« L’économie française ne dispose pas des compétences nécessaires à l’accroissement de sa productivité »
On lit parfois que la productivité du travail en France est élevée : ce constat n’est pourtant plus d’actualité, bien au contraire. Les données d’une récente note du Conseil d’analyse économique révèlent un ralentissement marqué depuis une quinzaine d’années par rapport à l’Allemagne et aux Etats-Unis. Alors qu’au milieu des années 2000 la productivité du travail en France était plus élevée qu’aux Etats-Unis et au même niveau qu’en l’Allemagne, quinze ans plus tard, le tableau n’est plus si rose : la productivité du travail en France a décroché, et nous sommes désormais distancés à la fois par l’Allemagne et par les Etats-Unis.
Quelle est l’ampleur du problème ? Pour s’en rendre compte, supposons que le décrochage n’ait pas eu lieu et que la France ait maintenu sa productivité relative par rapport à l’Allemagne et aux Etats-Unis. Dans ce cas, selon nos estimations, le produit intérieur brut (PIB) de la France en 2019 aurait été supérieur de 140 milliards d’euros. C’est là un immense manque à gagner pour le pouvoir d’achat des Français, mais aussi pour les finances publiques, qui engrangeraient 65 milliards de recettes fiscales supplémentaires chaque année si la productivité n’avait pas décroché.
Ce résultat va à rebours d’un discours encore assez fréquent selon lequel la faiblesse du taux d’emploi en France serait l’alpha et l’oméga des problèmes structurels de notre économie. En fait, les enjeux macroéconomiques du ralentissement de la productivité et de la faiblesse du taux d’emploi sont très similaires. Par exemple, si en 2019 le taux d’emploi en France avait atteint celui de l’Allemagne, c’est-à-dire environ 10 points plus élevé, alors le PIB aurait augmenté d’environ 120 à 170 milliards d’euros (selon la méthodologie retenue), soit un effet proche de celui d’une meilleure productivité. Conclusion : il est au moins aussi important de faire accélérer la productivité que d’augmenter le taux d’emploi.
Dégradation en maths
Pourquoi la productivité connaît-elle un tel ralentissement en France ? L’analyse empirique montre que ce n’est pas le fait d’un petit nombre de secteurs d’activité. Tous y contribuent, y compris l’industrie, la construction, le commerce et les services qualifiés. De même, on ne peut pas dire que certaines catégories d’entreprises expliquent la tendance – les TPE-PME, ETI et grandes entreprises y contribuent.
Si tous les secteurs et toutes les entreprises voient leur productivité décrocher, d’où vient alors le problème ? Notre analyse identifie le « capital humain » comme le facteur principal, selon deux aspects : d’une part, de mauvaises compétences mathématiques et sociocomportementales (la capacité à travailler en équipe, à négocier, à gérer des ressources) ; d’autre part, une insuffisante orientation des jeunes vers les métiers d’avenir, notamment les filières scientifiques.
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