revêt une forme rigide. Elle est un corset dans lequel personne ne peut remuer et éteindre. Et la manière dont l’élève peut, avec ses consciences de fin de terminale, s’approprier cette forme est en fait assez artificiel : comme si on ne convoquait que trois philosophes – au hasard Platon, Kant et Nietzsche – et qu’on les faisait exprimer sur une question qu’ils n’ont jamais posée. Pourquoi faut-il réfléchir sur une question qui n’est là que pour éprouver la perplexité de l’élève ? Pour savoir comment il va arriver, en convoquant des auteurs, à trouver un semblant de réponse ?

Le cours magistral est fréquemment désavantageux pour l’élève, qui veut s’exprimer

Toutefois, la rédaction est devenue un patrimoine non négociable de l’enseignement de la philosophie. Mais face à l’abondance de notions à appeler, le professeur est bien forcé de s’en reconnaître au cours magistral ; celui-ci est souvent nuisible pour l’élève, qui veut se dire. Il résulte aussi de synthèses, de raccourcis dans les thèses sur lesquelles les élèves sont invités à réaliser des fiches. Ils ont l’impression qu’ils ont tout à leur disposition mais ne savent pas les articuler car il leur manque les successions, les médiations.

Les requêtes de la formulation à la française ne permettraient donc qu’à un peloton de tête de s’en sortir, tout en abandonnant une grande partie des élèves sur le bas-côté ?

C’est en effet un exercice analysant et très difficile qui a été pensé, à son ouvrage au XIXe siècle, comme une discipline de l’élite. Elle est très peu adéquate pour les élèves qui, pour la plupart, peinent à en saisir les enjeux et se retrouvent donc avec des mauvaises notes, en dessous de celles qui sont données dans d’autres matières. L’épreuve de philosophie est comme une montagne qui se dresse devant eux. Pour beaucoup, c’est même quasiment une mission impossible.

Les choses sont peu claires sur les revendications. Par exemple : la problématisation – qui doit apparaître dans l’introduction. Il est bien pénible de comprendre en quoi elle consiste pratiquement – même les professeurs ont du mal à l’étaler. Cela me semble juste un artifice rhétorique destiné à servir d’introduction à un débat qui est purement fictif… en donnant l’illusion à l’élève qu’avec les références accumulées dans le cours il développe une raison propre.

Vous révoquez « l’hypercriticisme » qui, selon vous, définit actuellement l’enseignement de la philosophie au lycée. De quoi s’agit-il ?

L’épreuve du baccalauréat consiste le plus souvent à dresser de manière très artificielle les philosophes les uns contre les autres. Comme si, dans chacune des parties de la dissertation, chaque philosophe essayait de détruire – et de surpasser – les philosophies précédentes. C’est d’abord faux du point de vue de l’histoire de la raisonnement philosophique, mais aussi problématique dans la conception de la discipline.

« Pour moi, la philosophie n’a pas de privilège »

Je ne pense pas que le rôle de la philosophie soit de critiquer les autres philosophes, ou de se bloquer dans une posture hypercritique sur tout. Cela donne cette idée fausse de la philosophie comme tribunal ultime de la raison, qui formulerait un verdict sur tout ce qui se fait, sur l’opinion, le discours, la politique. La philosophie est un exercice qui a une valeur en soi, mais ainsi serait-elle en position de surplomb par rapport au reste ? Pour moi, elle n’a pas de privilège.

Mais le cours de philosophie n’est-il pas justement le lieu idéal de la formation de « citoyens éclairés » et du développement de l’esprit critique ?

Je n’ai rien contre l’esprit critique. Je suis juste contre l’hypercriticisme. Tout est affaire de proportion. Avec l’exercice de la dissertation, tel qu’il est pensé et enseigné aujourd’hui, les jeunes sont invités à se montrer hypercritiques envers tout : les médias, les scientifiques, les pouvoirs, le bon sens, etc. Cela part d’une intention louable, si on se situe dans l’héritage des Lumières. Mais poussé à l’extrême, cela mène à la situation qui se déroule sous nos yeux : tout est objet de critique pour les élèves. Mais si tout est critiquable, alors qui croire ? Le dernier mot revient souvent au portable et à Internet, où leur hyperscepticisme les pousse à suivre des sites obscurs et des théories complotistes.

