Coronavirus : l’économie des musées touchée de plein fouet

Le Rijksmuseum, à Amsterdam, le 26 mars 2020.
Le Rijksmuseum, à Amsterdam, le 26 mars 2020. LEX VAN LIESHOUT / AFP

Expositions reportées, extensions suspendues, privatisations annulées… la propagation du coronavirus frappe de plein fouet l’économie des musées. Nemo, une association regroupant quelque 30 000 musées européens, mène une vaste étude sur le sujet. Et les premiers résultats recueillis auprès de 650 musées sont alarmants : ceux implantés dans les capitales touristiques accusent des pertes de 75 % à 80 %. 1 % des musées interrogés perdent chaque semaine jusqu’à 30 000 euros, et 5 % affichent un trou hebdomadaire de 50 000 euros.

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Le manque à gagner est abyssal pour les poids lourds comme le Rijksmuseum et le Stedelijk, tous deux à Amsterdam, ainsi que pour le Kunsthistorisches Museum de Vienne, dont les pertes s’échelonnent entre 100 000 et 600 000 euros par semaine. Nemo ne le précise pas, mais, en Espagne, le Reina Sofia, qui fête son trentième anniversaire cette année, a vu ses recettes en billetterie fondre de 440 000 euros en mars. A Vienne, l’Albertina, qui devait inaugurer, le 12 mars, son extension moderne de 2 000 m2, subit une perte quotidienne de 70 000 euros. Quant au Centre Pompidou, à Paris, le manque à gagner mensuel de la billetterie se chiffre à 1,2 million d’euros.

Présence en ligne

Pour ne pas perdre le lien avec leurs visiteurs, 60 % des musées interrogés par Nemo ont renforcé leur présence en ligne. Mais, le plus souvent, en recyclant les contenus existants : seulement 13,4 % ont augmenté leur budget pour les activités numériques. Seule bonne nouvelle, la majorité des musées ne prévoit – pas encore – de licenciements, 70 % d’entre eux ayant affecté leurs collaborateurs à de nouvelles tâches en temps de confinement.

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Si les musées européens, subventionnés pour partie, peuvent faire le dos rond, tel n’est pas le cas de leurs homologues américains, tributaires des fonds privés. Laura Lott, présidente de l’American Alliance of Museums, chiffre les pertes de ses 35 000 membres à quelque 33 millions de dollars (30 millions d’euros) par jour de fermeture. Le Metropolitan Museum of Art, qui ne prévoit pas de réouverture avant juillet, évalue le coût de l’épidémie à 100 millions de dollars au bas mot. Et malgré sa dotation de 3,6 milliards de dollars, la vénérable institution de la Ve Avenue n’exclut pas un plan social.

Licenciements massifs

Jour après jour, les grands musées américains annoncent, en effet, des licenciements massifs. Le Musée des beaux-arts de Boston, dont les pertes ont grimpé à 1,4 million de dollars depuis la mi-mars, selon le site Wbur.org, se sépare de près de la moitié de ses 750 employés. Le New Museum of Contemporary Art de New York a congédié un tiers de son personnel, tandis que le Musée d’art contemporain du Massachusetts (Mass MoCA) va remercier 120 employés, soit 72 % de ses effectifs.

Combien de temps ces établissements pourront-ils tenir, d’autant que les difficultés financières devraient se prolonger au-delà de la période de confinement ? Selon Laura Lott, près d’un tiers des musées américains pourraient disparaître. La première victime est tombée le 3 avril : l’Indianapolis Contemporary, qui avait pourtant recruté en janvier sa nouvelle directrice, a mis la clé sous la porte après dix-neuf ans d’activité.

