« C’est un métier ! » : la cybersécurité, tantôt ingénieur, tantôt juriste, une fonction multifacettes

NIS2, REC et DORA : ces directives et ces règlements européens, visant à harmoniser le niveau de cybersécurité des entreprises à l’échelle du continent, sont très attendus par le secteur numérique, et font l’objet d’un projet de loi du gouvernement présenté le 15 octobre. NIS2, qui s’applique depuis le 17 octobre, doit en effet être transposée en droit français.

« Ces nouvelles législations vont poser une nouvelle feuille de route avec une notion d’amende et un risque pénal pour les dirigeants, ce qui va obliger notamment près de 15 000 PME et collectivités à monter en compétences sur le sujet et recruter pour s’y conformer », explique Benoît Fuzeau, président du Clusif, une association qui promeut la sécurité numérique.

C’est peu de dire que les entreprises manquent cruellement de compétences pour analyser les risques et répondre aux attaques de leurs systèmes d’information. « Environ 15 000 professionnels manquent en cybersécurité, alors que c’est un secteur avec 30 000 à 35 000 professionnels en poste aujourd’hui », illustre Nolwenn le Ster, présidente de la commission cybersécurité de Numeum, syndicat patronal du numérique.

Diversification très rapide

Ces difficultés s’expliquent notamment par la diversification très rapide des métiers du secteur. La plupart des formations peinent à suivre les besoins des entreprises. « On pense trop ingénieur, technique, mais ce n’est pas toujours le cas. Il n’y a pas besoin d’être un expert pour piloter la politique cyber d’une entreprise, pour faire de la conformité », décrit Benoît Fuzeau.

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A titre d’exemple, les métiers techniques de pentester – qui consistent à contrôler la sécurité d’une application ou d’un système – ou de « hacker éthique », qui font l’image du métier auprès du grand public, ne concernent que « 2 % ou 3 % de l’activité », selon Guillaume Collard, cofondateur de la CSB School. Ils sont, pour la plupart d’entre eux, en voie d’automatisation.

Cette école s’est spécialisée sur la gouvernance pour répondre à ce besoin croissant de profils moins « experts ». Comme il est devenu difficile d’éviter toute attaque, il faut dorénavant des profils pour réagir une fois que l’incident a eu lieu : « 50 % de nos diplômés ont une posture de management et sont proches des autres métiers, explique M. Collard. Il y a des anciens juristes qui viennent se former, se spécialisent dans nos métiers. Ça devient une nouvelle fonction support obligatoire pour les boîtes, une sorte de médecin généraliste qui a une vue d’ensemble. »

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« Avoir les moyens de faire un travail de qualité est un facteur démontré de bien-être psychologique »

Michel Barnier a annoncé de nouvelles négociations pour « améliorer » la réforme des retraites de 2023. Mais, alors que les conditions de travail concrètes des salariés sont un élément déterminant de leur acceptation ou de leur refus de continuer à travailler après la soixantaine, ce sujet crucial semble hors champ.

Dans le projet de loi de finances pour 2025, le gouvernement propose d’ailleurs d’amputer de 25 % le budget de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail sans susciter de réactions particulières.

Est-ce à dire que le travail est globalement devenu plus facile que dans les années 1970, quand les luttes contre le travail « aliénant », contre les « cadences infernales », mobilisaient syndicats et intellectuels ?

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Nos recherches de terrain dans des secteurs d’activité diversifiés montrent au contraire que les conditions de travail se détériorent plutôt, notamment en raison d’un contrôle et d’une surveillance du travail accrus par l’intermédiaire des nouvelles technologies. Une situation qui influe sur l’état psychique et physique des salariés. Avoir les moyens de faire un travail de qualité est en effet un facteur démontré de bien-être psychologique ; les travailleurs disposant d’une autonomie importante ont par ailleurs globalement une meilleure santé.

Un mal nécessaire

Or, nous constatons que le taylorisme est sorti des seules usines, se généralisant au secteur des services et que le « lean management » qui le remplace parfois, a des conséquences encore plus désastreuses.

Dans les centres d’appels, les manageurs enregistrent et contrôlent en temps réel la durée de chaque appel.

Dans les entrepôts logistiques, les opérateurs scannent tous les produits et sont en communication permanente avec des robots vocaux à qui ils signalent chacun de leurs gestes. Certains d’entre eux continuent ce dialogue mécanique même la nuit, parlant en dormant.

