L’argot de bureau : le « greenhushing », le silencieux contraire du « greenwashing »
Parfois, il vaut mieux se taire. Demandez au fabricant d’engrais chimiques Yara, récipiendaire du prix Pinocchio 2020 de l’association Les Amis de la Terre : cette entreprise, qui promeut « une agriculture intelligente pour le climat », affirmait dans une vidéo promotionnelle que « les engrais minéraux ont sauvé plus de vies que n’importe quelle invention au monde ». Ceci est un exemple (à ne pas reproduire chez vous) de « greenwashing », une stratégie de communication qui utilise des arguments écologiques trompeurs pour embellir son image auprès du public.
Moins connu, le « greenhushing », mis en évidence par certains cabinets de conseil en transition écologique, est un cousin du « greenwashing » : à l’inverse de ce dernier, il propose de taire totalement les engagements environnementaux d’une entreprise. On peut le traduire par « écosilence » ou « mutisme vert ».
Mais pourquoi donc cacher ses efforts, alors que l’on peut capitaliser dessus ? Réponse optimiste : pour prouver que son engagement est sincère et ne pas passer pour un opportuniste.
La peur des médias ou des écologistes
L’arnaque pointe le bout de son nez : en réalité, le silence signifie qu’il n’y a pas vraiment d’efforts de faits, ou qu’ils sont largement insuffisants. Le véritable opportunisme consisterait donc… à ne pas parler, pour ne pas être critiqué pour ce que l’on dit ou fait pour la planète.
Le « greenhushing » trouve d’ailleurs sa source dans la peur d’être scruté par les médias ou les écologistes. Les entreprises feraient ainsi une interprétation très personnelle de cette formule de Diderot (Pensées sur l’interprétation de la nature, 1754) : « Ne vaut-il pas mieux se concilier la confiance des autres, par la sincérité d’un “je n’en sais rien”, que de balbutier des mots, et se faire pitié à soi-même, en s’efforçant de tout expliquer ? »
La preuve avec une analyse de la Commission européenne, menée en 2020 sur cent cinquante allégations figurant sur des publicités ou emballages, et mentionnant des expressions comme « zéro carbone » ou « empreinte climatique réduite » : plus de la moitié de ces affirmations contenaient « des informations vagues, trompeuses ou non étayées » et 40 % étaient dénuées de tout fondement.
La Commission souhaite ainsi contraindre les entreprises à se conformer à une série d’exigences, notamment scientifiques, lorsqu’elles souhaitent vanter leurs actions « vertes ». Le but n’étant pas forcément qu’elles se taisent, car les conséquences de ce silence pourraient être encore pires que des messages qui exagèrent de réels efforts.
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