Vous prônez au contraire l’exploration des « méthodes des philosophes » : qu’est-ce que cela signifie ?

L’histoire de la discipline est traversée par toute une série de tensions : les uns interdisent la créativité, la liberté, quand les autres prônent une démocratisation de l’étude de la philosophie avec la pédagogie de normes et de règles. Je pense, quant à moi, qu’il faut s’intéresser à ce qui fait la valeur de la philosophie à mes yeux : elle est, pour chaque philosophe, une « expérience », un projet qui est désigné d’un bout à un autre et qui est conduit à affronter un certain nombre de difficultés.

Pour répondre à des problèmes, chaque philosophe a sa méthode. Platon, au moment où la logique n’est pas encore composée, s’appuie sur la « techné » : avec lui ce sont les exemples empruntés aux arts qui admettent d’apercevoir une réponse aux questions qu’on se pose. C’est une découverte, une méthode ingénieuse qui est offerte au lecteur.

Qu’est-ce que cela engage dans l’enseignement ?

On ne peut pas se limiter à une représentation de la philosophie comme d’un édifice qui tient par miracle, comme une grandeur mystérieuse. Elle ne doit pas rester mystérieuse. Il s’agit donc de présenter aux élèves des activités, pour qu’ils refassent des étapes-clés du trajet du philosophe et qu’ils saisissent qu’il y a une amélioration dans la pensée.

Ces exercices admettront aussi de les impliquer dans le cours. Cette manière de revenir aux fondamentaux, de franchir le « comment » de la construction des thèses des philosophes, ne signifie pas pour autant réduire la créativité. Au contraire. Connaître les fondations d’une méthode, c’est pouvoir l’adapter, la transposer, la penser. Et cesser le combat stérile des thèses.

Une grande inquiétude sur l’emploi dans la grande distribution

Robotisation et changement des modes de consommation affectant un des premiers embaucheurs en France.

Robotisation des magasins, magasins sans caisse, applications mobiles admettant à l’acheteur de scanner ses courses, rémunération par reconnaissance faciale… les nouvelles technologies ne sont pas convenables à l’emploi dans un secteur de la distribution alimentaire par ailleurs comparé à l’évolution des modes d’achèvement, les particuliers abandonnant les grands hypers.

Un argument de plus pour les syndicats du groupe Auchan qui nécessitent, mardi 18 juin, rencontré la direction pour estimer l’impact social de la cession ou la clôture de 21 sites en France. Leur réclamation : que les 800 salariés considérés par le plan de sauvegarde de l’emploi puissent être reclassés dans n’importe quelle enseigne de la galaxie Mulliez (Leroy-Merlin, Decathlon, Boulanger…).

Ces derniers mois, les annonces de réduction d’effectifs se sont augmentées dans le secteur, que ce soit chez Kingfisher (789 postes en raison de la fermeture de magasins Castorama et Brico Dépôt), New Look (400 salariés menacés), ou Carrefour, où quelque 5 000 emplois ont été effacés en deux ans. « Il ne faut pas prendre les gens pour des idiots, lançait il y a peu le grand patron d’une enseigne de concession. Quand vous voyez qu’Amazon développe des solutions sans caisse, il est évident que cela aura des suites sur l’emploi. Il faut reconsidérer notre modèle opératoire et faire modifier les salariés qui sont à ces postes. C’est essentiel, car il s’agit de personnes fréquemment peu qualifiées, souvent issues de l’immigration. Et ce n’est pas vrai que vous allez les muter vers des entrepôts, car ceux-ci seront automatisés. »

Jacques Creyssel, directeur général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) fourmille : « Un certain nombre de tâches peu qualifiées auront vocation à être automatisées dans les prochaines années, que ce soit au niveau des entrepôts ou des caisses. Certains magasins à Shanghaï en Chine n’ont plus de zone de caisse et une grande partie du personnel est chargée de la préparation des commandes, qui doivent être livrées en trente minutes. »

L’enjeu est de taille. Pour les 150 000 à 160 000 appointés qui sont aux caisses, bien sûr. Et pour le secteur dans son conjointement, la grande distribution alimentaire demeurant un employeur majeur en France, voire le premier dans certains territoires. Près de 660 000 salariés y œuvraient en 2017 selon les données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Il est surtout une réserve d’emplois pour les jeunes (20 % des effectifs) et les personnes peu diplômées (54 % des salariés de la grande distribution sont sans diplôme, titulaire d’un CAP ou d’un BEP).

