Automobile : menace sur le site de Getrag Ford

L’usine Ford Aquitaine Industries (FAI), à Blanquefort, a fermé le 30 septembre 2019, mettant en difficulté le sous-traitant et voisin Getrag Ford Transmissions.

Après la fermeture définitive de l’usine Ford Aquitaine Industries (FAI), à Blanquefort, dans la métropole bordelaise, le 30 septembre dernier, les élus CGT du site voisin Getrag Ford Transmissions (GFT) tirent la sonnette d’alarme. Un comité social et économique (CSE) extraordinaire a voté, le 19 juin, la phase 1 du droit d’alerte, signé par l’ensemble des organisations syndicales CFTC, FO, CFDT, CFE-CGC et CGT.

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« On a rédigé quarante-neuf questions, qu’on a déposées au DRH ce vendredi pour avoir des réponses. Il y aura un CSE extraordinaire la semaine prochaine pour lire le texte et les questions, et l’on devrait avoir les réponses normalement avant les vacances d’été. Si elles nous conviennent après étude par nos organisations syndicales, ça s’arrête là. Sinon on mettra à l’ordre du jour d’une prochaine réunion le vote de la phase 2 du droit d’alerte », explique Vincent Teyssonneau, élu CGT au CSE de Getrag Ford Transmissions.

Etroite collaboration

Celle-ci signifie de mandater un expert qui analysera la situation financière de l’entreprise, et l’obligation pour la direction de fournir chiffres et documents. « S’ils veulent fermer, ça ne les en empêchera pas, mais ça permet de sensibiliser, d’alerter et de montrer qu’il y a un vrai danger », développe Philippe Poutou, ancien ouvrier de FAI, et candidat à la mairie de Bordeaux, liste Bordeaux en luttes.

Car les deux usines, installées sur le même site, travaillaient en étroite collaboration. FAI construisait des boîtes automatiques pour le marché américain et australien, pendant que GFT réalise encore des boîtes de vitesses manuelles MX65, à destination du marché européen, où elles équipent les Ford Fiesta. En 2001, un joint-venture est créé entre l’allemand Getrag et Ford, puis, en 2008, l’équipementier automobile canadien Magna International rachète Getrag. Ford possède désormais 50 % de GFT, tandis que Magna possède les 50 % restants.

« C’est Ford notre seul client, actionnaire à 50 %, donc c’est Ford qui commande » Vincent Teyssonneau, élu CGT

Mais la situation économique difficile de l’usine s’est accentuée avec la crise sanitaire. « On chute en production, le Covid a accéléré les choses, car on savait, depuis 2018, que, s’il n’y avait pas de repreneur, de nouveaux clients et de nouveaux produits, on fermerait fin 2024. Aujourd’hui, ça s’accélère pour fin 2023 », ajoute M. Teyssonneau.

« Il n’y a pas si longtemps, on était 1 000 salariés, là on est 800 en CDI. Les volumes sont en chute ; habituellement, avant le confinement, on avait peut-être 2 000 à 3 000 transmissions d’avance pour nos usines clients ; aujourd’hui, on en a 30 000, donc on sait que ça va mal », déplore le représentant CGT.

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Pire, depuis 2017, l’usine bordelaise aurait perdu près de 100 millions d’euros. De surcroît, le joint-venture qui lie Magna à Ford prend fin en avril 2021, ce qui achèvera d’accélérer cette fermeture tant redoutée par les ouvriers. Aujourd’hui, les syndicats, qui alertent depuis décembre 2008 sur ce risque, demandent des réponses qui, pour l’heure, restent sans réponse.

« Il n’y a plus aucune communication avec la direction. Ça va finir comme Ford Aquitaine Industries, on le sait très bien. C’est Ford notre seul client, actionnaire à 50 %, donc c’est Ford qui commande », se désole M. Teyssonneau, qui est entré chez FAI en 1999, puis, en 2006, chez GFT. Contactée, la direction de l’usine Getrag Ford Transmissions n’a pas souhaité donner suite à nos sollicitations.

