« Nouvelles Vibrations » : Les leçons de Beyoncé, Deep Purple et Sinatra aux DRH

« Nouvelles vibrations. S’inspirer des stars du rock, de la pop et du hip-hop pour innover », d’Albéric Tellier. EMS Editions, 288 pages, 22 euros.

Le livre. Que viennent faire Beyoncé, AC/DC, Rihanna, Frank Sinatra, Metallica, ou encore Daft Punk dans un ouvrage de recherche en management ? Et si on pouvait revisiter l’histoire des artistes et de leurs créations afin de « tester la robustesse de théories managériales, d’étendre leur champ d’application et de les enrichir » ? Voici le défi relevé par Nouvelles vibrations (EMS Edition), d’Albéric Tellier.

Lorsque le groupe Deep Purple enregistre Machine Head en 1972, l’album est jugé trop court aux yeux du manageur, qui annonce aux cinq musiciens : « J’ai une mauvaise nouvelle. Il manque sept minutes de matériel et il ne nous reste que vingt-quatre heures. » Dans la précipitation est composé Smoke on the Water, qui deviendra un classique du répertoire du groupe avec l’un des plus célèbres riffs de guitare de l’histoire du rock.

La musique enregistrée est une industrie, et les artistes doivent souvent faire des compromis et intégrer les exigences des responsables chargés de leur carrière. « Les œuvres qui arrivent aux oreilles du grand public sont la résultante de cette confrontation entre des ambitions artistiques et des impératifs de différentes natures qui les contraignent autant qu’ils les stimulent », souligne l’auteur, professeur à Paris-Dauphine en management de l’innovation.

L’ouvrage aborde dans le détail l’histoire de vingt-six disques. Qu’ils aient été enregistrés dans les années 1950 dans les studios de Nashville, ou conçus grâce aux technologies les plus récentes lors de writing camps, « les disques abordés dans cet ouvrage ont pu arriver à nos oreilles parce que leurs créateurs, en plus de leur talent, ont su faire preuve d’une grande capacité à convaincre des responsables de maisons de disques de leur attribuer des moyens pour écrire, composer, enregistrer… »

Un voyage au cœur des studios

Cette « face cachée » de l’industrie musicale n’est quasi jamais abordée dans les biographies et essais sur la carrière des artistes. L’ouvrage comble ce manque grâce à un voyage « au cœur des studios, dans les coulisses des salles de concert, chez les disquaires et dans les bureaux des labels, en compagnie de quelques théoriciens de l’organisation. »

La musique a été l’une des toutes premières industries à connaître de profonds bouleversements avec l’arrivée de la technologie numérique qu’elle a cherché à exploiter dès le début des années 1980 avec le lancement du Compact Disc. Ces technologies entraînent une remise en cause des pratiques et favorisent l’arrivée de nouveaux acteurs.

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L’épargne salariale peut-elle compenser le gel des salaires ?

« Les salariés comme les patrons de PME sont plus friands de mesures individuelles que collectives », explique Stéphanie Pauzat.

Alors qu’un DRH sur deux affirme avoir pris des dispositions pour réduire ou remettre à plus tard les augmentations salariales, selon une étude de Willis Towers Watson publiée le 25 mai, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, proposait, le 24 mai dans un entretien au Journal du dimanche, de « généraliser » les dispositifs d’épargne salariale : participation, intéressement et actionnariat salarié. Ou comment donner du pouvoir d’achat aux salariés, qui risquent fort de devoir se serrer la ceinture en matière d’augmentations. « Un tiers des entreprises ont déjà gelé les salaires et 16 % l’envisagent », précise l’étude du cabinet de conseil.

