L’argot de bureau : le « benchmark » a fait du plagiat un outil de stratégie d’entreprise
Gad Elmaleh dit rendre hommage à l’humoriste Jerry Seinfeld lorsqu’il reprend nombre de ses blagues dans ses sketchs, Pierre-Frédéric, élève de CM2, aime beaucoup s’« inspirer » du devoir de mathématiques de son voisin, quant à Michel de la compta, il est aussi réputé pour reprendre en réunion une phrase brillante lancée par un autre à la machine à café. Tous trois sont des experts du benchmark.
C’est la géométrie qui a donné naissance à ce mot étrange : les benchmarks étaient à l’origine de petites marques sur les structures en pierre, des repères. En anglais, un benchmark, c’est une référence, un point de comparaison, et le benchmarking consiste donc à comparer son entreprise à un concurrent sur des points précis.
La technique du benchmark est née au début des années 1980 : le fabricant d’imprimantes américain Xerox était dans l’impasse, alors que ses concurrents japonais arrivaient à produire pour bien moins cher. L’issue était pourtant à portée de main : et si nous allions au Japon pour observer leurs petits secrets, et les rapatrier aux Etats-Unis ?
Un outil de prospective
Le benchmark est le résultat d’une analyse pour voir ce qui marche, et surtout ce qui cloche : sur un aspect particulier de son activité, on part à la pêche aux bonnes idées parmi les gros poissons du marché. Dans le secteur de la téléphonie, Orange est réputé pour développer des axes de progression grâce au benchmarking, en ayant par exemple étudié le portail Internet et le service après-vente de Bouygues Telecom ou SFR.
Darty a lancé en 2009 en France le désormais célèbre « click and collect » : force est de constater que cela fonctionne. Et si moi, libraire, je créais mon propre service « commande et cueillette » ? En jouant sur les mots et la manière de reprendre une innovation, on peut alors se l’approprier et l’adapter à son entreprise.
On ne parlera donc pas de vol, mais d’inspiration, d’un outil de prospective. En français, on pourrait traduire le benchmark par un « étalonnage concurrentiel », une « inspiration stratégique » ou une « analyse comparative ».
Une nouvelle politique du chiffre ?
Le benchmark, évolutif, nécessite de toujours garder un œil ouvert sur ce qui se fait ailleurs : il y aura toujours un concurrent qui proposera quelque chose de plus, quelque chose de mieux… Il ouvre la porte à une amélioration perpétuelle de la productivité et est devenu, au fil des ans, un pilier de la stratégie d’une entreprise.
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