« Le droit de travailler est le seul droit fondamental pour lequel il existe autant d’inégalités entre les nationaux et les étrangers »
Le projet de loi « pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration », dont l’examen par l’Assemblée nationale a été reporté par le gouvernement, comportait plusieurs mesures pour favoriser le travail des étrangers : un élargissement de la liste des métiers en tension qui permet aux employeurs d’échapper aux lourdes démarches de la demande d’autorisation préalable pour l’embauche d’un étranger, la simplification de la régularisation des travailleurs en situation irrégulière dans des filières en tension, et la possibilité de travailler dans un métier en tension seulement pour les demandeurs d’asile qui n’ont pas encore reçu le statut de réfugié.
Ces avancées seraient salutaires, voire relèveraient du bon sens, mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Le constat est partagé par tous : le travail est le meilleur facteur d’intégration qui soit. Il permet de sortir de sa communauté, à laquelle on échappe difficilement en France à cause de la centralisation du traitement des demandes d’asile à Paris au détriment de la mixité sociale et d’une répartition équitable de l’effort d’accueil sur le territoire. Il permet de sortir de son indépendance vis-à-vis de la solidarité nationale, fluctuante. Il permet de se trouver au contact de notre langue et de nos mœurs. Il donne enfin à l’immigré un intérêt à persévérer dans l’effort d’intégration dans son pays d’accueil, puisqu’il s’agit de préserver un revenu et une vie plus stables.
Dès lors, pourquoi ne pas permettre à tous les étrangers de travailler et d’entreprendre librement ? De mener dignement cette aventure qui les a conduits si loin de chez eux, jamais par loisir ? Pourquoi ne pas faire de l’intégration économique le principal motif de régularisation et d’accueil des étrangers ? Si notre devoir d’humanité nous ordonne de protéger les réfugiés politiques, celui qui trouve sa place dans notre marché du travail n’a-t-il pas de facto gagné sa place en France en passant de la stigmatisante accusation d’être une « charge pour la société » à la reconnaissance d’en être une « force vive » ? La sortie de la clandestinité profiterait également aux autorités publiques : par définition, on ne connaît pas les clandestins sur notre sol.
Répartir l’effort
Permettre à un demandeur d’asile de travailler est louable. Mais les chefs d’entreprise d’une filière en tension ont besoin de prévisibilité. Ils seront peu à prendre le risque de l’employer et de le former s’il peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en cas de rejet de sa demande. Un employé étranger qui, après épuisement des recours, n’a pas obtenu son statut de réfugié mais a contribué pendant deux ans à notre vie économique, ne mériterait-il pas de rester en France ? Plutôt qu’une solution bancale, pourquoi ne pas permettre aux personnes ayant réussi leur intégration économique de rester, même si elles n’ont pas obtenu le statut de réfugié ?
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