Les hommes « souffrent quand ils gagnent moins que leurs épouses », selon une étude britannique
C’est l’une des inquiétudes des économistes : en fragilisant l’emploi des femmes, la crise due à la pandémie du Covid-19 pourrait, comme le télétravail prolongé, creuser un peu plus les écarts de revenus entre les deux sexes.
Selon Eurostat, le salaire horaire brut moyen des femmes était déjà, avant la crise, en 2018, de 14,1 % inférieur à celui des hommes dans l’Union européenne. Un fossé en partie alimenté par la surreprésentation des premières dans les métiers moins bien payés, par les interruptions de carrière liées aux maternités, ou encore par le poids des normes dans les entreprises.
Des sociologues de la City University of London viennent de publier une surprenante étude confirmant à quel point ces normes sont particulièrement dures à faire bouger, et ce au sein même des couples. Les auteurs tentent d’y mesurer « les implications de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes sur le bien-être psychologique de ces derniers ».
Pour ce faire, ils ont analysé les données de l’« étude longitudinale sur les ménages britanniques » (« UK Household Longitudinal Study »), une vaste enquête menée auprès de 40 000 ménages britanniques depuis 2009, financée par le gouvernement.
Effet dopant
Résultat : la plupart des hommes « souffrent quand ils gagnent moins que leurs épouses », résume la sociologue Vanessa Gash, principale autrice de l’étude. Ils déclarent en effet « une satisfaction dans la vie moindre que les hommes ayant un revenu plus élevé ou égal à celui de leurs épouses », « tandis que le bien-être subjectif des femmes ne semble pas être affecté par le fait d’être moins bien rémunérées ».
Une augmentation permettant de creuser l’écart avec le salaire de leur compagne a un effet dopant sur le moral des hommes, mais l’inverse n’est pas vrai : les femmes ne sont pas plus satisfaites lorsqu’elles gagnent plus que leur conjoint. « Ces résultats suggèrent que l’écart de rémunération entre les partenaires est renforcé par les normes du modèle traditionnel où l’homme est le principal apporteur de revenus du ménage », écrit Vanessa Gash.
Et pour cause, explique-t-elle : les hommes heureux car mieux payés sont, consciemment ou non, réticents à donner la priorité à l’emploi de leur femme ou à mieux partager les tâches parentales si cela peut nuire à leur carrière… et donc à leur bien-être.
Une enquête du même genre menée de l’autre côté de la Manche offrirait-elle des résultats similaires ? Sans doute. Car si les écarts salariaux entre les sexes sont un peu moins élevés en France (15,8 %, contre 19, 8 % au Royaume-Uni, selon Eurostat), ils restent supérieurs à la moyenne européenne, et au score des vertueux Suédois (12,6 %).