Le défi d’impôt à la source pour les entreprises
Roger Rozencwajg/Photononstop
Si les grandes sociétés se montrent tranquilles face à ce bouleversement, les PME n’ont pas forcément anticipé. D’autant que des questions, comme la confidentialité des revenus, subsistent.
Voté en fin du mondat Hollande pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2018, retardé au 1er janvier 2019 avant d’être menacé de suspension à l’automne 2018, le prélèvement à la source fait finalement son entrée dans l’entreprise en ce début d’année. Seuls les salariés des particuliers-employeurs ont obtenu un délai de grâce jusqu’en 2020. Comment, dans un contexte social tendu, les entreprises en assurent-elles le lancement, elles qui ne voulaient pas jouer « le rôle de percepteur », comme le déclarait encore en septembre 2018 le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux ?
A la Brasserie Mollard, un établissement parisien situé près de la gare Saint-Lazare, il a fallu « aller à la pêche aux infos », paramétrer les logiciels de paie, voir les syndicats professionnels, rassurer, surtout, les salariés… Au final, la bascule s’est faite sans pertes ni fracas. Les quelque cinquante personnes qui travaillent dans le restaurant ont reçu leur fiche de salaire amputée de l’impôt sur le revenu le 5 janvier. « Pas une n’est venue me voir pour des réclamations », se déclare le patron, Stéphane Malchow.
Une assistance pour Bercy, qui, dès le 5 janvier, se félicitait d’un bilan positif : « Le lancement s’est fait sans heurt technique (…). Depuis le 2 janvier, 290 500 usagers ont été reçus aux guichets des services des impôts et les appels sur le numéro gratuit ont diminué », indiquait un communiqué de la direction des finances publiques (DGFiP).
Un bilan nuancé pour les intérimaires
De fait, les DRH à la manœuvre dans les grandes entreprises sont plutôt tranquilles, même s’ils s’attendent à quelques tensions à l’automne. « Les grandes entreprises se sont bien préparées, mais elles appréhendent un peu l’actualisation des taux qui sera appliquée en septembre à partir des prochaines déclarations d’impôt d’avril [sur les revenus 2018] », remarque Frédéric Guzy, directeur général d’Entreprise & Personnel, une chaîne d’une centaine de grandes et très grandes entreprises.
« Dans les petites structures, les dirigeants n’ont ni le temps ni la culture d’échanger sur ces thématiques-là »
Les PME, elles, n’ont pas toutes prévu comme la Brasserie Mollard, qui a mis en place dès l’automne 2018 des simulations pour donner une idée aux salariés des montants qui figureraient sur leurs feuilles de rétribution. « Dans les petites entreprises, où il n’y a pas de service de ressources humaines, ça va être compliqué, témoigne Anthony Contat, DRH à temps partagé entre une PME de 35 collaborateurs et une structure associative de 350 salariés. Elles ont trop attendu, il n’y a pas eu de phase de préfiguration et la paie est externalisée chez l’expert-comptable. J’ai eu les premières questions cette semaine : les salariés se demandent à quoi va ressembler leur bulletin de salaire le 31 janvier. Ce sont les experts-comptables de ces entreprises qui vont se retrouver en première ligne. Dans les petites structures, les dirigeants n’ont ni le temps ni la culture d’échanger sur ces thématiques-là. »