La crise du coronavirus génère un préoccupant déficit de l’assurance-chômage

Muriel Pénicaud, ministre du travail, à l’Elysée, le 1er avril.
Muriel Pénicaud, ministre du travail, à l’Elysée, le 1er avril. POOL / REUTERS

L’assurance-chômage est en train de subir un choc financier d’une violence sans précédent, à cause de la crise liée à l’épidémie de Covid-19. Surveillés quasi en temps réel, ses comptes se dégradent à une vitesse spectaculaire.

Selon nos informations, la dette du régime atteint désormais 42,5 milliards d’euros, contre un peu plus de 37 milliards en décembre 2019. Et elle risque fort de poursuivre sa dérive, plusieurs administrateurs évoquant un montant compris entre 50 et 60 milliards d’euros, en fin d’année. Une situation préoccupante, qui pourrait se traduire par des difficultés pour faire face aux besoins de trésorerie.

Les évolutions en cours sont déprimantes pour l’Unédic, l’association paritaire copilotée par les partenaires sociaux qui gère le dispositif. Après avoir accumulé les déficits au cours de la décennie écoulée, elle espérait renouer avec les excédents à partir de 2021 et engager, grâce à ce retour à meilleure fortune, son désendettement. C’est le scénario inverse qui se joue aujourd’hui, pour plusieurs raisons.

D’abord, les dépenses s’emballent, sous l’effet de la généralisation de « l’activité partielle » – terme officiel pour désigner le chômage partiel. Ce dispositif, qui concerne 10,2 millions de travailleurs, selon les chiffres communiqués, mercredi 22 avril, par le gouvernement, couvre la majeure partie (voire, dans certains cas, la totalité) de la rémunération des bénéficiaires. L’Unédic assure un tiers du financement, soit un coût d’environ 1 milliard d’euros par semaine, qui est susceptible de progresser, car ce filet de protection va couvrir ceux qui, jusqu’à maintenant, étaient en arrêt-maladie pour garder leurs enfants ou s’occuper d’une personne vulnérable.

Tarissement des recettes

S’y ajoute l’allongement de l’indemnisation pour les demandeurs d’emploi arrivés en fin de droit à compter du 1er mars – une mesure récemment prise par l’exécutif. Enfin, le volume des allocations versées s’accroît aussi avec la hausse du nombre de salariés, qui se retrouvent ou vont très vite se retrouver sans activité (fin du contrat à durée déterminée ou de la mission d’intérim, licenciement, etc.).

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Le chômage pourrait toucher 460 000 individus supplémentaires « pendant la période de confinement », d’après une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques, diffusée lundi.

Du côté des recettes, la tendance est au tarissement, notamment à cause des cotisations dont le règlement a été repoussé, afin d’aider les entreprises. Il est très possible qu’une partie de ces contributions soient finalement annulées (notamment celles dues par le secteur de la culture et de l’hôtellerie-restauration) et donc perdues à tout jamais.

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Former les salariés pendant le chômage partiel, une occasion pas si simple à saisir

« Avant que les affaires ne reprennent, le groupe Vaillant, fort de son académie interne, a décidé de lancer un vaste plan de formation pendant les jours de travail et de chômage partiel »
« Avant que les affaires ne reprennent, le groupe Vaillant, fort de son académie interne, a décidé de lancer un vaste plan de formation pendant les jours de travail et de chômage partiel » Radius Images / Photononstop

Depuis la mise en place du confinement, mi-mars, Zelda Kermoal passe la moitié de son temps de travail à se former. Une manière de rester active, alors que son secteur connaît un sérieux coup d’arrêt. Consultante en immobilier résidentiel pour Coldwell Banker, elle visionne les vidéos en ligne mises en place par son réseau, un spécialiste de l’immobilier de luxe qui met à disposition un total de quatorze heures de formation.

Deux fois par semaine et pendant deux heures, un formateur est disponible pour répondre à ses questions sur la prospection en période de crise, le suivi des clients à distance ou encore l’emploi de la signature électronique, et quelques autres thématiques sur lesquelles l’entreprise tient à former ses consultants en ce moment. « C’est une très bonne surprise. On est très bien accompagnés, et cela permet de rester dans un esprit de travail », apprécie Zelda Kermoal.

