Faillites d’entreprises : malgré des « airbags économiques », Bercy et la majorité s’attendent au pire

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, à Bercy, le 7 juillet.

Des couloirs de l’Assemblée nationale aux différents étages de Bercy, la petite phrase revient, implacable. Les conséquences pour les entreprises de la crise sanitaire qui vient de frapper la France ? « On n’évitera pas les faillites. »

« On a le plus dur devant nous. Il va y avoir des difficultés sur l’emploi, les entreprises, l’industrie et les territoires. On le voit avec la multiplication des annonces [de suppressions de postes] », a admis le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, mardi 7 juillet, en marge de la passation de pouvoir à Bercy après le remaniement.

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Préparer au maximum la vague de plans sociaux qui risque de grossir à l’automne, alors que le produit intérieur brut (PIB) devrait plonger de 11 % cette année et que de nombreux secteurs (tourisme, hôtellerie, culture…) portent encore les stigmates du confinement, c’est le défi auquel va devoir s’atteler l’exécutif. « Pour les entreprises, cela a été un “blast” [effet de souffle] de tout arrêter pendant deux mois. On sait que la vague est monumentale. On ne peut pas dire qu’il y aura zéro licenciement. Le risque est réel à la rentrée, il faut dire la vérité aux Français », abonde Laurent Saint-Martin, député LRM du Val-de-Marne et rapporteur général du budget.

« Il faudra un nouvel élan »

Pour le moment, députés de la majorité et ministres estiment que les dispositifs en place ont porté leurs fruits. Plan massif de chômage partiel, fonds de solidarité pour les petites entreprises, annulation de cotisations sociales et fiscales, prêts garantis par l’Etat (PGE)… « On a mis des airbags économiques. On fait en sorte qu’il y ait le moins de plans possible », indique M. Saint-Martin.

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Et après ? « Après les mesures immédiates puis la relance ciblée pour les secteurs les plus sinistrés, le troisième volet de notre réponse, ce seront des mesures ambitieuses pour l’emploi », assure Bruno Le Maire, en référence aux annonces attendues la semaine du 13 juillet, notamment des primes à l’embauche ou des exonérations de cotisations pour les jeunes. « Puis, quand on entrera dans le dur de la crise, il faudra un nouvel élan », indique l’ex-LR. Le plan de relance doit être annoncé fin août. Bercy plaide plus que jamais pour une baisse des impôts de production, ces taxes sur le chiffre d’affaires des entreprises, collectées majoritairement par les collectivités. « Si on veut arrêter l’hémorragie industrielle, il faut s’attaquer aux impôts de production, notamment la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) », précise le ministre, pour qui le manque à gagner pourrait être « pris à leur charge par les régions pour attirer de l’industrie ».

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Entreprises : « Eriger les testings en méthode ultime de preuve est-il pertinent ? »

Tribune. Chaque mobilisation contre le racisme déclenche de nouvelles polémiques sur l’opportunité de réaliser des statistiques ethniques pour évaluer l’ampleur des discriminations. Comme pour mieux faire oublier cette idée, qui heurte les valeurs républicaines, le gouvernement propose alors de réaliser un testing [Le gouvernement a annoncé dans un communiqué le 17 juin le lancement d’une vague de testings sur les grandes entreprises]. Ce scénario vient à nouveau de se produire, en réponse aux manifestations contre les violences policières dirigées contre les populations d’origine immigrée.

Des vagues de testings déferlent ainsi périodiquement sur les entreprises françaises, afin d’évaluer les discriminations à l’embauche dont souffrent ces populations. S’il ne fait aucun doute que ces discriminations relèvent d’une actualité aussi permanente que scandaleuse devant faire l’objet de politiques réellement offensives, est-il pertinent d’en chiffrer la mesure de cette manière et de dénoncer publiquement les entreprises considérées comme de mauvais élèves ? Cela mérite amplement discussion, d’autant que l’on a tendance à ériger les testings en méthode ultime de preuve.

