« On ne veut pas d’applaudissements, on veut que les gens respectent les consignes » : la grande fatigue des soignants face à la deuxième vague du Covid-19
Retourner à l’hôpital ou protéger les siens ? Virginie Vautrin-Chambon est tiraillée. Infirmière de bloc opératoire à la polyclinique privée Lyon-Nord, de Rillieux-la-Pape, dans la banlieue nord-ouest de Lyon, la quadragénaire travaille actuellement deux jours par semaine, en chômage partiel le reste du temps. D’un côté, la volonté de repartir au combat. De l’autre, le découragement, la conscience de ses limites. Et la peur. « Lors du premier confinement, j’étais volontaire dans un grand hôpital public de Lyon, j’ai vécu des scènes trop dures, un stress quotidien, raconte-t-elle. Le soir, je rentrais avec la boule au ventre, en me demandant si j’allais transmettre le virus à mon mari à la santé fragile et à mes enfants. »
Avant même les chiffres des hospitalisations, qui s’emballent – avec 31 918 patients pris en charge au 11 novembre, le pic de la mi-avril (32 131) est pratiquement atteint –, cette deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 qui submerge les soignants, c’est d’abord une vague d’abattement. A l’élan collectif « extraordinaire » du printemps, qui avait présidé à une crise qui ne l’était pas moins, a succédé une tout autre atmosphère, dominée par l’amertume et le fatalisme. Peu importe la région ou l’établissement.
Entre les deux vagues, l’été n’a pas suffi à recharger les batteries. « On a été touchés émotionnellement au printemps. Il n’y a pas eu de soupape d’évacuation. Cela a été dur de lâcher prise pendant les vacances et on repart dans cette galère… », lâche Marc Paulin, infirmier en soins intensifs dans le service pneumologie du CHU de Besançon, qui affiche déjà plus de 100 % d’occupation en réanimation, avec 49 patients hospitalisés au 9 novembre.
Forme de déni
D’autant qu’en juillet-août, malgré le reflux épidémique, il a fallu rattraper le retard de prise en charge des patients dont les opérations avaient été déprogrammées. « C’était plus une récréation que des vacances, on savait qu’à notre retour ce ne serait pas joyeux… On s’attendait à ce que l’épidémie reprenne, mais peut-être pas aussi rapidement », renchérit Sophie, 49 ans, infirmière au CHU de Nantes, sous couvert d’anonymat. Début novembre, le nombre de patients infectés par le SARS-CoV-2 hospitalisés dans l’établissement nantais est déjà supérieur au pic atteint début avril.
Chez une partie des soignants, il y a même eu une forme de déni jusqu’à la mi-octobre. « Quand la vague a commencé à arriver, on a eu un temps de réaction très lent, reconnaît une cadre supérieure d’un grand hôpital parisien de l’AP-HP. On n’avait pas l’impression qu’on allait devoir déprogrammer et réorganiser à ce point-là. » ll a pourtant fallu repartir, de nouveau changer de locaux, d’étage, et faire cette fois avec moins de renforts.
Il vous reste 74.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.