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Certains éditeurs de formations en ligne voient la fréquentation de leurs services augmenter avec le confinement. « Nous avons enregistré une croissance de 140 % sur nos sessions de formation en avril », explique Yannick Petit, directeur général de Unow, un éditeur de formations en ligne. Formations au management à distance, à la confiance en soi et à la gestion du stress sont particulièrement prisées des collaborateurs ayant accès à son catalogue.

Comptes crédités dès le 24 avril

Se former est un réflexe que le ministère du travail veut encourager pendant cette période où plus de 9 millions de salariés sont en chômage partiel. Depuis le 14 avril, toutes les entreprises peuvent demander le remboursement des coûts pédagogiques des formations suivies par leurs salariés dans cette situation. Le gouvernement a décidé de mettre 500 millions d’euros pour prendre en charge ces formations. Du côté des salariés, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, a rappelé, lors de son audition au Sénat le 7 avril, que leurs comptes personnels de formations seront crédités au titre des droits acquis en 2019, dès le 24 avril. .

Chez SCC, une entreprise de services numériques, des formations sur le management à distance et sur les outils collaboratifs ont été mises en place dès la mi-mars. Habituellement lissées sur l’année, les formations informatiques vont être concentrées sur la période de confinement. « Notre optique est d’être prêts lorsque l’activité va reprendre », prévoit Béatrice Quertain, responsable formation de SCC France. Mais au-delà de l’anticipation de la reprise, le confinement constitue une occasion pour son service. « L’intérêt est de créer une appétence pour la formation », poursuit Béatrice Quertain, qui travaille à répertorier les formations en ligne gratuites qui pourraient être utiles aux salariés.

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Coronavirus : « De l’importance de connaître les “fiches métiers” »

« A la boulangerie, un même employé peut-il servir les gâteaux et tenir la caisse ? » « Le lavage des mains fait-il partie du temps de pause ? »
« A la boulangerie, un même employé peut-il servir les gâteaux et tenir la caisse ? » « Le lavage des mains fait-il partie du temps de pause ? » DPA / Photononstop

Carnet de bureau. Il y a un peu plus d’un mois, le 17 mars, le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) s’arrêtait brutalement, prenant de cours le secteur de l’intérim qui, dans la foulée, perdait les trois quarts de ses emplois. Aux accusations de manque de « civisme » lancées par le gouvernement qui réclamait la reprise de l’activité dans le secteur, les trois fédérations ont répondu par un communiqué commun : « La santé et la sécurité des personnes sont une priorité absolue. () Il est de notre responsabilité collective () de trouver avec le gouvernement des solutions pour protéger la santé des [2 millions de] salariés et assurer la poursuite de l’activité dans de bonnes conditions. »

Il a fallu cet électrochoc pour que soit créé un cadre des bonnes conditions de reprise des salariés du BTP, tenant compte du contexte dû au coronavirus : un guide des préconisations sanitaires élaboré entre l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et les services de santé au travail. Mais pas seulement.

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Le BTP a joué les pionniers. Quelques jours plus tard, le 26 mars, le ministère du travail annonçait dans un communiqué la création d’« une cellule exclusivement dédiée à formuler des préconisations concrètes, par secteur ou par métier, pour poursuivre l’activité de l’entreprise tout en préservant la santé des salariés ».

Donner une référence commune

Non que ce soit au gouvernement de régir le management de chaque entreprise, mais, face à la désorganisation produite par les contraintes de mobilité, les difficultés d’approvisionnement en masques, en gel hydroalcoolique, et surtout l’insuffisance des connaissances sur le risque contagieux, la traduction de ce que signifient « gestes barrières » et « distanciation sociale » dans l’environnement propre à chaque entreprise était devenue un défi digne de Champollion. Et tous les DRH ne sont pas égyptologues. Pour le relever, un cadre officiel peut être bienvenu.

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Au ministère du travail, « une équipe d’experts » produit donc, depuis fin mars, « des fiches pratiques par métier ou secteur d’activité », une par jour à peu près, pour répondre aux questions basiques du type : « A la boulangerie, un même employé peut-il servir les gâteaux et tenir la caisse ? » « Le lavage des mains fait-il partie du temps de pause ? » Au drive : « Comment donner la marchandise en respectant le mètre de distance entre le salarié et le client ? » Les réponses sont concrètes : en open space, « prévoyez une séparation entre chaque poste de travail (paroi en plastique transparent par exemple) avec nettoyage obligatoire en début et fin de poste », mentionne la fiche.

