Le droit de retrait s’applique-t-il à tous les salariés ?
Mardi 17 mars, des facteurs inquiets de se retrouver en première ligne face au coronavirus ont fait valoir leur droit de retrait, estimant que La Poste ne leur avait pas fourni de protections adéquates face à la pandémie de Covid-19. Chez Amazon, des employés veulent exercer leur droit de retrait, afin de protester contre des conditions de sécurité jugées insuffisantes.
Sur le site de la boulangerie industrielle Neuhauser à Folschviller, en Moselle, l’hospitalisation d’un employé a incité des salariés de l’usine à exercer leur droit de retrait, rapporte Le Républicain Lorrain. Des conducteurs de bus de Châlons-en-Champagne l’ont aussi mobilisé afin d’inciter leur employeur à mettre en place des mesures de protection plus strictes, signale France 3 régions.
Aux quatre coins de la France, des salariés soucieux de leur santé face à la pandémie n’hésitent plus à revendiquer leur droit de retrait. L’article L4131 du code du travail précise en effet que le salarié « peut se retirer » d’une situation, « dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ». Sans manquer, toutefois, d’en informer son employeur au préalable.
Utilisation abusive
Face au risque de mise en péril de l’activité – notamment dans les domaines cruciaux comme la distribution, la santé… –, l’éventualité d’un recours massif au droit au retrait suscite des inquiétudes. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a appelé le 18 mars sur BFM Business les salariés des secteurs essentiels « à se rendre sur leurs lieux de travail », en prenant leurs précautions, pour garantir la « sécurité économique du pays ».
Dans quelle mesure les salariés en contact direct avec le public et dépourvus de masques ou de gants, ou bien à qui l’employeur refuse le télétravail, peuvent-ils exercer ce droit ? Les membres du gouvernement n’ont pas manqué de multiplier les mises en garde contre son utilisation abusive. Sur Cnews, la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne, a déclaré le 3 mars que « le droit de retrait n’est pas fondé à ce stade ». Plus récemment, le 16 mars, le secrétaire d’Etat, Olivier Dussopt, a affirmé que le droit de retrait « ne saurait prendre le dessus sur la nécessité des services publics ».
Une chose est sûre : la crainte du coronavirus ne peut justifier à elle seule l’exercice du droit de retrait. Le question/réponse élaboré par le ministère du travail, actualisé le 17 mars, précise que « si l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales […] qu’il a informé et préparé son personnel […], le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s’exercer ». Quelle que soit l’activité de l’entreprise, « le coronavirus en tant que tel n’est pas un motif légitime du droit de retrait, confirme Me Cédric Jacquelet, associé du département de droit social du cabinet Proskauer. Celui-ci doit avoir un lien avec les conditions exercice du salarié ».