« Le Management de la vertu. La diversité en entreprise à New York et à Paris » : de la difficulté d’aller au-delà du symbole
Le livre. C’est une fonction récente, qui a émergé dans les organigrammes des grandes entreprises à la fin des années 1980 aux Etats-Unis, au début des années 2000 en France. Le poste de manageur de la diversité a connu dans les deux pays une institutionnalisation rapide au sein des sociétés, « pressées par le droit et la morale de lutter contre les discriminations ». Mais dans le même temps, cette mission qui portait de grandes ambitions (valoriser les différences, attirer les talents, conquérir de nouveaux marchés…) a rapidement montré ses fragilités et ses limites opérationnelles.
La sociologue Laure Bereni a décidé de mener une enquête au long cours sur ces manageurs de la diversité. Elle a rencontré une centaine d’entre eux dans les années 2010, dans les régions d’affaires de New York et de Paris. Son ouvrage, Le Management de la vertu (Les Presses de Sciences Po), se propose de révéler les contradictions de leur fonction, et la complexité de leur « travail d’équilibriste ».
Leur mission principale est des plus délicates : « Travailler la frontière entre le monde de l’entreprise et la société. » Il s’agit de « permettre aux [organisations] d’échapper à l’image d’identités purement économiques fermées sur elles-mêmes et imposer celle d’un monde des affaires encastré dans la société et soucieux du bien commun ». Une tâche « exaltante et malaisée », note l’auteure, dans un contexte où le rapport de l’entreprise au monde extérieur apparaît particulièrement ambivalent. Les sociétés présentent leur programme de diversité comme étant des initiatives volontaristes, proactives. En réalité, elles sont « fortement déterminées par le droit et l’action publique ».
Une « quête permanente de légitimité »
Dans le même temps, les organisations, si elles souhaitent « coopter les enjeux sociaux », déploient moult efforts pour gommer toute trace de politisation de la diversité. « Les manageurs de la diversité ne cessent d’expliquer la diversité à des collègues qui la confondent avec ce qu’elle n’est pas : une politique de promotion des minorités, l’affirmation de valeurs politiques controversées, une question de conformité légale ou encore un enjeu éthique. »
Au-delà, Mme Bereni se penche sur les moyens alloués aux manageurs de la diversité. De toute évidence, ils sont trop faibles. Quand bien même ils le souhaiteraient, ces derniers « n’ont pas les armes pour s’attaquer aux discriminations et inégalités en tout genre qui structurent les organisations ». Les résultats sont donc loin des ambitions.
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