« Le vrai coup de stress », c’est Parcoursup, plus le bac

La session du bac 2019 lundi. Mais la vraie escale de défi, pour les élèves de terminale, est dorénavant le sort fait à leurs vœux pour la suite de leurs études.

Les ajustements de l’après-bac sont-ils en train de dissimuler le bac ? La question peut paraitre pénible, à deux jours de l’ouverture de la session 2019 de l’examen de fin de lycée. Elle s’inflige malgré cela, à entendre ceux qui sont pris entre ces deux étapes.

Mercedes, 19 ans, en terminale littéraire, en nomment. Le « vrai coup de stress », elle l’a éprouvé il y a tout juste un mois, à l’annonce des premiers résultats sur Parcoursup, la plate-forme d’accès dans l’enseignement supérieur. Son acceptation en droit, à l’université parisienne d’Assas, a « soulagé » la lycéenne de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). « Depuis, le bac n’est pas une obsession. »

Yann, lycéen marseillais, communique lui également avoir « moins d’intérêt pour le bac », mais pour une tout autre raison. Ce que le jeune homme en terminale technologique veut « à tout prix », c’est un DUT. Depuis le 15 mai, il s’est amélioré dans la liste d’attente de la 60e place à la 29e. Mais ces derniers jours, son emplacement stagne et son angoisse se concentre là-dessus. « Evidemment, je ne suis pas très motivé pour le bac », s’agace ce jeune homme de 17 ans. Pour libérer l’esprit des candidats, il a été déterminé de mettre à l’arrêt la machine Parcoursup durant une semaine, jusqu’à la fin des épreuves écrites.

Le jugement des formations

« Parcoursup, pour moi, c’est vraiment le plus important, déclare aussi Sandy, élève en Seine-Saint-Denis, qui a obtenu sa place en licence d’administration économique et sociale. Cela détermine ce que tu vas faire de ta vie. »

Chez Mercedes comme chez Yann ou Sandy, l’identique constat : le mois qui vient de circuler représente le moment d’évaluation le plus pénible de leur scolarité. Quatre semaines durant lesquelles ils se sont testés face au verdict des formations : « admis », « en liste d’attente », « refusé ».

« Suis-je assez autonome pour réussir à l’université ? Est-ce que je ne préférerais pas le cadre d’une prépa ? », se demande Mercedes, qui retient, en plus de la fac, ses vœux en attente en classes antérieurs. « Pourquoi, avec 13/20 de moyenne générale, n’ai-je pas obtenu la formation de mes rêves quand un camarade avec des moins bonnes notes l’a décrochée ? », se demande Yann.

« Pourquoi ne suis-je pris nulle part ? » : cette question retentit chez certains lycéens. Ils étaient, à la veille du bac, environ 15 % des 640 000 lycéens notés sur la plate-forme à n’avoir reçu aucune réponse adaptée. Soit près de 100 000 jeunes, refusés partout ou sur liste d’attente. Ce chiffre ne prend en compte que les élèves de terminale, pas les étudiants en réorientation ou les candidats en reprise d’études.

Cibles de leur réussite sur Parcoursup, les écoles d’infirmiers doivent administrer la forte demande d’adhésion.

Les établissements vivaient pour la première fois inclus dans la plate-forme d’admission dans l’enseignement supérieur. Plus de 100 000 postulants doivent se répartir 31 000 places.

C’est l’ébahissement de l’année, sur Parcoursup. Alors que nombreux établissements hospitaliers se déplorent, en ce moment, d’avoir des complications à embaucher des infirmiers, en raison des conditions de travail et des rétributions insuffisantes, les écoles qui forment ces professionnels sont prises d’assaut sur la plate-forme d’accès dans l’enseignement supérieur. Un enthousiasme qui contredit ceux qui s’inquiètent d’un désamour généralisé pour ce métier éprouvant.

Avec 1,5 million de vœux et de sous-vœux (soit 21,7 % du total), les institutions de formation en soins infirmiers (IFSI), pour la première fois conquis cette année au régime de Parcoursup, y font une entrée tonitruante. Ils constituent la filière la plus sollicitée, devant le droit et la première année commune des études de santé (Paces).