Bien d’autres activités – certaines qualifiées et dans le secteur public – sont affectées. Beaucoup de télétravailleurs voient leur activité surveillée à distance, avec des outils qui comptabilisent par exemple le nombre de clics de leurs souris.

Les développeurs informatiques sont de plus en plus tenus de planifier à l’avance leurs activités dans les moindres détails, inventant parfois de fausses tâches pour se donner le temps de souffler et de réfléchir, conditions indispensables pour innover. Les enseignants-chercheurs ne sont pas épargnés et doivent leurs carrières au nombre de leurs publications dans des revues « étoilées », seul élément valorisé par les classements internationaux.

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Pourquoi il est difficile de recenser les morts de la chaleur au travail

Des travaux sur les voies d’un tramway à Bordeaux, lors d’une vague de chaleur, le 29 juillet 2024.

Pour 48 accidents mortels du travail liés à la chaleur officiellement recensés par Santé publique France depuis 2018, combien passent sous les radars ? « Le nombre de décès est clairement sous-estimé, admet Guillaume Boulanger, responsable de l’unité qualité des milieux de vie et du travail et santé des populations au sein de l’agence. Les cas identifiés ne sont que la partie émergée de l’iceberg. »

Pour établir ce décompte annuel, l’agence est, en effet, entièrement dépendante des chiffres transmis par la direction générale du travail du ministère du travail, qui s’appuie elle-même sur les remontées de l’inspection médicale du travail (IMT). Après chaque accident mortel, quelle qu’en soit la cause, un inspecteur du travail est dépêché sur le terrain pour une enquête. C’est à ce moment-là que les agents peuvent noter un lien avec la chaleur, en fonction de leurs observations : températures élevées, symptômes médicaux chez la victime, manquements évidents à la sécurité de la part de l’employeur (tels que l’absence d’eau à proximité), etc.

Ces relevés sont transmis à l’IMT, qui les analyse et les complète pour déterminer quels accidents peuvent être attribués aux conditions climatiques. Sont pris en compte l’âge de la victime, la nature des tâches et leur pénibilité, le lieu de travail, son niveau d’ensoleillement et de température, ainsi que le moment de la journée et de la saison.

« Qu’un sentiment subjectif »

Or, selon Guillaume Boulanger, les inspecteurs du travail ne font pas toujours le lien entre la chaleur et les décès. Dans les fiches de signalement, que Le Monde a pu obtenir, plusieurs agents de contrôle avouent leurs limites : « Concernant le lien avec les fortes chaleurs, il reste en suspens mais ne peut en l’état être écarté, écrit l’un d’eux, saisi du décès d’une femme de ménage, en août 2020. Lorsque j’ai pu entrer dans le bungalow (…) l’atmosphère à l’intérieur était très confinée, mais cela n’est qu’un sentiment subjectif. » L’inspection du travail pâtit, de plus, de sous-effectifs chroniques, avec un taux de vacances de 18 % sur les 2 048 sections du territoire, en 2022, d’après la Cour des comptes.

Etonnamment, en 2021, alors que l’été avait été annoncé comme le plus chaud jamais constaté en Europe, aucune victime d’accident mortel du travail lié à la chaleur n’a été identifiée, contre huit à douze par an les autres années. Certains décès font aussi l’objet de débats au sein de l’inspection médicale du travail, et il n’est pas toujours facile de distinguer ce qui amène à les inclure ou à les exclure du recensement. En juin 2019, un ébarbeur de 56 ans meurt d’un malaise dans une fonderie d’acier des Hauts-de-France. « En lien possible avec la chaleur liée au poste de travail, mais probablement pas avec la chaleur extérieure », note l’inspecteur. L’IMT décide de le retirer du décompte, en estimant que la chaleur de l’environnement de travail de la victime n’était pas inhabituelle, et notant que le département n’était alors pas visé par une alerte canicule.

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Fortes chaleurs : vers une prise de conscience par les employeurs d’un nouveau risque au travail

Une vendangeuse fait une pause pour se rafraîchir, pendant une canicule, dans un vignoble de champagne, à Ludes (Marne), le 8 septembre 2023.

