maître de conférences en sociologie à l’université de Lorraine
Au-delà de la diminution des indemnités des plus précaires, le gouvernement vise à transformer une assurance collective en épargne individualisée, déplore, dans une tribune au « Monde », le sociologue Jean-Pascal Higelé.
Publié aujourd’hui à 01h57Temps de Lecture 4 min.
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Une agence Pôle emploi, à Montpellier (Hérault), le 3 janvier. PASCAL GUYOT / AFP
Le gouvernement a, au 1er novembre, fortement restreint par décret l’accès à l’indemnisation du chômage, alors que déjà plus de la moitié des chômeurs n’est pas indemnisée. La durée de cotisation minimale pour ouvrir des droits passe de quatre à six mois et la période dans laquelle on comptabilise ces mois est réduite de vingt-huit à vingt-quatre mois. Le rechargement des droits ne se fera qu’au seuil de six nouveaux mois d’emploi au lieu d’un mois auparavant. L’indemnisation des plus hauts salaires devient dégressive au septième mois.
Mais, pour certains, le plus dur est à venir. Au 1er avril 2020, le calcul du montant de l’indemnisation ne se fera plus sur la base de la moyenne des salaires des jours travaillés dans le mois, mais sur celle de la moyenne des salaires sur la période allant du début du premier contrat à la fin du dernier contrat de travail, y compris les jours non travaillés.
Cette règle ne change rien pour des salariés stables tombant au chômage. Mais elle a un impact majeur pour ceux qui occupent des emplois de manière discontinue dans l’hôtellerie-restauration, les Ehpad, le nettoyage, le spectacle, la sécurité, etc. Pour ces intermittents de l’emploi toujours plus nombreux – le nombre des contrats de moins d’un mois a été multiplié par 2,7 entre 2000 et 2017 –, le nouveau mode de calcul réduira fortement le montant de leurs droits en les diluant dans la durée.
Modeste système de bonus-malus
Le décret permet aussi d’honorer la promesse d’indemnisation des démissionnaires ou des indépendants, mais de manière limitée. Il instaure aussi un modeste système de bonus-malus qui fait varier le taux de cotisation patronale d’assurance-chômage d’une entreprise en fonction du nombre de ses fins de contrat de travail, relativement aux pratiques du secteur d’activité. Ce système, qui ne prendra effet qu’en 2021, ne concernera que les entreprises de plus de onze salariés dans sept secteurs d’activité, et le taux de cotisation patronale ne variera qu’entre 3 et 5,05 % (contre 4,05 % pour tous aujourd’hui).
Cette réforme de l’indemnisation du chômage prétend donc s’attaquer à la précarité… en réduisant les droits des plus précaires ! Selon le gouvernement, l’assurance-chômage serait devenue une subvention à l’emploi discontinu en indemnisant les périodes récurrentes de chômage. Il faudrait dès lors détourner les chômeurs et les entreprises du recours aux contrats courts par ces mesures de désincitation.
Le gouvernement ne veut plus compenser systématiquement le coût de l’évolution de la masse salariale des facultés. La Conférence des présidents d’université estime qu’il manque désormais 110 millions d’euros aux établissements pour mener à bien leurs missions.
A l’occasion du mois de l’économie sociale et solidaire, l’Association pour l’emploi des cadres a mené l’enquête sur les offres d’emploi dans les entreprises de ce secteur.
« L’ESS recouvre un champ très large d’organisations. » (Photo : La Réserve des arts, à Pantin, Sainte-Saint-Denis, en 2014, association pionnière de récupération et valorisation de rebuts d’entreprise au service des artistes.) FRANÇOIS GUILLOT / AFP
Aux yeux de nombreux actifs lassés de leur bullshit job, travailler pour une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) répondrait à leur quête de sens au travail. Mais est-il possible de faire carrière dans un secteur davantage porté par l’intérêt général que par la recherche du profit ? A l’occasion du mois de l’économie sociale et solidaire qui débute ce 1er novembre, l’observatoire de l’emploi cadre de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) a tenté de répondre à cette question.