Pour Xavier Hollandts, professeur à Kedge Business School, les déclarations du ministre sont « inattendues et hors sujet, à l’heure où la priorité des entreprises est leur survie et le maintien en emploi. Il y a erreur de timing ! De plus, c’est une fausse bonne idée, car, comme son nom l’indique, il s’agit d’un outil d’épargne qui n’a pas vocation à augmenter le pouvoir d’achat dans l’immédiat. Il constitue une rémunération différée. »

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Inès Minin, secrétaire nationale de la CFDT, y voit, elle aussi, un risque de dévoiement de l’outil censé financer des projets à moyen et long terme. « Nous sommes partisans de l’épargne salariale, mais le vrai sujet actuellement est celui de la valorisation des bas salaires, notamment ceux des salariés en première ligne durant la crise sanitaire. »

« Vers un capitalisme plus redistributif »

« Gérald Darmanin a évoqué un vrai sujet, estime pour sa part Benoît Serre, vice-président délégué de l’Association nationale des DRH (ANDRH). Pour sortir de la crise, il est indispensable d’associer l’ensemble des salariés à l’objectif de l’entreprise et de trouver de nouveaux leviers de reconnaissance et d’équité. Une des voies serait d’associer les accords de performance collective [ces accords visent à préserver l’emploi en jouant sur le temps de travail, la rémunération ou la mobilité] et les dispositifs d’épargne salariale, afin de prévoir la répartition de la valeur créée. Les entreprises et les partenaires sociaux pourraient se montrer innovants en négociant de tels accords. »

Les dirigeants d’entreprise du réseau CroissancePlus applaudissent des deux mains l’idée d’une généralisation de l’actionnariat salarié, sauf « si elle venait à s’accompagner de mesures trop contraignantes, tient à préciser Thibaut Bechetoille, président de l’association. Le partage des fruits de la croissance est une urgence. Devant la résurgence d’un contexte social menaçant, il faut associer très largement les collaborateurs au capital de leur entreprise. Nous devons aller vers un capitalisme plus redistributif et, dans cette période très particulière que nous vivons, le développement de l’actionnariat salarié enverrait un signal fort et très positif ».

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Air France : le SNPL donne son aval au départ volontaire d’environ 400 pilotes

Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), majoritaire chez les pilotes d’Air France, va signer un accord de rupture conventionnelle collective prévoyant le départ volontaire, d’ici à la fin de 2020, d’un maximum de 403 pilotes de la compagnie tricolore, soit près de 10 % des effectifs de pilotes.

« Les accords de fin de secteur A380 organisant la mobilité des pilotes ainsi que l’accord sur la rupture conventionnelle collective ont été validés par notre conseil syndical » lundi, et le SNPL va donc les signer dans les jours à venir, a annoncé Guillaume Schmid, vice-président du SNPL d’Air France.

Secteur en crise

Face à un secteur du transport aérien mis à l’arrêt par l’épidémie de Covid-19, l’Etat a accordé à Air France un soutien financier de 7 milliards d’euros, dont 4 milliards de prêts bancaires garantis à 90 % par l’Etat et 3 milliards de prêts directs. Le gouvernement a demandé en contrepartie au groupe d’améliorer sa rentabilité et son impact environnemental, et d’entamer une réflexion sur son réseau en France.

La direction d’Air France dévoilera le 3 juillet les orientations stratégiques de la compagnie et ses conséquences sur l’emploi lors d’un Comité social et économique central extraordinaire. Les syndicats s’attendent à la suppression de plusieurs milliers d’emplois au sein de la compagnie tricolore et de sa filiale régionale Hop!.

Air France a mis sur pied un plan de « reconstruction » qui passera par la suppression de milliers de postes et une réduction de l’offre sur son réseau intérieur d’ici à la fin de 2021. Le directeur général d’Air France-KLM, Benjamin Smith, avait annoncé dès novembre un plan stratégique destiné à améliorer la rentabilité du groupe en cinq ans. Ce plan vise à atteindre une marge d’exploitation de 7 % à 8 %, contre 4,2 % en 2019.

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Lettre des syndicats au gouvernement

En attendant cette rencontre, quatorze syndicats d’Air France ont publié lundi une lettre commune dans laquelle ils demandent à être reçus par le gouvernement pour préserver les emplois « à court et long terme ».