Des candidatures fictives sont envoyées deux à deux dans les entreprises, en réponse à de réelles annonces d’offre d’emploi. Elles sont semblables en tout point, sauf au regard d’une caractéristique que l’on cherche à tester : l’influence d’un nom à consonance étrangère (souvent maghrébine), d’un lieu de naissance, d’une domiciliation dans un quartier sensible, etc. La comparaison des taux de réponse obtenus par la candidature de référence (dite « hexagonale ») et celle que l’on teste, semble ainsi pouvoir donner directement la mesure recherchée.

Mais cela n’a rien d’évident, malgré toutes les précautions prises par les auteurs des expérimentations.

D’un côté, il leur faut multiplier les tests pour obtenir des résultats significatifs et les envoyer de manière rapprochée ; de l’autre, il faut éviter de se faire repérer pour ne pas fausser les résultats. Or les entreprises, et a fortiori les cent vingt que les pouvoirs publics ont choisi de tester, sont sur leurs gardes. Leurs offres ne sont pas si nombreuses et portent sur des emplois trop divers pour opérer des comparaisons rigoureuses. Même lorsque les candidatures élaborées sont bien ciblées, les taux de réponses restent bas.

Manque de représentativité

Faut-il assimiler les non-réponses à des refus d’embauche ? Pour contrer la rareté des convocations à un entretien en réponse à des annonces, les expérimentateurs ont imaginé d’envoyer des candidatures spontanées aux entreprises et finalement de formuler des demandes d’information plutôt que des demandes d’entretiens. Mais à qui les envoyer ? Et que comptabilise-t-on ainsi ?

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Vigilance et soutien aux restructurations : le « en même temps » de l’Etat face aux plans sociaux

Dans les rues de Paris, le 8 juin.

Ces dizaines de milliards d’euros accordés par le gouvernement aux entreprises en difficulté… pour déboucher sur des milliers de suppressions d’emplois chez Renault, Airbus ou Air France ! Depuis quelques semaines, les syndicats et les oppositions politiques font le rapprochement et s’indignent d’une opération qui leur apparaît comme un jeu de dupes dont les salariés des entreprises concernées, l’Etat – et les contribuables – seraient les grands perdants. Est-ce aussi simple ? Et jusqu’où peut aller la puissance publique pour éviter la casse sociale tout en préparant l’avenir – sans disposer d’une grande visibilité ?

« La question est plus politique qu’économique, analyse Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). L’intervention de l’Etat était nécessaire. Mais le choc est structurel. Et des secteurs comme l’aéronautique et le transport aérien ne retrouveront peut-être jamais leur niveau d’activité d’avant-crise. L’Etat peut-il continuer à subventionner ? La question de la rentabilité se pose. » Et sans son intervention, l’hémorragie d’emplois aurait été plus forte. La faillite même, comme dans le cas d’Air France, qui a perdu 90 % de son activité au plus fort de la pandémie.

« Rien de plus faux »

Une accusation circule dans les syndicats : les dirigeants chargent la barque pour décrocher plus d’aides de l’Etat. « Rien de plus faux », s’indigne Guillaume Faury. Le président exécutif d’Airbus, qui a dégagé 10 milliards de bénéfices entre 2015 et 2019, assure avoir calibré au mieux, avec ses clients et ses sous-traitants, les 15 000 suppressions d’emplois annoncées début juillet. Même s’il a vite admis qu’environ 3 500 d’entre eux pourraient être sauvés. « Si nous avions suivi la pure logique mathématique, explique-t-il dans Le Figaro du 2 juillet, ce sont 36 000 des 90 000 emplois d’Airbus Aviation commerciale que nous aurions dû supprimer ». Soit le « quota » pour s’adapter à une baisse de 40 % de l’activité.