L’ESS recouvre un champ très large d’organisations : des associations, des mutuelles, des coopératives ou encore des fondations. Elles ont pour point commun de mener un projet économique qualifié de « socialement utile » et de fonctionner selon des valeurs propres, dont la gouvernance démocratique. Elles œuvrent dans des secteurs très variés : banque, santé, agroalimentaire… Afin de brosser le portrait type des recruteurs et des profils recherchés, l’APEC a analysé les offres d’emploi déposées par les entreprises de l’ESS sur son site au cours de l’année 2018.
Principal enseignement de cette étude : les besoins en compétences cadres existent bel et bien dans le secteur. « Les offres d’emploi de l’ESS représentaient 16 800 offres d’emploi cadre en 2018 en France métropolitaine », détaille l’APEC. Soit 3,3 % des offres publiées sur son site, pour un secteur qui compte dans son ensemble près de 2,4 millions de salariés (dont 12 % de cadres). Un volume que l’association qualifie de « considérable ». « Si on se réfère au marché global de l’emploi cadre dans son ensemble, très dynamique entre 2016 et 2018, la tendance devrait rester positive », ajoute Pierre Lamblin, directeur des études de l’APEC.
Autre constat : le fort maillage territorial des entreprises de l’ESS. Si l’Ile-de-France concentre tout de même le tiers des offres d’emploi cadre du secteur (36 %), l’APEC note que les postes proposés se retrouvent dans toutes les régions, « notamment les zones rurales, en lien avec l’implication des structures dans des économies de proximité ».
Au-delà de cette date, les Françaises cesseront symboliquement d’être rémunérées, comparé au salaire des hommes. Les Européennes, elles, travailleront gratuitement dès le 4 novembre, date de la « Journée européenne de l’égalité salariale ».
Par Marie CharrelPublié hier à 20h09, mis à jour à 09h10
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Dès le mardi 5 novembre, à 16 h 47, les Françaises travailleront… pour des prunes. Et pour cause : selon Eurostat, le salaire horaire brut moyen des femmes est de 15,4 % inférieur à celui des hommes dans notre pays.
Pis, le fossé, à peine plus bas que celui observé en 2010 (15,6 %), ne diminue que très lentement. « Dit autrement, la situation stagne », regrette l’économiste Rebecca Amsellem, créatrice de la lettre d’information féministeLes Glorieuses. Pour tenter de faire bouger les choses, celle-ci a lancé le mouvement #5novembre16h47 il y a quatre ans (la date et l’heure sont réactualisées chaque année).
De son côté, Bruxelles a fixé la Journée européenne de l’égalité salariale au 4 novembre, là aussi dans l’espoir de sensibiliser l’opinion. Dans l’ensemble des vingt-huit pays membres, l’écart moyen est un peu plus élevé (16 %) qu’en France. Après le 4 novembre, « les femmes européennes continuent de travailler gratuitement durant deux mois par rapport à leurs collègues masculins et les progrès réalisés sont trop lents, soulignent dans un communiqué Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, ainsi que Marianne Thyssen et Vera Jourova, les deux commissaires respectivement chargée de l’emploi et de l’égalité des genres. Il convient d’en faire plus, et plus vite ».
Sans surprise, le tableau est très variable selon les pays. L’écart salarial (horaire) entre les sexes culmine ainsi à 25,6 % en Estonie et 21 % en Allemagne, contre 5 % seulement au Luxembourg. « Mais une partie de ces inégalités n’apparaît pas dans les statistiques, à l’exemple des discriminations touchant les femmes de couleur, ajoute Mme Amsellem. Aux Etats-Unis, les femmes noires gagnent 21 % de moins que les femmes blanches et les femmes latinas gagnent 47 % de moins que les hommes blancs. On ne dispose pas de tels chiffres en France, mais les travaux de sociologues montrent que la réalité est la même. »
Reste que la question salariale n’est que le sommet de l’iceberg. Pour mesurer les inégalités de genre dans le monde du travail, les économistes se penchent également sur le taux d’emploi, mesurant la part des personnes en poste parmi celles en âge de travailler. Dans l’Union européenne, celui des femmes (67,4 %) est de 11,6 points moins élevé que celui des hommes (79 %). Il est particulièrement bas dans le sud de l’Europe, notamment en Grèce (49,1 %) et en Italie (53,1 %), tandis qu’il bat des records dans les pays nordiques, plus avancés en matière de parité, notamment en Suède (80,3 %) et au Danemark (74,8 %).