Décalage des horaires, chômage technique, équipements rafraîchissants… La récente succession d’étés très chauds a obligé les secteurs les plus exposés à réfléchir à leur adaptation. Si le code du travail n’indique pas une température précise au-delà de laquelle il conviendrait de suspendre l’activité, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) estime qu’une vigilance est nécessaire à partir de 28 °C pour un travail physique, et de 30 °C pour un travail de bureau. Dans ce cas, comme dans la prévention des risques de chute de hauteur ou de blessure par machine, c’est à l’employeur d’assurer la sécurité du salarié.

Si des quatre décès survenus pendant les vendanges de 2023 en Champagne un seul a été officiellement causé par la chaleur – il n’y a pas eu d’enquête approfondie pour les trois autres –, ces drames concomitants et leur forte médiatisation ont tout de même entraîné localement une « prise de conscience générale », selon les mots de Philippe Cothenet, secrétaire général adjoint de l’intersyndicat CGT des salariés du champagne.

Le Comité interprofessionnel du vin de Champagne indique ainsi avoir déployé, en 2024, un plan d’action pour « renforcer les conditions d’emploi des travailleurs saisonniers ». Il n’en décrit que succinctement les mesures dans sa réponse écrite au Monde : la mise en place d’une fonctionnalité « météo » sur son application pour l’envoi d’alertes en temps réel, afin d’« adapter le planning de travail des vendangeurs si besoin », et le rappel aux employeurs de leurs obligations – temps de pause allongés, mise à disposition d’eau fraîche… Des réunions se sont par ailleurs tenues dès janvier, sous l’égide du préfet de la Marne, pour préparer les vendanges de 2024, durant lesquelles une cellule de suivi s’est réunie quotidiennement, week-end compris, pour l’« identification immédiate de situations indésirables ».

Droit au chômage technique

Aucune victime n’est à déplorer cette année. La météo, cependant, a été particulièrement clémente. « Il y a eu du mieux, mais cela reste de petites améliorations, souligne Philippe Cothenet. Plutôt que des formations aux gestes qui sauvent, on voudrait éviter d’avoir à réanimer quelqu’un ! Or aucune de nos propositions n’a été retenue. »

La principale : cesser le paiement du travail à la tâche, au kilo. « Pour les travailleurs, c’est plus rentable que le paiement au taux horaire, qui malheureusement reste au smic. Le problème, c’est que cela les incite à ne pas s’accorder de pause, même pour se désaltérer », déplore le syndicaliste. Dans un secteur où une bonne part de la main-d’œuvre est étrangère, employée par des prestataires, un système en « poupées russes » qui, pour la CGT, déresponsabilise les donneurs d’ordre, c’est aussi d’une lutte contre la précarité qu’il est question. Ainsi des conditions d’hébergement. M. Cothenet affirme avoir encore constaté, lors des vendanges en septembre, des campements sous tente : « En cas de canicule, si vous n’avez pas un endroit correct où dormir et prendre une douche fraîche, cela dégrade votre état pour le reste de la journée. » Dans ce contexte, interroge-t-il, comment comprendre que le gouvernement ait pu autoriser cet été, par décret, la suppression du repos hebdomadaire pendant les vendanges ?

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France Travail cherche à redevenir attractif auprès des recruteurs

Elargissement des horaires d’ouverture, création d’un numéro unique pour appeler les conseillers entreprise, intensification des rencontres avec les recruteurs… Avec sa marque France Travail Pro, lancée le 24 octobre, l’opérateur public fait feu de tout bois pour reconquérir les entreprises.

A la pointe de cette bataille, les 6 000 conseillers entreprise, désormais estampillés France Travail Pro, devraient effectuer 200 000 visites de prospection ou de fidélisation auprès d’employeurs en 2024, soit le double de l’an dernier. Ces visites servent à analyser les besoins des recruteurs et à proposer les outils maison destinés à dénicher les talents : immersion pour la découverte d’un métier, identification des aides à l’embauche ou encore méthode de recrutement par simulation (MRS), pour détecter les habiletés et engager un processus de recrutement ou de formation.

Cette débauche de moyens, appuyée par une grosse campagne de communication, interroge. Pourquoi déployer autant d’efforts puisque, selon une enquête de France Travail, 87 % des entreprises qui utilisent ses services s’en disent déjà satisfaites ? Parce qu’à y regarder de plus près, elles sont peu nombreuses à le faire : 20 % des entreprises de moins de dix salariés recourent à France Travail, ce taux grimpant à 67 % pour celles qui comptent plus de 200 salariés, précise l’opérateur public. Et ce alors même qu’il propose des services gratuits.

