Presstalis : « Il est temps que l’Etat montre la voie »

Cédric Dugardin, président de Presstalis, le 13 juillet  2019, alors PDG de Conforama.
Cédric Dugardin, président de Presstalis, le 13 juillet  2019, alors PDG de Conforama. Lewis JOLY / JDD/SIPA / Lewis JOLY / JDD/SIPA

Lundi 20 avril, Cédric Dugardin, président de Presstalis, a déposé une déclaration de cessation de paiement de l’entreprise, prélude à un redressement judiciaire, et signe de la gravité de la situation du premier distributeur de la presse française. Pour sortir de la crise, les éditeurs de presse doivent s’entendre sur un plan de continuation de l’activité. Mais alors que la situation ne cesse de se dégrader sous l’effet du confinement, presse magazine et presse quotidienne continuent de se déchirer.

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Vous avez déclaré Presstalis en cessation de paiement. Que va-t-il se passer maintenant ?

Cette déclaration est un acte juridique. Il faut maintenant une audience au tribunal, qui peut décider d’un redressement judiciaire, ou dans le pire des cas, d’une liquidation. Cette audience devait avoir lieu ce vendredi 24 avril, elle se tiendra finalement le 12 mai. J’ai demandé son report car je considère qu’il y a eu des avancées significatives avec l’Etat et les partenaires sociaux. Ce délai doit nous permettre d’arriver devant le tribunal avec un plan abouti et d’éviter à Presstalis de rester longtemps en redressement judiciaire.

Quelle est la situation de Presstalis ?

Quatre cents marchands de journaux ont rouvert depuis le début du confinement. Il en reste donc 2 800 fermés, soit 16 % du chiffre d’affaires de Presstalis, contre 20 % au départ.

Deux plans de poursuite de l’activité sont sur la table. Que proposent-ils ?

Le plan proposé par les magazines prévoit de faire des Messageries lyonnaises de presse [MLP], concurrent de Presstalis, une messagerie unique. Presstalis deviendrait un centre de prestations de services, assurant certaines fonctions supports (informatique, réglage des « fournis »…). En face, le plan que nous proposons est un plan intermédiaire, qui intègre MLP dans le système, et prévoit un début de mutualisation des outils. Cela permet d’ouvrir la voie à une messagerie unique à terme. Dans tous les cas, la restructuration va coûter aux alentours de 150 millions d’euros. Le plan des magazines prévoit la reprise de 300 personnes sur 910. Celui de Presstalis, 360. C’est une réduction significative des effectifs.

Quelle est la réaction des syndicats face à cette perspective ?

Il n’y a pas eu de grève, les équipes poursuivent leur mission, et elles n’ont pas l’intention de l’interrompre. Les organisations syndicales continuent de discuter. Pour elles, le plan de Presstalis est un point de départ. En revanche, elles ont présenté un refus très clair au plan des magazines, qui transforme Presstalis en sous-traitant. Depuis le membre du comité de direction jusqu’au responsable syndical, tous souhaitent préserver leur messagerie car c’est la garantie d’avoir les clés de leur avenir. Dans un mariage, il faut être deux. Et les forcer à une alliance avec les MLP dont ils ne veulent pas serait suicidaire. D’ailleurs, MLP ne propose pas d’investir dans la nouvelle structure, mais simplement d’apporter son « savoir-faire ». L’entreprise veut prendre le meilleur et laisser le reste.

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Coronavirus : Jeff Bezos, sujet incontournable en temps de crise

Jeff Bezos, le 6 juin 2019 à Las Vegas.
Jeff Bezos, le 6 juin 2019 à Las Vegas. John Locher / AP

L’épidémie de coronavirus est survenue, et Amazon était là. Plus puissante que jamais. Dans une Amérique confinée, l’entreprise fondée par Jeff Bezos a changé de nature. L’ancienne librairie Internet de Seattle est presque devenue un service public recentré sur la livraison de produits alimentaires et médicaux de première nécessité. C’est ainsi que le leader américain du commerce par le Net se présente. « Les employés d’Amazon travaillent 24 heures sur 24 pour livrer les produits de première nécessité, à la porte des gens qui en ont besoin », écrivait mi-avril Jeff Bezos, dans sa lettre aux actionnaires. Le propos n’est pas complètement faux, comme le reconnaît le New York Times, dans une enquête pourtant très critique. « Plus le monde se dégrade rapidement, plus l’entreprise est attrayante. L’arrivée du coronavirus, qui a fait du déplacement au supermarché un risque et un supplice, n’a fait qu’accélérer le processus ».

