Entreprises libérées sous étroite surveillance

Tout n’est pas rose au pays de l’entrepreneuriat libéré, où le contrôle peut être plus redoutable que dans une entreprise classique, explique la journaliste du « Monde » Anne Rodier, dans sa chronique hebdomadaire.

Publié aujourd’hui à 06h45 Temps de Lecture 3 min.

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« Le pouvoir d’influence est substitué au pouvoir de contrainte mais sans contre-pouvoirs, car la présence de délégués syndicaux n’a pas de raison d’être dans une organisation autorégulée. »
« Le pouvoir d’influence est substitué au pouvoir de contrainte mais sans contre-pouvoirs, car la présence de délégués syndicaux n’a pas de raison d’être dans une organisation autorégulée. » Nick Shepherd/Ikon Images / Photononstop

Chronique « Carnet de bureau ». « Fais confiance et vérifie (doveriai no proveriai) », ce proverbe russe très prisé en son temps par Ronald Reagan (« Trust but verify ») n’a certainement pas échappé à Google.

Les salariés du géant numérique accusent leur employeur d’avoir installé un « mouchard » sur le logiciel de réservation de salle pour repérer tout regroupement de plus de cent personnes, révélait Bloomberg le 24 octobre. Le droit du travail a beau tenter d’adapter la protection des salariés à l’évolution technologique, les outils numériques permettent une surveillance toujours plus précise et plus discrète des salariés. De quoi tenter les employeurs qui pensent que la croissance de leur entreprise passe par un contrôle toujours plus accru des collaborateurs.

Les entreprises dites « libérées » ont fait le pari inverse pour un succès circonscrit à quelques pionniers, mais durable. Quand, en 2009, Alexandre Gérard, le PDG de Chronoflex, se retrouve au bord du gouffre, menacé de faillite, il décide de « lâcher les rênes », et de relancer son projet en misant tout sur la confiance accordée aux collaborateurs, dans une vision partagée. Pour changer la donne : il supprime les symboles du pouvoir et bannit le contrôle. L’organisation est restructurée pour « coconstruire ».

Tout se décide par équipe. « L’entreprise libérée est une entreprise dans laquelle les productifs ont pris le pas sur les non-productifs, explique le PDG de Chronoflex. On a demandé à chacun : où est-ce que vous vous sentez contrôlés ? Et imaginez des processus d’auto-contrôle. Les manageurs sont passés de je prends toutes les décisions à je n’en prends plus aucune. Le vrai sujet est de concilier confiance et liberté. »

La confiance prônée par les entreprises libérées repose sur l’autonomie du salarié au service de l’intérêt général de l’entreprise. Alexandre Gérard en a fait le quotidien du site de Saint-Herblain, en Loire-Atlantique. Et ça marche.

Autocontrôle

Pour les salariés « tout va bien » et le chiffre d’affaires augmente de 10 % en moyenne annuelle (33 millions d’euros, contre 22 millions il y a cinq ans). La logique de contrôle a laissé sa place à celle de l’autocontrôle. Evaluation et règlements de conflits n’ont pas disparu, mais sont gérés par le collectif. Ce qui n’est pas sans risque. « Il y a de plus en plus d’entreprises qui s’engagent sur le sujet, mais 90 % vont à l’échec par manque de préparation du dirigeant et de la culture d’organisation. Ils ne travaillent pas assez sur le rapport au pouvoir et sur le lâcher-prise », tranche M. Gérard.

Le mal nommé « mi-temps thérapeutique »

Après une maladie, un salarié peut reprendre son activité et demander à bénéficier d’un temps partiel dont la durée peut varier. Ne peuvent prétendre à ce dispositif aux modalités très encadrées que les salariés ayant fait l’objet d’un arrêt de travail indemnisé, explique le juriste Francis Kessler dans sa chronique.

Publié aujourd’hui à 06h30 Temps de Lecture 2 min.