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Les réunions en télétravail sont plus productives malgré les enfants, mais les codes changent

« Les réunions en visio peuvent lui servir à percevoir des indices qui témoignent de difficultés autant que de traiter du fond des dossiers. »
« Les réunions en visio peuvent lui servir à percevoir des indices qui témoignent de difficultés autant que de traiter du fond des dossiers. » Robert Hanson/Ikon Images / Photononstop

« Depuis que le confinement a commencé, j’ai doublé mon temps de réunion », raconte Guillaume, un cadre de la fonction publique, les yeux marqués par une nuit difficile. En plus des rendez-vous qui doivent se poursuivre, les réunions d’équipes se sont multipliées, tout comme les points avec ses chefs et des moments informels avec ses collègues pour se donner des nouvelles. Le tout, depuis son ordinateur, sur sa table de cuisine, grâce à des outils de visioconférence.

Il a suivi les injonctions de l’exécutif qui considère qu’un métier sur trois peut se poursuivre à distance. Le 13 mars sur franceinfo, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, en appelait « à tous les employeurs, à toutes les entreprises, à toutes les associations : tout ce qui peut se faire en télétravail doit être fait en télétravail. Il faut s’organiser pour cela ». Si, selon l’Insee, 11 % des cadres pratiquaient déjà une dose de travail à distance avant la mise en place du confinement, sa généralisation a provoqué des bouleversements majeurs dans les organisations.

Premières concernées, les réunions ont connu une petite révolution : les visioconférences qui étaient minoritaires dans les agendas, se sont imposées comme un outil majeur pour assurer la continuité de l’activité. Mais il ne faut pas s’y tromper, une réunion en ligne ne transpose pas chez soi une réunion physique et ses codes sont profondément transformés.

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La communication non verbale pâtit de la digitalisation, notamment quand la qualité d’image est mauvaise. « Quand j’anime une réunion en ligne et que je dis une bêtise, je ne vois plus les regards interloqués que se lancent mes collaborateurs. Désormais, ils s’envoient un message privé par chat et je ne suis pas alerté », souffle Quentin Guilly, patron trentenaire d’Andjaro, une entreprise qui fournit des logiciels de gestion des salariés. Résultat, il doit être d’autant plus attentif aux signaux faibles.

Café par webcam

« Lorsque quelqu’un rallume son micro, c’est qu’il a besoin de parler. Le rôle du manager, c’est de le percevoir et de donner la parole même s’il est timide », conseille Sylvestre Ledru, responsable du bureau français de Mozilla dont les équipes sont éparpillées à travers le monde.

Epurées des bavardages et souvent mieux préparées, les réunions en télétravail sont souvent plus productives, même si, depuis la maison, un enfant peut s’inviter de manière impromptue. Etre devant son ordinateur requiert d’être plus concentré pour entendre notre interlocuteur et une personne distraite est vite repérée. « Les réunions filmées ont l’avantage de fixer le regard sur quelque chose : que ce soit la personne qui parle ou un écran partagé pour montrer une présentation », insiste Valentine Ferreol, directrice de programme chez Publicis Sapient, qui conseille les entreprises en transformation numérique. Elle encourage d’utiliser un document partagé comme compte rendu de réunion que les collaborateurs peuvent commenter pour réduire les incompréhensions et interprétations. Surtout, un résumé efficace permet d’éviter la « réunionite » et de s’abstenir de participer lorsqu’on ne prend pas la parole.

« Nous avons besoin de mesures ciblées pour les travailleurs les plus vulnérables, à mi-temps, en intérim ou indépendants »

Tribune. Les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur le plan humain vont bien au-delà de la réponse déterminante à apporter sur le plan médical. C’est notre avenir dans sa globalité qui est aussi en jeu, au niveau économique, social et en matière de développement. Notre réponse doit être urgente, coordonnée et à l’échelle mondiale et nous devons venir en aide immédiatement à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Quel que soit le lieu de travail, quelle que soit l’entreprise, que ce soit au niveau de l’économie nationale ou internationale, toute action efficace doit être fondée sur le dialogue social entre les gouvernements et ceux qui sont en première ligne : les employeurs et les travailleurs. Ceci afin que les années 2020 ne ressemblent pas aux années 1930.