Expérience malheureuse

Certes, les PME et TPE tendent davantage à s’appuyer sur leur réseau personnel pour recruter. Il n’empêche, une autre enquête qualitative et quantitative de SIA Partners réalisée entre février et mars 2024 auprès de chefs d’entreprise et dans la fonction RH révélait deux failles. D’une part, nombre de répondants ignorent l’existence de conseillers spécialisés entreprise et des services proposés. D’autre part, ils portent un « jugement sévère sur la qualité du sourcing », selon SIA Partners.

Ce jugement découle souvent d’une expérience malheureuse, comme celle vécue par cet industriel bourguignon qui tient à rester anonyme : « L’an dernier, on a retesté leur service car les agences d’intérim ne parvenaient pas à nous trouver suffisamment de chauffeurs routiers. France Travail nous avait proposé d’organiser un rendez-vous sur notre site et promis de nous envoyer neuf candidats pour rencontrer nos équipes. Finalement, un seul s’est présenté et on ne l’a jamais revu. » Résultat ? « On continue de privilégier l’intérim ou Leboncoin pour les postes d’employé ou d’ouvrier, car c’est là que l’on trouve des gens motivés », poursuit le dirigeant.

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Ce qui change le 1er novembre : smic, retraites, logement, gaz, impôts…

Le premier jour du mois est, comme à l’accoutumée, marqué par une série de nouveautés.

+ 2 % pour le smic

La hausse de 2 % du smic, annoncée par le premier ministre, Michel Barnier, dans son discours de politique générale le 1er octobre, entre en vigueur ce vendredi 1er novembre. Le montant brut horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance passe ainsi à 11,88 euros (8,99 euros à Mayotte). Le montant mensuel net (hors Mayotte) croît, de 1 398,69 euros à 1 426,30 euros.

Le smic avait été revalorisé de 1,3 % en janvier. Il ne doit pas évoluer en janvier 2025, le relèvement de novembre étant appliqué par anticipation.

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Cette mesure engendre une augmentation de 6 centimes d’euro du minimum de traitement des agents publics (ils ne peuvent être payés sous le smic), qui devrait concerner environ 230 000 personnes, a annoncé la direction générale de l’administration et de la fonction publique à l’Agence France-Presse.

Revalorisation des retraites Agirc-Arrco

Les retraites complémentaires des salariés du privé, versées par l’Agirc-Arrco, augmentent également le 1er novembre, de 1,6 %, contre 4,9 % en 2023.

Ainsi en a décidé le conseil d’administration du régime, se basant sur une règle inscrite par les partenaires sociaux, copilotes de l’Agirc-Arrco, dans un accord d’octobre 2023. Ce texte stipule que l’évolution des pensions doit être égale à l’inflation moins 0,4 point de pourcentage (sans pouvoir être négative). Mais le conseil d’administration peut décider d’une revalorisation légèrement supérieure au résultat du calcul.

Cette année, le calcul s’est basé sur une évolution des prix (hors tabac) pour 2024 prévue par l’Insee à 1,8 %, diminuée de 0,4 % en application de l’accord de fin 2023. Le conseil d’administration a choisi de majorer le résultat de 0,2 point, d’où la revalorisation de 1,6 %. L’Agirc-Arrco précise que cette hausse coûtera 1,6 milliard d’euros en année pleine.

Quant aux pensions de base des salariés, elles ont été revalorisées de 5,3 % en janvier. La date de la prochaine hausse reste incertaine, le gouvernement ayant proposé de la reporter au 1er juillet 2025 dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, sauf, éventuellement, pour les petites pensions.

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Expulsions, coupures d’énergie : la trêve hivernale débute

Ce 1er novembre est par ailleurs le premier jour de la trêve hivernale, qui s’achèvera le 31 mars 2025.

« Pendant cette période, les fournisseurs d’énergie ne peuvent pas faire procéder à l’interruption de la fourniture d’électricité et de gaz naturel de leurs clients particuliers, pour leur résidence principale, au motif d’un impayé », explique le médiateur national de l’énergie. Les réductions de puissance demeurent possibles, sauf pour les bénéficiaires du chèque énergie (attention, si vous êtes dans ce cas, pour éviter une réduction de puissance, il faut envoyer une copie de l’attestation du chèque énergie à vos autres fournisseurs, ceux que vous n’avez pas réglés avec le chèque, précise le médiateur).

