« Le futur du travail reste une idée assez décevante »

« Le futur du travail reste une idée assez décevante »

Tribune. Le futur du travail est un thème à la mode. Des séminaires professionnels aux cabinets de conseil en transformation en passant par les événements et médias qui lui sont consacrés, impossible d’échapper au phénomène « future of work ». Pourtant, le futur du travail est resté jusqu’ici une idée assez décevante. Il suffit pour s’en convaincre de penser aux nouvelles injonctions à la créativité, à la mode du « tout collaboratif » ou aux grands récits radicaux mais souvent inopérants du « tout automatisation » ou de la société du loisir et du revenu universel. Les rapports, analyses et travaux prospectifs sur le futur du travail se multiplient sans que l’on puisse y voir clair : serions-nous tous voués à devenir entrepreneurs, oisifs ou augmentés ?

Lire aussi Déménagement, aménagement d’espace : avancées et reculades du « flex office »

En réalité, évidemment, l’avenir reste résolument incertain. Néanmoins, l’impact sera majeur. De la mutation du monde professionnel (plates-formes, « slasheurs », « makers », « bore out », travailleurs non salariés…), aux tendances lourdes et globales (démographie, mondialisation, environnement), en passant par les nouvelles formes d’organisation et, bien sûr, la technologie et l’automatisation, c’est une révolution massive et profonde qui est en cours et qui mettra en jeu l’équilibre même de nos démocraties et le financement de l’Etat providence.

Une compétition anxiogène

Pour l’instant, ces mutations multiples ont surtout tendance à opposer les uns aux autres dans une compétition anxiogène. « Baby-boumeurs contre millennials », « salariés contre entrepreneurs », « fin du mois contre fin du monde », « hommes contre femmes », « robots contre humains »… Pourtant, l’Organisation internationale du travail le disait déjà il y a cent ans, dans le préambule de sa constitution, « une paix durable et universelle ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ». L’urgence est donc de ne pas se résigner, ni de subir, mais d’agir, d’expérimenter et se donner les moyens de construire le monde du travail que nous voulons pour demain.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le travail ne disparaîtra pas à cause de l’intelligence artificielle »

A titre d’exemple, deux oppositions actuelles sont appréhendées comme des tensions dont les polarités sont à (ré) concilier.

L’opposition stérile entre l’individu et le collectif, d’une part. L’époque où l’on travaillait à des horaires homogènes, au sein d’un collectif de travail unique, sur un site de travail bien identifié est révolue. Entre l’éclatement des lieux de travail, l’individualisation des horaires ou encore les nouveaux modes d’organisation donnant plus de place à l’authenticité et la prise d’initiative individuelle, l’hétérogénéité est devenue la norme. En réalité, loin d’asseoir la primauté de l’individu, la personnalisation renforce la nécessité du collectif : il est plus que jamais indispensable de partager un projet commun, et avant cela, le définir, le partager, le faire vivre. Pour y parvenir, le chemin semble se trouver dans la recherche de systèmes de gouvernance (de parole, de régulation) renouvelés.

Connecter le travail et l’environnement pour s’inscrire dans le futur durable, d’autre part. Travail et environnement ne sont souvent pas liés. Sauf parfois quand il s’agit de mettre en avant la préservation des emplois face à certains choix écologiques. Des réfugiés climatiques, au manifeste des étudiants pour un réveil écologique en passant par les risques du stress thermique en termes de productivité, les questions environnementales affectent pourtant directement celles du travail.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Droit à la déconnexion : « Il faut réfléchir à une nouvelle organisation du travail »

Il importe de ne pas se contenter d’intentions en termes d’externalités mais de se lancer dans la tâche – sans doute longue et besogneuse – visant à comprendre comment chaque geste, chaque action de travail doit et peut permettre de transformer réellement l’impact d’une organisation. Et ainsi faire entrer ces discussions dans l’entreprise, permettant également de voir émerger des pistes et solutions par les salariés eux-mêmes, tout en accordant enfin une place plus importante au sujet de la transition écologique dans le dialogue social.

Le futur est incertain mais il n’est pas figé. Alors qui travaillera demain ? Pour ne pas subir la réponse à cette question, il importe de créer dès aujourd’hui les méthodes, les projets et les formations qui permettront à chacun de développer une réelle capacité à se saisir et à agir sur son environnement, ses pratiques de travail en commun, pour inventer et décider de son futur du travail souhaitable.

Une conférence en trois temps

Le Monde et Courrier international organisent, en partenariat avec Thecamp, la conférence « Qui travaillera demain ? », le 6 février, de 17 heures à 20 h 30, à La Gaîté-Lyrique, Paris 3e.

Les mutations technologiques et sociétales du monde du travail en cours sont multiples, et elles ont tendance à opposer humains et robots, femmes et hommes, salariés et entrepreneurs, Nord et Sud. Pourtant, il est fondamental que chacun trouve sa place.

Lire l’éditorial du dossier : « Qui travaillera demain ? », une conférence du Monde, le 6 février, à Paris

La soirée s’articule notamment autour de trois thèmes, et des intervenants de l’événement se sont exprimés :

L’intelligence artificielle ou les humains ?

Lire les quatre tribunes : « Qui travaillera demain ? » Les robots ou les humains ?

Les jeunes ou les seniors ?

Lire l’entretien : « Au Japon, les jeunes n’arriveront pas à prendre la relève »
Lire les trois tribunes : « Qui travaillera demain ? » Les jeunes ou les seniors ?

Les coopérateurs ou les compétiteurs ?

Lire l’entretien : « L’économie de la confiance se développe »
Lire les trois tribunes : « Qui travaillera demain ? » Les coopérateurs ou les compétiteurs ?

Voir le programme et s’inscrire

Olivier Mathiot est président du campus pour l’innovation Thecamp

Ingrid Kandelman est responsable de l’exploration « Futur(s) du travail » de Thecamp

Cette tribune est réalisée dans le cadre d’un partenariat entre « Le Monde », Thecamp et « Courrier international » à l’occasion de la conférence « Qui travaillera demain ? » à la Gaîté-Lyrique, à Paris, le 6 février.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.