Le « design fiction » pour améliorer la santé au travail d’ici à 2040
« J’adore les chantiers (…). Dire que j’ai failli abandonner ce métier à cause des problèmes physiques qu’il m’a causé… Depuis que j’ai rejoint Co-peint, je peux me reposer sur des “cobots” [robot amené à collaborer directement avec un salarié] de dernière génération pour réaliser les tâches les plus difficiles », raconte dans une vidéo Guillaume, 63 ans, peintre en bâtiment et pilote de cobots à Strasbourg en 2040.
Guillaume, qui a trouvé l’entreprise idéale pour continuer son métier dans des conditions compatibles avec son âge, est en fait un pur produit de l’intelligence artificielle créé par Marc Malenfer du département veille et prospective de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et Pierre-Antoine Marti, directeur d’études au cabinet Futuribles international, pour aider les acteurs de la prévention (médecine du travail, ressources humaines, représentants de salariés) à se projeter à cet horizon. Leur travail, réalisé pour l’analyse prospective annuelle de l’INRS « Le travail en 2040 », a été présenté le 20 novembre à Paris.
« La consolidation du pilotage et de la gouvernance de la prévention des risques professionnels et de la santé au travail est un enjeu majeur des prochaines années », affirmait le plan gouvernemental santé au travail 2021-2025. Le duo a donc construit une dizaine de portraits sur la base des tendances identifiées par un groupe pluridisciplinaire de chercheurs pilotés par l’INRS pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Leur analyse prospective dessine deux grandes évolutions du pilotage des organisations : la « plateformisation » portée par une gestion algorithmique et, en réaction, le développement de modèles coopératifs. L’entreprise de bâtiments et travaux publics Co-peint, aussi fictive que Guillaume, a ainsi été créée sur la base du constat d’une probable exploitation injuste des travailleurs du bâtiment par les plates-formes spécialisées, et des difficultés des indépendants à accéder aux cobots de qualité.
« Notre modèle permet à certains peintres d’éviter la désinsertion professionnelle en fin de carrière » : ainsi se présente, dans le rapport de l’INRS, la société fictive Co-peint, qui, grâce à son statut de coopérative d’activité et d’emploi, permet à ses travailleurs indépendants de profiter d’une caisse sociale commune et d’être copropriétaires des cobots.
La mise en récit à travers des portraits imaginaires, le « design fiction », de l’INRS reproduit et prolonge les dynamiques actuellement à l’œuvre dans le monde du travail qui ont un impact sur le quotidien des salariés : l’automatisation, le vieillissement, la diversification des statuts d’emploi, l’usage des outils de communication… De quoi dépassionner le débat sur les destructions massives d’emplois que beaucoup prédisent et interroger des pistes d’avenir.