L’argot de bureau : pour être force de proposition, il faut soigner ses « propales »

L’argot de bureau : pour être force de proposition, il faut soigner ses « propales »

« A l’aise à l’oral, vous aimez convaincre. Rigoureux et doté d’un excellent relationnel, vous n’hésitez pas à faire preuve d’agilité et à être force de proposition. » C’est un poncif des offres d’emploi à rallonge : en ces temps où tant de manageurs s’inquiètent du désengagement de leurs équipes, le salarié force de proposition est visiblement un cadeau du ciel. Plein d’idées, c’est quelqu’un sur qui l’on peut se reposer.

Concrètement, c’est quelqu’un de réactif, qui sait par exemple s’adapter aux demandes de ses clients, et s’affirmer devant un groupe. Une personne force de proposition sait indéniablement produire de bonnes « propales », dit-on dans le domaine du commerce : cet étrange mot-valise signifie proposition commerciale.

« Le nom propale n’est pas la création de quelque poète qui aurait cherché une rime à opale. C’est le résultat, dans le jargon de la mercatique, de l’apocope sévère du nom proposition, réduit à prop-, et de l’aphérèse non moins sévère de l’adjectif commerciale, réduit à -ale, apprend-on en toute justesse sur le site de l’Académie Française. Qui de mieux qu’elle pour détricoter avec acidité notre propale ? Ensuite, comme le docteur Frankenstein du roman de Mary Shelley avait créé un être vivant à partir de chairs mortes, on a donné vie à cette propale, née des dépouilles cousues de proposition et de commerciale. »

Cultiver un certain entre-soi

Comme toute abréviation (citons la « réu » pour réunion) ou mot-valise qui claque, destinée à un parcours brillant, la propale est devenue plus grande que son berceau. Petit à petit, elle a su congédier le « commercial » pour devenir, dans quelques univers branchés (le conseil ou les start-up, par exemple), le simple synonyme de « proposition ». Court, chantant (même s’il est difficile de prononcer « propale » cinq ou six fois de suite sans risquer un claquage aux zygomatiques), ce mot presque familier sied parfaitement aux entreprises qui se considèrent comme de grandes familles.

En octobre 2022, alors que le Sénat examinait la proposition de loi visant à encadrer les prestations de conseil auprès du gouvernement, le sénateur PS Mickaël Vallet a d’ailleurs enjoint aux cabinets, comme le propose l’article 7 de cette loi, d’« employer la langue française » dans leurs échanges avec les administrations : « J’aurais pu dire, pour me faire mieux comprendre de l’écosystème qui nous occupe, que j’ai fait partie du board de la commission qui a mesuré behind the scene, comment slide après slide les consultants d’un même practice font des propales pour offrir les bons feedbacks et les keylearnings aux prospects publics ».

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LJD

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