L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que jusqu’à 25 millions de personnes pourraient se retrouver au chômage et prévoit une baisse du revenu des travailleurs allant jusqu’à 3 400 milliards de dollars (3 126 milliards d’euros). Cependant, il apparaît déjà clairement que ces chiffres pourraient sous-estimer la force de l’impact.

Le cycle des inégalités amplifié

Cette pandémie met en évidence de manière impitoyable les failles profondes au sein du marché du travail. Les entreprises de toutes tailles ont déjà cessé de produire, en réduisant les horaires de travail et en licenciant du personnel. Beaucoup d’entre elles vacillent et menacent de s’effondrer au fur et à mesure que les magasins et les restaurants ferment leurs portes, que les vols et les réservations d’hôtels sont annulés et que les entreprises passent au télétravail. Souvent, les premiers à perdre leur emploi sont ceux dont le travail était déjà précaire comme les vendeurs, les serveurs, le personnel de cuisine, les bagagistes et les employés des services de nettoyage.

Dans un monde dans lequel seule une personne sur cinq peut bénéficier d’indemnités de chômage, les licenciements constituent une véritable catastrophe pour des millions de familles. Comme peu de personnes ont droit à des congés pour maladie rémunérés, les soignants et le personnel assurant les livraisons – sur lesquels nous comptons désormais tous – sont souvent contraints de continuer à travailler, même lorsqu’ils sont malades.

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De même, dans les pays en développement, celles et ceux qui travaillent à la pièce, les travailleurs journaliers et les commerçants du secteur informel font souvent face à une pression identique simplement pour gagner de quoi se nourrir. Or, nous serons tous victimes de cet état de fait. En effet, non seulement cela aggravera la diffusion du virus mais, à plus long terme, cela amplifiera de manière grave le cycle de la pauvreté et des inégalités.

Des agents de sécurité bien peu protégés face au Covid-19

Un agent de sécurité de la Gare du Nord, à Paris, le 1er avril 2020.
Un agent de sécurité de la Gare du Nord, à Paris, le 1er avril 2020. FRANCK FIFE / AFP

« Il aimait son travail, il n’avait pas peur d’y aller, même s’il savait, sans me l’avoir dit, que ses conditions de travail ne le protégeaient pas du Coronavirus. Il n’imaginait pas que ça irait jusque-là. » Jusqu’à sa mort. Astrid a perdu son père, Satia, dimanche 5 avril, atteint du Covid-19. Agé de 58 ans, il était agent de sûreté du groupe Samsic à l’aéroport de Roissy – Charles-de-Gaulle, en région parisienne.

Il s’occupait du contrôle des personnels navigants. Il laisse une épouse et trois enfants, qui vivaient avec lui. Tous ont été contaminés et s’en sont sortis en quelques jours. « C’est inadmissible que sur ce poste à risque, où mon père voyait passer énormément de gens venant de partout dans le monde, il n’ait pas été protégé. Il avait deux paires de gants par jour, c’est tout », dénonce sa fille. Les employeurs « mettent en danger leurs salariés mais aussi leur famille, insiste-t-elle. Ma mère est cardiaque et asthmatique. Je suis en colère ».

En contact direct

« J’éprouve une grande tristesse, confie Julien (prénom modifié), un des collègues de Satia. C’était un homme très bon, serviable. » Contactée, la direction générale de Samsic Sécurité ne souhaite pas s’exprimer. C’est le deuxième décès dans le groupe Samsic, après celui d’Alain, le responsable de la sécurité du centre commercial O’Parinor, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), survenu le 20 mars. Et le 7e dans le secteur de la sécurité/sûreté, selon la CGT. Un 8e est survenu depuis ce décompte, le mardi 7 avril, celui d’un agent de sécurité du CHU d’Amiens.

Agents de sécurité, de sûreté… ils sont 50 000 à être bien souvent en contact direct avec la population, dans les aéroports, devant les commerces, les hôpitaux, les bâtiments publics… Or, la plupart du temps, leurs équipements de protection individuels (EPI) ne comprennent pas de masque, ceux-ci allant prioritairement au personnel soignant.