Cette lettre ouverte adressée au ministre de l’économie et au secrétaire d’Etat aux transports est signée par FO, premier syndicat de la compagnie, mais aussi par l’UNSA-Aérien, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT, SUD-Aérien, par les syndicats d’hôtesses et stewards (SNGAF, UNPNC, SNPNC, UNAC et UNSA-PNC) et par les syndicats de pilotes SPAF et Alter. Le SNPL n’est pas signataire.

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Le Monde avec AFP

« Tous les testings concluent à une discrimination à l’embauche très nette »

De l’école à l’entrée sur le marché du travail, les jeunes descendants d’immigrés ou originaires des départements d’outre-mer subissent les effets d’un « racisme systémique », estime Jean-Luc Primon, sociologue à l’université Côte d’Azur et chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques. Ce rôle discriminant de l’origine pourrait peser encore davantage en cette période de crise économique.

Ces derniers temps, une partie de la jeunesse exprime sa colère dans la rue contre les discriminations raciales. Que lisez-vous dans ce mouvement ?

Parti d’un élément déclencheur, l’affaire George Floyd aux Etats-Unis, ce mouvement est le reflet d’un ressentiment qui vient de loin chez une population minoritaire, notamment descendante d’immigrés. Il se cristallise autour des contrôles policiers répétitifs, auxquels les jeunes racisés sont surexposés, et qui se sont renforcés avec le régime d’état d’urgence, puis avec le confinement.

Au-delà de la question du contrôle d’identité et des violences policières, on y entend la dénonciation d’un racisme latent, le rejet de discriminations auxquelles ces jeunes sont confrontés dans toutes les sphères : à l’école, sur le marché du travail, dans la rue… Ces manifestations expriment un malaise ancré chez cette jeunesse qu’il est urgent d’entendre. Il ne faut, cette fois, pas rater le coche : il s’agit de mettre en place une politique d’égalité coordonnée et volontariste. Cesser le déni et prendre en compte l’aspect systémique du racisme qui impacte le parcours de ces jeunes.

Vous parlez d’un racisme systémique : dans quelle mesure entrave-t-il les débuts professionnels des jeunes ?

Tous les testings concluent à une discrimination à l’embauche très nette des jeunes d’origine nord-africaine ou subsaharienne. Et ce quel que soit le secteur d’activité ou le niveau de qualification. Cela n’a pas bougé en vingt ans. En termes statistiques, on note des écarts, lors de l’entrée dans la vie active, qui ne sont pas imputables au niveau de formation, ni même au niveau social ou au capital culturel des parents. Ils révèlent un racisme insidieux dans les processus de recrutement, et le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme le confirme.

A bien des égards, les jeunes descendants d’immigrés font fonction de variable d’ajustement sur le marché du travail, davantage encore que les autres jeunes. D’autant qu’ils sont surreprésentés parmi ceux qui sortent du système scolaire sans ou avec peu de qualifications. Ce sont les plus vulnérables, notamment en cette période de crise économique.

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« Devenez professeurs » : ce que les campagnes de communication pour recruter disent de la profession

Cet article est paru dans « Le Monde de l’éducation ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre hebdomadaire en suivant ce lien.

Erreur « 404 ». La page Web de l’éphémère campagne de communication lancée début juin par le ministère de l’éducation nationale sur le site Konbini ne répond plus. Quelques heures après la diffusion de ce visuel vantant auprès des étudiants de licence le parcours de préprofessionnalisation pour devenir enseignant, la Rue de Grenelle avait décidé de le retirer face aux critiques.

Le visuel au langage se voulant « jeune » interrogeait : « Avez-vous déjà réfléchi à un emploi étudiant ? », « Oui », « Aimeriez-vous faire quelque chose qui vous soit utile ? », « Et qui paye mieux qu’un job dans un fast-food ? », « On a ce qu’il faut pour vous ». L’affiche est encore visible sur les réseaux sociaux, tout comme les crispations qu’elle a suscité parmi la communauté enseignante.