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« Les producteurs de matériel médical devraient être des entreprises à mission »

« Il faudrait donc développer un écosystème industriel adapté à l’hôpital et à ses crises, en exigeant des fournisseurs stratégiques qu’ils soient des sociétés à mission »
« Il faudrait donc développer un écosystème industriel adapté à l’hôpital et à ses crises, en exigeant des fournisseurs stratégiques qu’ils soient des sociétés à mission » DPA / Photononstop

Entreprises. Parmi les leçons de la pandémie actuelle, il y a indiscutablement la nécessité d’éviter la pénurie de matériel médical. Dans l’urgence, des usines ont dû se reconvertir dans la fabrication de masques et des industriels, dont ce n’était pas le métier, se sont lancés dans la production de respirateurs. Initiatives méritoires et solidaires, mais qui ne doivent pas faire oublier qu’il s’agit de pallier l’incapacité des producteurs habituels à répondre à la demande forte engendrée par l’épidémie mondiale.

Il est courant d’expliquer cette incapacité par le caractère exceptionnel et universel de la crise. Mais c’est oublier que l’industrie est coutumière des variations fortes de la demande. En outre, toutes les études sur la défaillance et la sécurisation des approvisionnements, montrent que pour se préparer à de fortes variations de la demande, il n’est pas besoin de connaître exactement la cause de celles-ci.

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Pour absorber ces chocs, les sciences de la gestion et du génie industriels offrent une large gamme de solutions : stockage des pièces critiques, diversification des fournisseurs, flexibilité des lignes d’assemblage, modularisation du matériel permettant de sous-traiter tout ou partie des productions, etc. Il faut aussi concevoir à l’avance, des matériels moins sophistiqués, faciles à fabriquer et à déplacer, qui assurent a minima les fonctions essentielles.

Développer un écosystème

Le système hospitalier devrait donc, à l’avenir, obtenir de ses fournisseurs de telles garanties industrielles. Mais cela suffira-t-il ?

Une enquête du New York Times (29 mars 2020, « The US Tried to Build a New Fleet of Ventilators. The Mission Failed ») révèle que, en 2008, face à la série des épidémies virales, les autorités de santé des Etats-Unis ont anticipé un besoin massif de respirateurs. Ils ont alors commandé à une entreprise de nouveaux respirateurs : moins chers, plus faciles à produire et à utiliser en urgence. Mais, en 2012, l’entreprise fut rachetée par un grand du secteur, qui arrêta le projet parce que non rentable selon lui, et en concurrence avec ses propres matériels. L’administration relança plus tard un nouveau projet, mais il était trop tard pour le Covid-19 et les Etats-Unis ont dû improviser face à la pénurie, comme la France.

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Il ne suffit donc pas qu’un écosystème industriel se prépare à des variations imprévues de la demande. Il faut aussi que les entreprises de cet écosystème puissent maintenir cette capacité malgré les modifications de leur actionnariat ou leur éventuelle absorption. Or, cette double assurance n’est acquise qu’avec la qualité de société à mission telle que définie par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Celle-ci, permet de pérenniser et de contrôler les engagements de l’entreprise. De plus, le système hospitalier pourrait participer au comité de mission. Sans la société à mission, les investissements en faveur d’une réelle robustesse industrielle seraient aisément remis en cause par une nouvelle gouvernance exclusivement financière.

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« La Raison d’être de l’entreprise » : éviter la dernière ruse du capitalisme

« La Raison d’être de l’entreprise », de Bertrand Valiorgue, Presses universitaires Blaise Pascal, 64 pages, 4,50 euros.
« La Raison d’être de l’entreprise », de Bertrand Valiorgue, Presses universitaires Blaise Pascal, 64 pages, 4,50 euros.

Le livre. Souvent appréhendées comme de simples acteurs économiques, enchâssées dans des marchés au sein desquels elles espèrent prospérer, les entreprises, et en particulier les grandes entreprises, sont au centre de nos sociétés contemporaines. Elles ont une multitude d’impacts sur notre quotidien et déterminent notre futur.

