Négociations sur le télétravail : le point sur les principales mesures et points d’achoppement
Eligibilité des postes, réversibilité, remboursement des frais, règles en matière d’hygiène et de santé… le projet d’« accord interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail », de nouveau modifié par le patronat, est encore en négociation. Ce dernier prévoit toutefois d’envoyer mardi en fin de journée un « texte définitif » sur le télétravail aux syndicats.
« Il sera difficile de donner un avis formel mercredi car nous devons consulter nos instances », a prévenu Fabrice Angéi, le négociateur de la CGT, ajoutant que la CGT pourra donner « au mieux son sentiment » sur le nouveau texte. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a déclaré mardi, sur France 2, qu’il croyait « encore à l’aboutissement des négociations ». Sur Public Sénat, son homologue de FO, Yves Veyrier, a regretté que « ce qui bloque depuis le début, c’est que les employeurs y sont rentrés à reculons ».
Depuis fin octobre, le protocole sanitaire en entreprise fait du télétravail « la règle » dans les entreprises qui le peuvent. Faute d’accord, « l’Etat peut reprendre la main », relèvent les syndicats. Retour sur les principaux points de blocage.
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La contrainte du texte
Cette négociation doit en principe aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI), traditionnellement formalisé par une loi. Plusieurs années peuvent s’écouler : le précédent ANI de 2005 – que l’accord doit compléter – a été transposé très partiellement dans une loi sept ans plus tard. Dans tous les cas, l’ANI s’impose à l’employeur membre d’un syndicat patronal signataire (Medef, CPME et l’U2P sont à la table de la négociation).
C’est un des principaux points de blocage : le patronat veut que ce texte ne soit « ni normatif », « ni prescriptif », mais les syndicats menacent de ne pas signer un document non contraignant, s’apparentant à « un guide de bonnes pratiques ».
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Eligibilité des postes au télétravail
C’est également un point dur : pour le patronat, ce sujet relève uniquement de la responsabilité de l’employeur. Pour les syndicats, cela doit relever du dialogue social en entreprise, figurer dans l’accord collectif sur le télétravail et dans l’ANI.
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Télétravail en temps de crise
La mise en place du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de « force majeure » (pandémie, catastrophes naturelles, destructions des locaux d’une entreprise) laisse toujours toute latitude à l’employeur de faire basculer ses salariés en télétravail. FO juge « important » que cette décision relève des pouvoirs publics et non de l’employeur.
La CFDT souhaite que cette partie soit « musclée », notamment avec des « points de repères sur la mise en place d’un plan de continuité de l’activité négocié ou concerté » ou des mesures de prévention pour les salariés qui peuvent « mal vivre » le télétravail.
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Volontariat, réversibilité
Le texte propose de remplacer les articles 2 (volontariat) et 3 (réversibilité) de l’ANI 2005. La CGT estime que la formulation utilisée dans le nouveau texte entérine « l’absence d’avenant au contrat de travail qui précise les modalités de passage en télétravail ».
Le texte reprend la notion du double volontariat (salarié et employeur), point important pour les syndicats, qui considèrent toutefois que la formulation sur la réversibilité ne garantit pas le retour du salarié sur son même poste ou sur un poste à qualification égale.
Les syndicats veulent que le refus de télétravail par l’employeur soit fait par écrit.
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Les accords salariés/employeurs
La mise en place du télétravail va toujours passer par un accord collectif, une charte ou un accord de gré à gré entre l’employeur et le salarié. Les syndicats veulent que l’ANI définisse la négociation (en vue d’un accord collectif) en première intention car ils craignent la poursuite du développement du télétravail « gris », à travers les accords de gré à gré.
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Prise en charge des frais
Les frais engagés par un salarié « doivent être supportés » par l’employeur et ce « peut être » le sujet d’un dialogue social en entreprise. Les syndicats estiment qu’il doit l’être « obligatoirement ». La CGT regrette qu’il n’y ait pas de prise en charge des frais d’internet, de chauffage ou d’électricité.
Une éventuelle allocation forfaitaire sera exonérée de cotisations, propose le texte. Les syndicats pointent qu’il n’y a pas de garantie de prise en charge de l’employeur du matériel professionnel.
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Plusieurs autres points sur la table des négociations
– Dialogue social : possibilité d’utilisation des visioconférences dans la consultation des instances représentatives. Les syndicats veulent les limiter aux situations de crise.
– Droit à la déconnexion : le document rappelle qu’il doit faire l’objet d’un accord ou d’une charte, et que les managers doivent être formés, point positif pour les syndicats, qui souhaitent toutefois des obligations en termes de prévention et protection de la vie privée des salariés.
– Egalité femmes/hommes : la CGT réclame un droit au télétravail pour les femmes enceintes, de même que des mesures contre les violences sexistes.
– Handicap : le texte établit que le télétravail « peut être utilisé comme un outil de prévention de la désinsertion professionnelle pour les salariés en situation de handicap ou atteints d’une maladie chronique », mais, selon la CGT, n’apporte aucun droit nouveau.
– Accident du travail : plus question d’assouplir la législation sur les accidents du travail (actuellement imputables à l’employeur), « ligne rouge » pour les syndicats, mais les syndicats estiment que dans sa formulation, le texte tente de « dédouaner » l’employeur, en indiquant qu’il « ne peut avoir la complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail ».