« L’assurance-chômage est une ressource budgétaire trop précieuse pour être supprimée »
Vouloir réformer l’assurance-chômage est toujours un exercice difficile. Tailler dans les droits se révèle en revanche une tâche beaucoup plus facile à justifier avec quelques fausses évidences, et toujours payante. Mais pourquoi, dans ces conditions, ne pas aller au bout de cette « logique » et supprimer l’assurance-chômage : le plein-emploi ne serait-il pas atteint plus vite ?
Pour le moment, il n’y a pas de refonte générale du système, mais plutôt une politique de grignotage des droits qui concerne les modalités d’indemnisation des seniors. Le ministre de l’économie veut en effet réduire à dix-huit mois la durée potentielle d’indemnisation des seniors, soit une coupe de 30 % qui s’ajouterait à la baisse de 25 % décidée il y a moins d’un an. Peu importe que 40 % des allocataires de l’assurance-chômage aient moins de 35 ans, et 85 % moins de 55 ans.
Considéré comme trop généreux par Bercy, le régime d’assurance-chômage est rendu responsable du faible taux d’emploi des seniors. Las ! c’est prendre le problème par le mauvais bout. Aujourd’hui, les seniors sont victimes d’une double discrimination, à l’emploi et à l’embauche. Si les seniors conservaient leur emploi, ou en retrouvaient un facilement, ou bien si, licenciés, ils recevaient des offres d’emploi « raisonnables », ils n’utiliseraient pas ou pas longtemps leurs droits à l’assurance-chômage, et n’auraient pas parmi tous les chômeurs la plus faible probabilité de retour à l’emploi. Or, bien que ces discriminations soient clairement établies, aucune politique publique n’est mise en œuvre pour les combattre.
Une épargne de précaution
Il faut ensuite rappeler que l’assurance-chômage est une épargne de précaution. Mutualisée, elle est très redistributive et très efficace économiquement, pour les individus et les entreprises. Comme les autres chômeurs, les seniors n’y sont éligibles qu’après avoir cotisé et perdu involontairement leur emploi. Le risque de chômage est à la fois pour eux moins fréquent mais plus grave, car bien souvent sans rémission. Ses conséquences sont d’autant plus sensibles que les seniors ont en général contribué pendant de nombreuses années, donc payé cher cette assurance.
A 60 ans, un senior qui n’a jamais connu le chômage a contribué environ quarante ans, donc environ quarante mois de salaire net, soit l’équivalent de plus de soixante mois d’allocations. Réduire les droits potentiels à dix-huit mois, moins 50 % en un an, revient à taxer de 50 % l’épargne de précaution des chômeurs : qui oserait un tel impôt sur les Livrets d’épargne populaire (LEP) ou les Livrets A sous prétexte d’incitation à l’emploi ? La logique n’est pourtant pas différente.
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