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Autre accusation : les entreprises profitent de la crise pour faire des restructurations qu’elles ont longtemps différées, comme chez Air France pour des vols dans l’Hexagone. A la demande de l’Etat, la compagnie doit fermer les liaisons intérieures où la durée d’un trajet en TGV n’excède pas 2 h 30, ce qui condamne en partie les lignes d’Orly vers Bordeaux, Lyon et Nantes. Une aubaine pour la compagnie, puisque ces dessertes subissent la concurrence du train. Et que certaines pourront être reprises et exploitées à moindre coût par sa filiale low cost, Transavia.

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Une lueur d’espoir pour l’emploi handicapé soufflée par le Covid

«  Les entreprises adaptées, souvent multi-activités ont ainsi pu, selon la nature du handicap, transférer des travailleurs d’une activité sinistrée, comme la sous-traitance de l’aéronautique par exemple, à une autre comme la production de gel hydroalcoolique. »

Alors que le chômage des personnes en situation de handicap avait enregistré un très léger mieux en 2019, avec un premier retournement de la courbe, d’un point de pourcentage sur un an à 18 % (contre 9 % pour l’ensemble des actifs), le Covid a assombri l’horizon.

En termes quantitatifs, les personnes en situation de handicap ne sont pas épargnées par « la chute historique de l’emploi salarié au premier trimestre, de 485 000 emplois dont 170 000 hors intérim », confirmée le 2 juillet par l’Insee. « Il faudra attendre les chiffres du deuxième trimestre pour se faire une idée de l’impact réel du Covid, mais on prévoit une baisse des entrées en emploi », confie Marlène Cappelle, déléguée générale de Cheops (le Conseil national han­dicap & emploi des organismes de placement spécialisés), l’association qui représente Cap emploi (le Pôle emploi « handicap »). 68 % des handicapés chômeurs sont pessimistes quant à leurs chances de retrouver un emploi, selon le dernier sondage Agefiph-IFOP publié fin mai.

« La dégradation de l’emploi s’est concentrée sur les plus précaires », souligne l’Insee. Or, la population handicapée est majoritairement peu qualifiée et l’intérim, qui s’est littéralement effondré en mars, « est un de nos leviers de retour à l’emploi », précise Mme Cappelle. En revanche, leur présence dans tous les secteurs amortit le choc. Les entreprises adaptées, souvent multi-activités ont ainsi pu, selon la nature du handicap, transférer des travailleurs d’une activité sinistrée, comme la sous-traitance de l’aéronautique par exemple, à une autre comme la production de gel hydroalcoolique.

Nouveaux besoins d’adaptation

L’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des ­personnes handicapées (Agefiph), qui a fait des projections par secteur d’activité, estime à plus de 270 000 le nombre de handicapés potentiellement en activité partielle entre mars et mai, auxquels s’ajoutent 400 000 personnes en arrêt-maladie, dont 250 000 vulnérables, sur une population totale de 2,8 millions. « On n’a paradoxalement pas noté de hausse du nombre de demandeurs d’emploi fin mars (489 000). Mais on s’y attend pour septembre. Le risque de perte d’emploi sera important ; certains vont s’enkyster dans le chômage de longue durée ; et l’entrée sur le marché du travail sera plus difficile, affirme Véronique Bustreel, la directrice innovation, évaluation et stratégie de l’Agefiph. Les entreprises vont chercher de la mobilité et de la polyvalence, ce qui peut pénaliser les personnes en situation de handicap. »

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En France, LDLC est conquis par la semaine de quatre jours

« Le groupe LDLC, qui travaille sur les questions de qualité de vie au travail et d’organisation depuis trois ans, n’en n’est pas à sa première initiative hors des sentiers battus »

Dès 2021, la société de vente en ligne d’équipements informatiques devrait offrir à ses salariés de passer à 32 heures travaillées en quatre jours, sans renoncer aux augmentations de salaire. Tandis que des économistes recommandent de faire travailler davantage les salariés, afin de compenser la baisse d’activité consécutive à la crise du Covid-19, cette annonce vient à contre-courant.