« Il y a énormément de salariés en arrêt maladie, dont sûrement beaucoup sont contaminés. On a tous peur de l’être. » Julien, agent de sécurité

Dans les aéroports, les agents de sûreté peuvent fouiller les bagages, palper les voyageurs, passer autour des corps leur détecteur d’explosifs. Et pourtant malgré ce contact rapproché « Au début, on avait du gel hydroalcoolique et des gants, mais pas de masque, raconte Julien. On en a réclamé. La direction nous a toujours répondu que ce n’était pas une obligation. » Selon ce père de famille, « il y a énormément de salariés en arrêt maladie, dont sûrement beaucoup sont contaminés. On a tous peur de l’être. »

Coronavirus : une association d’aide à domicile sommée de mieux protéger ses salariés

Coup de tonnerre dans le monde de l’aide à domicile. L’un des plus gros opérateurs du secteur dans les Hauts-de-France vient d’être condamné par la justice à la suite de manquements dans la protection de ses salariés contre le Covid-19. Rendue en référé le 3 avril, la décision suscite de l’incompréhension parmi les employeurs. Ils ont interpellé le ministère du travail, ainsi que celui des solidarités et de la santé par le biais d’une de leur fédération (Adédom).

L’affaire concerne l’ADAR Flandre Métropole, une association à but non lucratif implantée dans la banlieue lilloise qui épaule 4 000 personnes en perte d’autonomie ou, dans une moindre mesure, atteintes d’un handicap. Elle compte environ 900 salariés, chargés d’accomplir des tâches diverses : aide au lever et au coucher, entretien du logement, achat de produits alimentaires, etc.

Une douzaine de mesures en trois jours

Au cours du mois de mars, une membre du personnel, déléguée de la CGT, a saisi l’inspection du travail au motif qu’elle et ses collègues n’étaient pas assez bien équipés face au risque de contracter le coronavirus pendant leurs multiples interventions à domicile. L’ADAR a, du même coup, été contactée par une fonctionnaire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) pour fournir des explications. Après plusieurs échanges, au téléphone et par courriel, l’inspectrice du travail a considéré que l’association avait manqué à ses devoirs et elle l’a donc assignée en référé devant le tribunal judiciaire de Lille, en demandant que des dispositions soient prises afin de remédier à cette situation d’urgence.

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Sa démarche a été entendue. L’ADAR est, en effet, sommée de mettre en œuvre, dans un délai de trois jours, une douzaine de mesures. Si ses « clients (…) présentent un symptôme ou ont (…) été diagnostiqués positifs », indique l’ordonnance de référé, ils devront porter un masque lorsque le salarié se rendra chez eux ; ce dernier, dans un tel cas de figure, devra, pour sa part, être équipé en conséquence (gants, charlotte, blouse, masque, etc.). L’ADAR est également tenue de « définir par écrit » les critères pour poursuivre ou aménager ses « prestations », puis elle aura à dresser « la liste des interventions supprimées et (…) maintenues » : autrement dit, le tribunal l’exhorte à faire le tri dans son activité, pour se recentrer sur celle qui est indispensable.

Coronavirus : pour redémarrer au plus vite, PSA revoit son organisation industrielle

Le groupe automobile PSA a annoncé, mardi 7 avril, la signature d’un accord social avec quatre syndicats représentatifs sur cinq destiné à préparer le redémarrage de ses sites industriels aujourd’hui tous fermés (en dehors des centres d’approvisionnement en pièces détachées) en raison de la crise sanitaire due au coronavirus. « C’est un accord majeur, solidaire, s’est félicité Xavier Chéreau, directeur des ressources humaines de PSA. Il est centré sur la protection de la santé des salariés et la préservation de l’entreprise. »

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Le constructeur aux cinq marques (Peugeot, Citroën, DS, Opel, Vauxhall) se met donc en ordre de bataille pour redémarrer « graduellement », dans un environnement où le virus n’aura pas disparu. L’opération, complexe, implique un réaménagement de l’ensemble des sites, une redéfinition des pratiques et procédures intégrant la mise en avant des fameux gestes barrière.