Si l’on s’en tient aux indicateurs économiques traditionnels, la situation est appréciable. En 2019, les quarante plus grandes entreprises françaises ont versé la somme record de 49 milliards d’euros à leurs actionnaires. Mais les performances économiques et technologiques des entreprises ne doivent cependant pas masquer « une réalité politique qui devient chaque jour plus évidente : la dynamique de progrès social et environnemental est en panne », alerte Bertrand Valiorgue dans La Raison d’être de l’entreprise.

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Le législateur français a souhaité interroger la place et la contribution de l’entreprise à la vie de la cité à travers la loi Pacte, qui contient « plusieurs dispositions susceptibles d’amener les entreprises à développer une croissance inclusive et de mieux prendre en charge les conséquences de leurs activités au niveau de l’environnement et de leurs parties prenantes », analyse le professeur de stratégie et gouvernance des entreprises à l’université Clermont- Auvergne.

L’empreinte environnementale des entreprises

Quels contours de la nouvelle entreprise se dessinent à l’issue de la loi Pacte ? Quels changements convient-il de mettre en place, afin de redéfinir la contribution de l’entreprise à la vie de la cité, et enclencher une nouvelle dynamique de progrès social et environnemental ?

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Le traité montre l’ampleur des changements qui sous-tendent la réforme de la gouvernance de l’entreprise, et interroge « les origines et les problèmes de fond dans le fonctionnement des grandes entreprises qui ont poussé le législateur français à promouvoir des changements législatifs substantiels, afin de pousser les entreprises à mieux contribuer au progrès social et environnemental ».

Un coup d’œil rapide sur les conditions de production et de distribution de la valeur économique générée par les grandes entreprises permet, souligne le membre du laboratoire de recherche Clermont Recherche Management (CleRMa), de nuancer les niveaux de performance. Si les grandes entreprises dégagent d’importants bénéfices pour rémunérer les épargnants et maintenir des cours d’action élevés, « c’est aussi grâce aux pressions qu’elles exercent sur leurs partenaires économiques de taille plus modeste ».

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La justice liquide le quotidien « Paris-Normandie », l’activité prolongée de trois mois

La « une » de « Paris-Normandie », le 21 avril.
La « une » de « Paris-Normandie », le 21 avril. KENZO TRIBOUILLARD / AFP

C’était une décision attendue, après la demande en ce sens faite la semaine dernière par la direction du journal normand. Le tribunal de commerce de Rouen a prononcé, mardi 21 avril, la liquidation du quotidien Paris-Normandie avec prolongation d’activité de trois mois, a annoncé son propriétaire, l’homme d’affaires et candidat (La République en marche, LRM) aux élections municipales à Rouen Jean-Louis Louvel – il est arrivé troisième à l’issue du premier tour le 15 mars.

Le quotidien, endetté depuis plusieurs années, emploie 216 salariés, selon leur avocate Jessy Levy. A en croire la direction, la crise sanitaire du coronavirus a interrompu « le lent redressement » du journal. Elle avait annoncé, jeudi, demander une liquidation avec prolongation d’activité de la SNIC, société éditrice du journal, qui affiche 7 millions d’euros de dette (contre 10 millions en 2017). « Cette situation est la conséquence directe de l’impact du Covid-19 sur le chiffre d’affaires de notre entreprise », avait-elle alors justifié. Le journal fondé en 1944 affiche une chute de 90 % des recettes publicitaires.

Plusieurs repreneurs espérés

Les salariés, qui ont connu trois procédures judiciaires depuis 2012, sont bien sûr « inquiets », selon le Syndicat national des journalistes (SNJ). « On suppose qu’il y aura plusieurs repreneurs parce que la fameuse dette sera annulée », si la liquidation est prononcée avec prolongation d’activité, a avancé Anne Bouchet, déléguée SNJ du journal. Reste à savoir si ces offres seront « sérieuses » et si des salariés resteront « sur le carreau ».

Jean-Louis Louvel a assuré devant le tribunal avoir déjà eu des contacts avec des repreneurs, a-t-il déclaré à l’Agence France-Presse. « Je ne doute pas que plusieurs offres seront transmises », a-t-il dit. Lundi, le candidat malheureux à la reprise du journal en 2017, le groupe belge Rossel (La Voix du Nord), n’a pas souhaité dire s’il ferait à nouveau une offre.