L’action sociale collective se décline sous la forme de sorties et d’activités en groupe, entre retraités. Andriy Popov/Panther Media/GraphicObsession
Les cotisations retraite des actifs servent à financer les pensions. Mais pas seulement. Une petite part d’entre elles est consacrée à la méconnue « action sociale » des régimes, une expression qui recouvre un large éventail de services et d’aides, avec des bénéficiaires et des conditions variables selon les caisses.
Parfois individuels, parfois collectifs, les dispositifs mis sur pied visent le plus souvent à prévenir les risques liés au vieillissement ou à accompagner la perte d’autonomie, une attention particulière étant portée au maintien à domicile et à la lutte contre l’isolement des plus âgés. Mais ils peuvent aussi, dans certains régimes, s’adresser aux non-retraités, en particulier les demandeurs d’emploi, les aidants, les personnes handicapées et les indépendants en difficulté.
Impossible d’être exhaustif, l’offre est éclatée. En matière de soutien individuel, les retraités du régime général (le régime de base des salariés du privé) peuvent, notamment, demander une « aide pour bien vieillir chez soi ». Le principe : un travailleur social vient gratuitement à votre domicile évaluer vos besoins et préconise un bouquet de services et d’actions vous permettant de continuer à y habiter. Par exemple, des travaux d’aménagement, une aide pour le ménage ou la toilette, un portage de repas. La caisse de retraite pourra prendre en charge ces dépenses dans la limite de 3 000 euros par an. Une participation financière sera toutefois toujours requise – son montant dépendra de vos ressources.
« Des sorties “plaisir” »
Pour prétendre à ce plan d’actions personnalisé, il ne faut être éligible ni à l’allocation personnalisée d’autonomie (donc être encore autonome ou presque), ni à l’aide au maintien à domicile versée par les départements aux seniors très modestes à partir de 65 ans. « Des plans de moindre envergure peuvent aussi être proposés lors de périodes de fragilisation spécifiques, comme la sortie d’hôpital, le décès ou le placement en Ehpad [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] du conjoint, afin d’éviter que ces moments difficiles fassent basculer le senior dans la perte d’autonomie ou l’isolement », ajouteFrédérique Garlaud, directrice de l’action sociale de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV).
Des ateliers et conférences, souvent gratuits ou facturés quelques euros, sont proposés par les différents régimes pour évoquer les problématiques liées à l’avancée en âge
Autre exemple d’aide individuelle, initiée cette fois par l’Agirc-Arrco, le régime complémentaire des salariés : le dispositif « Sortir plus ». Il permet aux retraités d’au moins 75 ans de se faire accompagner, à pied ou en voiture, chez le coiffeur, à l’épicerie, au cinéma, chez un ami, pour se balader… « L’objectif est surtout que le senior accède à des sorties “plaisir”, l’isolement représentant un gros risque à cet âge », explique Frédérique Decherf, directrice de l’action sociale de l’Agirc-Arrco. Le service, non soumis à condition de ressources, prend la forme d’un carnet de chèques emploi-service universels d’une valeur de 150 euros mais coûtant 15 euros au bénéficiaire (tarif pour une première demande annuelle).
Ce régime dispose par ailleursd’un réseau de treize Espaces emploi, pour accompagner les salariés au chômage depuis plus d’un an. Et, pour orienter les personnes en quête d’un établissement pour personnes âgées, il gère un service téléphonique gratuit, Orizea, qui les renseigne sur les démarches, les coûts, les différentes aides.
« Afin de les accompagner individuellement dans leurs recherches, nos conseillers identifient leurs besoins spécifiques, leurs désirs, leurs contraintes, et leur soumettent ensuite une liste de structures d’accueil pouvant les satisfaire », précise Mme Decherf. En matière d’hébergement des seniors, notez que certains régimes peuvent faire profiter leurs affiliés de places qui leur sont réservées dans des établissements, voire gèrent directement des maisons de retraite.