Port du masque obligatoire

Parmi les décisions prises, PSA va rendre obligatoire le port du masque sur ses sites. Le groupe estime que tout salarié devra disposer de deux masques par journée travaillée (un par demi-service) plus deux autres s’il utilise les transports en commun pour se rendre sur son lieu de travail. « Tout redémarrage d’un site impliquera que ce site dispose d’un nombre suffisant de masques pour les salariés », a précisé M. Chéreau.

Le protocole prévoit, par ailleurs, une mise en œuvre de la distanciation sociale par un marquage « rigoureux et systématique » ; une surveillance des symptômes des salariés impliquant des prises de température régulières, y compris à l’entrée du site ; une fréquence élevée de lavage des mains et de désinfection des postes de travail ; une dématérialisation des échanges ; un stockage des colis en zone tampon…

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Voilà qui pourrait chambouler l’organisation industrielle du constructeur et entraver sa course à la productivité, qui, sous la férule de son président Carlos Tavares, est un objectif permanent. Le compactage des usines, qui est l’une des clés de l’efficacité industrielle des chaînes de montage automobile, pourrait, du coup, se voir compliqué. « L’entreprise de demain ne sera pas celle d’hier », a reconnu M. Chéreau. Mais le choix est vite fait quand on sait que chaque jour d’immobilisation d’une usine automobile coûte infiniment plus cher que le surcoût de ce protocole de sécurité.

Redémarrage à Wuhan, tout un symbole

En dehors de la CGT, les syndicats (représentant 80 % des salariés, selon la direction) ont fini par approuver le dispositif. Il y a une dizaine de jours, ils avaient marqué leur scepticisme quand, sur certains sites, la direction commençait à parler de redémarrage. « Il s’agit de mesures inédites destinées à protéger au mieux tous les salariés », a finalement déclaré, mardi, Olivier Lefebvre, délégué central FO, le premier syndicat de PSA.

Pour l’heure, aucune date de reprise n’a été indiquée et le protocole devra être testé, audité et validé par les représentants du personnel. Les premières usines PSA à redémarrer pourraient, c’est tout un symbole, être celles de Wuhan où le déconfinement a pris fin mardi 7 avril. Une réunion stratégique à ce propos devait se tenir mercredi.

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L’accord sanitaire avec les syndicats FO, CFE-CGC, CFTC et CFDT se double d’un important volet social mettant en place un système de solidarité permettant de maintenir 100 % du salaire des employés mis en chômage partiel. Un système de don de congés et RTT (deux par cadre, un par salarié) plus un abondement par l’entreprise viennent combler la part de rémunération non prise en charge par l’Etat, soit 16 % du salaire net. Le dispositif, assez semblable à celui que Renault a mis en place fin mars, est opérationnel tout le mois d’avril.

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« Les actionnaires ne sont pas mis à contribution »

Par ailleurs, les quatre syndicats signataires ont entériné un accord sur les congés permettant aux sites d’ouvrir pendant la période estivale afin de rattraper le retard de production, tout en garantissant deux semaines de congés aux salariés cet été.

Seule la CGT a rejeté en bloc l’accord. « Les actionnaires de PSA ne sont absolument pas mis à contribution. Les salariés devront encore être solidaires entre eux » et cet accord est « une remise en cause brutale de nos congés d’été », a déclaré à l’AFP Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central CGT.

PSA a maintenu sa proposition de verser 1,1 milliard d’euros de dividendes à ses actionnaires, qui devront se prononcer le 25 juin en assemblée générale sur ce point. La CFDT (5e syndicat) a d’ailleurs déclaré attendre « un autre élan de solidarité » de la part des cadres dirigeants et actionnaires, qui pourraient participer « financièrement par le biais de dons » au fonds solidaire « ou par la non-prise de dividendes pour l’année 2020 ».