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Chronique « Droit social ». Après une maladie, un salarié peut reprendre son activité dans les conditions antérieures. Mais il peut aussi demander à bénéficier d’un temps partiel pour motif thérapeutique, souvent et faussement appelé « mi-temps thérapeutique », car la durée de travail réduite peut varier. Il s’agit de permettre le retour dans l’entreprise, lorsque « la reprise à temps plein est impossible et que le temps partiel paraît être de nature à favoriser l’amélioration de l’état de santé du salarié », ou au cas où « le salarié doit faire l’objet d’une rééducation ou d’une réadaptation professionnelle pour recouvrer un emploi compatible avec son état de santé » (article L. 323-3 du code de la Sécurité sociale).

Ne peuvent prétendre à ce dispositif que les salariés ayant fait l’objet d’un arrêt de travail indemnisé. Pour inciter les entreprises à y recourir, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 a supprimé l’obligation d’arrêt de travail « à temps plein ».

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Les modalités du mal nommé « mi-temps thérapeutique » sont encadrées. Il doit être prescrit par le médecin traitant, qui précise le pourcentage d’activité possible. L’employeur doit établir une attestation, dans laquelle il donne son accord de principe à une reprise, la nature de l’emploi et la rémunération correspondante. La mise en place du temps partiel thérapeutique doit aussi être formalisée par un avenant au contrat de travail, réduisant – temporairement – la durée d’activité. Le salaire est versé au prorata du temps effectué, sauf convention collective prévoyant le maintien plein de la rémunération pendant un certain temps.

L’attestation de l’employeur est adressée au médecin-conseil de la caisse primaire d’assurance-maladie, qui autorisera (ou pas) la prise en charge partielle du salaire manquant, au moyen des indemnités journalières de Sécurité sociale (IJSS). Depuis un décret du 20 août 2019, le calcul des IJSS suit les mêmes modalités que les IJSS versées en cas d’arrêt de travail pour maladie. Elles sont plafonnées à la perte journalière due à la réduction de l’activité.

Situation kafkaïenne

Dans certaines situations, le retour effectif du salarié dans l’entreprise est soumis à l’avis du médecin du travail. Même si cette étape n’est pas expressément prévue par le code de la Sécurité sociale, elle est imposée par le code du travail. C’est le cas après une absence de trente jours résultant d’une maladie non professionnelle, ou après un congé maternité. Le médecin peut, soit délivrer un avis d’aptitude à la reprise d’activité, soit établir une attestation de suivi, accompagnée d’un document annexe préconisant des aménagements de poste ou des réserves. L’employeur est tenu de reprendre le salarié à son poste en suivant les préconisations médicales.

Féminiser l’industrie, malgré elle

Nathalie Lapeyre s’intéresse au parcours de plusieurs générations de femmes entrées sur le marché du travail des cadres et dans des fonctions de manageures. Elle constate, à travers l’exemple d’Airbus, que les femmes salariées sont toujours tenues de s’adapter aux normes masculines des carrières, du fait de la robustesse du système organisationnel en vigueur.

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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« Le Nouvel âge des femmes au travail », de Nathalie Lapeyre. Presses de Sciences Po, 224 pages, 19 euros.
« Le Nouvel âge des femmes au travail », de Nathalie Lapeyre. Presses de Sciences Po, 224 pages, 19 euros.

Le livre. Dans les années 1930, l’aviatrice américaine Amelia Earhart (1897-1937) traversa en solitaire les océans Atlantique et Pacifique. Hélène Boucher (1908-1934) battit, elle, de multiples records de vitesse. Caroline Aigle (1974-2007) fut la première femme pilote de Mirage 2000-5, et Danielle Décuré la première commandante de bord à Air France. Autant d’exemples illustres du rôle des femmes dans l’histoire de l’aviation, célébrées dans la vaste littérature consacrée au monde de l’aéronautique. « Il n’en reste pas moins qu’en 2019 comme au début du XXe siècle, que ce soit dans l’aviation civile, militaire ou même de loisirs, la culture misogyne de ce milieu reste vivace », regrette Nathalie Lapeyre dans Le Nouvel âge des femmes au travail (Presses de Sciences Po).