Une décision indépendante des récents événements liés à la pandémie, assure le fondateur de LDLC, groupe français de commerce en ligne, Laurent de la Clergerie : « L’idée a germé dans mon esprit suite à un article sur Microsoft au Japon. » En août 2019, le géant américain de l’informatique a en effet testé la semaine de quatre jours pour les salariés de sa filiale japonaise. Selon Microsoft, cette expérience a permis d’augmenter leur bien-être au travail, tout en augmentant leur productivité de près de 40 %. « Je suis convaincu que donner un jour de plus aux équipes, afin qu’elles puissent faire tout ce qu’elles n’ont pas eu le temps de faire dans la semaine, tout en bénéficiant d’un vrai week-end en famille, permettra d’améliorer leur efficacité », argumente le dirigeant de LDLC.

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Un rêve pour de nombreux salariés : selon une étude réalisée par ADP, 50 % des travailleurs français interrogés préféreraient prolonger leurs journées afin de ne plus travailler que quatre jours par semaine. Le groupe compte arriver à ce résultat en adaptant les plannings de chacun. Toutefois, difficile de trouver un système susceptible de satisfaire tout le monde : « D’après les premiers retours qu’on a eus, 80 % des collaborateurs souhaitaient que ce jour supplémentaire soit le vendredi », constate Laurent de la Clergerie.

Manageurs et cadres expriment quelques réticences

Afin de ne léser personne, tout en permettant à l’entreprise de tourner sans encombre, le patron a imaginé un système d’alternance entre semaines paires et impaires. « Il y aura aussi des recrutements, prévoit M. de la Clergerie. Pas forcement dans tous les métiers, mais nous envisageons une embauche pour deux postes. » Des perspectives motivées aussi par la bonne santé du groupe, qui a plutôt bénéficié de la crise liée au Covid-19, assure le dirigeant.

Si l’annonce a été bien accueillie par l’ensemble des salariés, des manageurs et des cadres ont exprimé quelques réticences : « Certains estimaient qu’il était impossible de gérer leurs équipes sur seulement quatre jours. D’autres m’ont dit qu’il était impossible de faire tenir leur travail dans quatre jours. A ceux-là, va leur falloir apprendre à déléguer », souligne M. de la Clergerie.

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Le luxe, les inégalités et le politiquement correct

« Kering illustre ainsi, par sa réussite même, les contradictions du grand théâtre du monde qui provoquent les tremblements sociaux actuels »

Gouvernance. Alors que se multiplient des manifestations sous le label Black Lifes Matter, que la parité entre les hommes et des femmes dans les instances économiques est devenue une exigence politique, que les engagements pour sauver le climat et l’environnement alimentent les causes nobles et les démarches citoyennes ; alors que, dans le même temps, les tensions liées aux différences sociales sont exacerbées à l’extrême, que le niveau de vie des classes moyennes est menacé et que l’inquiétude sur l’avenir économique des plus pauvres s’accroît, il est instructif de porter le regard décalé sur l’actualité du conseil d’administration du groupe français Kering.

Kering est une entreprise de luxe qui, par des achats successifs, s’est créé un portefeuille de marques très haut de gamme, incluant Gucci, Saint Laurent, Balenciaga ou Boucheron. Avec 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, près de 38 000 collaborateurs et 1 500 magasins, c’est un groupe international dont l’activité se répartit entre l’Asie (42 %), l’Europe (32 %) et les Amériques (26 %).

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Le 16 juin 2020, l’assemblée générale des actionnaires du Groupe a approuvé la nomination comme membre du conseil d’administration d’Emma Watson, célèbre actrice britannique trentenaire qui fut l’interprète d’Hermione Granger dans la série cinématographique d’Harry Potter. Militante engagée pour l’égalité des hommes et des femmes, elle rejoint un conseil composé de huit femmes et de cinq hommes, dans un éventail de six nationalités et de quatre continents, Afrique comprise.

