L’argot de bureau : le « shadow comex », parole aux jeunes (mais pas trop)

L’argot de bureau : le « shadow comex », parole aux jeunes (mais pas trop)

L’Argot de bureau.

Imaginez un monde où un concours d’éloquence étudiant remplace l’élection présidentielle, où les parodies « jeunes » des Nations unies remplacent la véritable organisation internationale, où l’âge moyen des membres de l’Académie française est radicalement divisé par quatre, et où les meilleures équipes sportives laissent la place à la réserve de leurs centres de formation. Et si l’on donnait subitement aux jeunes le pouvoir dont ils hériteront (peut-être) dans vingt ou trente ans seulement ?

Dans les entreprises, de telles réunions existent, sans toutefois être vouées à remplacer les cadres décisionnaires : ce sont les « shadow comex » (ou « shadow codir », selon les cas). Comme leur nom l’indique, ces groupes de personnes agissent dans l’ombre des comités exécutifs ou de direction.

Leur fonctionnement s’inspire directement des « shadow cabinets » que les partis d’opposition britanniques ont l’habitude de créer avec leurs députés pour copier-coller un gouvernement, et où chaque membre observe en miroir l’action du véritable ministre, pour mieux le critiquer. En entreprise, c’est peu ou prou la même chose, à la différence que l’âge fait foi pour entrer : les membres du shadow comex ont moins de 30 ou 35 ans, dans la plupart des cas.

La pratique a émergé à partir de 2015, dans le cadre d’une avalanche de communications des entités souhaitant se montrer à l’écoute des millennials : Pernod Ricard, Havas, Adecco, Banque de France… Et particulièrement AccorHotels, qui a beaucoup mis en lumière son comité… pourtant censé rester dans l’ombre : il était alors constitué de treize cadres de moins de 35 ans, de sept nationalités et de métiers différents, pour introduire un nouveau souffle face au constat que les innovations dans l’hôtellerie (Booking, Airbnb) étaient le fait de jeunes.

Un statut cosmétique

Ce format − au nom digne d’un groupe de punk londonien des années 1980 − vise à impliquer les moins expérimentés dans les décisions des entreprises, en leur offrant une tribune. Il s’agit aussi de dépoussiérer l’image qu’ils pourraient se faire de la direction d’une entreprise, réputée froide, exclusivement masculine et de plus de 50 ans.

Ce comité de l’ombre doit porter des fruits grâce à sa fonction consultative. Questionné sur le même ordre du jour que le vrai « comex », il est invité à remettre en question sincèrement les orientations stratégiques. A ce propos, Engie Ineo a justement baptisé « comité challenger » le sien, en 2015. De l’ombre vient la lumière : on attend aussi de ce comité une fonction de laboratoire à idées, très souvent sur les sujets numériques, pour s’adapter à l’évolution des outils et des usages. « Tenez, vous qui êtes jeunes, qui s’y connaît en “TicTac”, pour que l’on puisse investir ce terrain ? Ma fille est accro… »

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LJD

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