Financer des factures de gaz
En sus de ces dispositifs-clés, diverses aides financières ponctuelles peuvent être demandées à certains régimes de manière plus exceptionnelle par les affiliés en difficulté. Les caisses des libéraux prennent ainsi parfois en charge les cotisations sociales de leurs actifs, des frais de déménagement, des loyers, des travaux de rénovation énergétique, etc. Pour les anciens fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) peut, par exemple, allouer, sous condition de ressources, des montants pour financer une mutuelle, des achats d’électroménager, des obsèques, des dépenses liées au handicap, ou régler des factures de gaz. Elle accorde en outre des prêts sociaux.
Quant à l’action sociale collective, elle se décline sous la forme de sorties et d’activités en groupe, entre retraités – voir, par exemple, le Club ABC et ses visites de musées, cours de yoga et autres rendez-vous de marche nordique ouverts aux ex-salariés du monde de la culture et de la création par la caisse Audiens.
L’action sociale représente au total environ 0,3 % des dépenses du régime général, soit quelque 400 millions d’euros par an
Mémoire, équilibre, nutrition, sommeil, ostéoporose, incontinence, troubles de l’audition, sécurité routière ou passage à la retraite : des ateliers et conférences, souvent gratuits ou facturés quelques euros, sont proposés par les différents régimes pour évoquer les problématiques liées à l’avancée en âge. Vérifiez les conditions d’accès : ces événements sont parfois réservés aux retraités du régime en question, parfois ouverts aussi à leurs actifs, avec ou sans âge minimal ; d’autres sont même accessibles à tous, quelle que soit leur caisse de retraite.
L’action sociale représente au total environ 0,3 % des dépenses du régime général, soit quelque 400 millions d’euros par an. « Il s’agit de l’une de nos missions historiques, souligne Mme Garlaud. Elle existe depuis la création de la Sécurité sociale, même si elle a été repensée et réorganisée au fil des décennies. » Côté Agirc-Arrco, un peu plus de 343 millions d’euros ont été prélevés en 2018 pour l’action sociale, soit 0,45 % des quelque 76 milliards d’euros de cotisations de retraite complémentaire des salariés.
Le nouveau patron de l’entreprise publique veut rencontrer « au plus vite » les principaux syndicats et se donne un an pour définir le nouveau projet du groupe.
Le Monde avec AFPPublié hier à 02h08, mis à jour à 09h57
Temps de Lecture 2 min.
Jean-Pierre Farandou, à Paris, le 26 septembre. LIONEL BONAVENTURE / AFP
Le nouveau patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, dit dans un entretien au Journal du dimanche (JDD) vouloir « renouer le fil » avec les cheminots, insistant longuement sur sa volonté de « paix sociale » dans une entreprise secouée par de récentes mobilisations.
L’« agitation » actuelle à la SNCF « témoigne de la préoccupation des salariés » alors que le groupe public a connu ces derniers temps « beaucoup de choses en matière de réorganisation et de réformes structurantes », reconnaît M. Farandou. « Je l’entends. » « Je veux renouer le fil. Il ne peut pas y avoir un bon service aux clients s’il n’y a pas une paix sociale dans l’entreprise », a-t-il relevé, annonçant des rencontres « au plus vite » avec les quatre principaux syndicats.
En revanche, « la loi s’impose à tous », a-t-il rappelé, jugeant « inacceptables » les récents mouvements qui ont débordé les organisations syndicales – une référence à la mobilisation dans le centre de maintenance des TGV Atlantique ayant succédé à des arrêts de travail, au nom de la sécurité, après l’accident d’un TER dans les Ardennes. Plus généralement, le nouveau patron du groupe public – qui y travaille depuis 1981 – entend « [s’]autoriser une période de redécouverte de l’entreprise ».
Jean-Pierre Farandou, qui a succédé vendredi 1er novembre à Guillaume Pepy à la tête de la SNCF, se donne « un an » pour définir le nouveau projet d’un groupe qui devient une société anonyme le 1er janvier. « Il faut mettre ou remettre les organisations syndicales à bord. Tout comme les salariés », a-t-il martelé, prônant une gestion plus décentralisée.