La Défense profite du déconfinement pour repenser la présence de ses salariés

Esplanade de La Défense le 11 mai, premier jour du déconfinement. Depuis, le retour des salariés dans les tours est très progressif.

La Défense, lundi 15 juin 2020, fin de journée. En ce début de sixième semaine de déconfinement, le plus grand quartier d’affaires d’Europe se réanime. Doucement. En temps normal, 180 000 salariés se rendent quotidiennement dans les différentes tours. La fréquentation actuelle ne dépasse pas 20 à 25 % de ce volume, selon une estimation de Paris La Défense, l’établissement en charge de l’aménagement et de la gestion du quartier.

En effet, nombreuses sont les entreprises à avoir décidé de poursuivre massivement le recours au télétravail. Déjà pour une question d’ordre physique. A raison de quatre ou six personnes par ascenseur, il faudrait une demi-journée aux salariés d’une tour comme celle d’Enedis pour accéder à leur bureau.

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Chez Total, un parcours balisé depuis l’extérieur de la tour par des marquages au sol conduit aux ascenseurs qui ont été limités à quatre personnes au lieu de seize habituellement. A l’intérieur des cabines, la position des usagers est signalée par des ronds et des pieds au sol. Et des procédures strictes ont été mises en place dès l’entrée du gratte-ciel : distributeur de gel, masque et prise de température par caméra thermique.

Rotation de la présence au bureau

« Pour réguler la présence dans les locaux et éviter les files d’attente à l’entrée et devant les ascenseurs, nous avons organisé l’arrivée des collaborateurs par créneaux horaires d’une demi-heure, de 8 heures à 10 heures. Et nous demandons aux manageurs d’organiser la venue de leurs collaborateurs par rotation », explique Laurent Tricot, directeur des services et des moyens généraux. Malgré tout, la moitié des 3 700 collaborateurs de la tour Coupole du géant de l’énergie ont pu revenir au bureau.

Au sein de la tour CB21 de Suez, un dispositif similaire a été instauré. Avec même une hôtesse au pied de chaque ascenseur pour appuyer sur les boutons et un guide, disponible depuis son smartphone via un code QR qui explique les mesures applicables dans chaque lieu de la tour. Mais le numéro deux mondial du traitement des eaux et déchets a opté pour une reprise beaucoup plus progressive. « On s’est fixé une limite de 20 % de l’effectif pendant le premier mois de déconfinement, puis de 30 % jusqu’à fin août », précise Laure Girodet, directrice santé et sécurité du groupe, qui compte en son siège de La Défense 2 300 collaborateurs.

Pour éviter que tout le monde vienne en même temps, l’entreprise a institué des horaires beaucoup plus flexibles, avec une arrivée au choix entre 7 et 11 heures, ainsi que la possibilité de ne pas rester toute la journée. « L’idée, souligne Laure Girodet, est de permettre de se reconnecter à la vie de bureau, et aux manageurs de revoir chacun de ses collaborateurs en tête à tête et même d’organiser quelques réunions collectives. »

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Les « slasheurs », par défaut ou par choix, cherchent leur voie dans un contexte de crise

Slasheur.se : personne qui cumule plusieurs emplois en même temps, par choix ou par obligation. L’anglicisme, qui vient de la barre oblique de ponctuation « /», a fait son entrée dans l’édition 2020 du petit Larousse illustré. Certains lui préfèrent les termes de « pluriactifs » ou « multipotentiels ». Quoi qu’il en soit, le mot dénote d’un nouveau rapport au travail, qui s’est fortement développé au cours des dernières années, sur fond de quête de sens et d’aspiration à une forme d’autonomie.