Dans un monde où tout s’écroule, où l’Etat fédéral et la Fed impriment les dollars sans compter pour sauver l’économie, Amazon affiche une santé insolente. Son action a touché mi-avril un plus haut historique de 2 461 dollars (2 282 euros), en hausse d’un tiers depuis le début de l’année. L’entreprise vaut 1 200 milliards de dollars, plus de cent fois ses bénéfices, et la fortune personnelle de son fondateur, qui détient 11,2 % des actions, atteint désormais 145 milliards de dollars. L’homme le plus riche du monde devance largement Bill Gates et Bernard Arnault qui tournent autour de 100 milliards, selon le magazine Forbes : en moins d’un an, Bezos a presque effacé l’accord douloureux de divorce conclu avec son ancienne épouse MacKenzie Bezos, qui avait amputé sa fortune de 38 milliards de dollars.

Dans un pays qui admire les entrepreneurs, Bezos n’est que le huitième patron le plus populaire des Etats-Unis avec 26 % d’avis favorables selon la société YouGov

Dans un pays qui admire les entrepreneurs, Bezos n’est que le huitième patron le plus populaire des Etats-Unis avec 26 % d’avis favorables selon la société YouGov (loin derrière les 58 % de Bill Gates). Sans doute parce qu’il a la réussite brutale des titans du XIXsiècle, John Davison Rockefeller dans le pétrole et Andrew Carnegie dans l’acier. Comme eux, parti de rien, Jeff Bezos a multiplié les coups de génie pour transformer en empire sa librairie Internet fondée en 1994.

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Dans les années 2000, il ouvre sa plate-forme à tous les fabricants de la planète, pour devenir un supermarché mondial, et fidélise ses clients en leur promettant une livraison en deux jours au prix de 119 dollars par an. Puis, après la grande récession, il construit des entrepôts gigantesques dans la plupart des Etats américains, alliant robots et ouvriers, pour fournir tous les ménages américains. Mais comme Rockefeller et Carnegie, il a aussi maltraité ses salariés, combattu les syndicats, usé de sa position dominante et laminé ses fournisseurs, en pratiquant ce qui a été qualifié en interne de stratégie du léopard contre la gazelle : épuiser ses proies en commençant par les plus faibles. Dans un curieux aveu, semi-inconscient, Bezos avait rédigé au début de la décennie un mémo baptisé Amazon. love, dans lequel il décrivait ses valeurs et ce qui était « cool ». Un antiportrait des pratiques d’Amazon. Dix ans plus tard, il a une opportunité de changer son image. Sauveur ou profiteur de crise, l’Amérique frappée par le Covid-19 se déchire plus que jamais sur Amazon et son fondateur si controversé.

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« Le lien numérique, qui connectait au lointain mais déconnectait du prochain, semble désormais capable de les articuler »

Tribune. Tandis que la pandémie de Covid-19 fragilise jour après jour l’économie mondiale, les analyses se multiplient pour projeter le « monde d’après ». On évoque une économie plus écologique et plus indépendante, mais aussi plus numérique.

En effet, la numérisation forcée du travail pour des millions d’entreprises et pour leurs collaborateurs pourrait constituer une faille temporelle dans le rythme ordinaire de la diffusion de l’innovation.

Le sociologue Victor Scardigli a ainsi distingué trois temps dans l’insertion sociale des techniques. Le premier, rapide, est celui des discours prophétiques. Le deuxième, plus lent, celui de la diffusion de l’innovation, voit se développer les premiers usages… et les premières désillusions. Long et incertain, le dernier temps est celui de l’appropriation socioculturelle de l’innovation. L’« impératif numérique » généré par le Covid-19 pourrait l’accélérer.

Un « taylorisme 4.0 »

Une promesse fondatrice de la révolution numérique est l’établissement, par Internet, d’une intelligence sociale et collaborative. Elle privilégie le pouvoir latéral à l’autorité centrale et les interactions sociales à la division du travail. Mais, à l’usage, ces idéaux se heurtent encore à la permanence de représentations et de normes sociales solidement établies.

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Au lieu du pouvoir latéral s’est répandu un « taylorisme 4.0 », une emprise croissante des processus avec les algorithmes. Ceux-ci préconisent, ordonnent et font, en retour, remonter des indicateurs abstraits sur lesquels sont bâties les décisions. La numérisation des relations hiérarchiques souffre toujours d’un manque de confiance, forgé dans la croyance en la « propension naturelle du travailleur au farniente » autrefois théorisée par Taylor.