Aux trois grands programmes légués par Guillaume Pepy sur la sécurité, la ponctualité et l’information aux voyageurs, M. Farandou entend ajouter « la place de l’humain dans l’entreprise ».
« Chaque cheminot doit savoir qu’il a sa place aujourd’hui et demain. Il doit être partie prenante du projet de transition ferroviaire. Emploi, qualité de vie au travail, relations sociales : je vais demander à chaque grand patron opérationnel de prendre un peu de recul pour mieux appréhender la dimension sociale de son entité. »
S’il ne peut amender fortement le budget 2020, M. Farandou annonce un « correctif » sur les conditions de vie au travail. « Je veux que l’on améliore tous ces petits irritants du quotidien des cheminots. Je souhaite par exemple que dans le budget, des enveloppes soient prévues pour rénover les locaux qui en ont besoin », a-t-il expliqué.
Dans ce premier entretien après sa prise de fonctions, très clairement destiné avant tout au personnel de la SNCF, Jean-Pierre Farandou évoque néanmoins aussi une demande récurrente des voyageurs : « Plus de personnel au guichet », car, dit-il, « il ne faut pas que l’effort de productivité se fasse au détriment des attentes des clients ».
« Je vais donner la consigne qu’au plus tard à l’été prochain, la durée maximale des queues aux guichets ne dépasse plus trente minutes », a-t-il exposé au JDD.
A partir de 2021, les candidats pour les places réservées aux jeunes des lycées relevant de l’éducation prioritaire devront être boursiers. Cela pourrait modifier l’équilibre de ces établissements.
En cause, la volonté du gouvernement deréaliser environ 3,4 milliards d’euros d’économies sur le régime d’indemnisation des chômeurs sur la période 2020-2021. Ce qui se traduira par une réduction des sommes perçues par une partie des personnes concernées.
Cette réforme sera mise en œuvre progressivement. Dès le 1er novembre, de nouveaux droits favorisant les travailleurs indépendants et démissionnaires font leur apparition. En parallèle, les règles conditionnant le versement de l’allocation-chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE) vont être durcies, notamment en allongeant la durée minimale de travail pour être indemnisé ou recharger ses droits. Voici huit exemples pour comprendre qui sera concerné ou non par ces mesures.
1. Tuong termine un CDD de cinq mois
DÉFAVORABLE
Tuong, une jeune diplômée, termine en novembre un contrat à durée déterminée (CDD) de cinq mois avec un salaire de 1 600 euros brut mensuel. Ce n’est pas suffisant pour être indemnisé par Pôle emploi, en raison de la nouvelle règle en vigueur à partir du 1er novembre : désormais, il faut avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois pour bénéficier des allocations d’aide au retour à l’emploi.
Jusqu’à présent, la durée minimale de travail était de quatre mois sur les vingt-huit derniers mois. Dans l’ancien système, Tuong aurait pu bénéficier d’une allocation-chômage de 1 000 euros net par mois pendant cinq mois.
MAXIME VAUDANO / Les Décodeurs
Comme elle, environ 27 % des 2,65 millions de personnes qui acquièrent des droits au chômage seront touchées par cette nouvelle règle de calcul, selon les estimations de l’Unédic. Environ 300 000 personnes verront la durée de leur droit au chômage diminuer à ce titre, et 410 000 verront l’ouverture de leurs droits retardée.
2. Pierre a retravaillé quatre mois après avoir été indemnisé six mois
DÉFAVORABLE
Le CDD de quatre mois de Pierre se termine en novembre. En travaillant, il a certes repoussé l’échéance de ses droits au chômage. Mais il ne les a pas « rechargés » pour autant, c’est-à-dire qu’il n’a pas acquis de droits supplémentaires grâce à cette période travaillée. En effet, il faut désormais avoir retravaillé au moins six mois (soit 900 heures) pour prétendre accumuler de nouveaux droits.
Avant le 1er novembre, cette durée minimale était d’un mois (150 heures). Pierre aurait donc pu accumuler quatre mois de droits au chômage supplémentaires avec son contrat court.
