« Nous ne sommes pas des esclaves » : en Champagne, les saisonniers des vendanges confrontés aux dérives croissantes

« Nous ne sommes pas des esclaves » : en Champagne, les saisonniers des vendanges confrontés aux dérives croissantes

Triste année dans les vignes de Champagne… Une femme et trois hommes y sont morts en septembre en participant aux vendanges : un Polonais, trois Français. Le plus jeune avait 19 ans, les autres entre 40 et 50 ans. L’une de ces personnes s’est écroulée alors qu’elle cueillait du raisin noir, une autre a fait un malaise avant de tomber d’un engin, une troisième a été retrouvée sans vie chez elle, après avoir également fait un malaise dans les vignes… Rien que des arrêts cardiaques, semble-t-il. Toutes avaient dû affronter, des heures durant, des températures folles, supérieures à 40 °C. La justice devra déterminer les causes précises de leur mort, dire aussi s’il y a eu des négligences, et identifier d’éventuels responsables. Pour qu’il y ait des poursuites pénales, un lien clair devra être établi entre ces décès et le non-respect des réglementations.

Le problème, pour la filière, c’est que ces enquêtes s’ajoutent à divers dossiers embarrassants. En septembre, des investigations ont été ouvertes auprès du parquet de Châlons-en-Champagne pour « traites d’êtres humains » concernant, cette fois, les conditions de travail et de rémunération d’une centaine de vendangeurs étrangers et sans papiers d’Afrique de l’Ouest ou travailleurs d’Europe de l’Est. Ailleurs, ce sont les structures d’hébergement qui ont été ciblées : quatre d’entre elles, jugées insalubres, ont fait l’objet de fermetures administratives depuis le début de l’année.

Ces affaires contribuent à lever le voile sur un visage méconnu du champagne, l’envers du décor, en quelque sorte : le monde des saisonniers employés durant la période de la récolte. Chaque année, sur trois à quatre semaines, la région accueille ainsi 120 000 personnes. Pourquoi de tels effectifs, nettement supérieurs à ceux des autres régions vinicoles ? Simplement parce que la réglementation en vigueur en Champagne exige que toutes les grappes soient coupées à la main, et non par une machine.

Situation inquiétante

Au regard de la masse de saisonniers employés, les drames ou incidents signalés peuvent paraître peu nombreux. C’est l’argument avancé par David Chatillon, président de l’Union des maisons de champagne (UMC), le regroupement des marques prestigieuses. Sans pour autant minimiser la gravité des faits (« Nous sommes sous le choc, abasourdis, il ne faut pas que cela se reproduise »), M. Chatillon souligne le « caractère très marginal » des cas problématiques. Même son de cloche du côté du Syndicat général des vignerons.

Il n’empêche : la situation est suffisamment inquiétante pour que le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), organisme rassemblant toute la filière, se soit alarmé fin septembre : « Il est capital que les dérives et les comportements inacceptables cessent. La sécurité et la protection des vendangeurs doivent devenir une priorité absolue. »

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LJD

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