Sur le plan horizontal, les conséquences sociales de la numérisation sont plus diffuses. Quand certaines réunions utilisent habilement la visioconférence, d’autres sont peuplées de participants dont l’attention se divise entre l’animateur, l’ordinateur personnel et le smartphone.

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Les mails entre collègues se multiplient, bien souvent inutilement, au détriment de la productivité et de la créativité, qui se nourrit d’informel. L’ensemble explique le fameux paradoxe de Solow [Prix Nobel d’économie en 1987] – « on voit des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité » – qui démontre que la libération d’un potentiel technologique découle, en réalité, d’une cohérence entre un système technique et un système social.

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Coronavirus : en France, Amazon poursuit son bras de fer avec les syndicats et la justice

Le site d’Amazon à Lauwin-Planque dans le Nord.
Le site d’Amazon à Lauwin-Planque dans le Nord. DENIS CHARLET / AFP

C’est un moment symbolique dans le conflit entre la multinationale Amazon et les syndicats français, devenu affaire nationale et suivi de près au siège américain de Seattle (Etat de Washington) : vendredi 24 avril, la cour d’appel de Versailles a confirmé, tout en l’adoucissant un peu, la décision qui avait ordonné dix jours plus tôt à Amazon de mieux protéger ses salariés du coronavirus et de restreindre d’ici là ses activités aux produits jugés essentiels.

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C’est à la suite de ce revers que la société de Jeff Bezos avait décidé de fermer ses entrepôts français. Vendredi, les juges ont de nouveau intimé à l’entreprise de « procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 ».

La réaction d’Amazon ne s’est pas fait attendre : le groupe américain a décidé de ne rien changer et de ne pas rouvrir ses entrepôts. Dans un communiqué très vindicatif, il n’hésite pas critiquer vertement la décision de la justice française. « Elle nous conforte dans l’idée que l’enjeu principal n’est pas tant la sécurité, que la volonté de certaines organisations syndicales de tirer parti d’un processus de consultation complexe avec les comités sociaux et économiques », écrit l’entreprise de Jeff Bezos. « Nous ne pensons pas que cette décision soit dans le meilleur intérêt des Français, de nos collaborateurs et des milliers de TPE et de PME françaises qui comptent sur Amazon pour développer leurs activités », ajoute la direction.

Amazon souligne que « ses entrepôts sont sûrs ». Et que les comités sociaux et économiques (CSE) ont été « impliqués » dans la mise en place des mesures anti-coronavirus. Les syndicats dénoncent, eux, une approche « unilatérale », menée seulement au niveau de chaque entrepôt. La cour leur donne raison en demandant une consultation du CSE central.

Culture américaine rétive au syndicalisme

« Amazon, plutôt que de négocier, choisit de poursuivre son bras de fer. La direction joue l’opinion contre la force du droit. Ce n’est plus un problème économique, c’est un problème psychologique. “Je suis l’employeur, je décide”. On est dans le dogme », déplore Laurent Degousée de la fédération Sud-Commerce, auteur de la plainte en première instance et rejoint en appel par la CFDT, la CGT et FO. L’entreprise de Jeff Bezos est connue pour sa culture américaine rétive au syndicalisme.

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Pourtant, la décision judiciaire permet à Amazon d’écouler « 50 % de son catalogue », souligne le syndicaliste. La cour d’appel ne donne aucun chiffre mais elle est en effet allée dans le sens du géant américain sur certains points : elle a élargi et précisé les catégories de produits autorisées à la vente, en se référant au catalogue de la plate-forme : « high-tech », « informatique », « bureau », « tout pour les animaux », « santé et soins du corps », « homme », « nutrition », « parapharmacie », « épicerie », « boissons » et « entretien ». Cet éventail large dépasse celui fixé par le tribunal judiciaire de Nanterre, restreint aux seuls produits « alimentaires », « médicaux » et « hygiène ».

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Le paiement par titres-restaurant va être déplafonné à 95 euros dans les supermarchés

A la caisse d’un supermarché de Saint-Pol-de-Léon (Finistère), le 22 avril.
A la caisse d’un supermarché de Saint-Pol-de-Léon (Finistère), le 22 avril. STÉPHANE MAHÉ / REUTERS

Le plafond de l’utilisation des titres-restaurant pour des achats alimentaires a été modifié à 95 euros, une fois par semaine, contre 19 euros par jour actuellement, a annoncé jeudi 23 avril le ministère du travail.