Le groupe Kering prône « un luxe durable »

L’équilibre des cultures se joue aussi entre le capital et le travail, puisqu’une administratrice représente les salariés du groupe, tandis qu’une autre est la déléguée d’Artémis, la holding de la famille Pinault. Equilibre symbolique certes, car celle-ci détenant 41 % du capital, son PDG, François-Henri Pinault a tout pouvoir. Reste que huit membres du conseil sur treize sont extérieurs à l’entreprise et forment un casting de stars aux parcours professionnels exceptionnels tant dans de grandes sociétés, que dans l’entrepreneuriat ou dans la création artistique.

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Le conseil d’administration de Kering répond ainsi à tous les critères de la « bonne gouvernance », tels que les codes les formalisent : diversité, inclusion, ouverture, compétence. Sa composition traduit aussi l’implication spectaculaire de l’entreprise dans le développement durable et les grandes causes sociétales du moment. Prônant « un luxe durable », Kering publie chaque année un compte de résultat environnemental, et sa stratégie lui vaut régulièrement les applaudissements et les distinctions internationales décernées par des ONG ou des agences de notation.

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Nos frayeurs peuvent être le début d’une prise de conscience

Le Livre. Voici un sujet auquel vous aurez difficilement échappé. Des étals des librairies aux chaînes YouTube, des articles aux groupes de réseaux sociaux, votre œil a sans doute déjà été accroché par la collapsologie. Difficile de faire plus anxiogène : il s’agit, tout simplement, de l’effondrement possible de notre civilisation.

Pourquoi, malgré nos savoirs rationnels et intellectuels sur la question, accessibles à tous, perdurons-nous dans nos habitudes délétères ? Pourquoi continuons-nous à faire allégeance au mythe capitalisto-consumériste, « cette fable de la croissance infinie dans un monde aux ressources finies » ? Autant de questions soulevées par Pierre-Eric Sutter et Loïc Steffan dans N’ayez pas peur du collapse (Desclée de Brouwer).

Pour qui s’informe rapidement sur le sujet, il est aisé de savoir que les atteintes à l’environnement sont telles « qu’elles menacent l’humanité ; notre civilisation, telle qu’elle s’est construite depuis la première révolution industrielle, est potentiellement en train de s’effondrer », soulignent le psychologue-psychothérapeute et le professeur d’écogestion.

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Si nous ne réduisons pas nos déplacements en voiture pour aller travailler ou en avion pour partir en vacances, nous allons rejeter des gigatonnes de gaz à effet de serre. Nos forêts peinent à les absorber et cela accroîtra avec une grande certitude la température de l’atmosphère. Au vu du bien trop peu de décisions prises à l’issue de la COP25, force est de constater que, malgré ces connaissances, nous nous évertuons à faire comme si de rien n’était.

Cheminement singulier

Après une analyse sur la façon dont la collapsologie bouleverse notre savoir et nos croyances sur le lien de notre société thermo-industrielle avec l’environnement, l’ouvrage considère les mécanismes mentaux à l’œuvre qui freinent la prise de conscience des effondrements ainsi que le passage à l’acte susceptible d’en résulter. « Le discours rationnel sur le collapse peut entraîner une souffrance, essentiellement mentale – peur, anxiété ou angoisse, et donc influer sur la conduite à tenir, fort de ces informations. »

Changer de mode de vie pour que les comportements du quotidien soient plus durables et soutenables est possible ; c’est ce que montre le cheminement singulier parcouru par les personnes interviewées par les cofondateurs de l’Observatoire des vécus du collapse (Obveco). Ainsi de cette conservatrice du musée victime d’un burn-out dont l’effarement est en partie causé par la lecture d’un ouvrage sur la collapsologie.

