Sportifs de haut niveau : pas de reconversion sans double projet professionnel

Elle fait partie de ceux qui ont bien su négocier le virage de leur reconversion. Sophie Domenech, ancienne championne d’athlétisme, spécialiste du 400 m, est aujourd’hui consultante en ressources humaines (RH) à l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). « Quand j’ai commencé le sport, mes parents m’ont fort heureusement donné leur feu vert, mais à la condition que je mène des études en parallèle », raconte la jeune femme, qui, la trentaine passée, a repris des études en RH. « A l’époque, mon master portait déjà sur la place à accorder à l’accompagnement professionnel des sportifs de haut niveau (SHN), qui ont le nez dans le guidon et sont concentrés sur la performance. »

Ce sujet est au cœur d’une étude qualitative publiée mercredi 24 avril par l’APEC et réalisée fin 2023 auprès de vingt et un sportifs de haut niveau ayant réussi une reconversion dans un métier de cadre, huit recruteurs de ce type de profil et quatre spécialistes de l’accompagnement professionnel. Elle évoque les difficultés persistantes pour les sportifs de haut niveau à se forger une nouvelle identité professionnelle une fois leur carrière sportive terminée.

Un des moments particulièrement critiques est celui de l’entrée sur le marché du travail, « globalement plus tardive, autour de 30 ans », note Sophie Domenech, ce qui entraîne « un manque d’expériences professionnelles, de stages. » Même si le candidat a voyagé à l’étranger et parle d’autres langues, « cela ne reste pas perçu par les entreprises comme une expérience professionnelle », ajoute-t-elle.

Renforcer les synergies entre les acteurs de la conversion

Nombre des sportifs interrogés par l’APEC font ressortir la difficulté à mener de front un « double projet », et ce, en raison d’une « double charge de travail » et « des formations peu adaptées au rythme d’entraînement et de compétitions ». Ainsi que les résistances de la part des entraîneurs, des clubs et des fédérations, dès lors qu’ils veulent poursuivre des études au-delà du niveau bac + 2. « Ce choix relève du “parcours du combattant” », insistent-ils, évoquant, pour la plupart, une expérience au cours de laquelle ils se sont sentis « isolés » et ont dû « faire face à l’adversité ».

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Afin d’y remédier, l’APEC relève la nécessité de sensibiliser systématiquement les sportifs à leur futur projet professionnel dès la fin du lycée. « C’est possible, à condition que cela soit très bien aménagé, plus personnalisé et adapté, avec du temps en distanciel », note Bertrand Hozé, directeur de l’Union nationale des sportifs de haut niveau.

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A la Banque de France, la « résonance » douloureuse de suicides de salariés

Des drames humains individuels et un malaise collectif. C’est dans un climat tendu que s’est déroulée la réunion du comité social et économique central (CSEC) de la Banque de France, mardi 23 avril. A l’ordre du jour, le rapport d’expertise du cabinet spécialisé Technologia, mandaté en octobre 2023 à la demande des représentants du personnel après trois cas de suicides de salariés de l’institution, dont l’un avait laissé une lettre mettant en cause son employeur.

Cet agent de maîtrise travaillait au sein d’un service de contrôle interne au Centre fiduciaire de Paris-La Courneuve, centre de stockage, de tri et de distribution des billets de banque pour le nord de la France, ouvert en 2019 après la fermeture d’un centre situé dans Paris. La quatrième fermeture de site vécue par cet agent au cours de sa carrière.

Une enquête interne, distincte de l’expertise, a conclu – sans convaincre la direction – à un lien entre le suicide de cet agent et son métier, en évoquant notamment « un contexte de travail hostile ».

Le rapport de Technologia, dont l’objet premier n’était pas de se prononcer sur ce cas, évoque une forte « résonance institutionnelle » des suicides de 2023, confirmée par la médecine du travail. Celle-ci met plus largement en cause l’impact, sur le travail des agents et le climat social, des multiples transformations au sein de l’institution ces dix dernières années.

« La plus grande vigilance » est suggérée

Ces restructurations, que la direction a justifiées par la nécessité d’adapter la banque à l’évolution de ses missions et de remplir celles-ci « au meilleur coût », se sont soldées par une réduction de 26,5 % des effectifs entre 2015 et 2023, à moins de 9 000 personnes. Pour Technologia, cette transformation « a eu des conséquences fortes sur le travail des agents, dans toutes ses dimensions », au point que ces conséquences nécessitent aujourd’hui « la plus grande vigilance ». D’autant que pour le cabinet, le « pacte social » de la Banque mêlant des missions de service public, la « fierté » de travailler dans une grande institution, la sécurité de l’emploi et un modèle social favorable « commence à être remis en cause ».

En toile de fond, une importante évolution de la « sociologie » de la Banque, puisque les effectifs non-cadres ont diminué de 17 % entre 2019 et 2022 pendant que ceux des cadres augmentaient de 10 %, un recours accru aux contractuels, dont le nombre a augmenté de 26,8 % en trois ans, et une politique salariale limitant la progression du point d’indice au profit de « compléments de rémunération » variables.

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L’enseigne Habitat renaît de ses cendres, relancée par la Cafom

Devant un magasin Habitat, à Paris, en 2013.

« Les marques iconiques ne meurent jamais, les affaires non plus, et une marque comme Habitat s’inscrit dans le marbre. » Hervé Giaoui, président de la Centrale d’achat française pour l’outre-mer (Cafom), acteur majeur de la distribution d’équipement de la maison en outre-mer et propriétaire de l’enseigne Habitat jusqu’en 2020, ne manquait pas d’enthousiasme, pour présenter, mardi 23 avril, son plan de relance de la marque.

Et ce, moins de quatre mois après la liquidation par le tribunal de Bobigny d’Habitat Design International et sa filiale Habitat France, le 28 décembre 2023, détenues par le repreneur en série Thierry Le Guénic, dont l’empire est en train de s’effondrer (Burton of London, San Marina, Maison Lejaby…). Le distributeur de meubles et de décoration – 440 emplois et 25 boutiques en France – avait été balayé par le retournement du marché de l’ameublement de milieu de gamme et un manque d’investissement structurel.

« Très rapidement, Habitat reprendra sa place internationale », a promis M. Giaoui, devenant une « marque de luxe abordable », uniquement vendue par Internet sur son propre site, qui « redeviendra marchand avant l’été », et sur la place de marché Vente-unique.com – une société de vente de mobilier en ligne détenue à 67 % par Cafom –, qui pilotera cette opération de renaissance.

« Un bon d’achat »

Cette relance de la marque fondée, en 1964, par le Britannique Terence Conran (1931-2020) était prévisible. Car la Cafom n’avait cédé que l’exploitation du réseau de magasins à Thierry Le Guénic en 2020, en conservant la propriété de la marque dans le monde (hors Royaume-Uni), et concluant avec lui un contrat de prestation logistique à partir de ses entrepôts. Elle a été rendue possible par la reprise, autorisée par le juge, du stock, « évalué à 12 millions d’euros de chiffre d’affaires » pour effacer divers impayés (logistique, royalties…) des sociétés de M. Le Guénic. Et par le rachat des actifs numériques, comme les images des produits, et du site Internet d’Habitat.

Reste à en redorer l’image auprès des clients, dont 8 842, selon les chiffres de M. Giaoui, n’ont pas été livrés de leurs achats et sont devenus créanciers, auxquels il veut « redonner le sourire », grâce à… « un bon d’achat », après étude de leur déclaration à remplir sur le site d’habitat. Le tribunal de Bobigny avait évalué à 9 millions d’euros « l’encours des clients non livrés, qui ont payé un acompte ».

« C’est honteux », déclare Catherine de Rieux, 75 ans, qui avait déboursé 2 400 euros en septembre 2023 dans le centre commercial Westfield Parly 2, dans les Yvelines, pour s’offrir deux canapés, et qui n’envisage « sûrement pas d’y racheter quoi que ce soit ». Désemparée par plusieurs mois de démarches « et de stress » pour finir avec une « déclaration de créance sur Internet », cette retraitée de la presse médicale, « peu informatisée », craint surtout que cela court-circuite l’ensemble de ses demandes d’indemnisation.

Compte épargne-temps universel : un accord entre négociateurs, mais sans le Medef

Plusieurs syndicats sont parvenus, mardi 23 avril, à s’accorder avec une organisation patronale, l’Union des entreprises de proximité (U2P), sur la création d’un compte épargne-temps universel (CETU) et le sujet des reconversions professionnelles, sans les deux autres organisations patronales, le Mouvement des entreprises de France (Medef) et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Le CETU doit permettre aux salariés d’épargner des congés, des RTT et des primes, pour s’en servir plus tard au cours de leur carrière.

Au nom de l’U2P, qui représente les artisans, les commerçants et les professions libérales, Pierre Burban a salué un « très bel accord » sur le CETU et souligné « un certain consensus » sur les reconversions, tandis que le négociateur de la CFDT, Yvan Ricordeau, a fait part d’un avis « positif bien sûr sur le CETU, mais aussi sur les reconversions ».

« Un pari »

L’U2P, organisation patronale minoritaire, a pris l’initiative d’engager une nouvelle négociation sur le CETU et les reconversions professionnelles après l’échec, le 10 avril, des discussions sur le « pacte de la vie au travail ». Après deux séances, les négociateurs sont parvenus à deux textes distincts.

Le premier sur le CETU, devrait avoir l’aval de la CFDT, de la CFTC et peut-être de FO, sous réserve de l’approbation par les instances de ces organisations. La CGT a dit clairement qu’elle ne signerait pas, la CFE-CGC y voyant un système « trop incertain ». Le second, sur les reconversions, a reçu un avis positif de la CFDT, de la CFTC, et de la CFE-CGC, FO reconnaissant « quelques avancées », tandis que la CGT y a vu « un pari ».

Le Medef et la CPME, très hostiles au CETU, n’ont pas assisté aux négociations, jugeant la démarche de l’U2P « déloyale ».

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Le Monde avec AFP

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Assurance-chômage : le gouvernement garde la main face aux partenaires sociaux

Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités de la France, à l’Élysée, à Paris, le 17 avril 2024.

Le gouvernement reste seul maître à bord de l’assurance-chômage. Lundi 22 avril, le ministère du travail a annoncé qu’il prendra, dans quelques semaines, un décret pour déterminer les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi applicables « à partir du 1er juillet prochain ». Cette décision, prévisible, a été justifiée par l’échec récent de la négociation que les partenaires sociaux avaient engagée « pour un nouveau pacte de la vie au travail » – les protagonistes s’étant séparés sur un constat de désaccord dans la nuit du 9 au 10 avril. Le contenu des mesures à venir demeure inconnu à ce stade, mais l’exécutif a très clairement expliqué à plusieurs reprises que les conditions d’octroi d’une allocation seront durcies.

Le choix du pouvoir en place de passer par un texte réglementaire a pour effet de jeter aux oubliettes l’accord que le patronat et plusieurs syndicats avaient conclu, à l’automne 2023, pour refondre les paramètres du régime d’aide aux chômeurs. Cet épisode conforte un peu plus l’emprise de l’Etat sur un organisme de protection sociale qui est théoriquement piloté, de façon paritaire, par les représentants des chefs d’entreprise et des travailleurs, à travers l’association Unédic.

Pour comprendre la genèse de l’annonce de lundi, il faut remonter presque neuf mois en arrière. Le 1er août 2023, Matignon envoie aux partenaires sociaux un « document de cadrage » pour qu’ils négocient sur de nouveaux critères encadrant le versement d’une prestation aux demandeurs d’emploi. C’est un petit événement, car, au cours des quatre années écoulées, l’exécutif avait fait la pluie et le beau temps sur le régime en fixant lui-même les règles. La démarche du gouvernement redonne donc des marges de manœuvre aux syndicats et au patronat, même si elles sont strictement balisées dans la feuille de route transmise par les services d’Elisabeth Borne, alors première ministre.

Un avenant non élaboré

Le 10 novembre 2023, un compromis est trouvé par les trois organisations d’employeurs – le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l’Union des entreprises de proximité (U2P) – et par trois syndicats (CFDT, CFTC, FO), tandis que la CFE-CGC et la CGT décident, elles, de ne pas s’y associer. Le protocole d’accord améliore notamment les droits pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, tout en diminuant la cotisation patronale à l’assurance-chômage.

Il prévoit également d’être complété ultérieurement par un « avenant » qui modifiera les paramètres d’indemnisation spécifiques pour les demandeurs d’emploi ayant au moins 53 ans : les partenaires sociaux veulent statuer sur ce volet, après avoir bouclé une autre négociation – celle « pour un nouveau pacte de la vie au travail », qui traite le sujet du maintien en activité des seniors. Le pouvoir en place accepte ce séquençage un peu alambiqué. Il précise aussi qu’il ne donnera, éventuellement, son feu vert au « deal » du 10 novembre 2023 que lorsque l’avenant en question sera mis au point.

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Boeing : « La notion malavisée de valeur actionnariale peut détruire ce que les entreprises font de mieux »

Depuis un demi-siècle, la maximisation de la valeur pour les actionnaires constitue l’objectif primordial de la gouvernance d’entreprise, en particulier aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Le vent pourrait néanmoins tourner pour Boeing… Les crashs du modèle 737 MAX de Boeing en 2018 et 2019, qui ont coûté la vie à 350 personnes, auraient dû sonner l’alarme.

Or, c’est seulement après l’explosion d’une porte latérale lors d’un récent vol aux Etats-Unis qu’est devenu évident pour tous un problème fondamental dans la manière dont Boeing est dirigé. Depuis, AerCap – plus grande société de location d’avions au monde et client majeur de Boeing – exige que les objectifs financiers « passent au second plan », afin que l’entreprise puisse se concentrer à 100 % « sur la qualité et les critères de sécurité ».

Egalement cliente, Emirates demande que le prochain PDG de la société soit un ingénieur. Enfin, le plus grand syndicat de Boeing, l’International Association of Machinists District 751, réclame un siège au conseil d’administration afin de « sauver cette entreprise d’elle-même ».

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Depuis de nombreuses années, tribunaux comme économistes considèrent la valeur actionnariale comme le chemin vers une gestion efficace, comme si le fait de se concentrer sur cet objectif unique et de soumettre une entreprise à la discipline du marché garantissait systématiquement les meilleures performances.

Une tâche beaucoup trop complexe

Or, la gestion d’entreprise est une tâche beaucoup trop complexe pour être seulement guidée par le cours de l’action. Chaque jour, les dirigeants d’entreprise doivent prendre des décisions difficiles concernant la manière d’équilibrer judicieusement les objectifs financiers avec la qualité et la sécurité des produits, les conditions de travail, l’impact environnemental, etc.

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La priorité donnée à la valeur actionnariale transforme les entreprises en distributeurs automatiques de billets. Si leurs dirigeants ont adopté ce concept, c’est pour prendre part à des festins lucratifs pour les actionnaires, au travers de stock-options et autres bonus. Et ces canaux de liquidités sont souvent mal alignés avec les performances réelles de l’entreprise. S’ils l’étaient, comment le PDG de Boeing [Dave Calhoun] aurait-il pu partir avec une augmentation de salaire de 45 % après avoir causé autant de dommages à l’entreprise ?

Cette situation n’a pas toujours existé dans l’histoire du capitalisme, au contraire. Au début du XVIIe siècle, une innovation juridique, le « verrouillage du capital » (capital lock-in), a créé une base permettant aux entreprises de mobiliser des capitaux pour des investissements à grande échelle, en privant les investisseurs de la possibilité de retirer leur argent. Grâce à cette base plus stable, les entreprises ont pu emprunter davantage, et le marché des actions est devenu plus liquide, car les nouveaux investisseurs n’avaient pas à craindre le retrait des anciens.

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L’enseigne d’ameublement Habitat va se relancer en ligne, cinq mois après la liquidation judiciaire des magasins

Cinq mois après la liquidation judiciaire de ses magasins, la marque d’ameublement Habitat va se relancer en ligne, a annoncé, mardi 23 avril, le groupe Cafom, qui avait cédé en 2020 l’exploitation de l’enseigne mais était resté propriétaire de la marque.

Le 28 décembre, le tribunal de Bobigny avait placé Habitat en liquidation judiciaire en raison de ses graves difficultés financières, scellant ainsi le sort de l’enseigne qui employait 383 personnes. Cafom a décidé de reprendre le flambeau, espérant qu’un modèle basé uniquement sur la vente en ligne lui réussisse davantage.

L’enseigne, qui comptait vingt-cinq magasins en France, a été fondée en 1964 par le designer britannique Terence Conran (mort en 2020), avec l’objectif de proposer, à un prix abordable, des meubles et des objets de décoration à la fois sobres, épurés et modernes. A la fin de novembre 2023, la direction du groupe expliquait que sa demande de placement en redressement avait « pour objectif de stabiliser la situation financière » de l’enseigne, qui « n’a jamais été profitable en France », et d’« assurer sa viabilité à long terme », avant qu’elle entraîne finalement la fermeture des magasins.