MAXIME VAUDANO / Les Décodeurs
Il faudra un peu de temps pour que cette partie de la réforme produise ses effets. Des contrats qui se sont terminés avant novembre pourront toujours être utilisés par des chômeurs en fin de droits pour « recharger » leurs droits. Environ 13 % des droits ouverts à partir de novembre seront dans ce cas de figure, principalement du fait des rechargements.
A terme, environ 30 000 personnes ne pourront pas bénéficier de nouveau droits au chômage chaque mois du fait de cette nouvelle règle de six mois au lieu d’un.
3. Mireille gagnait 5 500 euros brut par mois
DÉFAVORABLE (APRÈS 6 MOIS)
Mireille a fêté ses 50 ans, mais elle affiche une triste mine. Cette cadre en contrat à durée indéterminé (CDI) avec un salaire très confortable vient de se faire licencier. Elle est ainsi directement concernée par une mesure instaurée par cette réforme : la dégressivité des allocations élevées.
Appliquée dès le 1er novembre, cette disposition vise les revenus supérieurs à 4 500 euros brut par mois, avec une baisse de 30 % de l’indemnisation à compter du septième mois. Les travailleurs âgés de 57 ans et plus ne seront pas touchés par cette dégressivité.
Si le contrat de Mireille prend fin le 1er novembre, elle touchera 2 890 euros net d’indemnisation les six premiers mois, puis elle verra son allocation diminuer dès le mois de mai 2020. Ceux qui, comme elle, touchaient 4 500 à 6 500 euros brut par mois percevront une allocation journalière d’un niveau plancher de 84,33 euros brut, soit environ 2 360 euros net environ. Cela représentera pour Mireille une perte de plus de 500 euros par mois.
Ce cas de figure représente une petite partie des allocataires : environ 70 000 nouveaux allocataires sur 2,65 millions seront concernés en 2020.
4. Sihem termine son premier CDD
RIEN NE CHANGE
Cette chargée de mission en ressources humaines (RH) en début de carrière vient de finir un CDD de neuf mois. Elle n’a pas travaillé durant les quinze mois précédents. C’est suffisant pour qu’elle puisse être indemnisée par Pôle emploi, sur la base de l’intégralité de son salaire de 1 700 euros brut par mois. Sihem peut prétendre à une allocation-chômage d’environ 1 040 euros net par mois, pendant neuf mois.
Toutes les personnes qui, comme elles, ont eu un emploi continu à temps plein sur moins de vingt-quatre mois auront les mêmes droits avant et après la réforme. Cela représentera environ 10 % des nouveaux bénéficiaires de Pôle emploi lors de la première année d’application de la réforme.
5. Alain a travaillé par intermittence depuis deux ans
DÉFAVORABLE
Alain termine un CDD de six mois en avril 2020. Comme Sihem, il a travaillé neuf mois au cours des deux dernières années. Mais contrairement à elle, il n’a pas travaillé d’un bloc : il a d’abord travaillé trois mois, a ensuite été sans activité pendant quinze mois (sans toucher le chômage) et, enfin, a travaillé de nouveau six mois.
Dans l’ancien calcul des indemnités chômage, Alain pouvait prétendre à une allocation de 1 040 euros net par mois environ pendant neuf mois, comme Sihem.
Ce ne sera plus le cas à partir d’avril 2020. En effet, son indemnité sera calculée à partir de son salaire moyen sur la période – temps passé au chômage inclus. Selon nos calculs, son indemnité sera donc en réalité de 490 euros net environ, soit un peu moins de la moitié de ce à quoi il pouvait prétendre dans l’ancien système. Sa durée d’indemnisation maximale sera en revanche allongée, passant de neuf à vingt-quatre mois.
Comme Alain, environ 37 % des nouveaux allocataires (soit environ 850 000 personnes) devraient sortir perdants de ce nouveau mode de calcul lors de la première année d’application de la réforme. Environ 190 000 d’entre eux (8 % du total) seront fortement touchés comme lui, car ils n’auront travaillé que 25 % à 50 % de la période de référence retenue par Pôle emploi.