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VTC : Heetch reproche à ses concurrents Uber et Bolt d’abuser des promotions

Des chauffeurs de VTC à Marseille, dans le sud de la France, le 11 octobre 2024.

En septembre, 80 % des trajets sur l’application de VTC Bolt étaient en promotion : c’est ce qu’affirme Heetch, le troisième acteur du secteur, soupçonnant son concurrent estonien de vendre à perte pour rattraper le leader Uber, ce dernier usant également des promotions, dans une moindre mesure. « Cela illustre l’absence de règles chez les VTC. Il est temps de faire émerger un débat pour réguler ces promotions, qui explosent depuis la rentrée chez Uber et Bolt », estime Simon Dabadie, directeur général de Heetch Europe.

A partir d’une analyse de données de Foxintelligence, une entreprise qui extrait des données des boîtes mail d’utilisateurs, M. Dabadie établit que 20 % du volume d’affaires de Bolt depuis la rentrée est consacré à ces promotions, qui sont le plus souvent des codes de réduction dont bénéficient les clients, et plus rarement des bonus pour les chauffeurs. In fine, 20 %, c’est un peu moins que la commission que Bolt prélève à chaque course (autour de 22 %). Impossible alors, selon le patron de Heetch, que Bolt ne perde pas d’argent. En l’état, l’entreprise estonienne n’a jamais été rentable, et Uber ne l’est devenu qu’en 2023, après treize années de pertes.

Selon Simon Dabadie, cette subvention massive du marché, due à d’importantes levées de fonds, aurait des conséquences sur la viabilité des autres acteurs, en particulier français, qui ne peuvent suivre les deux groupes mondiaux : « Quand les plateformes vendent à un prix qui ne permet pas la rentabilité côté entreprise et chauffeur, c’est néfaste. » « C’est vrai qu’on ne peut pas combattre les promotions des géants, confirme Dany El Oubari, cofondateur de la jeune application Comin. On préfère miser sur le bouche à oreille pour fidéliser les clients et les chauffeurs. »

« Garantir un service de qualité »

« C’est difficile de se démarquer, et cela tire les prix vers le bas, car les deux grands se répondent en permanence, commente Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat FO-INV, qui a lancé la coopérative de chauffeurs Maze. J’ai sollicité plusieurs fois l’Autorité de la concurrence, sans retour. »

L’abus des promotions pourrait aussi habituer les usagers à des prix très bas, malgré l’existence de prix minimaux pour une course depuis 2023 (aujourd’hui à 9 euros net pour le chauffeur). « Ça ne sert pas le secteur, car on continue de faire croire au client que la valeur marchande du service est négligeable, que transporter quelqu’un dans un véhicule privé ne coûte rien », juge Fabian Tosolini, délégué national d’Union-Indépendants (CFDT).

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Nadège Vezinat, sociologue : « Dans le service public, les agents ont l’impression de ne plus être au service de l’usager »

La sociologue du travail Nadège Vezinat, autrice de l’ouvrage Le Service public empêché (PUF, 272 pages, 24 euros), souligne que, face à des conditions de travail dégradées, de nombreux agents ont la sensation de perdre le sens de leur mission.

Vous décrivez dans votre livre un service public « empêché ». Quels sont les mécanismes qui l’entravent ?

J’ai distingué au fil de l’ouvrage trois processus qui affectent le service public.

Tout d’abord la libéralisation européenne développée par une instance de régulation supranationale de plus en plus importante. Elle va favoriser la mise en place d’une logique de concurrence.

Deuxième mécanisme à l’œuvre : la marchandisation de l’intérêt général, avec le développement d’une exigence de rentabilité. Elle invite à avoir une grille de lecture purement économique du service public, avec une approche court-termiste, qui va invisibiliser la qualité du service ou des effets indirects de l’action menée – les traitements préventifs d’une pathologie peuvent par exemple permettre, à terme, de réaliser des économies.

Enfin, un troisième processus est à l’œuvre : les privatisations, qui impactent le statut des organisations. On observe un brouillage des frontières entre public et privé, ce qui contribue à faire perdre sa singularité au service public.