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Pendant le Covid-19, le dialogue social continue

« En l’absence d’accord entre l’employeur et les membres du CSE, le recours à la visioconférence est limité à trois par an. »
« En l’absence d’accord entre l’employeur et les membres du CSE, le recours à la visioconférence est limité à trois par an. » Monty Rakusen/Cultura / Photononstop

En ces temps de crise sanitaire, un sujet fait l’unanimité : la nécessité de poursuivre le dialogue social. Edouard Philippe a annoncé, le 18 mars, organiser à échéance très régulière des rencontres en visio ou en audioconférence avec les organisations syndicales et patronales. Ces dernières – CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC et Medef, CPME, U2P – ont affirmé, deux jours plus tard dans un communiqué commun, le rôle essentiel du dialogue social et de la négociation collective dans ce contexte. « Les négociations sociales sont le liant naturel pour mettre en œuvre l’injonction paradoxale qui nous est faite : rester chez soi, mais sans que l’activité économique ne s’arrête », analyse David Fonteneau, avocat associé au cabinet Ellipse Avocats, spécialisé en droit du travail.

« Le dialogue social continue plus que jamais », constate Maud Stéphan, déléguée générale de Réalités du dialogue social (RDS), association qui réunit élus syndicaux et directeurs des relations sociales. Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT, souligne « le besoin d’un fonctionnement en bonne intelligence. Le dialogue social s’adapte pour traiter des questions essentielles que sont les conditions de travail des salariés, tout en assurant une activité économique réduite. »

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Concrètement, en cette période particulière, le comité social et économique (CSE) doit être consulté sur le recours à l’activité partielle, mais aussi sur les dérogations au droit du travail pour les entreprises « particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale ».

Entreprises et partenaires sociaux s’organisent pour que le dialogue se poursuive à distance.

En l’absence d’accord entre l’employeur et les membres du CSE, le recours à la visioconférence est limité à trois par an. Mais, urgence sanitaire oblige, le recours à ce mode de consultation est encouragé. Le confinement introduit de nouveaux besoins de négocier. Un accord d’entreprise ou de branche est, par exemple, nécessaire pour qu’un employeur puisse imposer la prise de jours de congés payés à un salarié pendant le confinement. « S’il est fondamental de maintenir le dialogue social avec le CSE et les syndicats, renvoyer à la négociation pure et dure me paraît compliqué, car cela demande du temps, or, nous sommes dans une période de réaction aux événements », estime Julia Auriault, avocate associée au cabinet Ellipse Avocats.

Sur le terrain, entreprises et partenaires sociaux s’organisent pour que le dialogue se poursuive à distance. Une première pour la plupart des entreprises. « Tout le monde joue parfaitement le jeu », constate Jérôme Fréri, directeur des affaires sociales de Bouygues Telecom. Le dialogue social se poursuit quasi comme avant. Toutes les réunions sont maintenues. »

Covid-19 : la mobilisation des médecins du travail

« Depuis le confinement, les médecins du travail se sont réorganisés pour répondre à toutes sortes de questions des salariés et des entreprises »
« Depuis le confinement, les médecins du travail se sont réorganisés pour répondre à toutes sortes de questions des salariés et des entreprises » Roy SRoy Scott/Ikon Images / Photononstop

Chronique « Carnet de bureau ». Pour faciliter la lutte contre l’épidémie de coronavirus, une ordonnance publiée jeudi 2 avril a élargi le rôle des médecins du travail. Les 4 500 praticiens qui travaillent au sein des services de santé au travail interentreprises (SSTI) sont chargés de 15 millions de salariés. La baisse générale de l’activité économique en a libéré un certain nombre, qui se sont portés volontaires pour venir en aide aux centres hospitaliers.

Dans la Sarthe, par exemple, vingt-cinq infirmiers et dix-sept médecins ont rejoint le dispositif CovAmbu 72, en soutien du SAMU fin mars. La direction générale du travail (DGT) les a quasiment exclus du recours au dispositif de chômage partiel. « La demande d’activité partielle pour des catégories de personnel des SSTI doit rester exceptionnelle et ne pourra être acceptée que dans des cas extrêmement limités », indique l’instruction du 2 avril. Ils remplissent une mission d’intérêt général et doivent en assurer la continuité, explique la DGT.

