« Le Travail pressé » : les affres du « modèle de la hâte »

« Le Travail pressé » : les affres du « modèle de la hâte »

Dans les entreprises horticoles, les chefs de culture ont l’habitude de composer avec différentes temporalités et nombre d’incertitudes. Les fleurs sont périssables, elles peuvent être touchées par des maladies ou être confrontées à un phénomène météorologique exceptionnel… Et puis, depuis une vingtaine d’années, ces professionnels doivent aussi intégrer de nouveaux paramètres, face à une concurrence exacerbée : une « logique produit », avec une qualité attendue variant selon le marché visé, ainsi qu’une « orientation clients » destinée à devancer leurs attentes plurielles.

« Le Travail pressé. Pour une écologie des temps de travail », de Corinne Gaudart et Serge Volkoff. Les Petits Matins, 208 pages, 18 euros.

Les restructurations dans le secteur ont pu, par ailleurs, apporter de nouvelles contraintes, comme une grande réactivité attendue dans la réponse aux commandes. Conséquence : les chefs de culture croulent sous les injonctions et les imprévus et doivent aujourd’hui « résoudre [des] équations impossibles ».

Complexité et contraintes

En portant leur regard sur le secteur horticole comme sur une multitude de mondes professionnels, les ergonomes Corinne Gaudart et Serge Volkoff proposent, à travers Le Travail pressé. Pour une écologie des temps du travail (Les Petits Matins), une étude minutieuse de ce « modèle de la hâte », qui tend à s’imposer dans les entreprises.

Portées par un « productivisme réactif », les organisations intensifient procédés et exigences. La fréquence croissante des changements internes (mutations technologiques, évolution des équipes…) renforce la complexité du travail et les contraintes temporelles. Les salariés le confirment.

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Selon une enquête citée dans cet essai, la proportion de ceux dont le rythme de travail est imposé par « des normes ou délais en une heure au plus » est passée de 5 % à 29 % entre 1984 et 2016 ; ceux dont le rythme dépend d’une « demande extérieure exigeant une réponse immédiate sont passés de 28 % à 58 % ».

Conséquence : nombre de salariés doivent s’adapter, ajuster, tenter de trouver un équilibre face à des injonctions contradictoires (faire « vite et bien »). Dans les activités au contact du public, au guichet d’une caisse de retraite comme lors de la tournée d’une aide à domicile, « l’impératif de se dépêcher tout en prenant son temps est spécialement prégnant ». Des arbitrages sont indispensables, qui peuvent parfois conduire au non-respect de certaines règles de sécurité, quand la pression temporelle est trop forte.

Place aux actions invisibles

Certains peuvent même être faits au détriment de la santé du salarié. Peut s’ajouter à cela la sensation d’accomplir un « travail dégradé », et de voir sa satisfaction face à son métier diminuer. Les auteurs le rappellent : « faire un travail soigné » est un « facteur de santé et d’épanouissement ».

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LJD

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