Laurent Escure : « A la SNCF et à la RATP, des avancées sur la réforme des retraites sont sur la table »
Pour Laurent Escure, secrétaire général de l’UNSA, premier syndicat à la RATP et très présent à la SNCF et dans l’enseignement, les propositions sont sur la table. Au gouvernement de décider.
Comment en est-on arrivé là ?
Je l’ai dit au premier ministre : le gouvernement aurait pu éviter le mur du 5 décembre et la crise sociale qui s’enkyste depuis quinze jours. Tout ce qui est aujourd’hui sur la table pour tenter de sortir du conflit a été porté depuis l’origine par les syndicats réformistes : la prise en compte de la pénibilité, l’aménagement des fins de carrière, le relèvement du minimum contributif qui doit être supérieur à 1 000 euros pour ceux qui ont travaillé toute leur vie, le renforcement des garanties sectorielles. Edouard Philippe aurait dû nous écouter. Dès l’origine, nous avons marqué notre refus de l’âge pivot qui n’a rien à voir avec la transformation du système de retraite. C’est une mesure paramétrique qui va conduire à faire travailler plus longtemps les futurs retraités, y compris ceux qui n’étaient pas concernés par la réforme. Ce n’est pas acceptable.
Une trêve est-elle possible ?
Je vais être précis. Si ce sujet du paramétrique ne bouge pas, nous lancerons des actions en janvier. Pour ce qui est de la SNCF et de la RATP, un certain nombre d’avancées que nous demandions pour faire respecter le contrat social sont sur la table. Les modalités de calcul pour l’entrée dans le nouveau système pourraient être un peu plus favorables que ce qui était prévu. Il faut à présent que les directions de ces deux entreprises convainquent non seulement les cadres syndicaux, mais aussi les personnels de terrain que ces avancées leur seront profitables.
Craignez-vous que les syndicats soient débordés par leur base ?
La radicalité, qui a émergé lors du mouvement des « gilets jaunes » s’exprime également dans les syndicats. La CGT a lancé des actions comme les coupures d’électricité que je condamne fermement. On ne peut pas plaider pour la valorisation du dialogue social et la démocratie sociale et en même temps ne pas respecter les principes élémentaires de la démocratie. Cette radicalité crée un effet d’entraînement sur des gens qui n’ont pas besoin d’être beaucoup poussés. Au 15e jour de grève, ils se disent : « J’ai perdu cela. Qu’est-ce que j’ai en face ? »
Pourquoi l’âge pivot constitue-t-il pour vous un tel casus belli ?
En soi, la réforme des retraites est un dossier très anxiogène. Si vous y ajoutez en plus des contraintes financières…
On peut retourner le raisonnement : n’est-ce pas anxiogène d’entrer dans le nouveau système sans se soucier de savoir s’il est ou non équilibré ?
Bien sûr qu’il faut viser l’équilibre si nous voulons préserver la répartition mais nous refusons la méthode du gouvernement qui consiste à nous tendre la main puis à nous tordre le bras.
L’espérance de vie a sensiblement augmenté au cours des trente dernières années. Cela ne plaide-t-il pas pour un allongement de la durée de la vie active ?
En réalité, l’espérance de vie stagne ces dernières années et l’espérance de vie en bonne santé diminue. Par ailleurs, 40 % des personnes qui liquident la retraite à 63,3 ans ou bientôt à 63,5 ans, sont au chômage depuis deux ou trois ans, parfois sans indemnité. Elles n’ont pas manifesté la volonté de travailler plus. Elles ont attendu un peu dans l’espoir d’avoir une retraite correcte.
Qu’est-ce que ce conflit dit du climat social ?
La société française est à la fois tendue et profondément fracturée. Cela interroge le syndicalisme. Notre défi est de parler aux 30 %, 40 % de travailleurs éloignés de la vie démocratique, syndicale et sociale. Nous voulons leur être utiles. Il ne peut y avoir une classe moyenne ou une classe moyenne supérieure qui profitent de la situation et le reste des Français qui se sentent dépassés par les transitions écologiques et technologiques.
Un nœud de la crise actuelle concerne la difficulté à avoir confiance dans la parole publique. Les alternatives politiques crédibles au gouvernement n’apparaissent pas. Celui-ci en bénéficie mais c’est un jeu dangereux car nul ne sait à qui profite toute cette colère sociale.