En conséquence, un décalage se crée entre les objectifs assignés aux agents du service public et ceux des usagers…

C’est ce que la sociologie interactionniste américaine appelle le « drame social du travail ». « L’urgence est plus grande d’un côté de la barrière que de l’autre », résume le sociologue Everett Hughes. Un usager ayant attendu plusieurs heures dans une préfecture ou aux urgences souhaite bénéficier d’une attention particulière, alors que l’agent qui fait face à une longue file d’attente va devoir traiter son cas en un temps très limité. Il peut même être parfois contraint par des indicateurs qui mesurent le temps passé face à chaque usager et lui signifient quand il faut traiter un autre dossier (par l’intermédiaire, par exemple, d’un clignotant de couleur).

Vous estimez qu’à côté de ce décalage croissant entre l’agent et l’usager apparaît également une rupture entre ce même agent et sa hiérarchie…

Les agents ne comprennent plus quel objectif ils doivent poursuivre et ont la sensation que les cadres éloignés du terrain imposent des orientations parfois aberrantes. Ils ont l’impression de ne plus être au service de l’usager – ce qu’ils considèrent comme leur vocation première – mais au service d’une institution qui tourne à l’envers, où leurs missions sont perçues comme coûteuses.

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Le chien est-il un bon « pet-collègue » ?

Rocket, dans un open space de Los Angeles, le 30 octobre 2024.

Dans son livre Toutoute (Fayard, 256 pages, 22,90 euros), enquête itinérante, drôle et hyperdocumentée sur la place prise par les animaux de compagnie dans nos vies, la journaliste Mylène Bertaux pose une question judicieuse : « Le chien est-il le nouveau baby-foot ? » On se souvient qu’à l’époque où les start-up ont émergé, la présence d’un baby au bureau était censée symboliser un rapport au travail différent, plus transversal, plus ludique. Après quelques parties enfiévrées, nombre de jeunes salariés se sont aperçus que c’était aussi un bon moyen de leur imposer des horaires à rallonge en leur faisant croire qu’ils étaient au PMU du coin. Bref, le baby-foot est devenu suspect. Et a été remplacé par un nouveau « vecteur d’engagement », à poils cette fois : le toutou de bureau, que sa moue attendrissante place au-dessus de tout soupçon.

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« En France comme à l’étranger, les initiatives se multiplient pour accueillir ces nouveaux membres de la famille que l’on ne veut plus laisser seuls toute la journée », écrit Mylène Bertaux. Cette tendance dite « pet at work », porté chez nous (non sans arrière-pensées) par des boîtes comme Royal Canin ou Purina, traduit le changement de statut de l’animal dans nos sociétés, de plus en plus considéré comme un partenaire à part entière, auquel l’on devrait les mêmes égards qu’à un humain. De la même manière que l’on peut se considérer comme « pet-parent » d’un corgi, il est possible, en jetant un œil au teckel qui ronfle à vos pieds pendant que vous rédigez un message Slack, de voir là non pas une improductive saucisse alanguie, mais un authentique « pet-collègue ».

En effet, s’il a souvent l’air de ne rien faire, le « pet-collègue » (qui peut aussi être un chat, un hamster…) convivialise la vie de bureau : selon une étude de 2017 réalisée par le site Wamiz, 8 employés sur 10 affirment que les animaux ont un impact positif sur leur travail. En leur présence, 60 % des sondés se sentent moins stressés, 39 % trouvent que la communication dans l’équipe s’améliore, 17 % se pensent plus efficaces et productifs et 6 % voient leur concentration accrue. Il y aurait donc un véritable « effet ouaf » sur la qualité de vie au bureau. Si le monde était totalement antispéciste, le « pet-collègue », par le bonheur qu’il génère, pourrait même candidater au poste de chief happiness officer.

Une pratique à encadrer

Dans ce contexte velu, la possibilité d’emmener son chien ou son chat au bureau figure un nouveau levier pour attirer les jeunes talents et certaines boîtes proposent même des congés pour l’adoption d’un nouvel animal, comme lors de l’arrivée d’un enfant. Cette politique « pet-friendly » peut être utilisée pour renforcer subrepticement l’attachement à l’entreprise. Pionnier en la matière, Google a même trouvé un petit nom pour les chiens qui fréquentent ses bureaux : les « dooglers » (mix de dog et Google).

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