Au-delà des pionnières du ciel, l’ouvrage s’intéresse au parcours de plusieurs générations de femmes entrées sur le marché du travail des cadres et dans des fonctions de manageures. « Leurs expériences professionnelles et sociales au sein d’une industrie de pointe éclairent les changements à l’œuvre en matière d’inégalités de genre et de rapports de pouvoir entre les femmes et les hommes. »

Professeure de sociologie à l’université Toulouse-Jean-Jaurès, Nathalie Lapeyre a mené une enquête de plusieurs années au sein du groupe Airbus, qui souhaite atteindre un taux de 20 % de femmes à tous les échelons de la hiérarchie professionnelle d’ici à 2020. Développement de plans d’action, ouverture de fenêtres d’opportunités, existence de réseaux de femmes, transformation du rapport au travail pour les plus jeunes générations… la quatrième génération d’ingénieures, de diplômées et de femmes entrées sur le marché du travail depuis les années 2000 est confrontée à des enjeux nouveaux, qui « ont des effets non seulement sur leurs aspirations en termes de carrière et sur leurs trajectoires, mais également sur leur destin professionnel ».

Solidarité fondée sur l’humour

Le premier chapitre du livre est consacré aux dynamiques de féminisation de l’industrie aéronautique. L’auteure analyse le processus de féminisation qui s’opère par le haut comme par le bas de la hiérarchie socioprofessionnelle.

Le deuxième chapitre se penche sur les acteurs de la diversité, « un “quatuor de velours” plus ou moins “désorchestré”, mêlant équipes de direction, réseau interne de femmes cadres, syndicats et partenaires externes, aux visions et aux méthodes parfois divergentes et peu coordonnées mais partageant un objectif commun. »

Comment sont calculées la date et l’heure de la Journée de l’égalité salariale

DERRIÈRE LE CHIFFRE – Les Françaises « pourraient s’arrêter de travailler le 5 novembre à 16 h 47 » pour protester contre l’écart des salaires entre les femmes et les hommes.

Par Publié aujourd’hui à 17h12

Temps de Lecture 4 min.

Selon le collectif féministe Les Glorieuses, les Françaises travaillent bénévolement à partir de ce mardi et jusqu’à la fin de l’année. Pour rattraper la différence de salaires entre hommes et femmes, ces dernières « pourraient s’arrêter de travailler le 5 novembre à 16 h 47 », avance le collectif, qui s’inspire d’une initiative islandaise.

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  • Pourquoi cette date et cette heure ?

Le collectif explique s’être appuyé sur un chiffre fourni par Eurostat, l’organisme de statistiques de l’Union européenne, qui établit que « les Françaises gagnent 15,4 % de moins que les hommes ».

Sur la base de journées de sept heures et avec cinq semaines de congés, le collectif a ensuite appliqué ce rapport au nombre de jours ouvrés en 2019 (251 jours, en excluant les week-ends et les jours fériés). On arrive alors à un total de 38,65 jours ouvrés « non payés » pour les femmes. En retranchant ce total aux jours ouvrés à partir du 31 décembre, le collectif a abouti à la date du 5 novembre à 16 h 47.

  • Plusieurs mesures des inégalités salariales

Sauf que la donnée de départ – 15,4 % d’écart salarial – est elle-même sujette à débat. Pour l’Institut national de la statistique et des études économique (Insee), dont les chiffres les plus récents ne prennent en compte que le secteur privé, cet écart est de 18,5 %. Pour l’OCDE, il est de 9,9 %. Il est difficile d’avoir une réponse unique, puisque, en fonction des organismes ou des institutions, les méthodes pour calculer les écarts de salaires entre les femmes et les hommes diffèrent sensiblement (salaire brut ou non, équivalent temps plein ou contrats, moyenne ou médiane, etc.).