Un décret conjoint avec le ministère de l’économie sera pris « d’ici à la fin de la semaine prochaine » pour permettre ces paiements dans les supermarchés et les commerces de proximité. La radio RTL avait révélé l’information en début de journée, jeudi.

Possible dans les restaurants dès leur réouverture

« Concrètement, cela veut dire qu’il sera possible de payer en une seule fois ses courses alimentaires avec ses titres-restaurant », précise le ministère du travail, ajoutant que ce dispositif restera en vigueur jusqu’à la réouverture des restaurants. Ensuite, « une mesure similaire sera prise pour le paiement dans les restaurants », ajoute le ministère.

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Les titres périmés pourraient alimenter un fonds de soutien pour la restauration, a ajouté le ministère, sans plus de précision. Quelque 4 millions de salariés utilisent des titres-restaurant, un secteur qui représente plus de 6 milliards d’euros par an.

Plan de soutien spécial pour la restauration

Emmanuel Macron doit par ailleurs tenir, vendredi, une visioconférence avec des représentants du secteur de l’hôtellerie et de la restauration sur un plan d’aide promis par le gouvernement. Ce plan spécial doit comprendre des aides complémentaires aux dispositifs déjà mis en œuvre par le gouvernement, afin d’aider ce secteur que le chef de l’Etat a décidé de rouvrir plus tard que les autres commerces, sans date annoncée.

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La fermeture des cafés, hôtels et restaurants pour endiguer la pandémie de Covid-19 pourrait aussi entraîner une baisse de 35 % des ventes de vin en volume en Europe, et de 50 % en valeur, selon une estimation, jeudi, du directeur général de l’Organisation internationale du vin (OIV), Pau Roca.

Si l’OIV évoque une augmentation des ventes dans les épiceries et supermarchés, « ces bonnes nouvelles ne compensent cependant pas toutes les pertes causées » par la réduction des ventes dans les hôtels, cafés et restaurants, a souligné M. Roca. Les productions annuelles de l’Italie, de la France et de l’Espagne représentaient à elles seules 25 % de la consommation mondiale en 2019.

Le Monde avec AFP

« Dérapages » avec Eric Cantona : un jeu de rôle en entreprise tourne à la manipulation sociale

Eric Cantona (Alain Delambre) dans la série « Dérapages »,  de Ziad Doueiri.
Eric Cantona (Alain Delambre) dans la série « Dérapages »,  de Ziad Doueiri. STÉPHANIE BRANCHU/ARTE

ARTE – JEUDI 23 AVRIL À 20 H 55 – MINISÉRIE

Alain Delambre (Eric Cantona) a « plus de 50 ans, moins de 60 », âge critique pour retrouver du boulot, surtout quand on répond par un coup de boule aux humiliations d’un contremaître… Mais la boule, Delambre va la perdre vraiment alors qu’il est invité à intervenir dans le cadre d’un jeu de rôle organisé par une grande entreprise.

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Une prise d’otages est simulée afin de tester la fiabilité de certains hauts cadres et la capacité de Delambre à faire office d’éventuel « bad cop » dans un vaste plan de licenciements à venir. Delambre s’est endetté et décrédibilisé auprès de sa famille pour se former à cette prise de rôle armé. Aussi, quand il prend conscience que la machination le concerne également, Delambre retourne la situation de telle sorte qu’elle va susciter de palpitants – mais rocambolesques – rebondissements.

L’ennui est que Dérapages n’est pas une série mais un téléfilm gonflé en six parties : combien longuettes et répétitives sont, par exemple, les scènes tournées dans la prison où Delambre attend son procès entouré de sales gueules parmi les plus improbables (à vouloir faire trop vrai, on finit par faire faux)…

Platitudes parfois confondantes

La scène gigogne de la vraie-fausse prise d’otages mérite son temps à l’écran mais le procès qui occupe le dernier épisode est soporifique. Au moins a-t-on évité la plaidoirie d’un avocat vedette, Me Durand Perretti (il fallait oser…), finalement refusé par Delambre.