Qu’importe si cette campagne jugée maladroite avait le mérite de cibler les quelque 50 % d’étudiants devant travailler en parallèle de leurs études ; en plein épisode de « prof bashing », selon l’expression du ministre de l’éducation nationale lui-même, certains y ont vu une comparaison entre le métier d’enseignant et celui de serveur dans un fast-food…

Le « plaisir » d’enseigner

« Ambition enseigner », « Devenez professeurs », « L’éducation nationale recrute », etc. ; le ministère de l’éducation lance régulièrement depuis les années 2000 des campagnes de communication pour trouver de futurs enseignants.

Si elles « sont la plupart du temps digitales et visent à créer du trafic sur le site Devenirenseignant.gouv.fr qui rassemble toute l’information sur le métier de professeur », selon le ministère, elles prennent aussi parfois la forme de dispositifs plus importants destinés à un plus large public. Des affiches ou vidéos qui en disent long sur le métier, ses besoins de recrutements et son manque d’attractivité, mais aussi dans lesquelles transparaissent la politique éducative du moment et une certaine image des enseignants.

C’est en 2001 que Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale, lance le mouvement avec une vaste campagne de communication intitulée « Professeur, et si l’avenir c’était vous ? » Choix est fait de mettre en avant dans des spots TV de jeunes enseignants hors de l’école se remémorant avec bonheur leur journée en classe. La démarche est alors inédite au point de s’inviter au journal télévisé.

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Donald Trump gèle les cartes vertes et de nombreux visas de travail pour les Etats-Unis jusqu’en 2021

Donald Trump, ici lors d’une table ronde à Phoenix le 5 mai, a signé un décret gelant plusieurs types de visas de travail, le 22 juin.

Donald Trump vient de prendre une énième décision au nom de la lutte contre le chômage. En campagne pour sa réélection le 3 novembre, le président américain a décidé, lundi 22 juin, de donner un nouveau tour de vis migratoire avec le gel des cartes vertes et de certains visas de travail jusqu’en 2021.

Confronté à la destruction brutale de millions d’emplois en raison des mesures de confinement, le président républicain avait décidé il y a deux mois de suspendre pour soixante jours la délivrance des Green Cards, qui offrent un statut de résident permanent aux Etats-Unis, sans toucher aux visas de travail temporaires.

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Un nouveau décret, qu’il a signé lundi 22 juin après-midi, prolonge cette « pause » jusqu’au 31 décembre et inclura cette fois plusieurs types de visas de travail, dont les H1B, très utilisés dans le secteur des hautes technologies, les visas H2B, réservés aux travailleurs peu qualifiés (avec une exception pour les employés de l’industrie alimentaire), les visas J, utilisés pour les étudiants-chercheurs, ou les visas de transfert inter-compagnies, qui servent pour certains contrats expatriés.

Selon un haut responsable, cette « pause » devrait empêcher au moins 525 000 étrangers d’entrer aux Etats-Unis et réserver leurs emplois à des Américains. « La priorité du président, c’est de remettre les Américains au travail », a-t-il justifié. Aux Etats-Unis, le taux de chômage a bondi en mai et concerne 13,3 % de la population active, alors qu’il n’en concernait que 3,5 % en février, en raison des mesures de confinement prises pour lutter contre la pandémie due au nouveau coronavirus.

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Une décision fustigée par l’ACLU

Cette dégradation du marché de l’emploi, la crise sanitaire, ainsi que des manifestations monstres contre les violences policières compliquent la campagne de Donald Trump, à la peine dans les sondages face à son rival démocrate, Joe Biden.

Après un meeting décevant dans l’Oklahoma ce week-end, il espère rebondir en utilisant les ressorts de sa campagne victorieuse de 2016 : la lutte contre l’immigration illégale. Il se rendra mardi à Yuma, dans l’Arizona, pour marquer l’achèvement de « 200 miles » (320 kilomètres) du mur qu’il avait promis d’ériger à la frontière avec le Mexique.

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En parallèle, il entend réformer le système d’immigration légale, pour attirer les étrangers les plus qualifiés. Au-delà du gel des visas annoncés ce lundi, il a ordonné à son administration de réfléchir à une réforme des visas H1B pour qu’en 2021 ils soient attribués aux étrangers à qui les plus hauts salaires ont été promis, et non plus par loterie.

