Les free-lance : les grands oubliés des directions des RH
C’est fréquemment la pénurie de talents qui impose une réflexion sur la gérance et la fidélisation des collaborateurs « indépendants ».
Sylvie le reconnaît : « C’est un peu la débrouille ». Dans son agence d’événementiel où l’on recourt souvent à des free-lances, « chaque chargé de clientèle constitue son petit cheptel d’indépendants comme il le peut, par le bouche-à-oreille, en cherchant sur Internet… Il y a bien un fichier qui circule, mais il n’est pas très fiable, et pas à jour. La seule consigne qu’on nous ait donnée : prendre les meilleurs, au moindre prix ». Dans cette agence dépendant à un grand groupe, la question du recrutement des free-lances n’a jamais été réfléchie en interne. « Alors, que dire de celle du conduite et de leur fidélisation… On est très loin d’avoir une stratégie sur le sujet ! », poursuit Sylvie.
Son entreprise n’a rien d’une particularité. Dans plusieurs grandes organisations, on répond ainsi par un silence gêné aux questions sur la gestion de ses free-lances. « On constate un certain aveuglement et peu de réflexion sur le sujet, confirme Laëtitia Vitaud, auteure en 2017 d’une étude Malt/Ouishare sur le free-lancing en France et enseignante à Sciences Po et Paris-Dauphine. Des directions de ressources humaines ne savent d’ailleurs pas exactement combien de free-lances travaillent dans leur entreprise. Il y a donc un réel décalage entre ce faible intérêt d’un côté et, de l’autre, le recours désormais important à des ressources externes dans les grandes organisations ».
De fait, la place des free-lances est en pleine augmentation en France. Le nombre de ces développeurs, designers et autres communicants indépendants a augmenté de 126 % en dix ans selon l’étude Malt/Ouishare. « On en compte aujourd’hui un petit million », indique Mme Vitaud. Au total, environ 10 % des actifs français sont des travailleurs non salariés. Leur place augmente d’autant plus qu’elle correspond à une forte aspiration. Ainsi, loin d’être subie, la condition de free-lance est d’abord un choix (pour 90 % d’entre eux). Un choix confirmé dans la pratique, une écrasante majorité (91 %) ne souhaitant pas revenir au salariat.
Un management approprié
L’amplification de cette catégorie de collaborateurs ne va pas sans complexifier l’organisation des entreprises. Les manageurs doivent travailler avec des salariés en présentiel, d’autres en télétravail mais également avec ces indépendants. Selon les entreprises et le type de mission, ils peuvent travailler dans les locaux de la société ou à distance, mènent parfois des missions en parallèle avec d’autres structures, n’ont pas forcément un sentiment d’appartenance, encore moins la culture de l’entreprise. « On a moins de prise sur eux », reconnaît le cadre d’un grand groupe.