« L’usine conceptrice » : un horizon pour la réindustrialisation
Entreprises. La réindustrialisation est une priorité des pouvoirs publics. Mais alors que s’étend l’aspiration à un travail émancipateur, plus écologique et qui fasse sens, l’horizon de l’industrie 4.0 et celui de la numérisation intensive semblent ne laisser au travail d’usine qu’une place résiduelle et peu créative.
Cependant, une recherche récente montre que les usines soumises à un impératif d’innovation et de transition écologique doivent inventer certaines de leurs propres règles de travail (« L’usine conceptrice de son patrimoine de création : modèle, organisation et méthodes pour la régénération d’un système de règles industriel », par Honorine Harlé, thèse MinesParis, Université PSL, 2022).
L’entreprise moderne n’a pas inventé la production de masse et le travail répétitif. En revanche, elle a instauré les bureaux d’études (et de méthodes), chargés de prescrire les techniques de l’usine et le travail qui s’y effectue. Au XXe siècle, on a accusé ces bureaux d’avoir cantonné le travail dans des tâches étroites qui ont détérioré l’image de l’industrie. En réaction, les expériences scandinaves des années 1970, puis le « modèle Toyota » des années 1990, ont favorisé l’enrichissement des tâches et l’initiative des cols bleus, l’essentiel des règles de l’usine restant néanmoins fixées par les bureaux d’études.
Or, avec les révolutions numériques, le renouvellement accéléré des techniques et l’extension des normes environnementales, l’usine doit aussi définir une partie des règles de son fonctionnement. C’est ainsi que l’usine d’Airbus à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) s’est dotée de groupes de travail et de méthodes leur permettant de reconcevoir une partie de leurs outillages ou de leurs équipements de sécurité. De même, chez ST Microelectronics, le flux constant de nouvelles améliorations techniques, a imposé la mise en place de groupes de gestion des risques associant techniciens de production et techniciens des études.
Explicitation et réinterprétation des règles
La question n’est donc plus celle de la marge d’autonomie et d’initiative octroyée par les concepteurs de l’usine. Face aux besoins d’évolution inédits et récurrents, l’usine doit se doter elle-même d’une capacité de conception pour trouver des solutions efficaces et robustes.
Mais les inventions de l’usine ne doivent pas perturber de façon inattendue et préjudiciable les schémas mis en place par les ingénieurs des études. Cela impose donc un travail commun d’explicitation et de réinterprétation des règles en vigueur, qui favorise l’efficacité collective et dont les conclusions peuvent parfois surprendre les bureaux d’études, alors qu’elles préservent les grandes prescriptions de ces derniers !
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