Notre article de fin 2023 : Article réservé à nos abonnés L’enseigne d’ameublement Habitat dans la tourmente

Habitat France avait généré en 2022 un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros. La société mère, Habitat Design International, emploie 68 personnes et affichait en 2022 un chiffre d’affaires de 51,8 millions d’euros. Ses difficultés n’étaient pas récentes. L’enseigne était déjà en perte nette lors de sa mise en vente en 2019 par son propriétaire de l’époque, le distributeur Cafom. Habitat avait précédemment appartenu au fonds d’investissement américain Hilco et à la famille suédoise Kamprad (également propriétaire d’Ikea). En 2020, l’enseigne avait été rachetée par l’entrepreneur-investisseur Thierry Le Guénic. La même année, l’homme d’affaires avait racheté l’enseigne d’habillement Burton of London, placée en redressement judiciaire à l’été 2023 et qui n’a pas trouvé de repreneur.

Le Monde avec AFP

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Le manageur senior : un justiciable très pugnace

Droit social. Le contentieux prud’homal n’est plus ce qu’il était. D’abord, parce qu’il n’est plus celui du contrat de travail, mais de sa rupture : 90 % des demandes, contre 49 % en 1990. Et, sur les 112 837 qui ont été comptabilisés en 2022, 78 407 visaient le motif d’un licenciement – 76 702 pour motif personnel et 1 705 seulement pour motif économique : le contentieux d’un divorce professionnel.

Ensuite, parce que l’âge des demandeurs a nettement augmenté, davantage que celui de la population active – un sur trois a plus de 50 ans –, aussi parce que le « barème Macron » de 2017 a eu un effet dissuasif pour les salariés de moins de cinq ans d’ancienneté : avec quatre ans, obtenir un maximum de cinq mois de dommages-intérêts…

Enfin, la très spécifique, car interprofessionnelle, section encadrement traite désormais d’un quart de l’activité des prud’hommes, avec des concentrations de 40 % au conseil de Nanterre (voisin de la Défense) ou à celui de Paris : 4 271 saisines sur 10 520 en 2023. Rapporté à une population totale de 3,5 millions, le cadre du secteur privé est le salarié le plus pugnace. Hier aussi impensable pour cette petite élite (en 1960, son salaire était quatre fois supérieur à celui d’un ouvrier, aujourd’hui il l’est de 2,7 fois) que l’élection, en mars 2023, à la tête de la CGT de l’ancienne responsable de la CGT-Cadres.

Risque réputationnel réduit

Outre un taux de chômage catégoriel très faible, cette « gentrification » et cette « séniorisation » du contentieux rendent le cadre licencié en fin de carrière extrêmement combatif, en l’absence d’une rupture conventionnelle bien indemnisée, ou d’un généreux plan de départs volontaires.

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Le risque réputationnel est alors réduit, et il peut attendre plus facilement le jugement (seize mois en moyenne), puis un éventuel arrêt d’appel : 60 % de décisions prud’homales. L’immense majorité étant assistée par un avocat maîtrisant, par exemple, les subtilités permettant de sortir du « barème Macron » instauré en septembre 2017, à savoir discriminations ou harcèlements au régime probatoire favorable, ou violation d’une liberté fondamentale. C’est ainsi que la cour de Paris, le 30 janvier 2024, a octroyé 496 299 euros à un directeur senior avec quatre ans d’ancienneté.

Mais d’autres avocats savent plaider d’autres chefs de demande rémunérateurs : ici, contester le forfait jours, avec, en cas d’annulation, un retour rétroactif aux 35 heures sur les trois dernières années pour ces salariés déclarant travailler quarante-deux heures par semaine

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Une grève « record » attendue jeudi chez les contrôleurs aériens après l’échec de négociations

Vers une annulation de nombreux vols jeudi 25 avril ? Les négociations pour éviter une grève des contrôleurs aériens français jeudi ont échoué, a annoncé lundi le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), qui prédit une « mobilisation record » des personnels jeudi. Les discussions portaient sur le projet de refonte du contrôle aérien présenté par la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

« On considère qu’il y a échec des négociations, de la conciliation » avec la DGAC, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un secrétaire national du SNCTA, le principal syndicat des contrôleurs aériens, sous couvert d’anonymat. « On a une mobilisation record, et donc il faut s’attendre à de très fortes perturbations, à de très gros retards » jeudi, a ajouté ce responsable.