Ce qui semble sûr, c’est qu’en comparant les salaires à postes et âges équivalents, « il demeure 9 % d’écarts de salaire injustifiés entre les femmes et les hommes », souligne le ministère du travail. L’Observatoire des inégalités qualifie cet écart de « discrimination pure ». Il souligne en outre le choix politique qui a été opéré en décidant de présenter les inégalités du point de vue masculin ; combien les femmes touchent de moins que les hommes et non combien les hommes touchent de plus que les femmes.

Reprenant le chiffre de l’Insee, l’Observatoire calcule : « Lorsque les hommes touchent 100, les femmes reçoivent 81,5. Elles perçoivent ainsi 100 – 81,5 = 18,5 de moins. (…) Si l’on rapporte l’écart de 18,5 aux 81,5 des femmes, cela fait 18,5 divisés par 81,5 = 23 %. Les hommes touchent donc 23 % de plus que les femmes. Si on arrive à un résultat différent, c’est parce que les pourcentages ne sont pas réversibles, car ils ne s’appliquent pas à la même base de départ. (…) Aucune des deux méthodes n’est plus “juste” ou meilleure. Mais il est frappant de constater que celle qui aboutit au chiffre le plus faible s’est imposée dans le débat public. »

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  • Un écart qui ne se résorbe pas

La date choisie, quelle qu’elle soit, est avant tout symbolique pour montrer les inégalités significatives dans les salaires entre les femmes et les hommes. Or « depuis cinq ans, les pouvoirs publics font bouger les lignes de l’égalité salariale, mais ces efforts ne suffisent pas. Nous avons certes observé une évolution à hauteur de 0,5 point, sauf qu’à ce rythme-là, ce ne sera qu’en 2168 que les femmes seront aussi bien rémunérées que les hommes », soulignent Les Glorieuses.

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Plusieurs facteurs expliquent que cet écart demeure : les secteurs dans lesquels les femmes constituent la majorité des travailleurs continuent d’afficher des niveaux de salaires inférieurs à ceux constatés dans les secteurs à dominante masculine ; les femmes restent sous-représentées aux postes à responsabilité et de direction, et elles travaillent toujours moins longtemps et plus souvent à temps partiel afin de pouvoir concilier responsabilités familiales et activité rémunérée. Ce constat n’est pas vrai qu’en France : plus diplômées que les hommes, les Européennes sont moins bien payées.

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  • A-t-on le droit de quitter le travail mardi à 16 h 47 ?

Le collectif Les Glorieuses n’appelle ni à faire grève ni à quitter le travail. « Ni un syndicat, ni une organisation politique, nous n’appelons pas les femmes à arrêter de travailler, nous demandons en revanche des actions concrètes et rapides pour endiguer les inégalités salariales en une génération… » Il appelle par exemple les pouvoirs publics à mettre en place davantage d’actions concrètes, notamment un congé paternité équivalent au congé maternité post-accouchement « afin de cesser de discriminer les femmes en obligeant les pères à s’absenter à leur tour ».

Mais que se passe-t-il si, à titre individuel, des femmes souhaitaient protester contre les inégalités salariales en cessant le travail mardi 5 novembre à 16 h 47 ? Des précautions sont à prendre, car quitter son poste sans prévenir pourrait être considéré comme une « absence injustifiée », voire un « abandon de poste ». Il s’agit donc de prévenir l’employeur en amont et de lui signifier la raison de cette absence. Ce geste s’apparente alors au droit de grève, qui est garanti par la Constitution. Attention, dans la fonction publique, pour faire grève, il faut avoir déposé un préavis au moins cinq jours avant le début du mouvement.

Il faut « sauver le service civique » !

Dans une tribune au « Monde », un collectif emmené par des élus en charge de politiques de la vie associative et de la jeunesse estime que le service civique est aujourd’hui directement menacé par le service national universel.

Publié aujourd’hui à 16h11 Temps de Lecture 5 min.

