L’argot de bureau : les « tracances », fausses vacances, vrais tracas
Cet été, faites-vous plaisir : découvrez le pare-soleil déployable en un instant pour « mieux voir son écran dehors et se protéger du soleil ». Mais oui, enfin, quoi de mieux qu’installer son bureau sur une plage en plein soleil, sur un sol instable ? Il fallait y penser. Ce matériel séduira peut-être les adeptes des « tracances », ce mot-valise à cheval entre travail et vacances.
Ce néologisme irritant a été propulsé sur le devant de la scène médiatique à l’été 2022 : des reportages bien scénarisés mettaient en avant des cadres emportant partout leur ordinateur, dans de splendides villas du sud de la France. Le tout est accompagné par une voix off s’exclamant (lire ce message en essayant d’imiter cette voix télévisuelle) : « C’est une nouvelle tendance : au bureau… Et en vacances. Muriel, 52 ans, l’a bien compris, et a tout de suite été conquise ! »
Le site Arrêt sur images précise que ce flot est dû à la propagation d’un sondage trompeur de Buzzpress, une agence de relations presse et de conseils en communication, pour Génie des Lieux, une société de conseil en aménagement des espaces de travail… Si le mot tracances tire son origine de la presse québécoise, vous pourrez lui préférer ses équivalents anglo-saxons : « workation » (« work » et « vacation ») ou « bleisure » (« business » et « leisure »).
Cette « tendance » marque une nouvelle extension du travail hybride, et une nouvelle forme de brouillage entre vie professionnelle et vie privée : des entreprises américaines telles que Google ou Mastercard généralisent ainsi des semaines « work from anywhere » (travail depuis n’importe où) : à raison de deux à quatre par an, elles permettent aux salariés de « voyager » librement, notamment pour visiter des proches.
Fausse mode agaçante
A ce propos, personne n’est réellement capable de dire si le mot tracances désigne du temps de travail sur un lieu usuellement dévolu aux vacances ou des vacances durant lesquelles on travaille de manière parcellaire – sans compensation pour cela, ce que n’autorise pas le code du travail.
Le cas le plus fréquent semble être une troisième voie : le temps des tracances est du télétravail pur et simple – c’est important de le rappeler –, mais qui permet de rester quelques jours de plus en « vacances » : 31 % des employés de bureau français prévoient ainsi de prolonger leur séjour sur leur lieu de vacances cet été, dit plus précisément une nouvelle étude réalisée en mars par l’International Workplace Group auprès de 2 108 personnes. Les tracances seraient donc un sas, pas tout à fait étanche, entre le travail au bureau et les vacances totales.
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