Mais ces « pluriactifs » ne se retrouvent-ils pas particulièrement vulnérables en cette période de récession, où ils peuvent facilement jouer le rôle de variable d’ajustement pour leurs différents employeurs ? « La crise va toucher tous les types d’emplois. De plus, beaucoup de ces pluriactifs travaillent dans des domaines particulièrement touchés par la baisse d’activité, comme la culture ou le tourisme », estime Christine Fournier, chargée d’études au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq). Mais avoir plusieurs activités dans différents secteurs peut aussi « permettre de davantage rebondir », estime Marielle Barbe, autrice de « Profession Slasheurs » (Marabout, 2017).

L’art de cumuler aussi les statuts

Le salon SME, dédié aux microentrepreneurs, évaluait à 4 millions le nombre de pluriactifs en France, selon un sondage de 2016. D’après cette enquête, 77 % des personnes interrogées exercent un second métier dans un secteur différent de leur activité principale. Cumuler les activités est un choix pour plus des deux tiers d’entre eux. Les motivations sont variées : 73 % « cumulent » pour augmenter leurs revenus, et 27 % pour alimenter leur passion. Si certains sont microentrepreneurs (l’autoentrepreneuriat, créé en 2009, a favorisé l’émergence des « slasheurs »), d’autres sont passés maîtres dans l’art de cumuler aussi les statuts (salarié, auteur, entrepreneur, intermittent…)

Situation subie ou choisie, parfois un peu des deux, ces diplômés pluriactifs tentent de trouver leur voie dans cette période mouvementée. « Les slasheurs qui vivent bien leur situation sont la partie émergée de l’iceberg des pluriactifs, note Christine Fournier, qui est en train de réaliser une étude sur « l’emploi éclaté ». La plupart accusent le coup, d’autant plus qu’ils disposent souvent d’une faible protection sociale.

« Mes différents emplois sont comme un jeu de cartes. Je peux les jouer différemment selon les contextes », explique Stéphanie Schoene, tatoueuse, graphiste, consultante…

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Déconfinement : « Au secours, mes salariés ne veulent pas revenir ! »

Tribune. Et s’ils ne revenaient pas ? C’est la question qui inquiète ou qui fâche, selon les cas, et se transforme peu à peu en prise de conscience de dirigeants d’entreprise de toutes tailles : « Au secours ! Ils ne veulent pas revenir… » Leurs salariés évoquent leur état de santé, leur situation familiale, notamment la garde d’enfants toujours non scolarisés, l’efficacité du télétravail, leur nouvelle qualité de vie, la complexité des obligations sanitaires d’un retour sur site…

Chacune de ces raisons semble légitime, et toutes conduisent avec un bon sens apparent à préconiser d’attendre la rentrée de septembre. D’autant qu’après des débuts parfois chaotiques, les activités tertiaires ont trouvé leur rythme et une certaine performance à distance. Gardons-nous cependant de ces énoncés de surface.

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En profondeur, de nombreux Cabrel écoutent une petite voix intérieure leur murmurer : « Moi, j’attends que le monde soit meilleur / Là, dans la cabane du pêcheur. » Semblables au gardien de phare ou au chercheur d’or d’antan, ils souffrent du « syndrome de la cabane » décrit dès le déconfinement espagnol fin avril : la peur, après des mois de solitude, de se confronter au monde extérieur, symbole de tous les dangers.

Une forme d’emprisonnement inhumain

Par le nombre de personnes côtoyées, par le temps de transport collectif, par la pression qu’il exerce, le monde du travail représente le paroxysme de cette « vie de dingue » d’avant qui effraie maintenant un grand nombre de salariés. Plus ou moins proches de l’épicentre du séisme, tous les salariés ont subi la violence du traumatisme. Si certains ont pu se confiner au vert, d’autres sont restés à l’étroit ; les uns ont sombré brutalement dans l’inactivité, les autres dans une trépidante gestion de crise et une surcharge de télétravail.