Le 15 avril, le tribunal avait prononcé la liquidation avec poursuite d’activité pour la RNP, la régie publicitaire du titre, qui emploie vingt-cinq personnes.

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Implanté uniquement sur le territoire de l’ancienne région de Haute-Normandie, dont il est l’unique quotidien local, Paris-Normandie compte 22 500 abonnés papier et 1 500 abonnés Web, selon la direction. En 2019, le journal diffusait à environ 41 280 exemplaires, soit 6,9 % de moins qu’en 2018, selon l’ACPM, organisme de certification de l’audience de la presse, une baisse supérieure à la moyenne observée pour la presse régionale dans son ensemble.

Le Monde avec AFP

Entreprises et coronavirus : « Comment redémarrer son activité ? »

Tribune. Pour continuer à fonctionner après un problème opérationnel grave, une entreprise prévoit généralement un plan de sécurité que l’on appelle, dans le jargon managérial, « plan de continuité des activités » ou business continuity planning (BCP). Inutile de dire que, dans la situation créée par l’épidémie de Covid-19, ces BCP sont aujourd’hui tous actifs. Mais précisément, ce caractère massif et simultané n’a jamais été anticipé.

Chaque entreprise fonctionne en mode précaire, mais c’est aussi le cas de ses fournisseurs et de ses clients ! Un problème opérationnel à l’origine d’un BCP n’est pas censé être universel, ni durer si longtemps, sans compter qu’il peut encore s’aggraver si tout le personnel tombe malade ou doit rester confiné…

Quatre volets

Un BCP a quatre volets : prévention, évitement (ou « mitigation »), plan d’urgence et redémarrage. Lorsqu’un danger menace une organisation, le BCP lui oppose d’abord des mesures de prévention. Si elles n’ont pas fonctionné, le danger s’est matérialisé. La mitigation, ou évitement, en atténue l’impact. Si cet évitement n’a pas pu limiter cet impact, alors on entre en plan d’urgence : on ramène l’installation dans un état stable, qu’on pérennise avant de redémarrer l’activité de manière sûre et pérenne.

Lors de la grippe H1N1 de 2009, les entreprises avaient commandé (pour rien) des millions de vaccins et de masques, alors que l’épidémie ne sévissait qu’en Extrême-Orient (et y est finalement restée). C’était l’étape prévention. Une telle mesure transposée au coronavirus – qui n’a pas de vaccin – aurait signifié que soient prises, avant même le premier cas en Europe, des mesures de distanciation, de fermeture de magasins, d’interdiction de rassemblement, jusqu’au confinement.

Ce qui était donc une prévention est devenu une mitigation, qui va demeurer tant que l’épidémie dure. En revanche rien n’a été prévu comme plan d’urgence, et on avance à tâtons pour le redémarrage : comment lèvera-t-on le confinement ? Comment redémarrer son activité ?

Pas de retour d’expérience

La mise en œuvre plus ou moins aisée d’un plan de continuité des activités dépend du secteur. Plus celui-ci est numérisé, plus il peut fonctionner en autonomie, grâce aux « data centers » et aux « clouds ».

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A l’opposé, les transports ou la production nucléaire ne peuvent fonctionner sans humains à la barre. Le BCP y est critique et crucial. Le secteur de l’énergie risque le plus un incident opérationnel : les réseaux de distribution, de transport et de production sont extrêmement interdépendants et présentent chacun le risque d’être un maillon faible. Il suffit qu’un des trois acteurs ne puisse plus intervenir en cas de défaut pour observer une rupture d’approvisionnement.

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Coronavirus : déjà 11 milliards de pertes de revenus pour les ménages en France

Gilberto d’Annunzio devant son épicerie-restaurant La Bottega, fermé à cause du confinement, à Lille, le 15 avril 2020.
Gilberto d’Annunzio devant son épicerie-restaurant La Bottega, fermé à cause du confinement, à Lille, le 15 avril 2020. AIMEE THIRION POUR LE MONDE

Si la crise économique liée à l’épidémie de coronavirus est d’une ampleur inégalée, elle ne pèse encore que peu, en France, sur les ménages. Les 120 milliards d’euros perdus depuis le début du confinement, le 17 mars dernier, n’ont affecté les particuliers qu’à hauteur de 11 milliards d’euros, selon les scénarios établis par les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Soit 7 % du total. Les entreprises, elles, « perdent » environ 35 % du total, tandis que l’Etat essuiera, via le déficit public, le reste de l’ardoise.