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« Ils seront ainsi presque 145 000 jeunes à s’y être engagés en 2019 » (Photo : maison de retraite. Jeune femme effectuant un service civique).
« Ils seront ainsi presque 145 000 jeunes à s’y être engagés en 2019 » (Photo : maison de retraite. Jeune femme effectuant un service civique). Philippe Turpin / Photononstop

Tribune. « Petit miracle républicain » voté à l’unanimité en 2010, le service civique était alors plein de promesses : sécuriser l’engagement des jeunes, le développer, le valoriser.

« Le service civique, c’est un engagement volontaire au service de l’intérêt général ouvert aux 16-25 ans. Accessible sans condition de diplôme, le service civique est indemnisé », écrit sur son site l’Agence du service civique.

« Le service civique a pour objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale et offre à toute personne volontaire l’opportunité de servir les valeurs de la République et de s’engager en faveur d’un projet collectif en effectuant une mission d’intérêt général », selon le code du service national.

Un marqueur générationnel

Aujourd’hui, le service civique est devenu un marqueur générationnel phare pour les jeunes Français, résultat d’une politique du chiffre assumée. Ils seront ainsi presque 145 000 jeunes à s’y être engagés en 2019. Un remarquable succès quantitatif, gagné à la force d’un branle-bas de combat ministériel et associatif, qui mobilise aujourd’hui une très large frange d’acteurs autour de l’engagement de la jeunesse.

Le service civique est fondé sur le volontariat, sur la progression personnelle dans le cadre d’un projet au moins en partie défini par le jeune lui-même, sur la montée en compétences dans le cadre d’une citoyenneté exercée librement. S’il est vrai que beaucoup de jeunes ne s’y engagent pas par fibre militante a priori, tous découvrent au cours de leur mission les notions d’intérêt général et de citoyenneté. Le service civique est une belle école de l’engagement, tout comme une formidable opportunité de renouvellement pour les associations et institutions publiques qui accueillent les volontaires.

Lire aussi « Le service civique est un moment-clé de l’orientation professionnelle »

Le service civique comprend bien sûr des marges de progression, et des points de vigilance. L’annualité désormais routinière de l’accueil des volontaires, le nombre des cohortes, le manque de formation des tuteurs, tendent à réduire la part d’engagement personnel pourtant prépondérante dans ce que doit être la mission d’un volontaire.

Mais est surtout dénoncé le risque croissant d’une collusion du service civique avec l’emploi, surtout dans un contexte de fort chômage des jeunes et de fragilisation généralisée du monde associatif et de l’administration publique.

Dégradation

Pourtant le service civique a réussi le pari d’un équilibre fragile : atteindre l’universalité – offrir une mission à chaque jeune volontaire – et un effet générationnel massif, sans le caractère obligatoire de l’engagement, et en préservant une forte identité citoyenne. Plébiscité par les jeunes comme par les associations et institutions, il mérite désormais qu’on y investisse massivement pour améliorer sa qualité.

En Allemagne de l’Est, le retour au pays des « revenants » signe la fin de l’exode

Les « Länder » d’ex-RDA connaissent un timide rebond migratoire, mais restent menacés par un fort déclin démographique pour les prochaines décennies.

Par Publié aujourd’hui à 11h15

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Un ouvrier dans un entrepôt du centre de logistique de l’entreprise de jouets Simba Dickie, à Sonneberg (Thuringe, en ex-RDA), en 2014.
Un ouvrier dans un entrepôt du centre de logistique de l’entreprise de jouets Simba Dickie, à Sonneberg (Thuringe, en ex-RDA), en 2014. Michelle Martin / REUTERS

Marcel Schibull s’était presque résigné à ne jamais revenir vivre dans sa région d’origine. En 2001, les débouchés se faisant rares dans l’Uckermark, une province champêtre du nord du Brandebourg, il avait décroché une place en apprentissage à Bonn, l’ancienne capitale de l’Allemagne de l’Ouest. Mais, après plusieurs années à l’autre bout du pays, il souhaitait se rapprocher de sa famille.