Réduisant brutalement l’espace vital, même doré, bouleversant les repères temporels et professionnels, le confinement a constitué une forme d’emprisonnement inhumain. Pire que la prison symbolique, le cachot ! Par son isolement, il a privé chacun de l’enrichissement d’autrui et du nécessaire sentiment d’utilité sociale. Même si les outils numériques ont permis de garder le contact, le volume de ceux-ci s’est cantonné aux premiers cercles.

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Le paradoxe de sa vocation humanitaire – sauver des vies humaines, notamment les plus âgées, les plus faibles de nos sociétés – n’a pas atténué la violence du stress supporté par chacun. Quand bien même les signaux positifs d’une fin de pandémie se confirmeraient cet été, le monde de septembre ne sera pas forcément « meilleur » et vivra encore longtemps dans la peur d’un virus circulant et d’une deuxième vague hivernale.

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Salarié sur canapé ou le travailleur horizontal

Un enseignant-chercheur travaille sur ordinateur ses projets de recherches en cours, le 18 avril.

Avec le confinement et son télétravail corollaire s’est développée une horizontalisation massive des pratiques professionnelles. Par « horizontal », il ne faut pas entendre ici une fin soudaine de toute verticalité dans les processus de décision, mais une tendance épidémique à travailler en position couchée, sur son lit ou son canapé.

« Durant la quarantaine, j’ai eu de la fièvre et, jusqu’au résultat du test Covid-19, je me suis isolée dans ma chambre pour ne pas exposer ma famille, confie Meg, juriste. Comme je me sentais mieux, j’ai commencé à télétravailler depuis mon lit, en utilisant une table roulante comme bureau. Il y a un côté transgressif qui n’est pas désagréable dans le fait d’envoyer des mails professionnels en pyjama. »

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Rompre avec le traditionnel diptyque chaise-écran, en adoptant une posture qui est habituellement associée à la figure du concepteur-rédacteur phosphorant sur une banquette ou de l’étudiant révisant sous la couette, est un des frissons procurés par cette aventure immobile. Combien sommes-nous à nous être transformés en version productive d’Alexandre le Bienheureux ? Difficile à dire, même si plusieurs indices permettent de supposer une soudaine démocratisation de ce que certains appellent le « lounge work ».

« A l’issue du confinement, les praticiens font état d’une augmentation des pathologies cervicales, témoigne Sébastien Guérard, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR). Travailler couché, même si c’est associé dans l’imaginaire à une notion de confort, est en réalité une très mauvaise idée. En plus d’une contrainte inhabituelle sur les disques intervertébraux, il n’y a même pas l’effort postural minimum de la position assise, d’où une perte de tonus musculaire. »

Torticolis, mal de dos, douleurs au poignet…

Pour beaucoup, investir le lit ou le sofa fut une réponse maladroite à ce que les spécialistes nomment le « télétravail dégradé », ce cadre professionnel bricolé à la hâte. Sur les 39 % de salariés qui se sont retrouvés en télétravail pendant des semaines, presque la moitié n’avait ni lieu ni matériel adapté.

En conséquence, 43 % d’entre eux déclaraient que le confinement a été assombri par une « mauvaise posture de travail » (étude CSA pour Malakoff Humanis). « Chez moi, il y a peu d’espace, confie Marine, 34 ans, cadre dans la communication. Je travaille sur ma table de cuisine, avec une chaise extrêmement dure. C’est pour ça que mon canapé m’est vite apparu comme une solution de repli confortable. Après m’être fait un bon dossier avec des coussins pas trop mous, je m’y allonge pour les longues conférences téléphoniques où je n’ai pas à prendre de notes. Je me sens comme dans un cocon, plus détendue. »

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Qwant déterminé à « couper les coûts inutiles »

Jean-Claude Ghinozzi, à Paris, en janvier 2020.

