« Les travailleurs et les travailleuses du nettoyage : deux millions de personnes au cœur des désordres du travail »
[Comment expliquer le manque d’attrait pour les métiers du nettoyage, davantage occupés par les femmes et les personnes issues de l’immigration ? C’est le sujet sur lequel se sont penchés deux économistes. François-Xavier Devetter est chercheur au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé, université de Lille) et à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Ses travaux de recherche portent sur le temps de travail et les emplois à bas salaire, tout particulièrement les agentes et agents d’entretien, les aides à domicile et les assistantes maternelles agréées. Julie Valentin est maîtresse de conférences au Centre d’économie de la Sorbonne (CES, université Paris-I). Ses travaux de recherche portent sur les formes de mobilisations de la main-d’œuvre alternatives au contrat de travail à durée indéterminée et l’analyse économique du droit du travail. Ils sont les auteurs du livre 2 Millions de travailleurs et des poussières. L’avenir des emplois du nettoyage dans une société juste (Les Petits Matins, 2021)].
Nettoyer (ou plus largement entretenir un espace de vie) est une activité à la fois commune et très spécifique. Commune car elle occupe une partie du temps de tout individu ou presque (en moyenne 5 % du temps éveillé quotidien avec toujours d’énormes inégalités entre femmes et hommes). Commune également sur le plan professionnel car ce sont près de 8 % des salariés dont l’une des fonctions importantes consiste à nettoyer des espaces privés ou publics.
Mais cette activité apparaît aussi très spécifique en raison du sens qu’elle revêt fréquemment (« corvée domestique », métier ingrat ou invisible), et du fait des conditions dans lesquelles elle s’exerce.
Dans un premier temps nous chercherons à définir quels sont ces métiers du nettoyage et en quoi ils sont au cœur d’enjeux sociaux actuels majeurs. Pourtant, et c’est ce sur quoi nous insisterons dans un second temps, ces métiers, qui concourent à une même activité, peuvent s’exercer sous des formes et dans des cadres dont les différences ont une influence significative sur le type et le cumul des pénibilités associées.
Comprendre cette hétérogénéité et ses effets peut alors aider à identifier certaines difficultés qui traversent plus largement le monde du travail.
1. Deux millions de personnes ont le nettoyage comme fonction principale de leur métier
Pour définir les emplois du nettoyage nous croisons des critères liés à la fonction principale exercée (où l’on peut identifier le nettoyage à côté de la production, de l’enseignement, le soin à la personne, la comptabilité, la vente, …) et la description des professions que fournit l’Insee. Par ce biais nous identifions huit professions :
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