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« En huit ans, j’ai dû envoyer une bonne centaine de CV dans tout le Brandebourg », se souvient le trentenaire. Début 2016, une aubaine se présente enfin : un poste se libère dans un centre social de Prenzlau. Après un long exil, M. Schibull revient dans la ville où il a grandi. Le quotidien régional consacre même un article à ce retour inespéré. « Il plaque son job à Bonn et rentre au pays », titre le Nordkurier.

Les flux se sont inversés

Outre-Rhin, les destins semblables à celui de M. Schibull sont de moins en moins rares. Trois décennies après la réunification allemande, une révolution discrète est en cours. Elle ne se joue pas devant la majestueuse porte de Brandebourg, mais dans les quartiers résidentiels de villes comme Rostock, Potsdam ou Dresde. En janvier, l’Institut fédéral allemand de recherche démographique révélait que, en 2017, l’ensemble des régions d’Allemagne de l’Est avait enregistré, pour la première fois, un solde migratoire positif en provenance des riches Länder de l’ouest du pays.

Après des décennies d’émigration de l’Est vers l’Ouest, les flux se sont donc inversés, avec 4 000 arrivées de plus que de départs, dans les cinq Etats régionaux qui constituaient autrefois la République démocratique allemande (RDA). En incluant Berlin, la différence totale s’accroît à + 14 000. Une situation inédite depuis la réunification. C’est même du jamais-vu depuis la création de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et de la RDA, il y a soixante-dix ans. Cette dernière, qui comptait 19 millions d’habitants en 1949, a vu sa population tomber à 16 millions en 1990.

L’unité allemande n’a nullement mis fin à l’exode, bien au contraire

L’unité allemande n’a nullement mis fin à l’exode, bien au contraire. « Depuis 1989, les Länder est-allemands cumulent un solde migratoire négatif de 1,8 million d’habitants », rappelle Susanne Dähner, chercheuse à l’Institut pour la population et le développement de Berlin (BIBE). Après s’être atténuée à partir de 2010, cette tendance s’est finalement inversée en 2017. Ce retournement s’explique par l’amélioration de la conjoncture économique dans l’ex-RDA. Le chômage a fortement baissé, les universités de la région ont acquis une solide réputation et attirent désormais des étudiants de tout le pays et, dans les centres-villes élégamment rénovés, le niveau de vie a sensiblement augmenté.

A la tête de la SNCF, le grand mercato des postes a commencé

Sous l’œil attentif de l’exécutif, Jean-Pierre Farandou, le nouveau patron du groupe, constitue sa nouvelle équipe.

Par Publié aujourd’hui à 11h12, mis à jour à 11h25

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Jean-Pierre Farandou, nouveau patron de la SNCF,  le 26 septembre à Paris. Il est encore à l’époque président de Keolis.
Jean-Pierre Farandou, nouveau patron de la SNCF,  le 26 septembre à Paris. Il est encore à l’époque président de Keolis. LIONEL BONAVENTURE / AFP

En plus de faire face à la grogne cheminote, Jean-Pierre Farandou, le nouveau patron de la SNCF, doit réussir, à peine nommé, un délicat exercice de casting. Sous l’œil attentif du gouvernement, il s’apprête à constituer l’équipe qui l’accompagnera, à partir du 1er janvier 2020, dans la nouvelle SNCF telle qu’elle est organisée par la grande réforme ferroviaire de 2018.

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La première décision découle de la propre nomination de M. Farandou, qui, prenant la tête du groupe public ferroviaire, laisse vacante la présidence de Keolis, qu’il dirigeait depuis sept ans. C’est Patrick Jeantet, l’actuel PDG de SNCF Réseau, qui devrait quitter son poste pour se voir confier les rênes de cette filiale de la SNCF. Entreprise spécialiste du transport urbain (bus, tramways, métro, RER) en France et à l’étranger, Keolis (65 000 salariés, dans une quinzaine de pays) a réalisé, en 2018, 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Patrick Jeantet à la tête de Keolis, première surprise

L’information, révélée lundi 4 novembre par la lettre spécialisée Mobilettre, a été confirmée au Monde par une source interne à SNCF Réseau. Un conseil de surveillance exceptionnel du groupe Keolis (possédé à 70 % par la SNCF et à 30 % par la caisse des dépôts et placements du Québec) devrait entériner ce choix dans l’après-midi du mardi 5 novembre. La nomination de Patrick Jeantet à la tête de Keolis ne serait toutefois effective qu’en janvier ou février 2020.