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Depuis le confinement, les médecins du travail se sont réorganisés par hotline ou par téléphone pour répondre à toutes sortes de questions des salariés et des entreprises sur le port des masques, le maintien à distance… Mais aussi pour renforcer la prévention des salariés toujours en poste et enfin pour préparer le retour dans de bonnes conditions dans les entreprises qui s’apprêtent à relancer leur activité.

Possibilité de prescrire un arrêt

La nouvelle ordonnance vise à faciliter la mission des médecins du travail en leur accordant, temporairement, de nouveaux droits. Ils peuvent désormais prescrire un arrêt de travail, le prolonger en cas d’infection ou de suspicion d’infection d’un salarié et procéder à des tests de dépistage.

« L’ordonnance précise, sécurise nos pratiques dans cette période de crise et élargit notre rôle », explique Martial Brun, le directeur général de Présanse, l’organisme de représentation des services de santé au travail interentreprises. Depuis le début du confinement, il y avait une dérogation de fait des visites obligatoires des travailleurs. L’ordonnance légalise le report de certaines visites de suivi de santé et autres interventions « sans lien avec l’épidémie », comme les procédures d’inaptitudes par exemple. Sur le terrain, un entretien téléphonique préalable avait déjà remplacé la visite physique, sauf quand celle-ci était indispensable.

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La possibilité de prescrire un arrêt de travail devrait permettre « de limiter la propagation, et d’appliquer la règle générale qui veut qu’un médecin détectant un cas de Covid-19 ne doit pas le renvoyer vers un autre médecin, explique M. Brun. Concernant le personnel soignant salarié, en cas de soupçon d’infection, il devait d’abord s’adresser au médecin du travail qui n’avait jusqu’alors pas le droit de le mettre en arrêt. L’ordonnance permet dans cette situation de gagner un temps précieux ». En revanche, pour le dépistage, les services auront besoin de moyens de protection (masques, surblouses, gel, etc.) et de savoir quelle est l’exacte cible de ces tests : les salariés ou tout le monde.

Coronavirus : qu’attendre des actionnaires ?

« La déconnexion entre l’aventure entrepreneuriale et son financement a produit une sphère qui obéit à sa propre logique de valorisation des actifs »
« La déconnexion entre l’aventure entrepreneuriale et son financement a produit une sphère qui obéit à sa propre logique de valorisation des actifs » Roy Scott/Ikon Images / Photononstop

Chronique « Gouvernance ». Alors qu’une grande récession s’annonce, le gel des dividendes pour l’exercice 2019 ouvre un débat : hérésie anticapitaliste pour les uns, il paraît juste, pour les autres, de demander un effort aux actionnaires quand les entreprises manquent de liquidités et réclament le soutien des Etats. Au-delà des positions idéologiques, un tel choix financier pourrait symboliser un changement de paradigme : l’évaluation de la responsabilité sociale des entreprises va devenir le grand thème de leur gouvernance dans les prochaines années.

Car la crise révèle, une fois de plus, la défaillance du mécanisme qui, depuis les années 1970, a concédé aux acteurs financiers les moyens d’orienter l’activité économique. Leur pouvoir tient à la masse d’épargne qu’ils gèrent et qu’ils allouent aux investissements de leur choix en acquérant des parts de capital.

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Le pouvoir des actionnaires peut être légitime dans la mesure où ils conservent leurs titres sans limite de temps a priori. Ils accompagnent ainsi le projet d’une entreprise, quitte à prendre le risque de ne pas être rémunérés en période de difficultés. Or les marchés ne sont pas composés d’actionnaires mais d’investisseurs.

Exigences absurdes de profit et de leur pression sur le travail et les investissements

La différence est décisive : un investisseur a pour mission de valoriser l’épargne qui lui est confiée. La manière la plus profitable de le faire est de parier sur des titres en fonction des paris des autres investisseurs. Il projette donc a priori de se défaire à meilleur prix et parfois très rapidement, des parts de capital achetées ; telle est la différence radicale avec la fonction d’actionnaire telle qu’elle s’exerce dans des entreprises au capital patient, qu’il soit familial, public ou salarié.