On compte ainsi plus de 100 000 postulants infirmiers parmi les quelque 900 000 candidats inscrits sur la plate-forme. Ils devront se distribuer, au terme du processus de sélection, 31 000 places réparties dans 326 instituts. Cet engouement n’est pas sans conséquence. Les listes d’attente sont longues, très longues. « Il y a eu beaucoup de panique et de stress », déclare Bilal Latrèche, le président de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi).

Après un long délai, Lucille Dias a été définitivement admise dans les écoles de l’académie de Toulouse. Toutefois, elle n’y croyait pas. Le jour des résultats, le 15 mai, aucun de ses vœux n’avait été confirmé. Elle était partout sur liste d’attente. « J’étais effondrée. C’était une vraie claque », raconte la jeune femme de 19 ans, qui travaille depuis plusieurs mois en tant qu’aide-soignante.

Pétition

Sur les réseaux sociaux, plusieurs candidats aux IFSI se sont émus de ces listes d’attente à rallonge. En particulier ceux issus des prépas, pensant que ce serait un sésame suffisant. « Ma fille est sur liste d’attente partout, alors qu’elle a suivi une préparation à la formation d’infirmière », s’agace Céline Mattielli, détrompée. Près de 3 000 euros déboursés pour n’être finalement prise nulle part, la pilule ne passe pas.

Un groupe d’étudiants a même lancé une demande adressée au ministère de l’éducation nationale. Elle réunit plus de 11 000 signatures. Ces mécontents interpellent l’engagement pris par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, d’améliorer les prépas dans l’examen des dossiers. « Valorisées mais pas données prioritaires », retient Sylvie Thiais, conseillère pédagogique régionale de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France. Le ministère garantit de son côté que les élèves en prépa ont reçu plusieurs réponses favorables que les autres candidats.

 

L’Etat libère 70 millions d’euros suite à la Grève des urgences

 

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, lors du lancement de la « mission nationale de refondation » des urgences, à Paris, le 14 juin.

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, lors du lancement de la « mission nationale de refondation » des urgences, à Paris, le 14 juin. MARTIN BUREAU / AFP

Une grande partie de ce montant sera dédié à une générosité de risque répandue « à tous les professionnels des services d’urgence », hors médecins. Ces instruis ont laissé les personnels concernés mitigés.Après les mots d’indulgence, le carnet de chèques. Huit jours après avoir ouvert la « détresse » des soignants œuvrant dans les services d’accueil des urgences (SAU), Agnès Buzyn a éclairé, vendredi 14 juin, à l’occasion de la proclamation officiel de la « mission nationale de refondation » des urgences, qu’elle débloquait 70 millions d’euros pour financer des « premières mesures de soutien » en faveur de ces personnels.

Objectif pour la ministre de la santé, qui précisait des dispositions déjà ébauchées le 6 juin : stopper avant l’été – une période habituellement critique dans ces services – un mouvement de grève qui s’étend de jour en jour. Plus de cent sites sont désormais concernés.

Pour reconnaître « les efforts et les risques de chacun », Agnès Buzyn a déclaré que les 30 000 personnels paramédicaux des SAU profiteraient, dès juillet, d’une « prime forfaitaire de risque » réévaluée à 118 euros brut, soit 100 euros net par mois, une gratification déjà affectée en partie ou en totalité par certains agents. Elle a aussi précisé que les professionnels qui s’engageraient dans un protocole de coopération, en réalisant de nouvelles tâches, saisiraient une « prime de coopération » de 100 euros brut.

Autre engagement chiffrée : 15 millions d’euros de crédits exceptionnels vont être octroyés aux hôpitaux les plus en « tension », afin qu’ils renforcent leurs effectifs pendant l’été.

« On est loin du compte »

Ces instruis sont accueillies récemment par la Collective inter-urgence, la structure envoyé les personnels en grève et qui doit retenir en assemblée générale d’ici à mardi de la recherche ou non du mouvement. « Il est à parier d’ores et déjà qu’aucune des revendications soulevées ne trouve satisfaction dans la communication du gouvernement », a fait valoir le collectif dans un communiqué publié vendredi après-midi. Dans ce texte, les grévistes, qui demandent une augmentation de salaire de 300 euros net, regrettent surtout les nombreuses « incertitudes » liées à la prime de coopération, qui ne profitera pas aux aides-soignants.