Cette décision, si elle est confirmée, est une première surprise. Non parce que M. Jeantet ne correspond pas au profil attendu pour un tel poste. Le PDG partant de SNCF Réseau a passé dix ans chez Keolis entre 2005 et 2014. Il en a dirigé les activités internationales avant de devenir le directeur exécutif pour la France.

Mais les observateurs du secteur s’attendaient plutôt à ce que le patron du réseau reste à son poste actuel. Finaliste malheureux de la course à la présidence de la SNCF, M. Jeantet avait laissé entendre qu’il continuerait à diriger le réseau malgré sa déception.

Le statu quo avait, il est vrai, l’avantage de simplifier la tâche du gouvernement et du nouveau boss des cheminots. Car la nomination d’un patron de SNCF Réseau ne relève pas de la seule décision de la SNCF. Elle se fait par un décret présidentiel en conseil des ministres et doit être soumise au droit de veto de l’Autorité de régulation des transports (ex-Arafer).

M. Farandou a un souvenir un peu cuisant de ce processus : désigné pour diriger SNCF Réseau en 2016, il avait été retoqué par l’Arafer, car jugé trop lié et depuis trop longtemps à la maison mère SNCF. Il avait été alors remplacé par… M. Jeantet.

Méfions-nous du « team building »

Chaque mois, la sociologue Amandine Mathivet donne la parole aux salariés pour décrypter la vie au travail. Dans son podcast de novembre, Alix et Ester racontent comment et pourquoi elles ont participé à une expérience de « team building ».

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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« Le message adressé est : l’entreprise s’occupe de vous, dans une ambiance conviviale, mais docile. »
« Le message adressé est : l’entreprise s’occupe de vous, dans une ambiance conviviale, mais docile. » Maurizio Rellini/Sime / Photononstop

« Au turbin ! », l’émission mensuelle « qui parle du travail », a commencé à circuler sur les réseaux sociaux depuis septembre. Sa réalisatrice, Amandine Mathivet, est sociologue. Elle a consacré sa carrière aux conditions de travail et n’a jamais cessé de récolter des témoignages de salariés pour son travail de consultante au sein du cabinet Technologia, de sociologue du travail chez Ad’hoc Conseil et d’experte CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) chez Emergences.

Le podcast « Au turbin ! » est le fruit et le prolongement de ce travail. Il diffuse la parole des salariés et interroge l’évolution du management. Après « Les espaces de travail » et « Les reconversions professionnelles », le troisième épisode d’« Au turbin ! », diffusé mardi 5 novembre, est consacré au team building. Quel est le rôle de ces activités de loisirs organisées par l’entreprise pour ses salariés ? Comment les vivent-ils ? Quel est l’impact sur les relations de travail après l’expérience ? Pourquoi les entreprises y sont-elles attachées ?

Mélange de contextes

Les interviews de salariés se succèdent et racontent le contexte professionnel, l’annonce de l’événement auquel ils doivent participer et ce qui l’a motivé. Alix, 42 ans, juriste dans un cabinet de conseil où le turn-over est important, est envoyée en séjour en Tunisie du côté de Hammamet, avec ses collègues. Ester, 38 ans, urbaniste, va « subir » un week-end surprise à Lyon, pour « apprendre à se connaître ». « Je n’avais pas du tout envie de jouer au paintball », confie-t-elle. « Est-ce que ça sert à travailler mieux ensemble après ? J’en doute. »