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« Pour les ménages, cela représente une perte de pouvoir d’achat d’environ 50 euros par semaines, soit 400 euros sur la totalité de la période de confinement », précise Xavier Timbeau, économiste à l’OFCE. Un chiffre moyen, qui recouvre une grande hétérogénéité de situations : les salariés au smic bénéficient dans le dispositif du chômage partiel du maintien intégral de leur salaire, ceux au-dessus du smic touchent 85 % de leur rémunération.

Une « cassure »

Les indépendants, à eux seuls, qui se rémunèrent directement avec leur activité, participent pour 2 milliards d’euros à cette baisse des revenus. Les salariés en fin de contrat court, ou en fin de mission d’intérim, et dont la mission n’a pas été renouvelée du fait de la crise voient eux leur revenu pris en charge par l’assurance-chômage – dans la mesure où les droits leur sont ouverts, et pour une durée variable.

« Nous estimons que 460 000 personnes vont se retrouver sans emploi à l’issue du confinement, précise Bruno Ducoudré, économiste à l’OFCE. Parmi elles, environ 180 000 personnes en contrat court, et 288 000 personnes qui étaient en période d’essai, par exemple, ou qui sont licenciées – éventuellement pour d’autres raisons que le Covid-19. » Enfin, une dernière catégorie de personnes subit une amputation significative de leurs revenus – ce sont celles qui subsistaient en partie grâce à « l’économie grise », comme le dit Xavier Timbeau, c’est-à-dire ce qui est à la frontière de la légalité et dont le nombre est par nature difficile à évaluer.

« Seul le recul de l’inflation (importée notamment) permet d’amortir le choc et de redonner un peu d’oxygène à la dépense des ménages », estime l’institut Xerfi.

Toutefois, pour les ménages français, ce recul relativement faible du pouvoir d’achat risque de n’être que temporaire. En sortie de crise, l’arrêt des mesures de soutien aux entreprises, et notamment du chômage partiel, peut donner un coup d’accélérateur à la dégradation des revenus, notamment avec l’arrivée des premières défaillances d’entreprises ou des plans de licenciement. L’institut Xerfi fait l’hypothèse d’une « forte cassure de la dynamique du pouvoir d’achat des ménages » sur l’année 2020. « En 2019, le gain de pouvoir d’achat avait été de 1,9 % en moyenne », rappelle-t-il. « En 2020, le pouvoir d’achat devrait reculer de près de 1 %. On observe donc un ralentissement de 2,5 à 3 points du pouvoir d’achat entre 2019 et 2020. Ce dernier pourrait stagner encore en 2021. »

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Les jeunes sont les premiers et les plus touchés par les effets de la récession

Hassan, étudiant confiné dans sa chambre de la residence Evariste Galois, à Villeneuve d'Ascq (Nord), le 18 avril 2020.
Hassan, étudiant confiné dans sa chambre de la residence Evariste Galois, à Villeneuve d’Ascq (Nord), le 18 avril 2020. Sarah Alcalay pour Le Monde

Si les jeunes sont les moins touchés par la pandémie, ils sont en première ligne de la crise économique. Ils sont particulièrement employés par les entreprises qui ont dû fermer à cause du confinement : restaurants, commerces, centres de loisirs… Au Royaume-Uni, par exemple, 30 % des employés de moins de 25 ans travaillent dans ces secteurs, contre seulement 13 % des plus de 25 ans, selon l’Institute for Fiscal Studies (IFS), un centre d’études économiques. En France, la situation est similaire.

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« Contrairement à la crise de 2008, qui a aussi touché la finance ou les services professionnels, l’effet est cette fois-ci plus concentré sur les moins qualifiés, les bas salaires et les plus jeunes », explique Xiaowei Xu, auteure de l’étude de l’IFS.