Christophe Prudhomme, envoyé de la CGT et porte-parole de l’Association des spécialistes urgentistes, reconnaît « un premier effort » de la part de la ministre, mais assure qu’« on est loin du compte ». Selon lui, les 15 millions d’euros d’urgence ne montrent par exemple qu’un demi-agent additionnel par SAU. « Le gouvernement court après le mouvement, mais il arrive trop tard. La grève est enkystée, et la colère gagne les médecins », assure-t-il, appréciant par ailleurs qu’il « faudra qu’il lâche beaucoup plus s’il veut que le mouvement cesse ».

A l’Assistance-publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui symbolise 10 % de l’hôpital public en France et d’où le mouvement est parti en mars, la direction, qui avait déjà offert de généraliser le taux maximum de l’« indemnité pour travaux dangereux », soit une prime mensuelle de 65 euros net, a fait de nouvelles propositions en termes d’effectifs.

Embolie des services

Jeudi, durant un rassemblement au siège, il a été présenté d’attribuer 109 emplois supplémentaires aux dix-sept SAU adultes du groupe hospitalier. Si la question des huit services d’urgences pédiatriques ne sera fréquentée que le 21 juin, la direction assure déjà qu’au moins trente-cinq emplois additionnels seront proposés. Soit au total, dès la fin de la grève, 144 postes en plus dans les vingt-cinq SAU de l’AP-HP. « On va avoir une discussion service par service pour ajuster les choses », déclare-t-on au siège, où l’on rappelle l’engagement pour les années à venir d’accroître le nombre de personnels proportionnellement à l’activité.

« On salue l’effort, mais ça reste insuffisant », déclare Hugo Huon, infirmier aux urgences de Lariboisière et membre de la Collective inter-urgence, en opposant à ces propositions la requête des grévistes de 265 embauches pour les seuls services adultes.

Après que certains équipes paramédicales (Lariboisière et Saint-Antoine, à Paris ; hôpital Saint-André, à Bordeaux) ont en partie conquis des arrêts de travail de façon simultanée ces derniers jours, le collectif propose aussitôt de « comptabiliser quotidiennement le nombre de patients hospitalisés stagnant sur des brancards et les décès indus ». Une méthode extraordinaire utilisée en 2018 par le syndicat de médecins SAMU-Urgences de France pour médiatiser l’embolie des services.

Agnès Buzyn a déclaré qu’elle assemblerait, mardi 18 juin, au ministère, « l’ensemble des professionnels et acteurs concernés », pour se préparer aux fortes tensions que nécessiteraient expérimenté au cours de l’été – cette année encore – les services d’urgences en France.

Des changements industriels au tourment

Le 3 juin à Belfort, dans l’usine General Electric, les salariés du groupe attendent le ministre de l’économie, Bruno Le Maire.
Le 3 juin à Belfort, dans l’usine General Electric, les salariés du groupe attendent le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. PATRICK HERTZOG / AFP

En dix ans, uniquement 6 % des fabriques clôturés ont été reprises. En cause, surtout, un manque de prévision.

Mille emplois en attendu à General Electric (GE), dont 850 à Belfort, plus de 700 effacés chez le papetier Arjowiggins, 20 % des 1 500 postes alertés chez Bosch à Rodez, qui produit des composants pour les moteurs diesel, près de 300 emplois en hésitant à l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve et 250 sur l’ex-site de Whirlpool, dorénavant nommé WN… La litanie des annonces de fermetures partielles ou totales de sites industriels se continue, souvent du fait d’une chute brutale de leurs marchés respectifs, concluant une perte de trésorerie. Et ce bien que le léger rebond de l’industrie française depuis 2017.

Avant de se dénouer à abandonner ou enfermer un site déficitaire, les grands groupes cherchent habituellement à le varier. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, ne rappelait-il pas le 3 juin en déplacement à Belfort à la réunion des personnels de GE : « Il y a des pistes de diversification prometteuses et porteuses, notamment dans l’aéronautique. » Des voies possibles, certainement, mais ce processus est embarrassé.