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Leurs témoignages illustrent comment le team building mélange les contextes privés et professionnels de façon tout à fait « inappropriée », parfois gênante, mais voulue. En conclusion du podcast, la sociologue Danièle Linhart analyse le concept et explique en quoi le team building est un outil du management moderne, « construit sur une individualisation et une psychologisation du salarié, au détriment du respect de la professionnalité ». Il s’agit de « recréer du collectif en constituant des équipes sous influence, en jouant sur l’hypersollicitation du registre narcissique », dit-elle. Le message adressé est : l’entreprise s’occupe de vous, dans une ambiance conviviale, mais docile. Au boulot ! On vous dit.

« La réforme de l’assurance-chômage est un déni de solidarité »

Au-delà de la diminution des indemnités des plus précaires, le gouvernement vise à transformer une assurance collective en épargne individualisée, déplore, dans une tribune au « Monde », le sociologue Jean-Pascal Higelé.

Publié aujourd’hui à 01h57 Temps de Lecture 4 min.

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Une agence Pôle emploi, à Montpellier (Hérault), le 3 janvier.
Une agence Pôle emploi, à Montpellier (Hérault), le 3 janvier. PASCAL GUYOT / AFP

Le gouvernement a, au 1er novembre, fortement restreint par décret l’accès à l’indemnisation du chômage, alors que déjà plus de la moitié des chômeurs n’est pas indemnisée. La durée de cotisation minimale pour ouvrir des droits passe de quatre à six mois et la période dans laquelle on comptabilise ces mois est réduite de vingt-huit à vingt-quatre mois. Le rechargement des droits ne se fera qu’au seuil de six nouveaux mois d’emploi au lieu d’un mois auparavant. L’indemnisation des plus hauts salaires devient dégressive au septième mois.

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Mais, pour certains, le plus dur est à venir. Au 1er avril 2020, le calcul du montant de l’indemnisation ne se fera plus sur la base de la moyenne des salaires des jours travaillés dans le mois, mais sur celle de la moyenne des salaires sur la période allant du début du premier contrat à la fin du dernier contrat de travail, y compris les jours non travaillés.

Cette règle ne change rien pour des salariés stables tombant au chômage. Mais elle a un impact majeur pour ceux qui occupent des emplois de manière discontinue dans l’hôtellerie-restauration, les Ehpad, le nettoyage, le spectacle, la sécurité, etc. Pour ces intermittents de l’emploi toujours plus nombreux – le nombre des contrats de moins d’un mois a été multiplié par 2,7 entre 2000 et 2017 –, le nouveau mode de calcul réduira fortement le montant de leurs droits en les diluant dans la durée.

Modeste système de bonus-malus

Le décret permet aussi d’honorer la promesse d’indemnisation des démissionnaires ou des indépendants, mais de manière limitée. Il instaure aussi un modeste système de bonus-malus qui fait varier le taux de cotisation patronale d’assurance-chômage d’une entreprise en fonction du nombre de ses fins de contrat de travail, relativement aux pratiques du secteur d’activité. Ce système, qui ne prendra effet qu’en 2021, ne concernera que les entreprises de plus de onze salariés dans sept secteurs d’activité, et le taux de cotisation patronale ne variera qu’entre 3 et 5,05 % (contre 4,05 % pour tous aujourd’hui).

Cette réforme de l’indemnisation du chômage prétend donc s’attaquer à la précarité… en réduisant les droits des plus précaires ! Selon le gouvernement, l’assurance-chômage serait devenue une subvention à l’emploi discontinu en indemnisant les périodes récurrentes de chômage. Il faudrait dès lors détourner les chômeurs et les entreprises du recours aux contrats courts par ces mesures de désincitation.

Tension autour du budget des universités

Le gouvernement ne veut plus compenser systématiquement le coût de l’évolution de la masse salariale des facultés. La Conférence des présidents d’université estime qu’il manque désormais 110 millions d’euros aux établissements pour mener à bien leurs missions.