« L’entreprise, la loi et les compétences »
Carnet de bureau. Depuis le 7 mars, les entreprises ont dû réaliser un entretien bilan des six ans d’évolution professionnelle de leurs salariés. Qui a gagné en compétences ? Quels salaires ont été revalorisés sur cette période ? Il y a six ans, la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle a instauré des entretiens bisannuels, conçus comme autant de points d’étape pour suivre la progression des équipes. Comment les organisations abordent-elles le sujet de l’employabilité ?
Dans quelques grands groupes, l’évolution professionnelle est inscrite dans la politique managériale. « Une certaine mobilité dans l’entreprise apporte un autre regard sur le poste, estime Armelle Levieux, la DRH groupe d’Air liquide. Mais la mobilité s’inscrit dans la durée. Il y a une quinzaine d’années, les opérateurs sur les postes d’experts techniques ne bougeaient pas aussi souvent que les cadres : au bout de cinq ans au lieu de trois. Ils souhaitaient évoluer. On a créé un parcours en six niveaux pour leur permettre de progresser en responsabilité et en salaire tout en restant dans leur expertise. »
Mais les pratiques de formation répondent d’abord aux enjeux d’innovation et de concurrence. « De quelles compétences avons-nous besoin ? », interrogeait ainsi Valérie Le Boulanger, la DRH du groupe Orange, en présentant, début février, le plan stratégique Engage 2025, un investissement de 1,5 milliard d’euros dans la formation. « La digitalisation progresse de façon phénoménale et fait évoluer les compétences requises. L’accompagnement des collaborateurs est un enjeu stratégique. Lorsque Orange Campus a été créé en 2010, c’était une université dédiée au management du groupe. Nous avons décidé de passer à une école en réseau ouverte à tous les salariés », a souligné la DRH.
Redistribution des tâches
Recherche de compétences rares et évolutives, intérêt collectif à développer la mobilité interne, la transformation numérique a ainsi conduit la plupart des grands groupes, Orange, comme Air liquide par exemple, à repenser leur référentiel métier. Les entreprises sont amenées à recenser précisément les compétences maison pour déployer un programme de formations qui intègre une redistribution des tâches. « Chez Orange, nous sommes directement impactés par ces mutations. 85 % des emplois de 2030 n’existent pas aujourd’hui », indique Mme Le Boulanger.
L’entreprise a, certes, une responsabilité légale à l’égard de l’employabilité des salariés, mais l’organisation passe à l’acte quand l’intérêt est partagé. Ne compter que sur la contrainte légale pour inciter les entreprises à développer l’employabilité des salariés serait un leurre. Est-ce une raison pour s’en priver ?