Six mois après l’arrivée de Jean-Claude Ghinozzi à la tête de Qwant, le nouveau visage du moteur de recherche français se dessine. Et il passe par une restructuration de l’entreprise. Selon la presse, notamment La Lettre A, les bureaux d’Epinal et d’Ajaccio s’apprêtent à fermer leurs portes. Au total, une trentaine d’emplois pourraient être supprimés au sein de l’entreprise, y compris à Paris − sur les 130 salariés que compte la société.

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Même si la direction de l’entreprise n’a toujours pas confirmé officiellement cette mesure, l’affaire est actée pour le maire d’Epinal, Michel Heinrich. Et la pilule d’autant plus amère à avaler que le fondateur de Qwant, Eric Leandri, promettait l’an dernier encore de créer des emplois sur ce site, créé après le rachat, fin 2017, du moteur de recherches vosgien Xaphir. « Que les gens d’Épinal ne s’inquiètent pas. Il n’y a pas de problème », promettait le chef d’entreprise… En deux ans, le nombre d’employés de cette cellule est passé de 25 à 7 seulement.

Ambitions et désillusions

L’exemple d’Epinal illustre les dérives du Qwant époque Léandri : des grandes ambitions affichées, et beaucoup de désillusions. En début d’année, la Caisse des Dépôts et Axel Springer, les deux actionnaires principaux de la société ont accepté de remettre au pot pour soutenir Qwant, confronté à des problèmes de trésorerie. 10 millions moyennant une refonte complète de la direction de l’entreprise. Exit Eric Leandri qui exerçait les fonctions de PDG, remplacé par son directeur général adjoint Jean-Claude Ghinozzi, missionné pour remettre de l’ordre dans les finances et le train de vie de la société.

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Les actionnaires ont également placé leurs hommes à des postes stratégiques : Antoine Troesch, directeur de l’investissement de la Banque des territoires – l’une des cinq directions de la Caisse des Dépôts – à la tête du conseil de gouvernance ; Jean-Robert Mamin, auparavant PDG d’Axel Springer Media France, à la tête de la direction commerciale de Qwant.

Fidèle à la feuille de route qui lui a été fixée, M. Ghinozzi assume désormais : « Les coûts inutiles, on les coupe. » Alors que le moteur de recherche s’était dispersé dans une multitude de produits (Qwant Music, Qwant Maps, Qwant Causes, Qwant Sport, etc.), le nouvel homme fort de la société appelle à un « recentrage ». « On ne pourra pas créer des suites comme nos concurrents globaux [Google, Apple, etc.] pour développer une myriade de produits. C’est peut-être l’erreur du passé », convient-il. La priorité est donc d’améliorer avant tout la qualité du moteur de recherche.

« Quand on change de feuille de route, on fait des choix. On a annoncé au personnel qu’il y aurait des évolutions d’organisation, probablement des entités qui allaient fermer » Jean-Claude Ghinozzi, PDG de Qwant

A demi-mot, le dirigeant convient que cette ligne directrice pourrait passer par des suppressions de postes : « Quand on change de feuille de route, on fait des choix. On a annoncé au personnel qu’il y aurait des évolutions d’organisation, probablement des entités qui allaient fermer. Et pour les produits qu’on arrête, on essaie toujours de faire le nécessaire pour proposer soit de la formation soit de l’évolution, dans le meilleur des cas. »

Dans le même temps il souhaite se renforcer sur certains secteurs, à commencer par le développement de l’application mobile du moteur de recherche et le renforcement des forces impliquées sur la monétisation de l’entreprise. « Au final ce n’est pas forcément un projet pour réduire le personnel, mais qui doit permettre à l’entreprise de développer les bons produits et de parvenir au plus vite à la profitabilité », précise-t-il.

Au moins peut-il s’appuyer sur une croissance forte des utilisateurs de ce moteur qui revendique une vraie protection des données de ses utilisateurs. En deux ans, le nombre de visiteurs uniques est passé de deux millions à plus de cinq millions.

