« L’Ethique des affaires » : la responsabilisation des entreprises en question

Le 13 septembre 1970, une tribune paraît dans le New York Times. Elle est signée Milton Friedman. L’économiste américain y assure que la seule responsabilité sociale de l’entreprise est de faire des profits. Il réaffirme ainsi la primauté de l’actionnaire sur les autres parties prenantes de l’organisation et tend à mettre à distance la responsabilisation publique des entreprises, qui prend alors de l’ampleur.

Ses propos sont aussi un écho lointain aux thèses portées dans les années 1950 par un autre économiste américain, le keynésien Howard Bowen. Lequel avait défendu, dans l’essai Social Responsibilities of the Businessman (1953), l’idée que « les hommes d’affaires [devaient] prendre des décisions répondant aux objectifs et aux valeurs qui [étaient] considérés comme désirables par notre société ».

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Quelle prise en compte du bien commun par les entreprises ? Quels devoirs et obligations pour ses acteurs ? Quelles limites à leurs pratiques capitalistiques ? L’articulation entre éthique et activité économique a été l’objet d’intenses débats dans les cercles académiques, mais aussi politiques et entrepreneuriaux, au cours du XXe siècle et jusqu’à nos jours.

Dans son ouvrage L’Ethique des affaires (Que sais-je ?, 128 pages, 10 euros), Matthieu Caron, maître de conférences en droit public à l’université polytechnique des Hauts-de-France, revient sur la richesse de ces débats. Ce faisant, il met en lumière le chemin tracé progressivement par l’éthique dans les sphères économiques et la place croissante qu’elle a prise, non sans soubresauts, dans les entreprises.

Pression sur les organisations

Elle a d’abord pris la forme de politiques de compliance (« conformité »), à travers lesquelles les organisations ont cherché à se prémunir des risques (financiers, réputationnels, etc.). Puis, surtout à partir des années 2000, l’éthique des affaires s’est appuyée sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Les préceptes du développement durable ont alors pénétré l’entreprise jusqu’à, en certains cas, faire évoluer son modèle d’affaires.

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Intelligence artificielle : derrière la peur d’une « jobs apocalypse », le débat monte concernant son impact sur l’emploi

Le siège social d’Amazon dans le quartier de South Lake Union à Seattle (Washington), le 28 octobre 2025.

En moins de quarante-huit heures, les 25 et 26 novembre, trois multinationales ont annoncé des salves de licenciements en mettant en avant, parmi leurs raisons, l’intelligence artificielle (IA). « [Nous devons] faire progresser la satisfaction des clients, l’innovation produit et la productivité par le biais de l’adoption et de l’activation de l’IA », a expliqué le fabricant d’ordinateurs et d’imprimantes HP, en dévoilant la suppression de 4 000 à 6 000 postes, soit 10 % environ de ses effectifs.

Les déploiements des outils d’IA « créeront des opportunités d’apprentissage, de développement et de nouveaux métiers au sein de l’entreprise, mais ils pourraient également affecter certaines fonctions reposant aujourd’hui fortement sur des processus manuels », a argumenté, de son côté, l’assureur Allianz Partners, qui va, selon la presse allemande, se supprimer de 1 500 à 1 800 postes, soit 8 % de ses effectifs, notamment en raison de l’introduction de chatbots dans son service client. « L’IA est de plus en plus capable de gérer des tâches jusqu’ici assurées par des employés », a assuré Marguerite Bérard, la directrice générale de la banque ABN Amro, qui prévoit, elle, la suppression, d’ici à 2028, de 5 200 postes, soit 24 % de ses effectifs.

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Budget de la « Sécu » : l’accès au dispositif de cumul emploi-retraite rendu plus difficile

La ministre de l’action et des comptes publics, Amélie de Montchalin, le ministre du travail et des solidarités, Jean-Pierre Farandou, et la ministre de la santé, Stéphanie Rist, lors d’un débat avant le vote final sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à l’Assemblée nationale, à Paris, le 16 décembre 2025.

Après le temps de la promotion, voici venu celui des restrictions. Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, définitivement adopté, mardi 16 décembre, par l’Assemblée nationale, un article remanie en profondeur le cumul emploi-retraite, un dispositif qui permet aux assurés ayant commencé à percevoir leur pension de reprendre une activité. Peu évoquée dans le débat public, la mesure capte l’attention, en particulier parce qu’elle instaure des règles plus rigoureuses alors que le législateur avait cherché à soutenir le recours à ce mécanisme, à l’occasion de la précédente réforme de notre système par répartition, en 2023.

Le cumul emploi-retraite est l’un des outils visant à développer la présence des seniors sur le marché du travail. Il encourage ceux qui le souhaitent à prolonger leur carrière, selon deux modalités distinctes. La première offre à la personne la possibilité de toucher sans limite sa pension et la rémunération liée à l’exercice de sa profession, si elle a pris sa retraite en ayant droit au taux plein et à l’âge légal prévu pour sa génération (64 ans, à terme, normalement). Si ces conditions ne sont pas remplies, un autre régime existe, appelé « cumul plafonné ». Dans ce cas-là, la somme des revenus d’activité et des retraites ne doit pas franchir un certain seuil. Il faut, qui plus est, attendre six mois (après le versement de la première pension), si le retour au travail intervient chez le dernier employeur.

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Réjouissances de fin d’année et attentes des salariés

Carnet de bureau. A quelques jours de la trêve des confiseurs, les événements traditionnels réaniment les espaces de travail. En guise de décor, outre les pulls de Noël à paillettes et bonnets de lutin vus à la cantine, les sapins enguirlandés clignotent dans l’open space du troisième étage, ou se dressent dans le hall d’accueil du siège de l’entreprise.

Les services des ressources humaines n’ont pas oublié le dîner de Noël, l’escape game et autres animations « corporate » : « On est toujours beaucoup sur du restaurant, plus en moyenne gamme cette année, car il y a une grosse vigilance sur les budgets », explique Laurent Gabard, le directeur général de Rejolt, spécialisé dans l’événementiel pour les grandes entreprises.

Quel que soit le nombre de grincheux, le goût de la fête est toujours là. M. Gabard note une hausse de 20 % du nombre de participants à ces agapes : « Le dîner de Noël, qui réunit 26 convives en moyenne, varie de 10 à 500 personnes, le plus souvent un mardi ou un jeudi pour avoir plus de monde. Et les entreprises, qui ont du mal à faire venir les salariés le soir, prévoient des petits déjeuners de Noël. »

Les plus petites entreprises ne sont pas en reste. La vingtaine de salariés du cabinet de recrutement Eiquem a ainsi préparé son menu : « Nous démarrons par un apéro avec quelques animations (…). Ensuite, nous faisons une remise de cadeaux, un “Secret Santa”. Puis nous avons un dîner. Le lendemain, la matinée est offerte », décrit le directeur général Amaury Montmoreau.

« Aucune prime ! »

Le Secret Santa, pas obligatoire mais presque, est en effet toujours de la partie, qui consiste à demander aux salariés de s’offrir un cadeau de 10 euros au maximum, y compris pour les derniers embauchés qui connaissent à peine leurs collègues. « Nous, c’est la totale, Secret Santa avec un cadeau “neutre” à 10 euros au maximum, escape game et repas au resto. Heureusement, aucun “team building” dans l’année. Mais aucune prime. Normal, nous sommes une famille ! », témoigne, sur le réseau Reddit, un salarié sarcastique d’une entreprise spécialisée dans l’accompagnement des employeurs sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

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Comment les agences de l’ONU assurent la continuité de leur activité malgré des licenciements massifs

« C’est sûr, nous savons désormais qu’il va y avoir une nouvelle vague de licenciements l’an prochain car nous n’avons pas suffisamment de financements. » De retour de New York, où elle a rejoint, fin novembre, sa fédération du personnel pour échanger avec les dirigeants onusiens et les pays membres, Nathalie Meynet, présidente du conseil du personnel du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), accuse un moment de fatigue. « On a licencié un quart des effectifs (5 000 contrats) et on va devoir en couper plus encore, et ce, sans savoir jusqu’où cela ira, explique-t-elle en soupirant. L’anxiété est énorme. » Comment l’organisation va-t-elle se relever de ces licenciements, et continuer d’assurer ses missions ?

A l’instar d’autres fonds et programmes onusiens, comme le Programme alimentaire mondial (PAM) ou le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), le HCR, qui dépend de donateurs, a subi de plein fouet la décision en ce début d’année de l’administration Trump de geler, retarder ou couper le financement américain. « Les coupures de postes se sont faites dans des conditions assez violentes. En quelques semaines, le personnel national sur le terrain s’est retrouvé sans travail, sans assurance-maladie », détaille-t-elle, en mettant cependant au crédit du haut-commissaire d’avoir essayé de préserver les emplois en cherchant d’autres sources de financement.

Au vu de la brutalité du choc, les mesures d’atténuation sont faibles, même si les syndicats ont depuis négocié des préavis un peu plus longs. Des départs volontaires sont, dans la mesure du possible, également privilégiés, même si la casse sociale est bien là. A l’Organisation mondiale de la santé (OMS), frappée par le retrait américain, ce sont 2 371 fonctionnaires (sur 9 401 au total) qui sont déjà partis ou vont partir entre les mois de janvier 2025 et de juin 2026. Sur cet ensemble, 45 % environ quittent ou ont quitté l’organisation parce qu’ils ont atteint l’âge légal de la retraite, ont démissionné, pris une retraite volontaire anticipée, ou vu leur contrat temporaire non renouvelé.

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La polémique Leroy Merlin, symbole d’une nouvelle ère dans la « sociétalisation » des entreprises

Au mois de novembre, la branche française du collectif Sleeping Giants a exigé que Leroy Merlin retire ses publicités du média d’extrême droite Frontières, qu’elle juge politiquement dangereux. Mais en acceptant de le faire, l’enseigne de bricolage a déclenché un tollé inattendu. Sur Internet où se fait l’opinion, des milliers de messages ont dénoncé un choix idéologique méprisant une partie de ses clients ou de ses collaborateurs. La décision présentée comme « citoyenne » a été taxée de geste partisan, creusant les clivages politiques.

On aborde à l’évidence une nouvelle étape de la « sociétalisation » des entreprises. Jusqu’à la fin des années 2010, le mécanisme était assez clair : un groupe d’activistes s’exprimait « au nom de la société » et menaçait la réputation d’une firme si elle persistait dans une pratique qu’il jugeait immorale.

Les campagnes portaient sur des investissements en zone de guerre, des conditions de travail abusives, des produits polluants ou des politiques sociales discriminatoires, mais aussi sur des choix de gouvernance ou de stratégie économique. Car deux types d’activistes dominaient alors la scène : les « sociétaux » (ONG, collectifs militants) et les « actionnariaux » (fonds utilisant leur part même minime de capital pour orienter les décisions).

Entre eux se nouait une implicite convergence des luttes : en menaçant de dégrader l’image d’une entreprise, les premiers faisaient progresser leur cause politique, les seconds anticipaient un gain stratégique ou financier. Les risques de polémiques publiques étaient un moyen d’influence commun, que les entreprises intégraient dans leurs décisions.

Un marché de plus en plus concurrentiel d’activistes

Ce jeu s’est brouillé depuis quelques années. Aux Etats-Unis, la réaction néoconservatrice menée par Donald Trump a contesté l’hégémonie morale des activistes progressistes. Selon lui, leur force tient moins au nombre de militants qu’à leur prétention à monopoliser la voix de l’« opinion ». D’où la stratégie d’encourager les prises de parole contradictoires, parfois jusqu’à l’absurde en les amplifiant dans ses propres discours, afin de briser l’impression d’un consensus moral et d’en rendre la représentation plus disputée.

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« Le Sénat doit ouvrir l’assurance-chômage aux artistes-auteurs et autrices »

Nous chérissons la création : celle qui nous relie, nous éveille, nous interroge et nous rend libres. Elle accompagne nos vies, façonne notre imaginaire collectif et demeure l’un des lieux où se construit notre capacité d’émancipation. Pourtant, celles et ceux qui sont à l’origine de toute œuvre continuent d’exercer dans un angle mort de la protection sociale. Créer est un métier ; il est temps de reconnaître pleinement la condition des artistes-auteurs en leur ouvrant les droits à l’assurance-chômage.

L’économie culturelle s’appuie massivement sur notre travail. Nos créations génèrent une activité économique qui fait vivre les secteurs de la musique, de l’art contemporain, du cinéma, de l’audiovisuel, de l’édition ou du design, soit près d’un million d’emplois. En 2022, le secteur de la culture représentait 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Les montants dégagés par ce marché sont colossaux, mais sans rapport avec nos conditions de vie.

Le récent rapport des députées Soumya Bourouaha (Parti communiste) et Camille Galliard-Minier (Ensemble pour la République) sur la « continuité de revenus pour les artistes-auteurs » l’a confirmé, notre secteur est traversé par une précarité systémique, des inégalités massives et exclusion du partage de la valeur. L’ensemble couplé par une carence en droits sociaux – nous ne bénéficions ni de la reconnaissance en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, ni des congés payés, ni de l’assurance-chômage.

Jamais rémunérés pour le temps de recherche

Nous ne sommes rémunérés que lorsque l’œuvre est exploitée, jamais pour le temps de recherche et de création qui la fait naître. Or, créer nécessite du temps. Une fois l’œuvre achevée, nous pourrons éventuellement percevoir des revenus en fonction de sa vente ou de sa diffusion. En attendant ces hypothétiques retombées financières, nous devons assumer seuls ce temps de travail et les dépenses qu’il occasionne.

Durant tout ce temps, les artistes sont actifs et travaillent. Du fait de la discontinuité de nos rémunérations, la plupart des artistes sont contraints de passer à un moment ou à un autre par la case revenu de solidarité active (RSA). C’est le seul filet de sécurité, inadapté, qui nous est proposé, ce qui n’est pas sans provoquer des tensions avec les administrations chargées des minima sociaux.

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Le vieillissement et la féminisation des actifs propices à l’absentéisme

Douze milliards d’euros : c’est le montant des indemnités journalières versées en 2024 par la branche maladie de la Sécurité sociale aux salariés absents pour cause de maladie ou d’accident du travail. Ce coût, en progression, est lié à la revalorisation des indemnités, mais aussi à la montée de l’absentéisme, supérieur à la période pré-Covid-19.

Cela dit, le phénomène se transforme. « Depuis la pandémie, on observe un basculement », a rappelé Denis Ferrand, directeur général de l’institut d’études Rexecode, lors d’un séminaire sur les causes de l’absentéisme organisé, mardi 9 novembre, au ministère de l’économie, à Paris. Si le nombre d’arrêts maladie se tasse sous l’effet de l’instauration de jours de carence non indemnisés, la durée moyenne de ces arrêts s’allonge, du fait notamment de l’augmentation de troubles de la santé mentale, plus longs à soigner.

De nombreux facteurs expliquent l’absentéisme : durée du travail excessive, manque d’autonomie et de reconnaissance, insécurité de l’emploi, management toxique… Il affecte davantage certains profils : du fait de la pénibilité et de la dangerosité de leur métier, les ouvriers sont plus absents que les cadres.

Parce qu’elles supportent une plus grande part des tâches domestiques et d’aidance de leur entourage (enfants ou parents malades ou dépendants), sont surreprésentées dans des métiers exigeants et peu gratifiants (soins aux personnes, ménage…), endurent des problèmes spécifiques de santé, les femmes le sont davantage que les hommes. Les seniors, enfin, s’arrêtent plus souvent que les jeunes, du fait de l’usure professionnelle quand il s’agit de métiers éprouvants, ou simplement du vieillissement, qui fragilise leur santé.

En France, la féminisation et le vieillissement de la population active, mais aussi la persistance d’un management vertical réputé de moindre qualité, expliqueraient une bonne partie de la hausse, ces facteurs l’ayant manifestement emporté sur les tendances inverses (déclin du nombre d’ouvriers au profit des cadres). Membre CFDT du Comité économique et social européen de 2015 à 2025, Franca Salis-Madinier émet, pour sa part, une hypothèse complémentaire : la hausse de l’absentéisme pourrait aussi relever d’une forme silencieuse de protestation individuelle, qui se substituerait aux moyens collectifs, comme la grève, dont la pratique s’est effondrée avec l’affaiblissement des syndicats.

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« (In)volontaires aux JO » : derrière l’appel aux bénévoles, la suspicion d’un « travail dissimulé »

Au printemps 2023, plus d’un an avant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, un collectif écologiste décide de jouer les trouble-fêtes. Saccage 2024, c’est son nom, tente d’alerter l’opinion sur les « effets sociaux et environnementaux délétères de l’événement ». Ses membres estiment, en particulier, que l’appel massif aux volontaires – 45 000 seront recrutés par le comité d’organisation, le Cojop, et 5 000 par la Ville de Paris – s’apparente à du « travail dissimulé ». Quelques mois plus tard, des inspecteurs du travail leur feront écho en dénonçant le « non-respect du droit du travail » par l’Etat.

De quoi ternir l’image des JOP ? Ce ne sera pas le cas. La contestation portée par Saccage 2024 ne débouchera que sur la démission d’un petit nombre d’« (in)volontaires » durant l’événement. Aucun d’entre eux ne décidera de porter l’affaire en justice pour demander la requalification du « faux bénévolat » en contrat de travail. Dans leur immense majorité, les bénévoles des JOP garderont un excellent souvenir de l’expérience accomplie, et la France célébrera avec ferveur sa « parenthèse enchantée ».

Reste toutefois, à travers les critiques émises, une petite musique dissonante qui pousse à s’interroger sur les frontières juridiques entre bénévolat et travail salarié. Une petite musique arrivée aux oreilles de la sociologue Maud Simonet, qui décide de mener l’enquête auprès d’acteurs de cette mobilisation, mais aussi de volontaires et de salariés des JOP. C’est ce « récit (…) moins consensuel » de l’été olympique français qu’elle délivre à travers l’essai (In)volontaires aux JO (Textuel, 192 pages, 18,90 euros).

« Travail de l’amour »

Au fil des pages, l’autrice souligne les « indices de subordination » permettant de démontrer l’existence d’une relation de travail – et, par là même, d’un « déni de salariat ». Elle met ainsi en lumière que le choix des tâches à accomplir, des sites d’affectation, mais aussi les horaires de travail ont été imposés aux volontaires. De même, les missions se sont inscrites dans « une ligne hiérarchique (…) très descendante ». Le « caractère essentiel » de l’apport des volontaires à l’événement est largement souligné. « Ce qu’on a senti, c’est que ça [ne] pouvait pas se faire sans les volontaires. C’est une main-d’œuvre gigantesque », juge ainsi l’un d’eux. Enfin, « le fait que des salariés et des volontaires aient pu être assignés aux mêmes tâches » confirmera la porosité des sphères du bénévolat et du travail rémunéré.

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