6. Steve, en fin de contrat après deux ans de CDI à temps partiel
RIEN NE CHANGE
Salarié à mi-temps, Steve, licencié en novembre, a touché en moyenne 1 100 euros brut par mois avant la perte de son CDI. Les nouvelles règles en vigueur en novembre puis avril 2020 ne changeront pas sa prise en charge par Pôle emploi, comme pour environ 20 % des futurs bénéficiaires qui sont dans sa situation.
Avant comme après la réforme, son indemnité sera de 820 euros net par mois environ, sur vingt-quatre mois au maximum.
7. Karim démissionne d’un poste qu’il occupait depuis sept ans
FAVORABLE (SOUS CONDITIONS)
Il existait déjà par le passé des situations dans lesquelles la démission pouvait être considérée comme légitime (lorsqu’un salarié est contraint de déménager pour suivre son conjoint, par exemple). Ce n’est pas le cas de Karim, qui souhaite changer de voie.
En revanche, il peut espérer cocher les cases du « nouveau droit » à la démission ouvert au 1er novembre, promesse du candidat Macron en 2017.
Pour cela, il doit répondre à plusieurs critères. D’abord, avoir au moins cinq ans d’ancienneté chez un ou plusieurs employeurs, ce qui est le cas de Karim. Le salarié doit aussi justifier de « l’existence d’un projet professionnel », c’est-à-dire une reconversion « nécessitant le suivi d’une formation ou d’un projet de création ou de reprise d’une entreprise ».
Karim a donc intérêt à bien préparer son départ et à monter un dossier solide pour espérer toucher une allocation. Le nombre de bénéficiaires de cette mesure se situerait entre 17 000 et 30 000 personnes par an. Un progrès à la portée très limitée, donc.
Françoise collaborait depuis trois ans avec une entreprise placée récemment en liquidation judiciaire. A ce titre, elle peut toucher l’allocation des travailleurs indépendants (ATI), qui entre en vigueur le 1er novembre. Auparavant, un travailleur non salarié, contraint de cesser son activité, ne pouvait prétendre à une indemnisation.
Le montant de cette indemnisation est de 800 euros par mois pendant six mois pour un indépendant dont l’entreprise a fait l’objet d’une liquidation ou d’un redressement judiciaire. Mais Françoise doit remplir une série d’autres critères pour pouvoir bénéficier de l’ATI. Elle doit fournir des documents prouvant les déboires de l’entreprise avec laquelle elle travaillait. Françoise doit aussi prouver qu’elle est, depuis, activement à la recherche d’un emploi, et justifier des revenus d’un montant minimal de 10 000 euros par an. Cette mesure, qui devrait concerner 30 000 bénéficiaires, n’est pas cumulable avec d’autres allocations comme l’ARE.
Rébecca Soulcié a décidé de changer de voie pendant sa formation à Centrale Lille. Elle a choisi de préparer un CAP de pâtisserie pour vivre sa passion, et a raconté son parcours à O21, les conférences de l’orientation nouvelle génération.
« J’ai toujours su que je voulais être pâtissière et je ne l’ai jamais vraiment assumé. Parce que j’avais des bonnes notes à l’école, j’ai suivi une formation générale au lycée. Tout le monde m’a poussée à continuer : prépa scientifique d’abord, école d’ingénieurs ensuite. Bien sûr, j’avais réussi mes concours. Sauf que je n’étais pas heureuse à Centrale Lille ! On m’a permis de faire une année de césure pour passer le CAP pâtisserie en apprentissage.
Mon père était agriculteur, il faisait des fromages. Je ne me voyais pas faire autre chose qu’un métier manuel. J’aime la satisfaction de voir ce qu’on fabrique du début à la fin, j’aime aussi la relation avec le client. En dernière année d’école d’ingénieurs, j’ai fait des business plans, de la comptabilité… Cela me servira forcément le jour où je lancerai ma propre affaire. Ma formation me permet d’appréhender les choses différemment, d’avoir un regard plus extérieur à la profession.