Ces annonces ont immédiatement suscité des réactions aux antipodes. Le sénateur républicain Ted Cruz, un proche du président, a salué un « acte important ». « Alors que nous travaillons pour vaincre le coronavirus et remettre notre économie sur pied, nous devons nous concentrer sur les vies et les emplois des Américains », a-t-il tweeté.

« Ce n’est ni une réponse à la pandémie, ni une réponse économique », a au contraire jugé Andrea Flores, de la puissante association de défense des droits civiques ACLU, pour qui « il s’agit d’une instrumentalisation de la pandémie (…) pour remodeler nos lois migratoires sans passer par le Congrès ».

Fait inhabituel, le sénateur républicain de Caroline du Sud, Lindsay Graham, d’ordinaire un fervent soutien de Donald Trump, a lui aussi critiqué cette décision en estimant qu’elle constituera « un frein pour notre reprise économique ». « Ceux qui pensent que l’immigration légale, et particulièrement les visas de travail, nuit au travailleur américain ne comprennent pas l’économie américaine. »

Le Monde avec AFP

« J’ai l’impression qu’on ne me laisse jamais ma chance » : en temps de crise, les difficultés accrues des jeunes diplômés issus de l’immigration

Anissa, 22 ans, diplômée de l’ISCPA, une école privée spécialisée dans les métiers de la communication, est dépitée. Sa recherche d’emploi, elle la décrit en un mot : « catastrophique ». « J’envoie cinq à six candidatures par jour depuis presque un an. Quand on me répond, c’est un mail standard pour me dire que je ne suis pas retenue. » Et le contexte actuel risque de ne pas arranger les choses.

Anissa est française, porte un nom maghrébin, vit en Seine-Saint-Denis. Après un bac littéraire, elle s’est lancée dans des études de communication. « Ma formation est peut-être trop généraliste, je ne sais pas… Personne ne me dit jamais ce qui ne va pas. » Volontaire et motivée, la jeune femme aimerait comprendre pourquoi son CV « n’accroche pas », alors même qu’elle assurait des missions en free-lance pendant ses études. « C’est très frustrant. J’ai l’impression qu’on ne me laisse jamais ma chance. »

Elle s’est tournée vers NQT, une association qui accompagne des jeunes diplômés (bac + 3 et plus) des quartiers sensibles ou de milieu modeste dans leur recherche d’emploi. Un système de parrainage par un cadre en poste permet aux jeunes de mieux comprendre les codes du monde du travail. Avec sa marraine, Anissa a profité du confinement pour refaire son CV, travailler ses lettres de motivation et simuler de futurs entretiens. Mais elle n’a toujours pas d’emploi.

« Moins de propositions de postes »

En temps normal, l’accès à un premier travail est déjà semé d’embûches pour les jeunes diplômés issus de l’immigration ou des territoires d’outre-mer, dans un contexte de concurrence accrue – ces vingt dernières années, le nombre de diplômés bac + 5 a augmenté plus vite que celui des emplois qualifiés, selon le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq).

Pour ces jeunes, le plus difficile, bien souvent, est d’accéder à un entretien d’embauche. En 2016, une vaste étude du ministère du travail a montré que, pour un même CV, les entreprises donnaient plus de réponses positives à des candidats aux noms « hexagonaux » qu’à ceux qui portaient un nom maghrébin. En moyenne, l’écart entre les deux types de candidats était de 11 points.

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Alors que, dans un contexte de crise entre janvier et avril 2020, le volume d’offres d’emploi destinées aux jeunes diplômés a baissé de 65 % selon l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), les difficultés risquent de se renforcer. « Ce sont les jeunes racisés, ceux qui ont déjà habituellement le plus de mal à trouver un emploi, qui seront les premiers touchés par le chômage », estime Mélanie Luce, présidente du syndicat étudiant UNEF, qui vient de sortir une enquête sur les discriminations dans l’enseignement supérieur.

