Le monde du livre retient son souffle
Un à un, sans exception, tous les éditeurs annoncent qu’ils suspendent la parution des livres dont la sortie était prévue à partir de fin mars. Tout est reporté sine die depuis l’annonce, dimanche 15 mars, par le gouvernement de la fermeture des commerces « non indispensables », dont les 3 300 librairies de France. Cette paralysie vaut pour tous : les éditeurs et les libraires comme les lecteurs.
Les éditeurs, d’abord. Hachette Livre, Editis ou les éditions Gallimard reportent la parution de l’ensemble des ouvrages programmés au début du printemps, généralement à compter du 26 mars. Albin Michel repousse ainsi la sortie des Mémoires impubliables, de Pierre Péan. Même politique chez Actes Sud, qui commence à reprogrammer en mai ses sorties comme Le Bon, la brute et le renard, de Christian Garcin, Le Petit Polémiste, d’Ilan Duran Cohen, ou Suzuran, d’Aki Shimazaki. Le prochain ouvrage de Mathias Enard, initialement prévu en mai, est décalé à octobre. Et pour la première fois, Actes Sud publiera des ouvrages de littérature générale en juillet. Le groupe de Françoise Nyssen étudie le recours à des mesures de chômage partiel, mais rien n’est encore tranché.
« La situation est catastrophique »
Les gros éditeurs promettent d’accompagner les libraires. Editis a ainsi reporté à juin les échéances de paiement des trois premiers mois de l’année et remboursé immédiatement aux libraires les ouvrages non vendus. Hachette Livre a également décalé les échéances financières des libraires indépendants. Le groupe prépare « un plan d’aide au redémarrage, qui comprendra des mesures d’accompagnement financier pour la reconstitution des stocks, en fonction de la durée de la crise sanitaire ».
Dans les toutes petites structures, l’heure peut se révéler plus grave encore. « La situation est catastrophique », ne cache pas Serge Safran. « Le gouvernement a parlé d’aides, j’en aurai sacrément besoin, même si je n’ai pas de salariés et si je ne suis pas imposable », dit-il. L’éditeur devait sortir Patagonie, un roman de Michèle Teysseyre, le 10 avril, et Ce bel été 1964, de Pierre Filoche, en mai. « Tout est à l’arrêt : le premier est imprimé mais pas livré, quant au second, la tournée en librairie des représentants de mon diffuseur, Les Belles Lettres, est interrompu », explique-t-il. Il regrette en outre que « le Salon du livre et toutes les rencontres dans les librairies aient été annulés ». Serge Safran, qui continue de corriger des épreuves pour un ouvrage annoncé en août, se désole. Il avait projeté de publier un livre en juin, dont il devra reporter la sortie à l’automne. Comble de malchance : « Tout est compromis, son financement était lié à des aides d’une fondation vénitienne », précise-t-il. « Je ne sais pas si je vais faire faillite, je cherche en ce moment un associé et là, tous mes rendez-vous s’annulent ou sont reportés à la saint-glinglin », affirme cet écrivain qui fut, avant de lancer sa maison d’édition, le cofondateur des éditions Zulma.