« Le lieu de travail peut être un lieu ressource pour les victimes de violences conjugales »

« Le lieu de travail peut être un lieu ressource pour les victimes de violences conjugales »

Les entreprises ont un rôle à jouer pour atténuer l’impact dans la vie professionnelle des violences faites aux femmes, estime l’économiste Séverine Lemière dans une tribune au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 06h30 Temps de Lecture 4 min.

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Tribune. Si certaines femmes arrivent à séparer les deux sphères et font de leur travail un lieu préservé, pour nombre d’entre elles, subir des violences dans son couple signifie être épuisées physiquement et émotionnellement au travail. Elles ont par exemple du mal à gérer leur charge de travail, s’absentent, peuvent être empêchées d’aller au travail ou être retardées, être suivie sur le chemin ou être attendues à la sortie ; elles sont aussi harcelées au travail par leur conjoint ou ex-conjoint. Ces femmes peuvent par ailleurs être dans l’impossibilité de faire varier leurs horaires et de se déplacer dans le cadre professionnel, limitant alors les possibilités de formation et/ou de promotion.

« C’était quelqu’un de compétent et bien vu dans son métier mais ça s’est dégradé rapidement. On s’est rendu compte d’erreurs, de dossiers mal traités, des oublis car elle n’était pas concentrée sur le dossier. Le boulot pour elle, c’était la bouée pour sortir de son contexte, mais, à un moment donné, c’était tellement violent qu’elle n’en pouvait plus » – propos d’un interlocuteur ressources humaines (RH), ancien manageur. « Sa collègue nous disait qu’elle pleurait à son poste de travail, qu’elle n’était pas en situation de gérer son travail » – propos d’une infirmière du travail. « Elle est arrivée en pleurs au travail et avait peur de l’arrivée de son conjoint, qu’il vienne la frapper » – propos d’un interlocuteur RH, ancien manageur. « Au travail, il lui envoyait tout le temps des messages et appelait son portable, quand on était en entretien pendant une heure et demie, elle recevait 3-4 SMS pour savoir où elle était, pourquoi, à quelle heure elle partait, il programmait son temps » – propos d’une interlocutrice RH, ancienne manageuse.

« Pour 57 % des victimes, les violences sexuelles et/ou physiques dans le couple ont entraîné des perturbations dans leurs études ou leur travail »

Au-delà de ces témoignages [recueillis par l’auteure dans le cadre d’une étude menée au sein d’EDF depuis 2018], les enquêtes statistiques le confirment. Pour 57 % des victimes, les violences sexuelles et/ou physiques dans le couple ont entraîné des perturbations dans leurs études ou leur travail (enquête « cadre de vie et sécurité », 2012-2017). Les femmes ayant subi des violences physiques ou sexuelles sont plus nombreuses à avoir un arrêt de travail (Conseil économique, social et environnemental, 2014). Tout en restant dans leur rôle, certaines entreprises commencent à s’engager et intègrent ce sujet dans leur accord collectif en matière d’égalité professionnelle (PSA, La Poste ou EDF, par exemple).

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LJD

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