Un plan de sauvetage pour Nausicaà, le plus grand aquarium d’Europe

Pendant les 83 jours de fermeture, un équipe réduite de vingt-cinq soigneurs, contre quarante habituellement, s’est relayée auprès des 60 000 animaux (ici en décembre 2018).

« Enfin les gamins crient à nouveau dans les allées et s’émerveillent ! », lance le directeur général de Nausicaà. Déserté pendant 83 jours, le centre national de la mer installé face à la plage de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, reprend doucement son rythme. Un protocole validé par la préfecture limite à 1 700 le nombre de visiteurs en instantané, pour permettre une surface de 4 mètres carrés par personne. On est loin de la jauge maximale habituelle de 5 800 visiteurs. « Ça reprend tout doucement depuis le 4 juin, et ça monte chaque jour », note le directeur Philippe Vallette, encore inquiet.

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Dès l’entrée, un cheminement jaune indique au sol le sens de circulation pour éviter que les gens ne se croisent. Des autocollants sur les aquariums invitent le public à ne pas toucher les vitres. Le port du masque est obligatoire, et il est fortement conseillé de réserver sa place sur Internet.

60 000 animaux

En une semaine, le deuxième site touristique payant le plus fréquenté au nord de Paris est passé de 350 entrées par jour à la réouverture à 1 000. C’est peu. Habituellement, juin est composé à 80 % de scolaires. Comme la clientèle anglaise, les écoliers ont déserté. Mais la récente réouverture des frontières avec les voisins belges, qui composent 20 % de la clientèle habituelle, est une bonne nouvelle. D’ailleurs, la fréquentation est plus importante le week-end. « On fait la moitié de d’habitude, précise M. Vallette, océanographe. Et on est incapable de prédire la suite. »

L’avenir s’annonce plein d’incertitudes. Fin mai, le maire de Boulogne-sur-Mer, l’ancien ministre Frédéric Cuvillier, annonçait sa crainte de voir Nausicaà déposer le bilan. En effet, même sans visiteurs, la vie a continué dans les aquariums et les dépenses n’ont pas cessé. Une équipe réduite de vingt-cinq  soigneurs, contre quarante habituellement, s’est relayée auprès des 60 000 animaux. Au plus fort de la crise, 180 salariés sur les 250 contrats à durée indéterminée ont été placés en chômage partiel.

La communauté d’agglomération du Boulonnais a validé une aide d’urgence de 4 millions d’euros

Pour compenser les millions d’euros de pertes, la structure boulonnaise s’est tournée vers les aides proposées par l’Etat, comme celle du ministère de la transition écologique et solidaire, qui a accordé aux aquariums un coup de pouce de 30 euros par mètre cube, soit près de 500 000 euros. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi d’environ 1 million d’euros devrait quant à lui être payé d’avance. Et des exonérations de charges patronales ont également été annoncées.

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A la barre du tribunal, Sy décroche Naf Naf

Sy met la main sur Naf Naf. Après avoir obtenu l’enseigne Sinequanone à la barre du tribunal, en 2019, le fabricant de prêt-à-porter a été désigné, vendredi 19 juin, comme repreneur de l’enseigne de mode féminine fondée en 1973. Le fournisseur de Naf Naf met ainsi la main sur 125 de ses 160 succursales et s’est engagé au « maintien de 944 emplois ». « La reprise par Sy Corporate France permet de conserver 75 % des emplois », se félicite l’entreprise par communiqué. En outre, le fabricant qui exploite deux usines en Turquie et en Tunisie maintiendra les contrats d’affiliation des 75 boutiques exploitées en partenariat sous l’enseigne Naf Naf.

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« Nous sommes très heureux d’accueillir Naf Naf et ses équipes au sein du groupe SY », a fait valoir Selçuk Yilmaz, président et cogérant de Sy Corporate France, par communiqué, vendredi 19 juin. Luc Mory, président de Naf Naf, qui soutient le candidat retenu et sera associé au capital de la nouvelle entité, s’est déclaré soulagé « tout en étant triste pour les collaborateurs qui ne sont pas repris ». Environ 300 des employés de l’enseigne devraient perdre leur emploi dans les semaines qui viennent.