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Nokia France veut supprimer 1 233 postes, soit un tiers des effectifs d’Alcatel-Lucent

Nokia France emploie 5 138 personnes, dont 3 640 dans sa filiale Alcatel-Lucent International.

Nokia prévoit de supprimer 1 233 postes au sein de sa filiale Alcatel-Lucent International en France, soit environ un tiers des effectifs de cette entité, a annoncé le groupe lundi 22 juin, confirmant des informations de Reuters.

L’équipementier télécoms finlandais, qui a pour concurrents Ericsson et Huawei, affirme être désormais totalement libéré des engagements pris, notamment en termes d’emplois, lors du rachat d’Alcatel-Lucent.

Ces suppressions de postes concernent la recherche et développement (R&D) et les fonctions centrales sur les sites de Paris-Saclay et de Lannion (Côtes d’Armor), mais pas les trois filiales françaises Radio Frequency Systems (RFS), Nokia Bell Labs France (NBLF) et Alcatel Submarine Networks (ASN), a précisé le groupe dans un communiqué.

Nokia souligne que ces réductions d’effectifs s’inscrivent dans le cadre d’un programme mondial d’économies lancé en octobre 2018 et déjà mis en oeuvre dans plusieurs pays, destiné à « atteindre un niveau de rentabilité durable et améliorer la productivité sur un marché de plus en plus compétitif, avec une très forte pression sur les coûts ».

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Fin de l’engagement de préservation des emplois

Nokia France emploie 5 138 personnes, dont 3 640 dans sa filiale Alcatel-Lucent International. Cette entité faisait partie d’Alcatel-Lucent, que Nokia a racheté en 2015 dans le cadre d’une opération intégralement en actions valorisant le groupe français 15,6 milliards d’euros. Ce rachat a été scruté de près par le gouvernement de l’époque et notamment son ministre de l’économie, le futur président Emmanuel Macron.

Nokia s’était alors notamment engagé à préserver les emplois en France pendant deux ans et à y développer les équipes de recherche et développement afin de faire du pays une référence au sein du groupe pour la nouvelle génération de télécommunication mobile, la 5G. Le groupe est depuis ce mois-ci totalement libéré de ces engagements, a fait savoir une porte-parole.

Le président de Nokia en France, Thierry Boisnon, cité dans le communiqué, explique :

« La France restera un pôle de R&D déterminant au sein de Nokia, principalement autour du développement des technologies 5G et de la transmission par faisceaux hertziens, ainsi que dans la recherche avancée avec Bell Labs, dont l’Internet des Objets et la nouvelle génération de solutions de transport. […] Nous comptons également continuer à jouer un rôle actif dans l’écosystème numérique français. »

Le Monde avec Reuters

Celio demande à être placé sous procédure de sauvegarde

Fondée en 1978, l’enseigne Celio se présente comme leader de son secteur depuis trente ans, avec environ 6 % de parts de marché en France.

La liste des enseignes de mode fragilisées par la crise liée au coronavirus s’allonge. Lundi 22 juin, Celio, leader du marché masculin en France, a demandé au tribunal de commerce de Bobigny à être placé sous procédure de sauvegarde. La chaîne, qui emploie plus de 4 000 personnes dans le monde, explique que « la fermeture brutale pendant deux mois de ses 1 585 magasins (…) a entraîné une perte de chiffre d’affaires pour le groupe de près de 100 millions d’euros entre mars et mai 2020 ».

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Comme d’autres de ses concurrents, Celio est confronté à une sévère crise de trésorerie. Et manifestement il n’a pas pu accéder au crédit. « N’ayant pu trouver un accord avec ses partenaires bancaires, Celio a décidé de placer la société Celio France ainsi que sa maison mère Celio International sous la protection du tribunal de commerce avec l’ouverture de procédures de sauvegarde », souligne l’enseigne détenue par ses fondateurs, les frères Laurent et Marc Grosman, depuis sa création en 1978.

« Se donner du temps »

Grâce à cette procédure qui suspend le paiement de ses dettes et maintient les emplois, l’entreprise dit espérer « préserver sa trésorerie pendant les prochains mois afin de se donner du temps dans la reprise de l’activité commerciale et d’adapter la transformation déjà engagée » en 2019.