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Laurent Berger et Louis Gallois : « L’emploi solidaire apporte une solution au chômage de longue durée »

Le chômage de longue durée est massif depuis vingt-cinq ans en France. Il touche près de 2,5 millions de nos concitoyens. C’est la gangrène du corps social ; il débouche sur la pauvreté ; taraude les familles ; engendre la désespérance ; il est au fondement du pessimisme et de la défiance des Français.

Et pourtant le nombre de chômeurs de longue durée devrait mécaniquement progresser dans les prochains mois. A chaque crise, les chômeurs de longue durée sont, pour une large part, repoussés hors du marché du travail ; les entreprises embauchent moins et s’adressent d’abord aux chômeurs « récents », à ceux qu’elles jugent immédiatement productifs car plus qualifiés, plus expérimentés, moins fragiles. Les jeunes, les non-qualifiés, les seniors, les précaires risquent fort de « passer à la trappe ».

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L’emploi solidaire représente plusieurs millions d’emplois ; il a été créateur net d’emplois sur la dernière décennie. Il regroupe les emplois créés par les multiples facettes de l’économie sociale et solidaire : entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), structures de l’insertion par l’activité économique, entreprises adaptées, Parcours emploi compétences (PEC, qui ont succédé aux emplois aidés), dispositif expérimental Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD)…

Solution au chômage de longue durée

L’emploi solidaire apporte une solution au chômage de longue durée pour au moins trois raisons. Situées sur des créneaux relativement peu exposés à la concurrence internationale directe, régies par des règles de gouvernance et de financement spécifiques, les structures solidaires n’ont pas les mêmes contraintes de compétitivité, de rentabilité et de productivité que l’économie marchande. Elles peuvent donc privilégier la création d’emplois.

Ensuite, pour une part significative, ces structures bénéficient de concours publics parce qu’elles aident à la formation, à la réinsertion ou à la création d’emplois durables (zéro chômeur) de personnes éloignées de l’emploi. L’Etat peut donc accroître le nombre d’emplois ainsi soutenus.

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Enfin, ces structures développent des activités utiles, à fort impact sociétal et environnemental, mais que les entreprises de droit commun ne peuvent pas prendre en charge parce qu’elles sont déficitaires et que les collectivités publiques ne peuvent seules les assumer : développement durable, lutte contre les gaspillages, économie circulaire, circuits courts, protection et entretien de l’environnement, lien social, aides aux personnes dépendantes…

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La seconde vague, celle des plans sociaux, touche la France

Des employés de Nokia réunis pour protester contre la suppression d’emplois dans l’entreprise, à Nozay (Loire-Atlantique), le 30 juin.

« Mise en liquidation », « redressement judiciaire », « accord de performance collective » – par lequel l’entreprise demande à ses salariés des concessions sur leurs rémunérations –, « plan de sauvegarde de l’emploi » – synonyme, en fait, de suppression de postes… Se plonger dans la lecture de la presse quotidienne régionale ces dernières semaines, c’est découvrir cinquante nuances de procédures, lesquelles traduisent toutes, à des degrés divers, la tempête que traversent les entreprises françaises.

Le président de la République a prévenu que « la rentrée sera très dure ». Mais déjà le nombre de restructurations enfle de semaine en semaine, selon le décompte publié par la Dares – la direction des études du ministère du travail. Quinze plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ont été annoncés dans la semaine du 1er juin, dix-neuf dans celle du 8 juin, trente-cinq la semaine suivante. De nouveaux chiffres sont attendus ce mercredi 8 juillet.

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Entre le 1er mars et le 21 juin – avant même les annonces chez Airbus, Nokia ou Air France – 143 PSE ont été lancés en France, menaçant 19 287 postes. Soit 74 % de plus que sur la même période de 2019. Et c’est sans compter les 1 344 procédures de « petits » licenciements collectifs (moins de dix salariés ou dans des TPE) répertoriés à la fin juin par la Dares, ou les centaines de milliers d’intérimaires dont la mission a pris fin.