La déconnexion entre l’aventure entrepreneuriale et son financement a produit une sphère qui obéit à sa propre logique de valorisation des actifs. Ainsi quand, en février 2020, les cas de Covid-19 se multipliaient dans le monde, les Bourses nageaient dans l’optimisme et se félicitaient de records dépassant ceux de 2007. Puis, en mars, dégringolade : elles perdaient 40 % de leur valeur. Depuis, elles spéculent sur les effets macroéconomiques des politiques publiques…

Manifestement, l’absence de responsabilité de chaque investisseur quant à la vie réelle des entreprises débouche sur une irresponsabilité systémique. L’économie n’est pas régulée au mieux par une mythique « main invisible » financière d’autant que si elle est capricieuse, cette main n’est pas innocente. Selon le mot de Joan Robinson, elle fait « toujours son œuvre, mais agit par strangulation » : dans les entreprises, on pâtit depuis des années des exigences absurdes de profit et de leur pression sur le travail et les investissements.

« Souffrance en milieu engagé » : malaise dans les organisations sociales

« Souffrance en milieu engagé. Enquête sur des entreprises sociales », de Pascale-Dominique Russo (Editions du Faubourg, 180 pages, 18 euros).
« Souffrance en milieu engagé. Enquête sur des entreprises sociales », de Pascale-Dominique Russo (Editions du Faubourg, 180 pages, 18 euros).

Le livre. Humiliations et mises à l’écart inadmissibles, rythme de travail éreintant, impossibilité d’exprimer son point de vue. Lorsqu’elle commence à travailler pour la mutuelle paritaire Chorum, en 2007, où elle est responsable d’une newsletter bimensuelle, Pascale-Dominique Russo est troublée par la souffrance au travail récurrente au sein de certaines équipes.

Le fossé flagrant entre le ressenti à l’intérieur et le message affiché provoque une souffrance particulièrement vive. « J’étais surprise de découvrir à quel point il y avait une antinomie entre les discours énoncés et la réalité du traitement des ressources humaines », relate la journaliste, qui a écrit pendant plus de vingt ans sur l’économie sociale et solidaire (ESS). Après avoir quitté la mutuelle pour prendre sa retraite, elle décide de lancer l’alerte.

Son ouvrage Souffrance en milieu engagé (Editions du Faubourg) est une enquête sur les conditions de travail dans les associations et les mutuelles. Les témoignages de syndicalistes d’associations et de mutuelles, d’anciens élus mutualistes, ainsi que plusieurs collaborateurs de mutuelles et d’associations interviewés dans le cadre de l’ouvrage évoquent des situations de travail particulièrement douloureuses.

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Ils lui confient « leur déception, leur malaise et leur révolte en découvrant l’âpreté des nouvelles règles de travail dans un univers jusque-là relativement épargné, comme les mutuelles ». La période est complexe. Ballottées au gré du marché, les mutuelles doivent se regrouper pour ne pas disparaître. « Côté associatif, la commande publique s’impose peu à peu comme le mode de financement majeur à travers les procédures d’appels d’offres, faisant des associations des sous-traitantes et non plus des partenaires. » Ces nouvelles pratiques favorisent les plus grandes organisations associatives, qui disposent d’équipes pour répondre aux offres des marchés publics.

Un engagement « sincère »

L’ouvrage met en lumière les limites des promesses contenues dans les principes de l’ESS : « Comment intervenir sur des marchés, tels que la santé ou l’assurance, comment vouloir en devenir un leader sans tomber dans une logique concurrentielle nécessairement synonyme de nouvelle organisation du travail ? Comment avoir pour ambition première la croissance à tous crins, répondre sans état d’âme aucun aux offres des marchés publics et privés sans se plier aux mêmes règles que les entreprises à but lucratif ni jouer sur l’emploi comme variable d’ajustement ? »