« Le président “disruptif” Emmanuel Macron a tempéré son libéralisme pour devenir plus colbertiste »

« Le président “disruptif” Emmanuel Macron a tempéré son libéralisme pour devenir plus colbertiste »

Alors qu’il semblait annoncer une politique aux antipodes de l’Etat intervenant à tout va, Emmanuel Macron montre, avec le « pacte productif », qu’il n’a pas oublié l’Etat stratège ni l’Etat pompier, analyse dans sa chronique Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 11h26 Temps de Lecture 4 min.

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Chronique. Bruno Le Maire était arrivé sur le site de General Electric (GE), à Belfort, sous les sifflets de centaines de salariés et d’une poignée de « gilets jaunes ». C’était le 3 juin, peu après l’annonce de la suppression de 792 emplois dans la fabrication des turbines à gaz. Brocardé… et attendu comme le sauveur. « Le gouvernement est le seul à pouvoir nous aider, le seul à pouvoir négocier avec les patrons américains de GE », lançait Philippe Petitcolin, délégué CFE-CGC, au cours d’une assemblée générale chauffée à blanc. Il n’avait pas tort.

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S’il revient sur le site belfortain, le ministre de l’économie et des finances a peu de chances d’être accueilli avec fleurs et hourras, même s’il a fait plus qu’aider à sauver 307 emplois – au prix d’un plan d’économies qui rognera des avantages acquis. Il a décroché un plan B que la direction de GE excluait en obtenant une négociation sur la relance industrielle du site. M. Le Maire a arraché au téléphone, mardi 15 octobre, les ultimes arbitrages au « boss » de GE, Lawrence « Larry » Culp, peu habitué à ce genre d’interventions politiques.

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L’Etat avait de bonnes raisons de jouer le médiateur, et pas seulement parce que les syndicats avaient d’emblée choisi la politique de la chaise vide. Certains députés Les Républicains attendaient Emmanuel Macron au tournant. Secrétaire général adjoint de l’Elysée, puis ministre de l’économie, il avait soutenu le rachat du pôle énergie d’Alstom par le conglomérat américain, avec la promesse de 1 000 créations d’emplois et le maintien d’un centre de décisions à Belfort. Des engagements non tenus par le géant de Boston.

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La Cité du lion vaut aussi son pesant de symboles, avec ses TGV et ses gros équipements électriques qui fournissent la SNCF et EDF. Berceau de l’industrie française au XIXe siècle, elle fait partie de ces lieux de mémoire industrielle où se cristallisent les angoisses d’un déclassement économique et d’un abandon du territoire. Enfin, le gouvernement juge qu’un pays ne peut tenir son rang sans un puissant secteur manufacturier. Tout plaide pour lui : qualifications et salaires plus élevés, dynamisme de la R&D, gains de productivité, aménagement du territoire. Sauf la création d’emplois, devenus l’apanage des services depuis quarante ans.

En quête du « choc de compétitivité »

Les handicaps de l’industrie sont connus : difficultés à recruter, impôts de production sept fois plus élevés qu’en Allemagne (72 milliards d’euros par an), produits moyens de gamme, affaiblissement de filières naguère solides (agroalimentaire, nucléaire…), outil de production vieillissant et surexploité, numérisation et robotisation en retard… La France est toujours à la recherche du « choc de compétitivité » préconisé en 2012 par le rapport Gallois.

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LJD

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