On nous demande très tôt de choisir. A 17 ou 18 ans, il n’est pas facile de savoir ce que l’on veut. Moi, je n’étais pas du tout sûre de moi. On peut se tromper, ce n’est pas grave. Il faut oser se faire confiance plus tôt et, si ça ne plaît pas, on change. »
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Editorial. Les premières dispositions de la réforme, qui entrent en vigueur vendredi 1er novembre, ouvrent certes des droits mais durcissent les conditions d’éligibilité. Avec le risque d’étendre la précarité qu’une telle mesure prétend combattre.
Publié aujourd’hui à 11h36Temps de Lecture 2 min.
Editorial du « Monde ». Depuis quelques jours, Muriel Pénicaud fait la promotion de la réforme de l’assurance-chômage, concoctée à l’abri des partenaires sociaux, qui n’avaient pas réussi à s’entendre, par le seul gouvernement. La ministre du travail est dans son rôle quand elle valorise deux innovations qui étaient des promesses d’Emmanuel Macron. La première concerne les salariés démissionnaires, qui pourront bénéficier d’une indemnisation s’ils ont un « projet professionnel ». Mais les conditions sont tellement strictes qu’il ne devrait y avoir qu’entre 17 000 et 30 000 élus chaque année. La seconde vise les travailleurs indépendants, qui auront désormais droit à une allocation de 800 euros par mois pendant un semestre. Là aussi, l’effet sera limité, avec 30 000 bénéficiaires par an.
Ces deux mesures sont des mini-pansements qui n’atténuent en rien le caractère punitif de la réforme. Justifiée par la nécessité de faire 3,4 milliards d’euros d’économies sur deux ans et accompagnée d’une petite musique sur l’amélioration de l’emploi, elle tourne le dos à la justice sociale et risque d’étendre la précarité qu’on prétend combattre, voire de fabriquer de nouveaux pauvres au moment où une stratégie audacieuse contre la pauvreté se met en place. Pire encore, elle nourrit une suspicion à l’égard des 6 millions d’individus inscrits à Pôle emploi sans aucun travail ou avec une activité réduite, comme s’ils cherchaient à s’installer dans le chômage sans tenter de retrouver un emploi.
Indemnisation dégressive à partir du septième mois
Laurent Berger a raison de dire que « c’est une des réformes les plus dures socialement qui s’est opérée ces vingt-cinq dernières années ». Le secrétaire général de la CFDT estime – même si ce n’est pour l’heure qu’un pronostic qui demandera à être vérifié – que « plus de 1,4 million de demandeurs d’emploi vont être impactés négativement ». Déjà en 1982, quand Pierre Bérégovoy, ministre (socialiste) des affaires sociales, s’était substitué aux partenaires sociaux, son décret avait accentué les inégalités de traitement entre les chômeurs, donnant naissance à ce qu’on avait appelé « les nouveaux pauvres ».
Avec les deux décrets publiés fin juillet au Journal officiel qui vont s’appliquer à compter du 1er novembre, le durcissement des règles va devenir une réalité. Il faudra désormais avoir travaillé six mois sur une période de vingt-quatre mois – et non plus quatre mois sur vingt-huit – pour toucher une allocation. Mis en place en 2014, sous le quinquennat précédent, le dispositif des droits rechargeables, ouvert aux allocataires en fin d’indemnisation, va être sérieusement écorné. Il ne jouera qu’à partir du moment où le demandeur d’emploi aura été en activité au moins 910 heures, soit un seuil six fois plus élevé qu’aujourd’hui.
Par ailleurs, et alors même que l’efficacité d’une telle mesure n’a jamais été démontrée, l’indemnisation sera dégressive à partir du septième mois pour ceux qui touchaient plus de 4 500 euros brut par mois. Les cadres sont dans le collimateur.
Une autre disposition punitive, qui entrera en vigueur en avril 2020, a trait au calcul du salaire journalier de référence, avec une baisse moyenne de 22 % de l’allocation, qui passera de 905 à 708 euros. Cela touchera, d’après l’Unedic, environ 850 000 personnes. En juin, M. Macron avait souligné que « l’ajustement économique et financier » ne devait pas prévaloir « sur les droits sociaux ». C’est pourtant le mauvais coup qu’il vient de commettre.