« Pour réussir une reconversion et pérenniser un site, il faut avant tout anticiper », déclare Géraud de Montille, chargé de la reviviscence et de la réindustrialisation au sein du cabinet Siaci Saint-Honoré. « A l’usine d’électronique Bosch de Mondeville, nous avons commencé à réfléchir dès 2009. Et il a fallu quatre à cinq ans pour établir un plan de transformation partagée par toutes les parties prenantes. Travailler avec les organisations syndicales le plus en amont possible est une nécessité », ajoute Estelle Schneider, déléguée CFDT de l’usine, dont l’activité est repartie.

Sans garantie de succès

Devant  la chute du marché du diesel, le site Bosch de Rodez s’explore un nouvel avenir depuis deux ans. « Nous voulons nous donner le temps d’établir un plan de diversification, déclare Heiko Carrie, le directeur général du groupe en France. Une équipe de trente à quarante personnes travaille sur le sujet. Sur les trois cents postes menacés, nous en avons déjà sauvegardé une petite partie en identifiant des charges de production à leur confier, et en changeant le site dans les services à l’industrie. Nous avons d’autres pistes en discussion, mais il est trop tôt pour les évoquer. Il faut laisser le temps au temps. »

Réorientations industrielles : le changement à marche forcée de l’usine Bosch à Mondeville,

                            Heiko Carrie, directeur de Bosch France (à gauche) et Olivier Pasquesoone, directeur du site Bosch de Rodez, le 26 janvier 2018, à Onet-le-Château dans l’Aveyron.

Heiko Carrie, directeur de Bosch France (à gauche) et Olivier Pasquesoone, directeur du site Bosch de Rodez, le 26 janvier 2018, à Onet-le-Château dans l’Aveyron. JOSE A. TORRES / AFP

Syndicats et direction œuvrent collectivement pour céder un avenir au site et aux 600 emplois. Un changement « éprouvante » pour les équipes.

« A l’entrée, tout a changé », déclare Heiko Carrie, le patron de Bosch en France, en exposant le nouveau showroom qui reçoit les visiteurs dans l’usine d’électronique du géant allemand à Mondeville, près de Caen. « Autrefois, ce n’était pas nécessaire, puisque l’usine travaillait principalement pour Bosch ou pour un ou deux fondateurs de véhicules, mais désormais nous élargissons notre clientèle et nous devons pouvoir les accueillir dans de bonnes conditions », déclare Frédéric Boumaza, le directeur de ce site modèle du groupe allemand.

Modèle, car cette usine rejoint de loin. Créée dans les années 1960 pour créer des téléviseurs, elle a ultérieurement fabriqué des autoradios Blaupunkt, des lève-vitres électriques, des calculateurs électroniques pour les moteurs diesel… Mais avec la décentralisation de la production automobile vers l’Europe centrale, le site fait face à un écroulement de ses commandes. A tel point que dans les années 2000, il était pratiquement condamné à fermer, la maison mère cherchant à diminuer la voilure dans les « pays à coût de main-d’œuvre élevé » comme la France.

« Cela n’a jamais été dit, mais c’est ce qui transpirait », se rappelle un syndicaliste. « Il y a dix ans, nous étions face à un mur, celui de la fin des commandes automobiles, déclare Estelle Schneider, choisie CFDT du site. Avec l’ensemble des syndicats et la direction de l’époque, nous avons déclenché un groupe de réflexion pour trouver de nouveaux débouchés. C’était difficile, mais, après coup, ce fut une expérience très riche. Huit ans plus tard, nous sommes d’ailleurs toujours en intersyndicale ! »

Nouveaux marchés et réduction des coûts

Simultanément, ils ont travaillé sur les privilèges du site, découvert de nouveaux marchés et restreint les coûts. Plan de préretraite, réduction du nombre de RTT… le site n’emploie plus que 600 personnes, successeurs et apprentis compris. Deux fois moins qu’en 2006. En échange de ces mesures, la direction s’engage à prémunir l’emploi jusqu’en 2020.

Par ailleurs, avec l’aide financière de la zone automobile de Bosch, une réorganisation globale du site est lancée pour être plus flexible. De nombreux investissements admettent de faire basculer l’usine dans l’« industrie 4.0 » : logistique mécanisée, transport des pièces par véhicules autonomes, bras articulés, robots collaborateurs, imprimantes 3D pour produire des pièces spécifiques, maintenance prédictive, pénétration artificielle pour la gestion du contrôle qualité, exosquelettes pour les opérateurs qui doivent porter des produits lourds, etc.