La casse à l’œuvre dans l’aéronautique est sans doute la plus spectaculaire : 7 580 postes en moins chez Air France et sa filiale Hop !, 5 000 chez l’avionneur Airbus dans l’Hexagone. Dans leur sillage, de nombreux sous-traitants du secteur taillent dans leurs effectifs, mettant ainsi en péril l’équilibre économique de nombreux territoires. L’équipementier Daher par exemple prévoit de couper 1 300 postes répartis sur ses sites d’Occitanie, de Loire-Atlantique et de la région Centre.

Effet domino

Avant Airbus, les 4 800 emplois supprimés chez Renault avaient déjà frappé les esprits, aux premiers jours du déconfinement, avec le projet de fermeture du petit site de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne). Là encore, des milliers de licenciements s’annoncent, par effet domino, en aval. Spectaculaires aussi les 16 000 emplois menacés dans le secteur de l’habillement. Spectaculaire encore les 1 233 licenciements annoncés chez Nokia (Alcatel-Lucent) et le millier qu’entrevoit le laboratoire pharmaceutique Sanofi. Autant que Hutchinson, filiale de Total spécialisée dans le caoutchouc industriel, qui anticipe une réduction de 10 % de ses effectifs en France.

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La semaine de quatre jours en test aux Etats-Unis

Amy Balliett, la dirigeante de Killer Visual Strategies, a eu l’idée de changer l’organisation de son entreprise quand elle était en France. Et si on passait à quatre jours par semaine plutôt que cinq ? Patronne d’une PME de services en design installée à Seattle (Etat de Washington), elle était entre Paris et Bordeaux, venait de savourer un long repas et se sentait heureuse. « Cela m’a ouvert les yeux, dit-elle aujourd’hui. Nous devons améliorer l’équilibre entre travail et vie en dehors du bureau. Dans notre univers, les clients nous attendent sur le pont tous les jours. Et c’est assez courant de travailler 80 heures par semaine. »

Mais Mme Balliett a constaté que ce que l’employé moyen réalise le lundi, juste après le week-end, se fait en deux fois plus de temps le vendredi. Les équipes sont fatiguées et la productivité s’en ressent. D’où son idée de basculer sur une semaine de quarante heures en quatre jours, avec des journées de dix heures d’affilée.

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Pour satisfaire les exigences du client roi, elle a décidé que son entreprise de trente personnes resterait ouverte toute la semaine. La moitié de ses troupes prennent leur vendredi, l’autre moitié le lundi. Les employés qui se sont reposés pendant trois jours ont beaucoup plus d’énergie et la productivité s’en ressent. Elle a fait un bond de 20 % par rapport à l’ancien système.

Aux Etats-Unis, l’initiative paraît assez saugrenue. En pleine crise de Covid-19, on devrait plus penser au besoin ardent de la reprise qu’à la meilleure gestion de son temps. Mais le passage aux quatre jours reste d’actualité. La ministre de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern l’a justement évoqué pour relancer le tourisme. La flexibilité du travail, a-t-elle dit, est « source de productivité ». Et un certain nombre d’entreprises américaines y croient fermement.

Un sondage de la Society for Human Resource Management montre que, en 2017, 13 % des compagnies proposaient à certains de leurs employés la semaine de quatre jours. Deux ans plus tard, c’est 15 %. Et l’offre ne cesse de grandir. Les petites annonces sur Zip Recruiter indiquant un travail sur quatre jours ont grimpé de 51 %, en 2017, à 65 %, en 2018, puis à 67 %, en 2019.

Des ventes par employé en augmentation

Les intéressés eux-mêmes préfèrent la semaine raccourcie. De sondages en enquêtes, la demande de temps libre se fait de plus en plus sentir. Et une expérience récemment tentée par une filiale de Microsoft au Japon tend à montrer que tout le monde en profite, employeurs et employés. Durant le mois d’août, cette entreprise de 2 300 personnes a donné le vendredi à l’ensemble de son personnel.

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