Les défis du futur directeur général de Renault
Analyse. Dans l’industrie automobile, si les mauvaises décisions se payent cash, elles mettent du temps à produire leurs effets destructeurs. Salariés et actionnaires de Renault sont en train d’en prendre conscience. Un an après l’éclatement de l’affaire Carlos Ghosn, l’idée que son éviction de la présidence de l’alliance avec Nissan serait la cause de tous les maux du constructeur fait florès. La réalité est plus compliquée.
La mise à l’écart du charismatique patron, qui fait l’objet de graves accusations au Japon, a incontestablement déstabilisé l’entreprise. Mais au fil des semaines, on se rend compte que Carlos Ghosn n’était plus très concentré sur le pilotage opérationnel, tandis que le numéro deux nommé par ses soins, Thierry Bolloré, a accumulé de graves erreurs qui font entrer Renault dans une zone de turbulences. Pour le successeur de ce dernier, en cours de recrutement, la tâche est immense. Il devra relever trois principaux défis.
Un défi industriel d’abord. Le retard de six mois du lancement de la nouvelle Clio n’est qu’un symptôme d’importants dysfonctionnements. Le ticket d’entrée en termes d’investissements pour la production de ce modèle, qui a pourtant bénéficié d’importantes synergies avec Nissan, est supérieur à celui de la version précédente lancée en 2012. Le nouveau fourgon Master a connu les mêmes dérives de productivité. Par ailleurs, incident inédit depuis la mise en place d’un processus de contrôle de la qualité par l’ex-PDG de Renault, Raymond Lévy, au début des années 1990, les nouvelles Clio et Zoe ont été envoyées dans le réseau commercial, sur décision de Thierry Bolloré, alors même qu’elles n’avaient pas reçu le feu vert des responsables de la fabrication.
Inquiétudes à Flins
D’autres interrogations portent sur le plan produit. Il a été décidé de ne pas renouveler Twingo, Megane, Koleos, Scenic, Talisman et Espace. Dans le même temps, au regard du développement insuffisant de l’offre de véhicules électriques, Renault risque de souffrir dans un paysage concurrentiel qui va se durcir dans les deux prochaines années, notamment en raison de l’offensive lancée par Volkswagen. Tandis que l’usine de Douai va perdre trois modèles, on ne sait toujours pas comment celle de Flins va tourner à partir de 2022. Après le départ de la Clio, de la Micra et de Zoe, que va devenir ce site de 4 500 personnes ? Enfin les cafouillages sur l’adaptation de la gamme aux nouvelles homologations sur la consommation et les émissions polluantes des véhicules risquent de coûter cher.