Par ailleurs, le principe de la confession rétrospective du taulard face caméra pratique trop souvent la tautologie (répétant ce qu’une scène vient de dire clairement) et fait entendre des platitudes parfois confondantes (« Le monde de l’entreprise c’est comme le Far West : il faut être armé. ») De sorte qu’on a souvent l’impression d’être dans un épisode de ces séries de fausse téléréalité criminelle…

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Adaptés par Pierre Lemaître (Prix Goncourt 2013) de son roman Cadres noirs (Calmann-Lévy, 2010), les dialogues sonnent souvent faux et plat en dépit de leur incarnation par Eric Cantona, à la force intranquille assez impressionnante, et par la fine actrice canadienne Suzanne Clément dans le rôle de son épouse.

Dérapages, série écrite par Pierre Lemaître et réalisée par Ziad Doueiri. Avec Eric Cantona, Suzanne Clément, Alex Lutz, Gustave Kervern (FR, 2019, 6 x 48-58 min.) Trois épisodes le jeudi à partir de 20 h 55 et en intégralité sur Arte Tv jusqu’au 13 mai.

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Coronavirus : aux Etats-Unis, les inscriptions au chômage dépassent 26 millions

Formulaire d’inscription aux allocations chômage, à Arlington (Virginie, Etats-Unis), le 16 avril 2020.
Formulaire d’inscription aux allocations chômage, à Arlington (Virginie, Etats-Unis), le 16 avril 2020. OLIVIER DOULIERY / AFP

4,4 millions d’Américains se sont inscrits au chômage lors de la semaine achevée le 18 avril., selon les chiffres du département du travail publiés jeudi 23 avril. En cinq semaines de confinement, les inscriptions dépassent 26,4 millions, un chiffre qui n’a aucun équivalent historique.

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Le recul est de 800 000 par rapport à la semaine précédente. Les chiffres restent très élevés, avec la poursuite des licenciements, la réduction des problèmes informatiques qui avaient empêché des inscriptions au cours des premières semaines de crise et la montée en puissance des travailleurs indépendants, éligibles pour la première fois à des indemnités dans le cadre du plan fédéral de soutien à l’économie.

Le niveau de demandes a reflué à New York et en Californie, particulièrement touchés ces dernières semaines, mais s’est envolé en Floride, qui semblait épargnée partiellement par la crise, passant de 180 000 à plus de 500 000. Le taux de chômeurs bénéficiant d’une indemnité est désormais de 11 % de la population active. Le chômage total pour le mois d’avril sera connu début mai et devrait atteindre les 20 %.

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Avec la fabrication de respirateurs, PSA expérimente la production intensive au temps du coronavirus

Poissy, France, le 22 Avril 2020 : A l intérieur de l usine PSA de Poissy, dans la partie reserve au partenariat avec Air Liquide, les employes volontaires assemblent la partie mecanique des respirateurs. PSA et Air Liquide unissent leur force pour produire un maximum de respirateur afin de fournir les hopitaux français. 95 volontaires : des ouvriers, des techniciens, des cadres, des informaticiens, des chefs d equipes de PSA se sont rassembles pour venir aider. L'objectif c est de produire 400 respirateurs par jour. C est l ambition de produire en 50 jours ce que Air Liquide produit habituellement en 3 ans.

BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

Par

Publié hier à 10h08, mis à jour à 09h11

Difficile de ne pas les voir. Des flèches au sol à la peinture blanche flambant neuve, des bureaux marqués d’une croix pour dire « ne vous asseyez pas là », et, partout, comme un fleurissement d’affichettes colorées qui martèlent les consignes tous les deux mètres : « masques et lunettes obligatoires », « deux personnes maxi dans les toilettes », « jetez vos masques dans les poubelles spéciales », « une seule personne dans l’escalier à la fois »…

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Nous voici à l’atelier Osiris, îlot d’activité dans l’immense usine PSA de Poissy, dans les Yvelines, à l’arrêt depuis le 17 mars, avec ses parkings vides et ses bâtiments étrangement silencieux. Un ovni, cet atelier Osiris. Le constructeur automobile l’a monté en quelques jours pour fabriquer de manière industrielle les respirateurs médicaux du modèle Osiris, conçus par Air Liquide, mais qui n’étaient fabriqués qu’au rythme d’une centaine par an, alors que les hôpitaux débordés par l’épidémie due au coronavirus en manquaient cruellement.

Dans l’espace restauration du site, il est interdit de s’assoir à certaines places signalées par une croix, afin de faire respecter une distance minimale.
Dans l’espace restauration du site, il est interdit de s’assoir à certaines places signalées par une croix, afin de faire respecter une distance minimale. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

Un ovni et un laboratoire. Car en plus de s’improviser fabricant industriel de matériel médical, PSA y expérimente la production intensive au temps du Covid-19. Un double défi : adapter les méthodes tayloristes de l’usine automobile à la fabrication d’un objet de santé et faire travailler une centaine d’ouvriers et d’encadrants dans un espace somme toute réduit, de vingt mètres sur cinquante, sans compter les bureaux de la direction. Une vraie petite ruche, où les opérateurs se côtoient à moins d’un mètre, et où pièces, cartons, boîtes passent de main en main en permanence.

« Ils sont fiers »

A Poissy, PSA ne fabrique pas le respirateur proprement dit, mais son cœur mécanique (la pièce majeure de l’appareil). « Il a fallu pour cela former les personnels, en particulier à la manipulation de toutes petites pièces », explique Marc Futeul, ingénieur en organisation, qui a dirigé la conception productive de l’atelier. « Ce n’est vraiment pas le même travail, confirme Marie-Ange, attelée au vissage d’un écrou minuscule. D’habitude, je fabrique des côtés de caisse qu’on ne peut manipuler qu’avec un robot. »

« Tous les gens ici sont volontaires, précise Franck Guérin, le responsable de l’atelier et délégué syndical FO sur le site de Poissy. Et je peux vous dire qu’ils sont fiers de participer, certains d’autant plus que leur conjoint travaille à l’hôpital. » C’est aussi lui qui fait appliquer le nouveau protocole qui vient d’être audité et validé : prise de température pour toute personne accédant à l’usine, parcours fléché empêchant ceux qui entrent de croiser ceux qui sortent, produits désinfectant sur les tables pour nettoyer quand on s’y installe…

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Coronavirus : « Des primes de risque bien dérisoires »

Tribune. Les différentes primes envisagées pour tous ceux qui continuent à se rendre sur leur lieu de travail pendant la crise du coronavirus sont-elles la bonne réponse devant les risques importants encourus ? Elles semblent bien dérisoires pour récompenser tous ceux qui, médecins, aides-soignantes, magasiniers, livreurs, caissières, méritent mieux que notre compassion, nos applaudissements du soir et nos encouragements sur les réseaux sociaux.

Le problème n’est pas que les vrais héros de cette drôle de guerre ont des fins de mois difficiles, le problème est qu’ils risquent leur vie pour nous et que cela exige un message très fort de tout le pays. Pas une maigre obole.

Véritable double peine

Le sentiment d’injustice n’a peut-être pas frappé immédiatement les « confinés », tous ceux d’entre nous qui continuent de mener la vie la plus normale possible grâce au sacrifice de ceux qui s’exposent sur le front. Après tout, diront certains, chaque guerre a ses soldats. Il y a pourtant une différence énorme entre la crise du Covid-19 et, par exemple, la première guerre mondiale : les poilus étaient représentatifs de l’ensemble de la population, aucune famille n’a été épargnée.

Le problème n’est pas que les vrais héros de cette drôle de guerre ont des fins de mois difficiles, le problème est qu’ils risquent leur vie pour nous et que cela exige un message très fort de tout le pays

Aujourd’hui, au contraire, il existe des inégalités flagrantes devant l’exposition au virus, et ces inégalités viennent dans bien des cas aggraver des inégalités socioéconomiques existantes. Que l’on songe aux dilemmes d’une mère célibataire qui doit choisir entre la garde de son enfant et un job ingrat mais source principale de revenus.

Cette véritable double peine doit nous conduire à réfléchir à l’instauration d’une prime de risque importante pour toutes les professions sur lesquelles pèse un risque disproportionné par rapport au reste de la population. On nous rétorquera que dans certains métiers, notamment chez les pompiers et les forces de l’ordre, des risques considérables sont pris chaque jour : oui, mais la grande différence est que ces risques sont connus à l’avance et que, sauf exception, les moyens matériels sont adéquats.

Un bon modèle pour la rémunération du risque causé par le coronavirus peut se trouver chez les diplomates : dès qu’un risque géopolitique est jugé matériel, la rémunération globale augmente très sensiblement. Ainsi, le niveau total des primes d’un ambassadeur en poste à Kaboul (Afghanistan) ou à Bagdad (Irak) est plus ou moins triplé par rapport aux primes d’un ambassadeur établi à Bruxelles (jusqu’à 4,5 fois le salaire de base).

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