Les difficultés du groupe en France ne sont pas nouvelles. Sous la houlette d’une nouvelle présidente, Gaëlle de la Fosse, nommée en février 2019, l’enseigne avait entrepris de se réformer pour mieux séduire ceux qui préfèrent désormais s’habiller chez Zara, Monoprix ou en ligne chez Asos. Grâce à une nouvelle image publicitaire et des collections revues, elle espérait enrayer son déclin. L’enseigne a essuyé une chute de ses ventes de l’ordre de 8 % l’an dernier, avec un chiffre d’affaires annuel (exercice clos à fin janvier 2020) de 560 millions d’euros.

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La France, où elle exploite 488 magasins, dont 345 succursales, représente plus de 80 % de son activité. Malgré le toilettage de son réseau, avec la fermeture d’une vingtaine de points de vente en 2018 et en 2019 et un plan social en 2015, portant sur quinze postes au sein de son siège situé à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), l’entreprise est déficitaire, selon une porte-parole.

Les temps sont durs pour toutes les enseignes d’habillement déjà laminées par la baisse de la consommation constatée depuis une douzaine d’années. La pandémie de Covid-19 a accéléré la chute de plusieurs grands noms de la mode d’entrée de gamme, comme Naf Naf, La Halle ou Camaïeu. L’emploi dans le secteur s’apprête à payer un lourd tribut. Placé en redressement judiciaire, Naf Naf vient d’être repris par son fournisseur, Sy, vendredi 19 juin, qui garde 75 % des salariés.

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Près de 300 magasins toujours fermés

Camaïeu a été placé en redressement judiciaire le 26 mai et ses 3 900 employés seront fixés sur leur sort début juillet. Vivarte a requis le placement de son enseigne La Halle en procédure de sauvegarde, mi-avril, avant de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Ces deux dossiers sont désormais aux mains de la justice.

Les potentiels repreneurs de Camaïeu doivent se faire connaître d’ici au 29 juin. Et, après un premier round bouclé sur 25 offres de reprise des magasins La Halle, fin mai, le tribunal de commerce de Paris se réunit en audience le 29 juin pour étudier ces propositions. Les 5 809 salariés de l’entreprise attendent avec fébrilité la décision du tribunal de commerce de Paris prévue pour la première semaine de juillet.

Celio échappera-t-il à la cessation de paiement et à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ? Près de 300 de ses magasins sont toujours fermés dans les pays où des mesures de confinement demeurent et l’enseigne n’a pas obtenu de prêt garanti par l’Etat pour combler le manque à gagner. « Les négociations sont toujours en cours », affirme une porte-parole. Par communiqué, Mme de la Fosse assure que l’entreprise présente dans 46 pays est en capacité de « surmonter cette crise ».

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Un repreneur surprise pour André

François Feijoo, ancien patron d’André, a émis une offre de reprise de l’enseigne placée en redressement judiciaire à la demande de sa maison mère, Spartoo, mi-mars. Au dernier jour du dépôt des propositions de rachat de la chaîne de chaussures, lundi 22 juin, alors que Spartoo a renoncé à présenter un plan et qu’aucun autre candidat n’a émergé, M. Feijoo s’est déclaré prêt à relancer l’enseigne fondée en 1896, en reprenant 50 de ses 106 succursales. M. Feijoo a dirigé André entre 2005 et 2013, avant de prendre la présidence d’Eram, qu’il a quitté fin 2019.  « Je ne pouvais pas ne pas reprendre cette marque mythique », explique-t-il au Monde, alors que son tour de table n’est pas encore bouclé. Chez André, il a laissé « un très bon souvenir », rappelle Eric Martinez, élu syndical en évoquant la façon dont ce spécialiste de la distribution « avait redressé l’entreprise ». L’enseigne compte 412 salariés. Le nombre d’employés repris au siège et en magasins par M. Feijoo n’a pas été précisé. Le tribunal doit se prononcer le 1er juillet.