Un marché compliqué

Les juges du tribunal de commerce de Bobigny ont préféré l’offre de Sy à celle présentée par le groupe Beaumanoir. Celui qui est, par ailleurs, candidat à la reprise partielle de l’enseigne La Halle, placée en redressement judiciaire, début juin, proposait de reprendre 704 personnes et 170 boutiques.

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Pour un montant de 52 millions d’euros, Naf Naf avait été vendue par le groupe Vivarte en 2018 au groupe chinois La Chapelle, fabricant et distributeur d’habillement qui assurait pouvoir hisser son chiffre d’affaires à 300 millions d’euros, puis 500 millions d’euros sous cinq ans. Peu après, ce dernier avait subi de plein fouet la baisse de la consommation en Chine puis traversé une crise financière sans précédent, à l’été 2019. Faute d’apport de cash de la part de son actionnaire, l’entreprise Naf Naf avait été placée sous procédure de conciliation, avant de chercher de nouveaux actionnaires début 2020, sous la pression de ses créanciers. La crise liée au coronavirus, qui a obligé l’enseigne a fermé ses magasins mi-mars pour respecter les mesures de confinement de la population française, a précipité sa chute. Mi-mai, elle a été placée en redressement judiciaire.

A en croire M. Mory, l’enseigne de prêt-à-porter féminin dont le chiffre d’affaires a atteint 206 millions d’euros en 2019 aurait trouvé « avec SY Corporate France un actionnaire qui permet d’envisager son avenir avec sérénité ». Le marché français de l’habillement sera cependant fort compliqué dans les mois à venir. Les ventes ont chuté de 24 % en mai, selon l’Institut français de la mode. Pour les cinq premiers mois de l’année 2020, l’activité est en retrait de près de 30 % par rapport à la même période de 2019.

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« Le management utilitariste n’est clairement pas soutenable »

Tribune. Les conséquences d’un management réduit à sa plus petite expression – la minimisation des coûts et la maximisation des gains – s’exprimaient jusqu’ici au travers du stress, du burn-out, de la perte de sens du travail, plus tragiquement de suicides. Mais la crise sanitaire donne à voir une nouvelle perspective. La « managérialisation » de l’action publique a, par exemple, fait perdre de vue qu’un Etat souverain ne pouvait pas déléguer à un autre pays, à l’autre bout de la planète, par l’intermédiaire d’entreprises, la fabrication de médicaments de base nécessaires à la santé de ses citoyens. A court terme, les gains financiers d’un tel choix sont réels, mais dans le temps long, une crise comme celle du coronavirus en montre les limites.

Ainsi, le « bon » management finit par exclure, au profit de l’efficient, tout ce qui ne peut pas être saisi par les tableurs Excel : le Vrai, le Juste, le Bien, le Beau. Le management semble donc s’être mué en cet « état paresseux du savoir » dont parlait le philosophe Georges Canguilhem [1904-1995], une sorte d’idéologie de l’action efficace basée sur des « bonnes pratiques » qu’on ne remet jamais en question et dont les prescriptions sont pourtant plus que jamais engageantes pour l’homme et pour son rapport au monde.

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Ce management « sans feu ni lieu », qui nie les spécificités du contexte, les métiers et le temps long, n’est cependant pas une fatalité, car il repose sur au moins trois fictions : il serait neutre ; l’humain serait une « ressource » prédéterminée par le calcul ; la procédure serait un déterminant de l’action collective.

La neutralité supposée du management découle d’une certaine conception de l’économie. Ainsi, du moment où l’économie se veut science et que l’objectif de l’entreprise est de maximiser la valeur actionnariale, elle ne se laisse pas distraire par des questions morales. De fait, un management ainsi armé par ce postulat économique porte une certaine philosophie gestionnaire utilitariste, qui exclut toute la complexité de l’être, mais aussi de l’écosystème dans lequel l’organisation évolue.