Non-renouvellement des CDD

Le deuxième effet négatif pour les jeunes est qu’ils vont entrer sur le marché du travail au pire moment. Les quelque 700 000 personnes qui vont sortir cette année de formation en France seront les premières victimes de la hausse inévitable du chômage, et leur carrière professionnelle va être durablement affectée. « Lorsque l’entreprise fait face à des chocs, elle essaie de conserver les salariés qualifiés et arrête d’embaucher », rappelle Camille Landais, professeur à la London School of Economics.

« La première forme de régulation de l’entreprise en période de crise est le non-renouvellement des CDD et des contrats d’intérim : or, les jeunes sont massivement représentés sur ces postes ». Cet effet s’était fait durement ressentir lors de la crise financière de 2008-2009, lorsque le taux de chômage des 15-24 ans avait augmenté de moitié, atteignant un niveau record de 26,2 % fin 2012.

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Les études au long cours montrent également que démarrer sa vie professionnelle sur fond de crise est pénalisant sur le long terme. Les enquêtes « Génération » menées par le Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) à partir d’un échantillon représentatif de jeunes quittant le système éducatif à tout niveau de formation permettent de suivre leur trajectoire sur le marché du travail jusqu’à sept ans. Leurs conclusions sont sans appel. « On assiste à un ralentissement de la dynamique professionnelle, plus de temps passé au chômage et une trajectoire de stabilisation plus lente vers un CDI », résume Florence Lefresne, directrice générale du Céreq et docteure en économie du travail.

Baisse des salaires médians

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Les employés des entrepôts d’Amazon appellent à faire grève aux Etats-Unis

Un entrepôt d’Amazon à Robbinsville, dans le New Jersey, le 2 décembre 2019.
Un entrepôt d’Amazon à Robbinsville, dans le New Jersey, le 2 décembre 2019. LUCAS JACKSON / REUTERS

Les grèves se suivent et se ressemblent chez Amazon. Plus de 300 salariés du groupe aux Etats-Unis se sont engagés à ne pas se rendre sur leur lieu de travail à partir de mardi 21 avril, pour demander une amélioration des conditions sanitaires face au Covid-19 dans les entrepôts. Il s’agit de « la plus grande action de masse des travailleurs à ce jour, alors que les frustrations montent autour de la défaillance de l’entreprise à protéger les travailleurs et la santé publique face à l’épidémie due au coronavirus », souligne l’Alliance Athena (Alliance nationale des sciences humaines et sociales), un regroupement d’associations, dans un communiqué publié lundi.

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Ce mouvement est lancé à trois jours d’une grève en ligne de codeurs et d’ingénieurs du groupe.

Le groupe américain spécialiste du commerce en ligne est accusé depuis le début de la pandémie de Covid-19 de ne pas suffisamment protéger ses employés, mais aussi d’avoir, aux Etats-Unis, licencié des salariés qui avaient mené des mouvements de protestation.

« Depuis des semaines, les travailleurs d’Amazon (…) tirent la sonnette d’alarme sur les conditions dangereuses dans les entrepôts », souligne l’Alliance Athena dans ce communiqué, faisant état de 130 entrepôts où les travailleurs ont contracté le Covid-19, dont certains « avec plus de 30 cas confirmés ».

Des mesures promises et pas toujours respectées

« Nous devons chaque jour faire un choix impossible : nous rendre sur un lieu de travail qui n’est pas sûr ou risquer de perdre un chèque de salaire en plein cœur d’une récession mondiale », a expliqué Jaylen Camp, employé de la plate-forme Amazon de Romulus, dans le Michigan, cité dans le communiqué.

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« Plutôt que de prendre de vraies mesures pour protéger notre santé, Amazon préfère esquiver, mentir et licencier les personnes qui s’expriment. Nous ne serons pas intimidés. Notre santé et celle de tous sont trop importantes. »

Il y a deux semaines Amazon a annoncé la distribution de millions de masques et la mise en place de contrôles de température sur tous ses sites américains et européens. Mais, selon l’organisation, la mise en œuvre de ces mesures « a été remise en question à plusieurs reprises par les travailleurs sur le terrain ».

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Les entrepôts et les centres logistiques sont très sollicités à cause des mesures de confinement destinées à enrayer la propagation du virus. Les besoins sont tels qu’Amazon a entrepris de recruter 175 000 personnes aux Etats-Unis.

Le Monde avec AFP