La négociation, entamée il y a quinze mois, prévoit de refondre l’organisation du contrôle aérien en France, notamment le maillage territorial des services de navigation aérienne, de réorganiser le travail des contrôleurs pour faire face à l’augmentation annoncée du trafic aérien de 20 à 30 % d’ici à 2030 en contrepartie de hausses de rémunérations et d’embauches. Cela passera notamment par une réduction de trente à seize des « centres de contrôle d’approche », d’où sont guidés les avions sur le point d’atterrir, mais aussi par un désengagement « d’un nombre inconnu d’aérodromes », a déploré le secrétaire national du SNCTA cité précédemment.

« Nos homologues européens sont payés deux à trois fois nos salaires », selon lui. Le SNCTA réclame 25 % de hausse des rémunérations, étalées sur les années 2023-2027, ce qui laisserait selon lui de la marge à la DGAC pour continuer à investir.

Des discussions possibles jusqu’à mardi midi

Pour l’UNSA-ICNA, deuxième syndicat représentatif des contrôleurs, cette réforme est synonyme de « flexibilité à outrance (…), désorganisation dans la gestion des salles de contrôle, dirigisme, restrictions à congés, contraintes d’anticipation démesurées, entretien assumé des sous-effectifs, réduction des services ». Selon eux, l’administration fait « ouvertement le choix du conflit social », en s’attaquant « à tous les piliers » de la profession.

De son côté, la DGAC a souligné lundi soir que des discussions restaient possibles jusqu’à mardi midi, échéance pour se déclarer gréviste. En cas de grève des contrôleurs, la DGAC demande aux compagnies aériennes de renoncer à une partie de leurs programmes de vols au départ ou à l’arrivée des aéroports français, afin de mettre en adéquation les personnels disponibles et le nombre de mouvements d’appareils prévus.

De source proche du dossier à l’AFP, ces « abattements » pourraient concerner jusqu’à plus de 70 % des vols dans certains aéroports jeudi, alors que les vacances scolaires de printemps sont encore en cours dans deux des trois grands regroupements d’académies (les zones A et B).

Le Monde avec AFP

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Assurance-chômage : le gouvernement fixera de nouvelles règles à partir du 1ᵉʳ juillet

Le gouvernement fixera de nouvelles règles d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi à partir du 1er juillet, prenant acte du « désaccord » entre les partenaires sociaux, selon un communiqué du ministère du travail paru lundi 22 avril. L’exécutif prendra « un décret de carence » qui aura « pour objectif de concourir à l’atteinte du plein-emploi et de favoriser le retour rapide en emploi des chômeurs indemnisés ». Comme en 2019, patronat et syndicats perdent à nouveau la main sur la définition de ces règles au profit de l’exécutif.

Le ministère rappelle que « les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à trouver un accord dans la négociation relative au pacte de la vie au travail, qui portait sur l’emploi des seniors, les reconversions professionnelles et le compte épargne-temps universel [CETU] » engagée depuis décembre.

Il ajoute que « l’issue de cette négociation conditionnait l’entrée en vigueur » de l’accord sur l’assurance chômage de novembre 2023, « afin de le rendre compatible avec le document de cadrage de l’été 2023 » qui prévoyait des économies sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi seniors.

« Aller plus loin dans la réforme de l’assurance-chômage »

L’assurance-chômage était gouvernée par un décret de carence qui expirait à la fin de l’année 2023, mais dont la validité a été prolongée de six mois par un décret de « jointure » jusqu’au 30 juin. Sans attendre l’issue des discussions sur l’emploi des seniors, le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé dès janvier vouloir « aller plus loin dans la réforme de l’assurance chômage ».

La semaine dernière, il a rappelé trois leviers pour durcir les règles : la durée d’indemnisation, la condition d’affiliation, soit le temps qu’il faut avoir travaillé pour être indemnisé, et le niveau de cette indemnisation. Tout en soulignant que « les trois possibilités [étaient] ouvertes », il avait dit sa préférence pour un durcissement de la condition d’affiliation.

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés Sur l’assurance-chômage, le gouvernement prend peu de risques politiques

Le Monde avec AFP