C’est ainsi qu’un hôpital mis sous management et expurgé de tout ce qui ne peut pas être mesuré, c’est-à-dire de tout ce qui fait l’essence du soin, devient assimilable à un hôtel et donc « géré » comme tel. Au prix d’une efficacité apparente, le travailleur est élevé au rang d’abstraction chiffrée gommant la réalité du travail, la complexité de l’homme derrière le travailleur et la nature des métiers. Le chiffre devient ainsi le signifiant et le signifié, ne laissant aucune place au récit, à l’expression des sentiments ou à toute narration porteuse de sens. C’est une situation ubuesque, d’autant plus qu’au même moment, la perte de sens au travail semble être une des causes du désengagement en entreprise.

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« Intermittents du spectacle » : la première fois que « Le Monde » l’a écrit

Un cortège d’intermittents du spectacle, le 26 juin 2014, à Marseille.

En plein confinement, Florence Loiret-Caille, la Marie-Jeanne du Bureau des légendes, avouait dans Télérama qu’elle n’avait pas « son statut d’intermittente ». Et le lecteur découvrait qu’une actrice tenant un rôle important dans l’une des séries les plus regardées de ces dernières années pouvait galérer. Depuis près de vingt ans, l’intermittent du spectacle est certes devenu une figure récurrente des luttes sociales, mais une figure anonyme, métaphore de la fragilité du secteur culturel.

Florence Loiret-Caille lui a donné un visage au moment où la pandémie plongeait la culture dans une crise sans précédent. Début mai, Emmanuel Macron a annoncé que les 130 000 intermittents français auraient droit à une « année blanche » pour compenser ces semaines, devenues des mois, sans pouvoir travailler. En clair, ils verront leurs droits au chômage prolongés d’un an. Un geste fort adressé à un milieu qui se sent néanmoins délaissé. Dans son discours du 14 juin annonçant un déconfinement quasi total, le président de la République n’a pas fixé d’horizon susceptible de le rassurer.

Les occurrences du mot « intermittent » dans Le Monde sont un véritable baromètre des crises traversées par la culture. Il fait son apparition le 18 juin 1968 alors que les musiciens demandent la « revalorisation » de leur profession. « Chaque année, de nombreux instrumentistes sortent du Conservatoire. Trois perspectives s’ouvrent à eux : “décrocher le gros lot”, c’est-à-dire trouver un emploi à l’Opéra [] ou à l’Orchestre de Paris ; entrer dans un orchestre de variétés ; courir le cachet dans des ensembles occasionnels, à la radio ou comme professeur, c’est-à-dire dans une situation de chômeur intermittent. Aussi beaucoup abandonnent-ils la musique », déplore Jacques Lonchampt.

Les fragiles artisans de « l’imaginaire »

Deux ans plus tard, ce sont tous les professionnels du spectacle qui appellent à l’aide. « Pour le public, les artistes du spectacle demeurent des êtres qui bénéficient d’un niveau et d’un mode de vie privilégiés, des êtres “à part”, en somme ! Parce qu’ils participent à la création de l’“imaginaire”, on tend volontiers à considérer que leur existence quotidienne relève aussi de l’“imaginaire”, qu’elle échappe à ces contingences dont le monde moderne est loin de nous avoir délivrés », s’emporte, le 2 mars 1970, dans une tribune, Robert Sandrey, délégué général du Syndicat français des artistes-interprètes, qui constate : « Neuf dixièmes d’entre eux n’ont exercé leur profession qu’accidentellement. Le chômage s’est peu à peu installé dans nos professions comme un état normal : il peut être évalué à 80 %, partiel ou total. Ainsi, ces gens “à part” sont-ils surtout des gens “en marge”. »

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